Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
La société mutuelle d'assurances BTP (SMABTP) a demandé au tribunal administratif de Bordeaux de condamner in solidum les sociétés Brel, Alain Barrière, Atrium 24 et Cauty-Laparra à lui verser la somme de 342 196,26 euros en réparation des désordres constatés dans l'établissement d'hébergement pour personnes âgées dépendantes (EHPAD) du syndicat intercommunal d'études et d'aménagement du pays des deux vallées (SIEAP).
Par un jugement n° 1403986 du 30 décembre 2016, le tribunal administratif de Bordeaux a, d'une part, condamné solidairement les sociétés Atrium 24, Cauty-Laparra, Brel et Alain Barrière à verser à la SMABTP la somme de 285 416,22 euros TTC, d'autre part, condamné les sociétés Atrium 24 et Cauty-Laparra, prises ensembles, et la société Brel à se garantir mutuellement dans les proportions respectives de 40 % et 30 % de la condamnation prononcée et condamné les sociétés Vaunac, Apave, et Revel Créations à garantir les sociétés Brel, Atrium 24 et Cauty-Laparra à hauteur, respectivement, de 10 %, 10 % et 5 % de cette condamnation.
Le tribunal a également mis les frais d'expertise, taxés et liquidés à la somme de 14 780,04 euros, à la charge des sociétés Atrium 24 et Cautry-Laparra, prises ensemble, à concurrence de 40 %, de la société Brel à concurrence de 30 %, des sociétés Vaunac et Apave à concurrence de 10 % chacune, et des sociétés Alain Barrière et Revel Créations à concurrence de 5 % chacune.
Procédure devant la cour :
Par une requête et un mémoire, enregistrés le 27 février 2017 et le 7 novembre 2018, ce dernier mémoire n'ayant pas été communiqué, la société mutuelle d'assurances BTP (SMABTP), représentée par Me E..., demande à la cour :
1°) de réformer ce jugement du tribunal administratif de Bordeaux du 30 décembre 2016 en ce qu'il a écarté l'indemnisation de la perte d'exploitation liée à l'inoccupation des chambres 404 et 415 ainsi que le remboursement de l'indemnité de 4 000 euros versée au SIEAP au titre des frais de procédure ;
2°) de condamner in solidum la société Brel, Me A... B..., es qualités de liquidateur judiciaire de la société Alain Barrière, la société Atrium 24 et la société Cauty-Laparra à lui verser les sommes de 330 788,04 euros, au titre des sommes versées au SIEAP, 5 195 euros TTC, au titre des mesures conservatoires réalisées par la société Brel, 6 213,22 euros TTC, au titre des investigations Exam BTP déjà réglées par la SMABTP ;
3°) de condamner in solidum la société Brel, Me A... B..., es qualités de liquidateur judiciaire de la société Alain Barrière, la société Atrium 24 et la société Cauty-Laparra la somme de 3 000 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- le jugement doit être confirmé sur les responsabilités de chacune des parties intervenues au cours du chantier ;
- la responsabilité des sociétés Brel, Alain Barrière, Atrium 24 et Cauty-Laparra, qui ont toutes concouru à l'entier dommage, a été retenue par l'expert judiciaire, de sorte qu'elles doivent être condamnées in solidum, au titre de leur participation à la dette, à lui rembourser toutes les sommes engagées en tant qu'assureur dommages-ouvrage soit 330 788,04 euros au titre des sommes versées au SIEAP, 5 195 euros TTC au titre des mesures conservatoires réalisées par la société Brel et 6 213,22 euros TTC au titre des investigations Exam BTP déjà réglées par la SMABTP ;
- c'est à tort que le tribunal n'a pas intégralement fait droit à son recours subrogatoire en écartant la perte d'exploitation liée à l'inoccupation de la chambre 404 puis 415 et en rejetant la demande de remboursement de l'indemnité versée au SIEAP au titre des frais de procédure ; au regard des conclusions expertales, elle était tenue, en application du contrat dommages-ouvrage souscrit, au titre des dommages immatériels consécutifs à un dommage garanti, de prendre en charge ce poste de réclamation ; en effet, la chambre 404 était affectée de désordres en sol depuis la réception de l'ouvrage et la chambre 415 a été utilisée comme chambre test pour les sondages de la société Exam BTP ;
- c'est également à tort que le tribunal a rejeté l'indemnité au titre des frais de procédure dans le cadre du protocole régularisé avec le SIEAP.
