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28/11/2019 | FRANCE | N°19BX00019

France | France, Cour administrative d'appel de Bordeaux, 7ème chambre (formation à 3), 28 novembre 2019, 19BX00019


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. E... a demandé au tribunal administratif de Mayotte d'annuler l'arrêté du 16 août 2018 par lequel le préfet de Mayotte a rejeté sa demande de titre de séjour, l'a obligé à quitter le territoire français dans un délai d'un mois et a fixé l'Union des Comores comme pays de renvoi.

Par une ordonnance n° 1801249 du 19 novembre 2018, le vice-président du tribunal administratif de Mayotte a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 10 janvier

2019 et régularisée le 25 janvier suivant et des pièces complémentaires enregistrées le 16 août 20...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. E... a demandé au tribunal administratif de Mayotte d'annuler l'arrêté du 16 août 2018 par lequel le préfet de Mayotte a rejeté sa demande de titre de séjour, l'a obligé à quitter le territoire français dans un délai d'un mois et a fixé l'Union des Comores comme pays de renvoi.

Par une ordonnance n° 1801249 du 19 novembre 2018, le vice-président du tribunal administratif de Mayotte a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 10 janvier 2019 et régularisée le 25 janvier suivant et des pièces complémentaires enregistrées le 16 août 2019, M. C..., représenté par Me A..., demande à la cour, dans le dernier état de ses écritures :

1°) d'annuler l'ordonnance du 19 novembre 2018 du tribunal administratif de Mayotte et de renvoyer l'affaire devant ce tribunal ;

2°) d'annuler les décisions du 16 août 2018 par lesquelles le préfet de Mayotte a refusé de lui délivrer un titre de séjour, l'a obligé à quitter le territoire français dans un délai d'un mois et a fixé l'Union des Comores comme pays de renvoi ;

3°) d'enjoindre au préfet de Mayotte de lui délivrer un titre de séjour portant la mention " vie privée et familiale " dans le délai d'un mois suivant la notification de l'arrêt à intervenir sous astreinte de 100 euros par jour de retard ;

4°) d'admettre M. C... au bénéfice de l'aide juridictionnelle provisoire ;

5°) de mettre à la charge de l'État le versement au profit de son conseil de la somme de 1 500 euros sur le fondement des dispositions de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 et de l'article L. 761-1 du code de justice administrative dont le règlement vaudra renonciation à l'indemnité prévue au titre de l'aide juridictionnelle.

Il soutient que :

En ce qui concerne la régularité de l'ordonnance du 19 novembre 2018 :

- l'ordonnance ne comporte pas la mention selon laquelle il s'était vu octroyer le bénéfice de l'aide juridictionnelle par une décision du 15 novembre 2018 ;

- l'ordonnance a été prise aux termes d'une procédure irrégulière, son avocat, désigné seulement trois jours avant l'ordonnance, n'ayant pas été en mesure de pouvoir présenter ses observations devant le tribunal ;

En ce qui concerne les décisions portant refus de titre de séjour, obligation de quitter le territoire français et fixant l'Union des Comores comme pays de renvoi :

- l'instruction de la demande de titre de séjour révèle l'absence d'examen particulier de sa situation personnelle et familiale ;

- l'arrêté préfectoral du 16 août 2018 méconnaît le 7° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- l'arrêté préfectoral du 16 août 2018 méconnaît l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

Par un mémoire, enregistré le 22 octobre 2019, le préfet de Mayotte a conclu au rejet de la requête.

Il soutient qu'aucun des moyens de la requête n'est fondé.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

- le code de justice administrative.

Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Le rapport de M. D... a été entendu au cours de l'audience publique.

Considérant ce qui suit :

1. M. E..., ressortissant comorien, déclare être entré en France dans le courant de l'année 2012. Par courrier du 19 mai 2017, il a sollicité un titre de séjour portant la mention " vie privée et familiale ". Par arrêté du 16 août 2018, le préfet de Mayotte a refusé de lui délivrer le titre de séjour sollicité, l'a obligé à quitter le territoire français dans un délai d'un mois et a fixé l'Union des Comores comme pays de renvoi. M. C... relève appel de l'ordonnance du 19 novembre 2018 par laquelle le vice-président du tribunal administratif de Mayotte a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cet arrêté.

Sur les conclusions tendant au bénéfice de l'aide juridictionnelle provisoire :

2. Aux termes de l'article 20 de la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 : " Dans les cas d'urgence, sous réserve de l'application des règles relatives aux commissions ou désignations d'office, l'admission provisoire à l'aide juridictionnelle peut être prononcée ... par la juridiction compétente ou son président ".

