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26/11/2019 | FRANCE | N°19BX02016

France | France, Cour administrative d'appel de Bordeaux, 3ème chambre, 26 novembre 2019, 19BX02016


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme B... E... a demandé au tribunal administratif de Bordeaux d'annuler l'arrêté du 19 juin 2018 par lequel le préfet de la Gironde a refusé de lui délivrer un titre de séjour, a assorti son refus d'une obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé comme pays de destination celui dont elle a la nationalité ou dans lequel elle peut être légalement admissible.

Par un jugement n°1804288 du 27 décembre 2018, le tribunal administratif de Bordeaux a rejeté sa

demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 20 mai 2019, ...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme B... E... a demandé au tribunal administratif de Bordeaux d'annuler l'arrêté du 19 juin 2018 par lequel le préfet de la Gironde a refusé de lui délivrer un titre de séjour, a assorti son refus d'une obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé comme pays de destination celui dont elle a la nationalité ou dans lequel elle peut être légalement admissible.

Par un jugement n°1804288 du 27 décembre 2018, le tribunal administratif de Bordeaux a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 20 mai 2019, Mme E..., représentée par Me A..., demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Bordeaux du 27 décembre 2018 ;

2°) d'annuler les décisions du 19 juin 2018 par lesquelles le préfet de la Gironde a refusé de lui délivrer un titre de séjour, a assorti son refus d'une obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé comme pays de destination celui dont elle a la nationalité ou dans lequel elle peut être légalement admissible ;

3°) d'enjoindre au préfet de la Gironde de lui délivrer un titre de séjour, mention " vie privée et familiale " ou " étudiant " sous astreinte de 150 euros par jour de retard, dans un délai d'un mois suivant la notification de l'arrêt à intervenir ou de procéder, dans les mêmes conditions, à un réexamen de sa situation et de lui délivrer dans l'attente une autorisation provisoire de séjour l'autorisant à travailler ;

4°) de mettre à la charge de l'État une somme de 1 500 euros à verser à Me A..., sur le fondement des dispositions combinées des articles 37 de la loi du 10 juillet 1991 et L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- le tribunal administratif de Bordeaux a omis de statuer sur le moyen tiré de la méconnaissance de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'Homme et des libertés fondamentales et de l'erreur manifeste d'appréciation en ce qui concerne la décision fixant le pays de renvoi et l'obligation de quitter le territoire français ;

- le préfet a méconnu l'article L. 114-5 du code des relations entre le public et l'administration ;

- le préfet a commis une erreur de fait en estimant qu'elle n'avait pas la qualité d'étudiante du fait de son inscription au conservatoire de Bordeaux ;

- les décisions contestées sont contraires à l'article L. 313-7 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.

Par un mémoire en défense, enregistré le 12 août 2019, le préfet de la Gironde, conclut au rejet de la requête.

Il soutient qu'aucun des moyens soulevés n'est fondé.

Mme E... a été admise au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 18 avril 2019.

Vu :

- les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile;

- le code des relations entre le public et l'administration;

- la loi n°91-64 7 du 10 juillet 1991 modifiée relative à l'aide juridique ;

- le décret n° 91-1266 du 19 décembre 1991 ;

- le code de justice administrative.

Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Le rapport de Mme C... D..., a été entendu au cours de l'audience publique.

Considérant ce qui suit :

1. Mme E..., ressortissante colombienne née le 7 décembre 1994, est entrée en France le 25 janvier 2013 sous couvert d'un visa long séjour portant la mention " étudiant ". Elle a ensuite obtenu le renouvellement de son titre de séjour en qualité d'" étudiant " valable jusqu'au 25 octobre 2017. Elle a, par suite, sollicité le renouvellement de son titre de séjour sur le fondement des dispositions de l'article L. 313-7 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Mais par un arrêté du 19 juin 2018, le préfet de la Gironde a refusé de lui délivrer un titre de séjour, a assorti son refus d'une obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de renvoi. Mme E... a demandé au tribunal administratif de Bordeaux 1'annulation de ces décisions et elle relève appel du jugement du 27 décembre 2018 rejetant sa demande.