Par deux mémoires en défense, enregistrés le 5 mai 2017 et le 21 mars 2018, le groupement d'intérêt économique (GIE) Ceten Apave, représenté par la Selarl GVB, conclut au rejet de la requête et de toutes demandes dirigées à son encontre. Il demande, à titre incident, la réformation du jugement en tant qu'il prononce une condamnation à son encontre et en ce cas, ordonner la restitution de toutes sommes versées en exécution du jugement, et ce, avec intérêt de droit à compter de leur versement. Il demande également que soit mise à la charge de tout succombant une somme de 4 500 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il fait valoir que :
- le tribunal administratif en condamnant le contrôleur technique au même titre que l'entreprise et l'équipe de maîtrise d'oeuvre et sans faire une lecture objective du rapport d'expertise a dénaturé tant les termes de la loi du 4 janvier 1978 que ceux de la mission de contrôle technique strictement réglementée, faisant ainsi peser sur lui des obligations qui ne peuvent peser que sur les constructeurs, tenus à une obligation de résultat sur l'ouvrage ;
- il ne saurait être assimilé à un constructeur, locateur d'ouvrage, ce que n'a expressément pas voulu le législateur ; compte tenu des conditions d'exercice particulières et des limites de sa mission, il ne peut s'investir d'aucune des prérogatives de la maîtrise d'oeuvre ou des entreprises exécutantes ; en concluant à l'existence d'une faute, le tribunal a à tort considéré le contrôleur technique comme un constructeur participant directement et matériellement à la réalisation de l'ouvrage ;
- il n'appartient pas au contrôleur technique de s'assurer de la suite donnée, ou non, à ses avis, et de prendre, ou de faire prendre, de quelconques mesures qui seraient nécessitées par la détection d'éventuelles défectuosités mais au maître d'ouvrage de s'assurer auprès de ses constructeurs, du fait de leur compétence propre et de leur connaissance d'éléments d'appréciation complémentaires, s'il convient de donner suite ou non à cet avis ;
- il a bien formulé des observations tant sur les défauts des joints de fractionnement des sols et des carrelages que sur la mise en oeuvre d'une chape anhydrite et n'a donc commis dans l'exercice de sa mission souscrite au profit du syndicat intercommunal d'études et d'aménagement du pays des deux vallées, aucune faute de nature à atténuer la responsabilité notamment de la société Brel ou de la société Revel Créations.
Par un mémoire en défense, enregistré le 15 juin 2017, la société Brel, représentée par Me I..., demande à la cour :
1°) de rejeter la demande de la SMABTP et de mettre à sa charge la somme de 4 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ainsi que les dépens de l'instance ;
2°) par la voie de l'appel incident, à titre principal, de réformer le jugement du tribunal administratif de Bordeaux en ce qu'il a considéré qu'elle était responsable d'une partie des désordres et en ce qu'il a mis à sa charge la somme de 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;
3°) à titre subsidiaire, de réformer le jugement, en ce qu'il a considéré que sa responsabilité devait être retenue à hauteur de 30 % des désordres et de limiter sa responsabilité à une proportion maximum de 15 % du montant des travaux de sols souples et de carrelage, des frais d'expertise et des frais irrépétibles ;
4°) de condamner les sociétés Cauty-Laparra, Atrium 24, Vaunac, Revel Créations et Apave à la garantir des condamnations prononcées à son encontre ;
5°) d'inscrire au passif de la société Atrium 24 au titre de sa créance le montant des condamnations qui pourraient être prononcées à son encontre.
