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19/11/2019 | FRANCE | N°19BX00956

France | France, Cour administrative d'appel de Bordeaux, 2ème chambre, 19 novembre 2019, 19BX00956


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Madame G... E... a demandé au tribunal administratif de Toulouse :

1°) d'annuler l'arrêté du 23 avril 2018 par lequel le préfet de la Haute-Garonne lui a fait obligation de quitter le territoire français sans délai et a fixé le pays de renvoi ;

2°) d'enjoindre au préfet de la Haute-Garonne de lui délivrer un titre de séjour dans un délai de quinze jours à compter de la notification du jugement à intervenir, sous astreinte de 100 euros par jour de retard.

Par un jugement n° 1802

001 du 23 octobre 2018 le tribunal administratif de Toulouse a rejeté sa demande.

Procédure dev...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Madame G... E... a demandé au tribunal administratif de Toulouse :

1°) d'annuler l'arrêté du 23 avril 2018 par lequel le préfet de la Haute-Garonne lui a fait obligation de quitter le territoire français sans délai et a fixé le pays de renvoi ;

2°) d'enjoindre au préfet de la Haute-Garonne de lui délivrer un titre de séjour dans un délai de quinze jours à compter de la notification du jugement à intervenir, sous astreinte de 100 euros par jour de retard.

Par un jugement n° 1802001 du 23 octobre 2018 le tribunal administratif de Toulouse a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 7 mars 2019, Mme E..., représentée par Me C..., demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement ;

2°) d'annuler l'arrêté du préfet de la Haute-Garonne du 23 avril 2018 ;

3°) d'enjoindre au préfet de la Haute-Garonne de lui délivrer un titre de séjour dans un délai de quinze jours à compter de la notification de l'arrêt à intervenir, sous astreinte de 100 euros par jour de retard, ou à tout le moins de réexaminer sa situation ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat le versement au profit de son conseil d'une somme de 2 000 euros au titre des dispositions combinées des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique.

Elle soutient que :

En ce qui concerne l'obligation de quitter le territoire français :

- la décision est insuffisamment motivée en droit et en fait ;

- le préfet n'a pas procédé à un examen particulier de sa situation ;

- la décision porte une atteinte disproportionnée à son droit au respect de sa vie privée et familiale, tel que protégé par l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, dès lors qu'elle réside en France depuis près de huit ans, que son deuxième enfant y est né, qu'elle est bien intégrée dans la société française et que sa soeur est de nationalité française ;

- la décision méconnait les stipulations de l'article 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant dès lors qu'elle fait obstacle à ce que ses enfants poursuivent une scolarité équivalente en Algérie et maintiennent un lien avec leur père résidant en France, dont elle a divorcé récemment ;

- la décision est entachée d'erreur manifeste d'appréciation au regard de sa situation personnelle et de celle de ses enfants ;

En ce qui concerne le refus de délai de départ volontaire :

- la décision est insuffisamment motivée en fait ;

- elle est dépourvue de base légale du fait de l'illégalité de l'obligation de quitter le territoire français ;

- elle est entachée d'erreur manifeste d'appréciation en l'absence de risque de fuite au sens des dispositions du 3° du II de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

En ce qui concerne la décision fixant le pays de renvoi :

- la décision est insuffisamment motivée en fait en l'absence d'indication des risques encourus en cas de retour dans son pays d'origine ;

- elle est dépourvue de base légale du fait de l'illégalité de l'obligation de quitter le territoire français.

Par un mémoire en défense enregistré le 28 juin 2019, le préfet de la Haute-Garonne conclut au rejet de la requête.

Il fait valoir que les moyens soulevés par Mme E... ne sont pas fondés.

Mme E... a été admise au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 31 janvier 2019.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- la convention internationale relative aux droits de l'enfant ;

- l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- le code des relations entre le public et l'administration ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

- le code de justice administrative.

Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Le rapport de Mme B... a été entendu au cours de l'audience publique.

