Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. E... A... a demandé au tribunal administratif de la Martinique, par deux requêtes distinctes, d'annuler la décision du 20 juillet 2018 par laquelle le préfet de la Martinique a refusé de lui délivrer un titre de séjour et l'arrêté du 3 septembre 2018 l'obligeant à quitter le territoire français et d'enjoindre au préfet de lui délivrer un titre de séjour.
Par un jugement n° 1800555 et n°1800595 du 10 janvier 2019, le tribunal administratif de la Martinique a annulé la décision du 20 juillet 2018 et l'arrêté du 3 septembre 2018 du préfet de la Martinique et lui a enjoint de procéder au réexamen de la situation de M. A..., et a rejeté le surplus des conclusions de M. A....
Procédure devant la cour :
Par une requête, enregistrée le 28 février 2019, le préfet de la Martinique demande à la cour d'annuler ce jugement du tribunal administratif de la Martinique du 10 janvier 2019.
Le préfet soutient que :
- hormis la correspondance du conseil de M. A... en date du 2 juillet 2018, ce dernier ne s'est jamais présenté en préfecture personnellement et n'a pas déposé de demande de titre de séjour sur le fondement de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, et n'a justifié d'aucun élément qui lui aurait permis de vérifier si l'admission exceptionnelle au séjour au titre de la vie privée et familiale répondait à des considérations humanitaires ou se justifiait au regard des motifs exceptionnels, ses arguments étant uniquement fondés sur sa qualité de conjoint de français ;
- après échanges de correspondances, M. A... s'est présenté en préfecture le 16 juillet 2018 avec son épouse et a déposé un dossier de demande de titre sur le fondement des dispositions du 4° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile en qualité de conjoint de français ;
- la mesure d'éloignement est justifiée dès lors que le requérant ne remplissait pas les conditions pour se voir délivrer un titre de séjour en qualité de conjoint de français.
Par un mémoire en défense enregistré le 25 juin 2019, M. A..., représenté par Me B..., conclut :
1°) au rejet de la requête du préfet de la Martinique ;
2°) à la confirmation du jugement du tribunal administratif sauf en ce qu'il a rejeté sa demande sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;
3°) à ce qu'il soit enjoint au préfet de lui délivrer sous astreinte un titre de séjour " vie privée et familiale " dans un délai d'un mois à compter de la décision à intervenir ou à défaut, de procéder à un nouvel examen de sa demande et de lui délivrer une autorisation provisoire de séjour dans l'attente ;
4°) à ce que soit mis à la charge de l'État la somme de 1 500 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il fait valoir que c'est à bon droit que les premiers juges ont annulé le refus de séjour qui lui était opposé et, par voie de conséquence, la décision lui faisant obligation de quitter le territoire français dès lors et que le préfet a commis une erreur de droit en n'examinant pas sa situation au regard des dispositions de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et maintient l'ensemble des moyens d'annulation invoqués en première instance.
Par ordonnance du 22 mai 2019, la clôture d'instruction a été fixée au 22 juillet 2019 à 12 heures.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- le code de justice administrative.
Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Le rapport de Mme C... D... a été entendu au cours de l'audience publique.
Considérant ce qui suit :
1. M. A..., de nationalité haïtienne, est entré sur le territoire français, selon ses déclarations, en novembre 2014 et a présenté une demande d'asile qui a été rejetée définitivement par la Cour nationale du droit d'asile le 16 janvier 2017. Par une décision du 20 juillet 2018, le préfet de la Martinique a refusé de faire droit à la demande de titre de séjour sollicitée le 2 juillet 2018 par M. A... et, par un arrêté en date du 3 septembre 2018, le préfet lui a fait obligation de quitter le territoire français. Le préfet de la Martinique relève appel du jugement du 10 janvier 2019 par lequel le tribunal administratif de la Martinique a annulé ces arrêtés.