Elle soutient que :
- elle n'a commis aucune faute et doit être mise hors de cause ;
- à titre subsidiaire, sa part de responsabilité ne peut excéder 15 % du montant des travaux réparatoires ;
- le jugement ne pourra qu'être confirmé en ce qui concerne le rejet des conclusions au titre de la perte d'exploitation des chambres 404 et 415 et des frais de procédure ; la finalité de tout établissement public n'est pas de réaliser un bénéfice mais d'être à l'équilibre financier ; or le tarif journalier arrêté par l'ARS pour chacune des années 2009 et 2010 l'a été sur la base des données prévisionnelles d'activité communiquées par l'EHPAD n'intégrant pas la chambre test pour laquelle l'EHPAD réclame une perte de recettes ; l'EHPAD ne subit pas de préjudice dans la mesure où la perte de recettes de la chambre fermée a été couverte par une hausse des recettes sur les autres chambres ;
- le SIEAP a été contraint d'exposer des frais de procédure dont il a demandé la réparation à la SMABTP au motif qu'elle n'a pas respecté les délais légaux qui lui sont imposés, en sa qualité d'assureur dommages-ouvrage, pour préfinancer les travaux réparatoires et résultent donc uniquement de ses manquements dont les constructeurs n'ont pas à la garantir.
Par un mémoire en défense, enregistré le 28 juin 2017, la société sarladaise de construction Vaunac, représentée par Me D..., conclut à l'annulation du jugement en ce qu'il a retenu sa responsabilité à concurrence de 10 % dans les désordres affectant l'EPHAD et à sa mise hors de cause. Elle demande également à la cour que soit mise à la charge de la SMABTP la somme de 5 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle fait valoir que :
- dans le cadre des appels en garantie, le tribunal a estimé à tort qu'en ayant coulé la chape anhydrite sans informer les autres entreprises des précautions à prendre en vue du séchage, elle devait supporter 10 % de la responsabilité des désordres et qu'elle devait participer à concurrence de 10 % au remboursement des frais d'expertise ;
- elle a réalisé les travaux conformément au CCTP et aux avenants, acceptés par le maître de l'ouvrage, par le maître d'oeuvre, et par le contrôleur technique : chargée du lot gros-oeuvre, le cahier des clauses techniques particulières mentionne au paragraphe 2.14 dénommé OPTION, et au sous-paragraphe 2.14-1 intitulé CHAPE LIQUIDE : " mise en oeuvre d'une chape liquide pour plancher chauffant de type ANHYSOL ou équivalent (...) chape à base d'un mortier fluide d'anhydrite faisant l'objet d'un avis technique du CSTB " ; son devis daté du 5 juin 2006, accepté aussi bien par le maître d'ouvrage que par le mandataire du maître de l'ouvrage, et par la maîtrise d'oeuvre reprend cette option et mentionne une chape liquide anhydrite avec une moins-value de chape ciment ; elle a donc réalisé les prestations contractuellement définies, et il ne peut lui être reproché les manquements qui participent des fautes de la maîtrise d'oeuvre et de la société Brel ;
- l'expert a considéré à tort qu'elle n'avait pas entièrement réalisé ses prestations conformément aux stipulations contractuelles et aux règles de l'art ; il aurait dû considérer que la maîtrise d'oeuvre avait été défaillante en ce qu'elle n'avait pas avisé les autres intervenants et notamment la société Brel de la mise en place d'une chape anhydrite, alors même que celle-ci est conforme aux préconisations techniques et qu'elle-même a respecté son devoir de conseil en transmettant à la maîtrise d'oeuvre et à l'entreprise Brel la copie de l'avis technique de la chape Anhysol mise en oeuvre, afin que chacun soit informé des contraintes liées à ce produit, et ce avant toute intervention de cette entreprise ; l'expert a également omis de prendre en considération le phasage du chantier ; une fois ses travaux terminés, elle n'avait pas l'obligation de définir des délais de séchage ou des délais d'intervention d'autre corps d'état, et il appartenait en particulier à la société Brel, chargée du revêtement du sol, d'accepter le support en vérifiant notamment sa siccité à l'aide de bombes à carbure ;