Sur la régularité du jugement :

2. Mme E... fait valoir que le tribunal administratif de Bordeaux a omis de statuer sur les moyens tirés de la méconnaissance de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'Homme et des libertés fondamentales et de l'erreur manifeste d'appréciation en ce qui concerne la décision fixant le pays de renvoi et l'obligation de quitter le territoire français. Toutefois, il ressort des termes mêmes du jugement attaqué que les premiers juges ont expressément répondu à ce moyen au point 9. Dans ces conditions, le moyen ne peut qu'être écarté et le jugement du tribunal administratif de Bordeaux n'est pas irrégulier.

Sur les conclusions aux fins d'annulation :

En ce qui concerne le refus de titre de séjour :

3. En premier lieu, aux termes de L. 114-5 du code des relations entre le public et l'administration : "Lorsque la demande est incomplète, l'autorité administrative indique au demandeur les pièces manquantes dont la production est indispensable à l'instruction de la demande(. .. )". Par ailleurs, aux termes de l'article R. 313-7 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile: "Pour l'application du 1 de l'article L. 313-7, l'étranger qui demande la carte de séjour portant la mention " étudiant " doit en outre présenter les pièces suivantes : (...) 2° Un certificat d'immatriculation, d'inscription ou de préinscription dans un établissement public ou privé d'enseignement ou de formation initiale, ou une attestation d'inscription ou de préinscription dans un organisme de formation professionnelle au sens du titre II du livre IX du code du travail, ou bien une attestation justifiant qu'il est bénéficiaire d'un programme de coopération de l'Union européenne dans les domaines de l'éducation, de la formation et de la jeunesse. ". Enfin, aux termes de l'article R. 313-36 du même code: " Sauf dispositions réglementaires contraires, l'étranger qui sollicite le renouvellement d'une carte de séjour temporaire présente, outre les pièces mentionnées à l'article R. 313-35, les pièces prévues pour une première délivrance et justifiant qu'il continue de satisfaire aux conditions requises pour celle-ci( .. .) ".

4. Il ressort des pièces des dossiers que le préfet de la Gironde ne s'est pas fondé sur l'absence de documents ou de justificatifs nécessaires à l'instruction des dossiers de l'appelante, mais sur la circonstance qu'elle ne remplissait pas les conditions de fond permettant de lui délivrer le titre de séjour sollicité. Dès lors, le moyen tiré de la méconnaissance de l'article L. 114-5 précité doit être écarté.

5. En deuxième lieu, il ne résulte ni de la motivation de l'arrêté en litige, ni d'aucune autre pièce du dossier que le préfet de la Gironde n'aurait pas procédé à un examen sérieux et complet de la situation de Mme E....

6. En troisième lieu, Mme E... fait valoir que le préfet de la Gironde a commis une erreur de fait en estimant que son inscription au conservatoire de Bordeaux ne lui conférait pas la qualité d'étudiante. Toutefois, à supposer que l'arrêté soit entaché de l'erreur de fait invoquée, cette circonstance est restée sans influence sur le sens de la décision contestée dès lors que le préfet s'est fondé sur l'absence de succès ou de progression significative dans ses études depuis l'année 2014 au cours de laquelle elle a été considérée comme défaillante pour l'obtention du niveau 4 du diplôme universitaire d'études françaises, puis s'est inscrite dans des formations non diplômantes, pour en conclure qu'elle n'établissait pas le caractère réel et sérieux de ces études. Dans ces conditions, et nonobstant la regrettable erreur de plume, l'arrêté du préfet de la Gironde n'est pas illégal de ce fait.

7. En quatrième lieu, aux termes de 1' article L. 313-7 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " 1- La carte de séjour temporaire accordée à l'étranger qui établit qu'il suit en France un enseignement ou qu'il y fait des études et qui justifie qu'il dispose de moyens d'existence suffisants porte la mention "étudiant"(...) ". Le renouvellement de cette carte est subordonné, notamment, à la justification par son titulaire de la réalité et du sérieux des études qu'il a déclaré accomplir.