Considérant ce qui suit :

1. Mme E..., ressortissante algérienne née le 15 août 1979, est entrée en France sous couvert d'un visa de quatre-vingt-dix jours le 7 mars 2011, selon ses déclarations. Sa première demande de titre de séjour, présentée en invoquant sa vie privée et familiale, a été rejetée par une décision du 1er juillet 2011. Sa deuxième demande, présentée en qualité d'étranger malade, a été rejetée par une décision du 17 juillet 2013. Sa demande de régularisation à titre exceptionnel, présentée le 18 mars 2016, a été rejetée le 10 novembre 2016. Ces trois décisions ont été assorties d'obligations de quitter le territoire français, dans un délai de trente jours pour les deux premières, et sans délai pour la troisième. Le 23 avril 2018, Mme E... a été interpellée en situation irrégulière par les services de police. Par un arrêté du même jour, le préfet de la Haute-Garonne lui fait obligation de quitter le territoire français sans délai et a fixé le pays de renvoi. Mme E... relève appel du jugement du 23 octobre 2018 par lequel le tribunal administratif de Toulouse a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cet arrêté.

Sur l'obligation de quitter le territoire français :

2. En premier lieu, aux termes de l'article L. 211-5 du code des relations entre le public et l'administration : " La motivation exigée par le présent chapitre doit être écrite et comporter l'énoncé des considérations de droit et de fait qui constituent le fondement de la décision. ". Il résulte de ces dispositions que le préfet est tenu de mentionner seulement les considérations de fait sur lesquelles il se fonde, et non de manière exhaustive tous les éléments afférents à la situation personnelle et familiale de l'intéressé. En l'espèce, la décision rappelle les éléments relatifs aux conditions d'entrée et de séjour en France exposés au point 1 et précise que Mme E... est entrée récemment en France, qu'elle se maintient en séjour irrégulier malgré plusieurs mesures d'éloignement prises à son encontre, qu'elle n'apporte pas la preuve d'être dans l'impossibilité de poursuivre sa vie dans son pays d'origine où ses enfants pourront poursuivre leur scolarité, et qu'elle est dépourvue d'attaches personnelles et familiales en France. Cette motivation est suffisante, et il en ressort, contrairement à ce que soutient la requérante, que le préfet de la Haute-Garonne a procédé à l'examen particulier de sa situation.

3. En deuxième lieu, aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales stipule que : " 1- Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. 2. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui ". Pour l'application de ces stipulations, l'étranger qui invoque la protection due à son droit au respect de sa vie privée et familiale en France doit apporter toute justification permettant d'apprécier la réalité et la stabilité de ses liens personnels et familiaux effectifs en France au regard de ceux qu'il a conservés dans son pays d'origine.

4. Mme E... fait valoir qu'elle réside en France depuis près de huit ans à la date de la décision contestée, que son deuxième enfant y est né, que ses deux enfants y sont scolarisés, respectivement en classe de quatrième et au cours préparatoire, que sa soeur réside régulièrement en France, qu'elle maîtrise la langue française, qu'elle est membre active d'une association de parents d'élèves, et qu'elle justifie de perspectives d'insertion professionnelle. Toutefois, il ressort des pièces du dossier qu'elle a vécu jusqu'à l'âge de 32 ans en Algérie, où résident encore ses parents et plusieurs de ses frères et soeurs. En outre, malgré son insertion non contestée dans la société française, Mme E... ne démontre pas la réalité, la stabilité et l'intensité des liens qu'elle invoque, notamment avec sa soeur qui résiderait régulièrement en France, et ne justifie d'aucune circonstance particulière faisant obstacle à la poursuite de sa vie familiale en Algérie, où ses enfants mineurs ont vocation à la suivre. Dans ces circonstances, l'obligation de quitter le territoire français ne porte pas au droit de Mme E... au respect de sa vie privée et familiale une atteinte contraire aux stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, et n'est pas entachée d'une erreur manifeste dans l'appréciation de ses conséquences sur sa situation.

5. En troisième lieu, aux termes de l'article 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant : " Dans toutes les décisions qui concernent les enfants, qu'elles soient le fait des institutions publiques ou privées de protection sociale, des tribunaux, des autorités administratives ou des organes législatifs, l'intérêt supérieur de l'enfant doit être une considération primordiale ". Il résulte de ces stipulations, qui peuvent être utilement invoquées à l'appui d'un recours pour excès de pouvoir, que, dans l'exercice de son pouvoir d'appréciation, l'autorité administrative doit accorder une attention primordiale à l'intérêt supérieur des enfants dans toutes les décisions les concernant. Elles sont applicables non seulement aux décisions qui ont pour objet de régler la situation personnelle d'enfants mineurs mais aussi à celles qui ont pour effet d'affecter, de manière suffisamment directe et certaine, leur situation.