Par un mémoire en défense, enregistré le 26 février 2018, la société Revel Créations, représentée par Me G..., conclut à titre principal, au rejet de la demande de la SMABTP et de toute demande formée à son encontre, et, par la voie de l'appel incident, à la réformation du jugement attaqué en ce qu'il l'a condamnée à garantir les sociétés Atrium 24, Cauty-Laparra et Brel à hauteur de 5 % de leur condamnation, et a mis à sa charge 5 % des frais d'expertise et à titre subsidiaire, de limiter sa part de responsabilité sur l'assiette du préjudice susceptible d'être mis à sa charge soit sur la somme de 107 040 euros et non sur l'intégralité de leur condamnation, laquelle porte sur une somme totale de 285 416,22 euros. Elle demande également le rejet de l'appel en garantie dirigé par la société Brel à son encontre dans le cadre de son appel incident et à ce que, en tout état de cause, soit mise à la charge de la SMABTP et des sociétés Atrium 24, Cauty-Laparra et Brel chacune, la somme de 3 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle fait valoir que :
- elle n'a jamais été appelée par l'expert à participer aux opérations d'expertise mandatées par la SMABTP ;
- elle n'est jamais considérée comme constructeur concerné par les désordres dans le rapport d'expertise ;
- la SMABTP ne l'a pas mise en cause dans sa requête indemnitaire ni en première instance, ni en appel ; elle a été appelée en garantie par les sociétés Atrium 24, Cauty-Laparra et Brel ;
- son intervention est sans lien avec la cause des désordres ; les appels en garantie des sociétés Atrium 24, Cauty-Laparra et Brel devaient être rejetés : elle était uniquement chargée du lot n° 17 relatif aux salles de bains préfabriquées et les carrelages et revêtements de sols souples incombaient à la société Brel ; le rapport de l'expert judiciaire n'établit pas de relation certaine et directe entre les dommages et son intervention et ne démontre pas en quoi le montage des cabines serait en lien direct et certain avec les désordres dénoncés, d'autant plus que les désordres affectent l'ensemble des sols souples réalisés par la société Brel et pas uniquement les quarante-quatre chambres dans lesquelles elle est intervenue ;
- les désordres proviennent des manquements imputables aux sociétés Atrium 24, Cauty-Laparra et Brel ;
- dès lors que son intervention était limitée à l'installation de salles de bains préfabriquées dans 44 chambres, l'assiette du préjudice susceptible d'être mis à sa charge devait être limitée à la somme de 107 040 euros correspondant au chiffrage par l'expert judiciaire du poste de préjudice relatif aux 44 chambres dans lesquelles elle est intervenue.
Par ordonnance du 21 juin 2018, la clôture de l'instruction est fixée au 9 novembre 2018 à 12 heures.
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu :
- le code de la construction et de l'habitation ;
- le code des marchés publics ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme K... L...,
- les conclusions de M. Nicolas Normand, rapporteur public,
- les observations de Me H... pour la société Brel, de Me C... pour les sociétés Cauty et Laparra et Atrium, de Me F... pour le GIE Ceten Apave et de Me J... pour la société Revel Créations.
Considérant ce qui suit :
1. Le syndicat intercommunal d'études et d'aménagement du pays des deux vallées (SIEAP) a entrepris, en 2006, la construction d'un établissement d'hébergement pour personnes âgées dépendantes (EHPAD) de 81 chambres à Castels (Dordogne). Le marché de maîtrise d'oeuvre a été confié à un groupement solidaire composé des sociétés Atrium 24 et Cauty-Laparra, le lot gros-oeuvre à la société Vaunac, les lots carrelage-faïence et revêtements de sols à la société Brel, le lot équipements de cuisine à la société Alain Barrière, le lot salles de bains préfabriquées à la société Revel Créations, et le contrôle technique à la société Ceten Apave. Les travaux ont été réceptionnés le 6 mai 2008 avec réserves, levées le 11 juillet 2008. Des désordres, consistant notamment en des phénomènes de cloquage des revêtements de sol souple et du carrelage sont apparus fin 2008.