8. Pour estimer que les études de Mme E... ne présentaient pas un caractère réel et sérieux, le préfet de la Gironde s'est notamment fondé sur l'absence de progression dans le déroulement de son cursus. Il ressort effectivement des pièces du dossier, que Mme E... est entrée en France à l'âge de 18 ans, a préparé durant deux années un diplôme universitaire d' " études françaises " mais a été regardée comme " défaillante " en raison d'une absence injustifiée pour la validation du " niveau 4 " en 2013/2014. Puis en 2014/2015, elle a suivi une formation de musique à l'Institut régional d'expressions musicales, en 2015/2016 elle s'est inscrite au Centre d'information et d'activités musicales de Bordeaux aux fins de suivre un cycle intensif de chant et en 2016/2017, elle a suivi un programme de formation d'artiste créateur de spectacle vivant à la " M.A.D.E School " tout en étant inscrite au conservatoire de Bordeaux en " formation musicale 2ème cycle 2ème année ". Enfin elle s'est inscrite pour l'année 2017/2018 au conservatoire de Bordeaux, à une " formation musicale 2ème cycle 1ère année ", soit le cycle d'un niveau inférieur à celui de l'année précédente. Si Mme E... justifie postérieurement à l'arrêté attaqué d'une nouvelle inscription pour l'année 2018/2019 à l'université de Toulouse en " pédagogie du chant ", cette circonstance est postérieure à la date de la décision contestée. Aussi, compte tenu de la circonstance que l'intéressée n'a obtenu aucun diplôme reconnu par l'Etat depuis 2013, et eu égard à l'absence de progression régulière dans son cursus, le préfet de la Gironde n'a pas méconnu les dispositions de l'article L. 313-7 en estimant que l'intéressée ne justifiait pas de la réalité et du sérieux de ses études, et en lui refusant le renouvellement de son titre de séjour portant la mention " étudiant ".

En ce qui concerne l'obligation de quitter le territoire français et la décision fixant le pays de renvoi :

9. Aux termes des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1°. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. 2°. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui ".

10. En premier lieu, Mme E... est entrée en France à l'âge de dix-huit ans et a ainsi passé une grande partie de sa vie en dehors du territoire français. Si la requérante soutient poursuivre une relation avec un ressortissant français depuis avril 2017, elle n'apporte toutefois, pas d'élément précis et circonstancié permettant d'apprécier la réalité du concubinage allégué. En outre, il ressort des pièces du dossier qu'elle n'est pas dépourvue d'attache dans son pays d'origine, la Colombie, où réside son père tandis que sa mère et son frère résident au Mexique. Dans ces conditions, et alors que la requérante ne peut utilement invoquer la violation de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales pour contester la légalité de la décision fixant le pays de renvoi, l'obligation de quitter le territoire n'a pas porté à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée par rapport aux buts en vue desquels cette décision a été prise, et le préfet n'a pas commis d'erreur manifeste d'appréciation quant aux conséquences de cette décision sur la situation de l'intéressée.

11. En second lieu, le moyen tiré de ce que la décision fixant le pays de destination porterait atteinte au droit de Mme E... de retourner éventuellement vivre au Mexique ou résident sa mère et son frère ne peut être qu'écarté dès lors que la décision fixe le pays de destination comme étant celui dont elle a la nationalité ou tout autre pays, dans lequel elle établirait être légalement admissible.

12. Il résulte de tout ce qui précède, que Mme E... n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Bordeaux a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 19 juin 2018 du préfet de la Gironde.

13. Par voie de conséquence, ses conclusions à fins d'injonction et à ce que soient mis à la charge de l'Etat des frais irrépétibles sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative doivent être rejetées.

DECIDE :

Article 1er : La requête de Mme E... est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à Mme B... E... et au ministre de l'intérieur. Copie en sera délivrée au préfet de la Gironde.

Délibéré après l'audience du 29 octobre 2019 à laquelle siégeaient :

M. Dominique Naves, président,

Mme C... D..., présidente-assesseure,

Mme Déborah de Paz, premier conseiller,

Lu en audience publique, le 26 novembre 2019.

La rapporteure,

Fabienne D... Le président,

Dominique NAVES Le greffier,

Christophe PELLETIER

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.

2

N° 19BX02016


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Bordeaux
Formation : 3ème chambre
Numéro d'arrêt : 19BX02016
Date de la décision : 26/11/2019
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

335-03 Étrangers. Obligation de quitter le territoire français (OQTF) et reconduite à la frontière.


Composition du Tribunal
Président : M. NAVES
Rapporteur ?: Mme Fabienne ZUCCARELLO
Rapporteur public ?: Mme MOLINA-ANDREO
Avocat(s) : PERRIN

Origine de la décision
Date de l'import : 16/12/2019
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.bordeaux;arret;2019-11-26;19bx02016 ?
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