3. En l'occurrence, il ne résulte pas de l'instruction que M. C... ait déposé une demande d'aide juridictionnelle auprès du bureau d'aide juridictionnelle. Il n'invoque aucune situation d'urgence de nature à avoir fait obstacle à la présentation et à l'instruction d'une telle demande selon la procédure ordinaire. Dès lors, ses conclusions tendant à ce que la cour l'admette provisoirement à l'aide juridictionnelle ne peuvent être accueillies.

Sur la régularité de l'ordonnance attaquée :

4. Aux termes de l'article 1er de la loi du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique : " L'accès à la justice et au droit est assuré dans les conditions prévues par la présente loi. L'aide juridique comprend l'aide juridictionnelle, l'aide à l'accès au droit et l'aide à l'intervention de l'avocat dans les procédures non juridictionnelles. ". En application de l'article 25 de la loi du 10 juillet 1991, " Le bénéficiaire de l'aide juridictionnelle a droit à l'assistance d'un avocat (...) ".

5. Il résulte de ces dispositions et alors même qu'un premier mémoire avait été produit par M. C..., que le vice-président du tribunal administratif de Mayotte ne pouvait prendre une ordonnance seulement trois jours après la décision du bureau d'aide juridictionnelle désignant Me B... pour assister M. C..., sans demander à ce dernier soit de s'approprier le mémoire déjà produit, soit de produire lui-même un nouveau mémoire. Par voie de conséquence, en ne permettant pas au conseil de l'intéressé de disposer d'un délai raisonnable pour produire à l'instance le premier juge a entaché son ordonnance d'irrégularité.

6. Il résulte de ce qui précède qu'il y a lieu pour la cour d'annuler l'ordonnance du 19 novembre 2018 et de se prononcer immédiatement, par la voie de l'évocation, sur les demandes présentées par M. C... devant le tribunal administratif de Mayotte.

Sur les conclusions aux fins d'annulation :

En ce qui concerne les décisions contestées du 16 août 2018 :

7. En premier lieu et aux termes de l'article L. 211-2 du code des relations entre le public et l'administration : " Les personnes physiques ou morales ont le droit d'être informées sans délai des motifs des décisions administratives individuelles défavorables qui les concernent. / À cet effet, doivent être motivées les décisions qui : / 1° Restreignent l'exercice des libertés publiques ou, de manière générale, constituent une mesure de police ; (...) ". Selon l'article L. 211-5 du même code : " La motivation exigée par la présente loi doit être écrite et comporter l'énoncé des considérations de droit et de fait qui constituent le fondement de la décision. ".

8. La décision refusant de délivrer un titre de séjour à M. C... vise les articles du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile sur lesquels le préfet de Mayotte s'est fondé, ainsi que les articles 3 et 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales. Elle indique les conditions irrégulières de son entrée en France et différents éléments de sa situation personnelle et familiale, notamment le fait qu'il se déclare célibataire sans charge de famille et qu'il a vécu au moins quarante ans dans son pays d'origine. La décision mentionne les pièces produites par M. C... en vue de démontrer la réalité de son ancienneté et la continuité de sa présence en France et précise qu'il ne justifie pas être exposé à des peines ou traitements contraires à la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales en cas de retour dans son pays d'origine. Ainsi, la décision, qui n'avait pas, au demeurant, à faire état de l'ensemble des éléments caractérisant la situation de l'intéressé, comporte les considérations de droit et de fait qui en constituent le fondement. Dès lors, la décision est suffisamment motivée au regard des exigences de l'article L. 211-5 du code des relations entre le public et l'administration.

9. Cette motivation révèle, contrairement à ce qui est soutenu, que l'administration préfectorale a procédé à un examen circonstancié de la situation personnelle du requérant. Dès lors le requérant n'est pas fondé à soutenir que le préfet de Mayotte n'aurait effectué aucun examen particulier de la situation du requérant.

10. En second lieu et aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale (...) ". En application du 7° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " (...) la carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " est délivrée de plein droit : à l'étranger ne vivant pas en état de polygamie, qui n'entre pas dans les catégories précédentes ou dans celles qui ouvrent droit au regroupement familial, dont les liens personnels et familiaux en France, appréciés notamment au regard de leur intensité, de leur ancienneté et de leur stabilité, des conditions d'existence de l'intéressé, de son insertion dans la société française ainsi que de la nature de ses liens avec la famille restée dans le pays d'origine, sont tels que le refus d'autoriser son séjour porterait à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard des motifs du refus (...) ". L'étranger qui invoque la protection due à son droit au respect de sa vie privée et familiale doit apporter toute justification permettant d'apprécier la réalité et la stabilité de ses liens personnels et familiaux effectifs en France au regard de ceux qu'il a conservés dans son pays d'origine.