2. Pour la réalisation de ces travaux, le SIEAP a souscrit, le 7 mai 2007, une police d'assurance dommages-ouvrage auprès de la société mutuelle d'assurances BTP (SMABTP). Le 4 mai 2009, le SIEAP a déclaré à sa compagnie d'assurance l'apparition de désordres liés au décollement de revêtements de sols souples et de carrelage le 9 septembre 2008. Le 8 juillet 2009, la SMABTP notifie sa garantie pour le sinistre au SIEAP et propose une offre le 10 novembre 2010 que le SIEAP a refusé. L'expert judiciaire désigné par ordonnance du juge des référés du tribunal administratif de Bordeaux du 16 juin 2011 à la demande du SIEAP, a déposé son rapport le 13 mars 2012. Le 16 octobre 2012, le SIEAP a conclu avec son assureur, la SMABTP, un protocole d'accord par lequel cette société s'est engagée à lui verser la somme de 330 788,04 euros en réparation des désordres constatés et dont le versement est intervenu le 21 décembre 2012.
3. À la demande de la SMABTP, es qualité d'assureur dommages ouvrages et subrogée dans les droits du SIEAP, le tribunal administratif de Bordeaux, par un jugement du 30 décembre 2016, a condamné solidairement les sociétés Brel, Alain Barrière, Atrium 24 et Cauty-Laparra à lui verser la somme de 285 416,22 euros TTC. Le tribunal a également effectué la répartition finale de ces sommes au titre des appels en garantie et condamné les sociétés Atrium 24 et Cauty-Laparra, prises ensembles, et la société Brel à se garantir mutuellement dans les proportions respectives de 40 % et 30 % de la condamnation solidaire, et chacune des sociétés Vaunac, Apave et Revel Créations à garantir les sociétés Brel, Atrium 24 et Cauty-Laparra à hauteur, respectivement, de 10 %, 10 % et 5 % de cette condamnation. Il a également mis à la charge définitive des constructeurs à concurrence de leur responsabilité les frais de l'expertise.
4. La SMABTP relève appel de ce jugement en critiquant le montant des préjudices retenus par le tribunal et demande à la cour de réformer le jugement du tribunal administratif en tant qu'il a écarté l'indemnisation de la perte d'exploitation liée à l'inoccupation de la chambre 404 puis 415 ainsi que le remboursement de l'indemnité de 4 000 euros versée au SIEAP au titre des frais de procédure. Il conclut au versement de la somme totale de 342 196,26 euros TTC. Par la voie de l'appel incident ou de l'appel provoqué, les différents intimés concluent, à titre principal, à la réformation du jugement attaqué en tant qu'il a prononcé leur condamnation ainsi qu'au rejet des demandes de la société appelante et, subsidiairement, à ce que les parties responsables soient condamnées à les garantir de toute condamnation prononcée à leur encontre.
Sur la garantie décennale des constructeurs :
5. Il résulte des principes qui régissent la responsabilité décennale des constructeurs que des désordres apparus dans le délai d'épreuve de dix ans, de nature à compromettre la solidité de l'ouvrage ou à le rendre impropre à sa destination dans un délai prévisible, engagent leur responsabilité, même s'ils ne se sont pas révélés dans toute leur étendue avant l'expiration du délai de dix ans. Le constructeur dont la responsabilité est recherchée sur ce fondement ne peut en être exonéré, outre les cas de force majeure et de faute du maître d'ouvrage, que lorsque, eu égard aux missions qui lui étaient confiées, il n'apparaît pas que les désordres lui soient de quelque manière imputables.
