Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. A... I... B... B... et Mme C... B... H..., épouse B..., ont demandé au tribunal administratif de Toulouse d'annuler les arrêtés des 15 et 22 octobre 2018 par lesquels le préfet du Tarn a refusé de leur délivrer un titre de séjour, les a obligés à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de destination.
Par un jugement n° 1805191 et n° 1805192 du 7 mars 2019, le tribunal administratif de Toulouse a rejeté leurs demandes.
Procédure devant la cour :
Par une requête, enregistrée le 2 avril 2019, M. A... I... B... B... et Mme C... B... B..., représentés par Me G..., demandent à la cour :
1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Toulouse du 7 mars 2019 ;
2°) d'annuler les arrêtés du 15 octobre 2018 et du 22 octobre 2018 du préfet du Tarn ;
3°) d'enjoindre au préfet du Tarn de leur délivrer un titre de séjour ;
4°) de mettre à la charge de l'État la somme de 1 200 euros à verser à leur conseil en application des dispositions de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.
Ils soutiennent que :
- le préfet a commis une erreur manifeste d'appréciation de l'état de santé de M. B... B... ; de nombreux certificats médicaux établissent la gravité de son état de santé au regard de l'évolution carcinologique défavorable marquée par une évolution métastatique ; il ne peut être retenu que son cas nécessite une simple surveillance ;
- la demande de titre de séjour étant liée à celle de son mari, Mme B... B... a évoqué la nécessité de sa présence aux côtés de son époux.
Par un mémoire en défense, enregistré le 20 juin 2019, le préfet du Tarn conclut au rejet de la requête.
Il soutient que les moyens soulevés par M. et Mme B... B... ne sont pas fondés.
Par ordonnance du 14 mai 2019, la clôture d'instruction a été fixée au 17 juillet 2019 à 12 heures.
M. et Mme B... B... ont été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 16 mai 2019.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique ;
- le code de justice administrative.
Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Le rapport de Mme D... F... a été entendu au cours de l'audience publique.
Considérant ce qui suit :
1. M. B... B..., ressortissant marocain né le 6 mars 1968, est entré en France le 26 février 2010 sous couvert d'un passeport revêtu d'un visa de court séjour valable jusqu'au 28 mars 2010 et a bénéficié d'un titre de séjour en qualité d'étranger malade valable du 1er décembre 2016 au 30 novembre 2017. Mme C... B... B..., son épouse, ressortissante marocaine née le 5 février 1974, est entrée en France le 11 juin 2016 sous couvert d'un passeport revêtu d'un visa de court séjour valable du 10 juin 2016 au 25 juillet 2016, accompagnée de ses deux enfants afin de rejoindre son époux. Ils ont sollicité, respectivement, un titre de séjour sur le fondement du 11° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et un titre de séjour en qualité d'accompagnant d'étranger malade. Par deux arrêtés en date des 15 et 22 octobre 2018, le préfet du Tarn a rejeté leurs demandes, les a obligés à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de destination. M. et Mme B... B... relèvent appel du jugement par lequel le tribunal administratif de Toulouse a rejeté leurs demandes tendant à l'annulation de ces arrêtés.