11. M. C..., âgé de quarante-quatre ans à la date de l'arrêté litigieux, fait valoir de fortes attaches familiales sur le territoire de Mayotte ainsi qu'une présence habituelle et continue depuis l'année 2012. Pour démontrer ses attaches familiales à Mayotte, M. C... se borne à produire, outre des documents relatifs à deux mineurs, dont il ne soutient ni n'établit avoir avec eux un lien de parenté, plusieurs documents attestant la nationalité française de ses parents et de ses sept frères et soeurs. Toutefois, la nature de ses attaches familiales, eu égard notamment à l'âge du requérant, ne peut être considérée comme étant constitutive de liens familiaux au sens du 7° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Il ne ressort pas davantage des pièces du dossier que M. C... serait présent en France de manière continue depuis l'année 2012 et qu'il y aurait tissé des liens stables, ce dernier se bornant à produire deux cartes de membres d'associations datées des années 2017 et 2018, une facture du centre hospitalier de Mayotte en date du 19 juillet 2017, un avis d'imposition sur les revenus de 2012 dont il ressort qu'aucune activité professionnelle n'a été déclarée, une attestation de droits à l'assurance maladie postérieure à l'arrêté contesté, plusieurs factures non probantes, et en appel, une facture d'eau portant sur le 1er semestre de l'année 2018, cinq attestations de voisins peu circonstanciées et stéréotypées, une attestation du président de l'association AVCK qui fait état d'une activité bénévole seulement depuis le 19 juin 2018, et quatre factures non probantes, dont deux sont postérieures à l'arrêté contesté. Il ressort au contraire des pièces du dossier que M. C... fait état d'une activité professionnelle en 2012 au sein d'une compagnie aérienne comorienne, qu'il a renouvelé son passeport comorien le 30 avril 2015 et qu'il n'a sollicité son premier titre de séjour que le 19 mai 2017. Il suit de là que le préfet de Mayotte n'a pas entaché la décision contestée d'erreur manifeste d'appréciation.

12. Il résulte de tout ce qui précède que M. C... n'est pas fondé à demander l'annulation des décisions du 16 août 2018 par lesquelles le préfet de Mayotte a refusé de lui délivrer un titre de séjour, l'a obligé à quitter le territoire français dans un délai d'un mois et a fixé l'Union des Comores comme pays de renvoi.

Sur les conclusions aux fins d'injonction :

13. Le présent arrêt, qui rejette les conclusions à fin d'annulation présentées par M. C... à l'encontre des décisions du préfet, n'appelle aucune mesure d'exécution. Dès lors, les conclusions aux fins d'injonction présentées par le requérant doivent être rejetées.

Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991:

14. L'État n'étant pas la partie perdante dans la présente instance, les conclusions présentées au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et du deuxième alinéa de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 ne peuvent, en tout état de cause, qu'être rejetées.

DÉCIDE :

Article 1er : L'ordonnance n° 1801249 du 19 novembre 2018 du vice-président du tribunal administratif de Mayotte est annulée.

Article 2 : La demande présentée par M. C... devant le tribunal administratif de Mayotte est rejetée, de même que le surplus de ses conclusions présentées devant la cour.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à M. C... et au ministre de l'intérieur. Copie en sera adressée au préfet de Mayotte.

Délibéré après l'audience du 6 novembre 2019 à laquelle siégeaient :

M. Éric Rey-Bèthbéder, président-rapporteur,

Mme F..., présidente-assesseure,

M. Manuel Bourgeois, premier-conseiller.

Lu en audience publique, le 28 novembre 2019.

La présidente-assesseure,

F...Le président-rapporteur,

Éric D...

La greffière,

Caroline Brunier

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun, contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.

N° 19BX00019 2


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Bordeaux
Formation : 7ème chambre (formation à 3)
Numéro d'arrêt : 19BX00019
Date de la décision : 28/11/2019
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

Étrangers - Séjour des étrangers - Refus de séjour.

Étrangers - Obligation de quitter le territoire français (OQTF) et reconduite à la frontière.


Composition du Tribunal
Président : M. REY-BETHBEDER
Rapporteur ?: M. Eric REY-BETHBEDER
Rapporteur public ?: M. NORMAND
Avocat(s) : GHAEM

Origine de la décision
Date de l'import : 16/12/2019
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.bordeaux;arret;2019-11-28;19bx00019 ?
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