6. Il résulte de l'instruction que les cloques constatées sur les revêtements de sol souples et les décollements et fissurations constatés sur le carrelage des locaux de l'EHPAD du SIEAP rendent cet ouvrage, en raison de leur nombre et du danger qu'ils représentent pour la marche des personnes âgées accueillies dans l'établissement, impropre à sa destination et engagent ainsi la responsabilité décennale des constructeurs.
7. Il résulte également de l'instruction et notamment du rapport d'expertise, que ces désordres trouvent leur origine dans le manque de respect des joints de dilatation, l'incompatibilité des produits de préparation du sol avec la chape anhydrite, l'humidité trop importante de cette chape au moment de la pose des sols souples, l'absence de système de protection à l'eau sous carrelage et, dans une moindre mesure, le passage d'eau sous les contre-cloisons de la laverie vers les salles à manger des résidents et du personnel. Ainsi ces désordres sont imputables aux sociétés Atrium 24 et Cauty-Laparra, maîtres d'oeuvre solidaires, à la société Brel, qui a posé le carrelage et les revêtements de sol souples, et à la société Alain Barrière, qui a posé les contre-cloisons de la laverie. La circonstance invoquée par la société Brel qu'elle n'aurait pas commis de faute n'est pas, à la supposer établie, de nature à l'exonérer en tout ou partie de la responsabilité encourue par elle à ce titre vis-à-vis du maître de l'ouvrage. Par suite, la SMABTP est fondée à demander la condamnation solidaire de ces sociétés à réparer lesdits désordres.
8. La société Ceten Apave ne peut utilement soutenir que sa responsabilité décennale n'est pas susceptible d'être engagée en qualité de constructeur dès lors que la SMABTP n'a pas entendu l'attraire en responsabilité décennale en cette qualité.
Sur les préjudices :
9. ll résulte de l'instruction, et notamment du rapport d'expertise, que le coût des travaux de reprise, y compris les frais de maîtrise d'oeuvre et de contrôle technique, s'élève à 205 913 euros TTC.
10. S'agissant du coût des mesures conservatoires et des investigations préalables payées par l'assureur, il résulte de l'instruction qu'une somme de 6 213,22 euros TTC a été versée par la SMABTP à la société Exam BTP le 9 septembre 2010 et une somme de 5 195 euros à la société Brel le 14 mai 2012. Toutefois, contrairement à ce que soutient la SMABTP, il ne résulte d'aucune des pièces du dossier que la somme de 5 195 euros, qui n'est que le montant HT de la somme versée à la société Exam BTP, corresponde à des prestations distinctes de celles réalisées par cette dernière société, les pièces justificatives se rapportant au versement de ces deux sommes, en particulier les mémoires de travaux de la société Brel des 31 août 2010, 31 octobre 2010 et 30 novembre 2010 et la facture de la société Exam du 17 août 2010 se confondant pour partie dans leur objet. Dans ces conditions, le préjudice n'est établi qu'à hauteur de la somme de 6 213,22 euros TTC et c'est à tort que le tribunal a pris également en compte la somme de 5 195 euros.
11. Il résulte également de l'instruction, et notamment du rapport d'expertise, que ces travaux de reprise nécessitent, par rotation, la condamnation de vingt chambres pendant une durée de trois mois et demi, ce qui cause une perte d'exploitation, non contestée par les parties, de 75 248 euros.