Sur la légalité de l'arrêté du 15 octobre 2018 concernant M. B... B...:
2. L'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile dispose : " Sauf si sa présence constitue une menace à l'ordre public, la carte de séjour temporaire portant la mention "vie privée et familiale "est délivrée de plein droit : / (...) 11° À l'étranger résidant habituellement en France, si son état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait avoir pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité et si, eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé dans le pays dont il est originaire, il ne pourrait pas y bénéficier effectivement d'un traitement approprié. (...) ". Sous réserve des cas où la loi attribue la charge de la preuve à l'une des parties, il appartient au juge administratif, au vu des pièces du dossier et compte tenu, le cas échéant, de l'abstention d'une partie à produire les éléments qu'elle est seule en mesure d'apporter et qui ne sauraient être réclamés qu'à elle, d'apprécier si l'état de santé d'un étranger nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait entraîner des conséquences d'une exceptionnelle gravité, sous réserve de l'absence du bénéfice effectif d'un traitement approprié dans le pays d'origine. La partie qui justifie d'un avis du collège de médecins de l'OFII qui lui est favorable doit être regardée comme apportant des éléments de fait susceptibles de faire présumer l'existence ou l'absence d'un état de santé de nature à justifier la délivrance ou le refus du titre de séjour. Dans ce cas, il appartient à l'autre partie, dans le respect des règles relatives au secret médical, de produire tous éléments permettant d'apprécier l'état de santé de l'étranger et, le cas échéant, l'existence ou l'absence d'un traitement approprié dans le pays d'origine. La conviction du juge, à qui il revient d'apprécier si l'état de santé d'un étranger justifie la délivrance d'un titre de séjour dans les conditions ci-dessus rappelées, se détermine au vu des échanges contradictoires.
3. M. B... B... soutient que, contrairement à ce qu'a estimé le préfet, l'absence de traitement médical engendrera, sur son état de santé, des conséquences d'une exceptionnelle gravité.
4. Il ressort des pièces du dossier que M. B... B... a été traité à l'Oncopole de Toulouse en 2016 pour un carcinome indifférencié du cavum dont la prise en charge a consisté en une chimiothérapie néo-adjuvante suivie de radio-chimiothérapie. Selon l'avis émis par le collège de médecins de l'Office français de l'immigration et de l'intégration le 15 mars 2018, l'état de santé de M. B... B... nécessite une prise en charge médicale dont le défaut ne devrait pas entraîner des conséquences d'une exceptionnelle gravité et l'intéressé peut voyager sans risque vers son pays d'origine. Cependant, entre la date à laquelle cet avis a été émis, le 15 mars 2018 et l'arrêté contesté du 15 octobre 2018, l'état de santé de M. B... B... a évolué défavorablement. Il ressort en effet des pièces du dossier, notamment des certificats médicaux produits les 13 septembre 2018 et 22 octobre 2018, que le requérant a présenté une récidive cancéreuse en lien avec la pathologie déjà traitée en 2016 nécessitant une intervention chirurgicale. Selon le certificat médical du 22 octobre 2018 il a été découvert une récidive ganglionnaire intra parotidienne droite et sous maxillaire gauche nécessitant un traitement de rattrapage par paroditectomie le 14 septembre 2018 qui nécessite la poursuite d'une surveillance clinique et radiologique. Cet avis est confirmé par le certificat médical du 19 octobre 2018 émanant de son médecin traitant qui précise qu'il ne pourrait recevoir des soins équivalents au Maroc et le certificat d'un praticien de l'hôpital Rangueil-Larrey concluant à la progression apparente para pharyngée gauche par rapport à l'IRM du 29 mai et présence d'un nodule pulmonaire. Enfin, le certificat clinique du 12 mars 2019, postérieur à l'arrêté mais décrivant une situation antérieure, précise que l'évolution carcinologique est défavorable car marquée par une évolution métastatique qui nécessite de maintenir une surveillance clinique et radiologique régulière. Il indique également que la métastase dans le poumon gauche découverte au mois de septembre 2018 a été traitée par radiothérapie en févier 2019. Il résulte de la concordance de ces certificats émanant de différents médecins et des complications auxquelles a été confronté M. B... B..., à savoir une intervention nécessitant une hospitalisation en septembre 2018 puis un nouveau traitement par radiothérapie en févier 2019, que le défaut de sa prise en charge est susceptible d'entraîner des conséquences d'une exceptionnelle gravité. En outre, il ressort de ces certificats médicaux des doutes sérieux sur l'existence au Maroc du traitement requis. Alors que le collège de médecins de l'Office français de l'immigration et de l'intégration ne s'est pas prononcé sur l'existence d'un traitement approprié au Maroc, la nomenclature générale des actes professionnels de l'agence nationale de l'assurance maladie du Maroc établissant que le pays d'origine du requérant propose la surveillance médicale par I.R.M et scanographie ne saurait suffire à établir que le suivi et la prise en charge sus décrites serait disponible au Maroc. Ces éléments étant de nature à infirmer l'avis rendu par le collège de médecins de l'Office français de l'immigration et de l'intégration, M. B... B... est fondé à soutenir que l'arrêté attaqué a méconnu les dispositions précitées du 11° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et qu'il est entaché d'une erreur manifeste d'appréciation au regard de son état de santé. C'est donc à tort que les premiers juges ont rejeté sa demande.