6. La circonstance que les enfants de Mme E..., âgés de treize et sept ans à la date de la décision contestée, n'ont été scolarisés qu'en France et en langue française, n'est pas de nature à faire obstacle à la poursuite de leur scolarité en Algérie, quand bien même ce ne serait pas dans des conditions équivalentes. Dès lors qu'il ressort des pièces du dossier que le père des enfants, de nationalité algérienne, dont Mme E... est divorcée, se trouve également en situation irrégulière, la mesure d'éloignement contestée ne peut être regardée comme impliquant une séparation contraire à leur intérêt supérieur. Par suite, le moyen tiré de la méconnaissance de l'article 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant doit être écarté.

Sur le refus de délai de départ volontaire :

7. En premier lieu, la décision portant refus de délai de départ volontaire, qui énonce les éléments de droit et de fait qui en constituent le fondement, est suffisamment motivée.

8. En deuxième lieu, il résulte de ce qui a été dit aux points 2 à 6 que Mme E... n'est pas fondée à exciper de l'illégalité de l'obligation de quitter le territoire français.

9. En troisième lieu, aux termes de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " II. - (...) l'autorité administrative peut, par une décision motivée, décider que l'étranger est obligé de quitter sans délai le territoire français : (...) 3° S'il existe un risque que l'étranger se soustraie à cette obligation. Ce risque peut être regardé comme établi, sauf circonstance particulière, dans les cas suivants : (...) d) Si l'étranger s'est soustrait à l'exécution d'une précédente mesure d'éloignement ; (...). ". Mme E... reprend en appel, sans invoquer d'éléments de fait ou de droit nouveaux par rapport à l'argumentation développée en première instance, et sans critiquer utilement les réponses apportées par le tribunal administratif, le moyen tiré de ce que le refus de délai de départ volontaire serait entaché d'erreur manifeste d'appréciation en l'absence de tout risque de fuite. Dès lors, il y a lieu d'écarter ce moyen par adoption des motifs retenus à bon droit par les premiers juges.

Sur la décision fixant le pays de renvoi :

10. En relevant que Mme E... est de nationalité algérienne et qu'elle n'établit pas encourir des risques dans son pays d'origine, le préfet a suffisamment motivé la décision fixant comme pays de renvoi le pays dont elle a la nationalité.

11. Il résulte de ce qui précède que Mme E... n'est pas fondée à exciper de l'illégalité de l'obligation de quitter le territoire français.

12. Il résulte de tout ce qui précède que Mme E... n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Toulouse a rejeté sa demande. Par voie de conséquence, les conclusions aux fins d'injonction et d'astreinte et celles tendant au paiement des frais exposés et non compris dans les dépens doivent être rejetées.

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de Mme E... est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à Mme G... E... et au ministre de l'intérieur. Copie en sera adressée au préfet de la Haute-Garonne.

Délibéré après l'audience du 22 octobre 2019 à laquelle siégeaient :

Mme F... D..., présidente,

Mme A... B..., présidente-assesseure,

M. Thierry Sorin, premier conseiller.

Lu en audience publique, le 19 novembre 2019.

La rapporteure,

Anne B...

La présidente,

Catherine D...La greffière,

Vanessa Beuzelin

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.

N° 19BX00956 2

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Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Bordeaux
Formation : 2ème chambre
Numéro d'arrêt : 19BX00956
Date de la décision : 19/11/2019
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

335-03 Étrangers. Obligation de quitter le territoire français (OQTF) et reconduite à la frontière.


Composition du Tribunal
Président : Mme GIRAULT
Rapporteur ?: Mme anne MEYER
Rapporteur public ?: Mme CHAUVIN
Avocat(s) : DIALEKTIK AVOCATS AARPI

Origine de la décision
Date de l'import : 16/12/2019
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.bordeaux;arret;2019-11-19;19bx00956 ?
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