12. S'agissant de la perte d'exploitation liée à l'inoccupation de la chambre 404 puis de la chambre 415, il résulte de l'instruction que si l'expert judiciaire a réduit les prétentions du SIEAP au titre de cette perte d'exploitation en la fixant à 38 000 euros après avoir " pris en compte ", dans le cadre d'une réponse aux dires, " la finalité d'un EHPAD ", il n'a en revanche jamais contesté, ni les parties à la procédure, que cette chambre était également affectée de désordres au niveau des revêtements de sol. Dès lors, c'est à tort que le tribunal a jugé que l'inoccupation, de mai 2009 à mars 2012, de cette chambre n'était pas liée au désordre des sols. Toutefois, la société Brel soutient que le tarif journalier arrêté par l'ARS pour chacune des années 2009 et 2010 l'a été sur la base des données prévisionnelles d'activité communiquées par l'EHPAD qui n'intégraient pas la chambre test pour laquelle l'EHPAD réclame une perte de recettes et que la perte d'exploitation alléguée a très probablement été compensée par une diminution des charges ou une augmentation du prix des autres chambres facturées à la journée afin d'assurer l'équilibre financier auquel est réglementairement tenu l'EHPAD. En l'absence du moindre élément justificatif, notamment budgétaire, que l'expert a d'ailleurs relevé, permettant de justifier que la somme demandée n'a pas été compensée ainsi que le soutient la société Brel, la SMABTP ne justifie pas de la réalité du préjudice résultant de l'inoccupation de la chambre test 404 puis 415. Par conséquent, la SMABTP n'est pas fondée à demander l'indemnisation de la perte d'exploitation pour l'inoccupation de cette chambre.
13. En outre, la SMABTP n'est pas fondée à solliciter une indemnité de 4 000 euros au titre des frais de procédure engagés dans le cadre de l'établissement du protocole d'accord avec le SIEAP, qui ne correspondent à aucun préjudice certain.
14. En dernier lieu, dès lors que les frais d'expertise d'un montant de 14 780,04 euros ont été mis à la charge des constructeurs à l'article 3 du jugement attaqué, la SMABTP n'a pas davantage droit à ladite somme alors même qu'elle l'a versée au SIEAP dans le cadre du protocole transactionnel dès lors que ce dernier n'a pas eu à supporter de tels frais. Les conclusions indemnitaires que la SMABTP a présentées à ce titre doivent par suite être rejetées.
15. Il résulte des points 9 à 14 que la SMABTP est seulement fondée à demander que la condamnation solidaire des sociétés Atrium 24, Cauty-Laparra, Barrière et Brel soit portée à la somme totale de 287 374,22 euros TTC en réparation des désordres affectant le sol de l'EHPAD.
Sur le partage des responsabilités :
16. La société Brel soutient que la part de responsabilité mise à sa charge, estimée à 30 % par le tribunal, doit être ramenée à 15 %, compte tenu notamment de la défaillance principale de la maîtrise d'oeuvre.
17. Il résulte de l'instruction et notamment du rapport d'expertise et alors même que le groupement solidaire de maîtrise d'oeuvre n'a pas modifié le cahier des charges des entrepreneurs pour tenir compte des contraintes qu'implique la pose d'une chape anhydrite par rapport à une chape traditionnelle, que la société Brel ne s'est pas assurée du séchage de la chape anhydrite avant de poser les sols souples, qu'elle n'a pas réalisé correctement l'application de primaire d'accrochage sous les sols souples ni le système de protection à l'eau sous carrelage qu'impose ce type de chape et qu'elle a posé des sols souples dans des locaux qui auraient dû être équipés de carrelage, tels que la salle de bain collective, et n'a pas consigné et diffusé le résultat des mesures règlementaires à faire avant la préparation des supports et la pose des sols. Dans ces conditions, les premiers juges ont fait une juste appréciation de sa part de responsabilité en la fixant à 30 %.
Sur les appels en garantie :
18. La société Vaunac soutient qu'elle n'a commis aucune faute dès lors qu'elle a réalisé les travaux conformément au CCTP. La société Revel Créations soutient que son intervention est sans lien avec le dommage. Enfin, la société Ceten Apave soutient qu'elle n'a commis aucune faute dans l'exercice de ses missions de contrôle technique.