5. Par suite et sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens de la requête, la décision portant refus de renouvellement de titre de séjour doit être annulée ainsi que par voie de conséquence, les mesures portant obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et fixant le pays de renvoi.
Sur la légalité de l'arrêté du 22 octobre 2018 concernant Mme B... B...:
6. Pour rejeter la demande de titre de séjour formée par Mme B... B... en qualité d'accompagnant d'étranger malade, le préfet du Tarn s'est fondé sur le motif tiré de ce que son époux ne pouvait bénéficier d'un titre de séjour en qualité d'étranger malade. Par décision de ce jour, la cour a annulé l'arrêté en date du 15 octobre 2018 par lequel le préfet du Tarn a refusé d'admettre au séjour son époux en lui faisant obligation de quitter le territoire en admettant le moyen tiré de l'erreur manifeste d'appréciation de l'état de santé de son époux commise par le préfet dans l'examen de sa demande. Dans ces conditions, Mme B... B... est fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Toulouse a rejeté sa demande tendant à l'annulation du refus de titre de séjour qui lui a été opposé et, par voie de conséquence, les décisions portant obligation de quitter le territoire français et fixation du pays de destination.
Sur les conclusions aux fins d'injonction :
7. L'annulation prononcée par le présent arrêt implique nécessairement que le préfet du Tarn délivre un titre de séjour à M. B... B... sur le fondement du 11° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et un titre de séjour en tant qu'accompagnant d'étranger malade à son épouse Mme B... B.... Par suite, il y a lieu d'enjoindre au préfet d'y procéder dans un délai de trois mois.
Sur les frais exposés et non compris dans les dépens :
8. Il y a lieu en l'espèce, en application des dispositions de l'article 37 de la loi susvisée du 10 juillet 1991 et de celles de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, de mettre à la charge de l'État, qui est la partie perdante dans la présente instance, une somme de 1 200 euros à verser à Me G..., conseil de M. et de Mme B... B..., sous réserve qu'elle renonce à percevoir la part contributive de l'État au titre de l'aide juridictionnelle.
DÉCIDE :
Article 1er : Le jugement du tribunal administratif de Toulouse du 7 mars 2019 et les arrêtés du préfet du Tarn du 15 octobre 2018 et du 22 octobre 2018 sont annulés.
Article 2 : Il est enjoint au préfet du Tarn de délivrer un titre de séjour à M. et à Mme B... B..., dans un délai de trois mois à compter de la notification du présent arrêt.
Article 3 : L'État versera à Me G... une somme de 1 200 euros en application des dispositions du deuxième alinéa de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991, sous réserve qu'elle renonce à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'État.
Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à M. A... I... B... B..., à Mme C... B... H..., épouse B..., au préfet du Tarn, au ministre de l'intérieur et à Me G....
Délibéré après l'audience du 17 octobre 2019 à laquelle siégeaient :
M. Éric Rey-Bèthbéder, président,
Mme Frédérique Munoz-Pauziès, président-assesseur,
Mme D... F..., premier conseiller,
Lu en audience publique, le 14 novembre 2019.
Le rapporteur,
Florence F...
Le président,
Éric Rey-Bèthbéder
La greffière,
Camille Péan
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.
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N° 19BX01321