19. Toutefois, la société Vaunac, qui a coulé la chape anhydrite sans informer les autres entreprises des précautions à prendre en vue du séchage, le bureau de contrôle Apave, qui aurait dû donner un avis défavorable à l'utilisation d'une chape anhydrite dans des locaux équipés d'un siphon de sol et a omis de mentionner dans le rapport final l'absence de joints de dilatation et de joints de fractionnement et la société Revel Créations, qui a posé les cabines de salles de bain préfabriquées directement sur la chape anhydrite encore mouillée et n'ayant pas atteint sa résistance à la compression alors que le CCTP prévoyait une pose des cabines montées en usine sur plancher béton, ce qui supposait une vigilance particulière de sa part compte tenu du changement de chape, ont commis des fautes dans l'exécution de leurs missions, et ne contredisent pas sérieusement les conclusions du rapport d'expertise leur imputant une responsabilité dans la survenue du dommage. Dans ces conditions, les premiers juges ont fait une juste appréciation des responsabilités des sociétés Vaunac, Ceten Apave et Revel Créations en les fixant respectivement à 10 %, 10 % et 5 %.
Sur les conclusions d'appel provoqué de la société Revel Créations :
20. Les conclusions d'appel provoqué sont recevables dès lors que la situation de leur auteur est aggravée par l'admission de l'appel principal, sans qu'il y ait lieu de distinguer selon que ces conclusions ont ou non trait, parmi les divers chefs de préjudice que le jugement attaqué a distingués, à des chefs pour lesquels les conclusions de l'appel principal ont été accueillies.
21. L'admission de l'appel principal de la SMABTP aggrave la situation de la société Revel créations. Par suite, son appel provoqué contre les articles 2 et 3 du jugement attaqué en tant qu'ils lui font grief sont recevables.
22. La société Revel Créations est fondée à soutenir que son intervention étant limitée à l'installation de salles de bains préfabriquées dans quarante-quatre chambres, l'assiette du préjudice susceptible d'être mise à sa charge dans le cadre des appels en garantie exercé par le groupement de maîtrise d'oeuvre et la société Brel devait être limitée à la somme de 107 040 euros correspondant au chiffrage par l'expert judiciaire du poste de préjudice relatif aux travaux réparatoires des quarante-quatre chambres pour lesquelles elle est impliquée. Par suite, la société Revel Créations est condamnée à garantir les sociétés Brel, Atrium 24 et Cauty-Laparra à hauteur de 10 % de la somme de 107 040 euros seulement, soit 10 704 euros. Il n'y a pas lieu en revanche, dans les circonstances de l'espèce, de revenir sur les 5 % mis à sa charge par le tribunal au titre des frais d'expertise.
Sur les conclusions tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :
23. Il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de faire droit aux conclusions présentées par les parties au présent litige sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
DÉCIDE :
Article 1er : La somme que le tribunal administratif de Bordeaux a mis à la charge solidaire des sociétés Atrium 24, Cauty-Laparra, Barrière et Brel en réparation des désordres affectant le sol de l'EHPAD est portée à 287 374,22 euros TTC.
Article 2 : La société Revel Créations est condamnée à garantir les sociétés Brel, Atrium 24 et Cauty-Laparra dans la limite de 10 704 euros.
Article 3 : Les articles 1er et 2 du jugement du tribunal administratif de Bordeaux sont réformés en ce qu'ils ont de contraire.
Article 4 : Le surplus des conclusions des parties est rejeté.
Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à la société mutuelle d'assurances BTP et aux sociétés Atrium 24, Cauty-Laparra, Brel, Alain Barrière, Vaunac, Revel Créations et Apave.
Délibéré après l'audience du 6 novembre 2019 à laquelle siégeaient :
M. Éric Rey-Bèthbéder, président,
Mme M..., présidente-assesseure,
Mme K... L..., premier conseiller,
Lu en audience publique, le 28 novembre 2019.
Le rapporteur,
Florence L...
Le président,
Éric Rey-Bèthbéder
La greffière,
Caroline Brunier
La République mande et ordonne au préfet de la Dordogne en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.
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N° 17BX00797