Sur le moyen d'annulation retenu par le tribunal administratif :
2. Pour annuler la décision du 20 juillet 2018, le tribunal administratif a retenu qu'en se fondant uniquement sur la circonstance que M. A... ne disposait pas d'un visa de long séjour et ne remplissait donc pas les conditions pour bénéficier d'un titre de séjour, sur le fondement du 4° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, en qualité de conjoint de Français et en excluant ainsi la possibilité de lui accorder pour des motifs exceptionnels, une carte de séjour temporaire, sur le fondement de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile invoqué par l'intéressé dans sa demande, le préfet de la Martinique a méconnu l'étendue de sa compétence et entaché la décision du 20 juillet 2018 portant refus de titre de séjour d'erreur de droit. L'arrêté du 3 septembre 2018 portant obligation de quitter le territoire français a été annulé par voie de conséquence.
3. Le préfet de la Martinique soutient qu'hormis la correspondance du conseil de M. A... en date du 2 juillet 2018, ce dernier ne s'est jamais présenté en préfecture personnellement et n'a pas déposé de demande de titre de séjour sur le fondement de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, et n'a justifié d'aucun élément qui lui aurait permis de vérifier si l'admission exceptionnelle au séjour au titre de la vie privée et familiale répondait à des considérations humanitaires ou se justifiait au regard des motifs exceptionnels, ses arguments étant uniquement fondés sur sa qualité de conjoint de Français.
4. Il ressort toutefois des pièces du dossier que, par courrier du 2 juillet 2018, le conseil de M. A..., après avoir évoqué le premier refus de titre opposé à son client par décision du 24 mai 2017 en raison notamment de l'absence de visa de long séjour et expliqué que le climat de violence dont il aurait été victime en Haïti justifiait les difficultés d'un retour en Haïti dans l'attente d'un tel visa, fonde expressément et pour ce motif, la demande de M. A... au titre de l'admission exceptionnelle au séjour prévue par l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Par courrier du 10 juillet 2018 adressé au conseil de M. A..., le préfet de la Martinique, qui s'est mépris sur cette demande, a visé et examiné à tort la demande de M. A... sur le fondement du 4° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, soit une demande de titre en qualité de conjoint de Français, et a répondu qu'il ne remplissait pas les conditions de séjour de plein droit au titre de cet article. Par la décision attaquée du 20 juillet 2018, le préfet a confirmé à M. A... pour le même motif le refus sur le fondement du 4° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile sans examiner sa demande au titre de l'article L. 313-14. L'attestation de dépôt de demande de titre en date du 16 juillet 2018, qui fait suite au déplacement en préfecture de M. A... et de son conseil à cette date, et qui fait référence à une demande de titre sur le fondement du 7° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, ne saurait remettre en cause la demande expresse du 2 juillet 2018 de M. A... au titre de l'admission exceptionnelle au séjour au visa de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Dès lors, le préfet n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que le tribunal administratif de la Martinique a jugé qu'en s'abstenant d'examiner la demande de M. A... sur le fondement de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile invoqué par l'intéressé, il avait méconnu l'étendue de sa compétence et entaché sa décision du 20 juillet 2018 portant refus de titre de séjour d'erreur de droit.
5. Il résulte de ce qui précède que le préfet de la Martinique n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de la Martinique a accueilli la demande de M. A... et annulé la décision du préfet de la Martinique du 20 juillet 2018 refusant de lui délivrer un titre de séjour et l'arrêté du 3 septembre 2018 l'obligeant à quitter le territoire français.
Sur les conclusions à fin d'injonction :
6. M. A... réitère en appel ses conclusions tendant à ce qu'il soit enjoint au préfet de la Martinique de lui délivrer un titre de séjour " vie privée et familiale " dans un délai d'un mois à compter de la décision à intervenir ou à défaut, de procéder à un nouvel examen de sa demande et de lui délivrer une autorisation provisoire de séjour dans l'attente.
7. D'une part, la confirmation du jugement prononcée par le présent arrêt n'implique pas nécessairement, eu égard à ses motifs et alors qu'aucun des autres moyens soulevés par M. A... n'apparaît de nature à la fonder, que le préfet lui délivre un tel titre de séjour.
8. D'autre part, les conclusions tendant au réexamen de sa demande ont déjà été accueillies par les premiers juges. Le présent arrêt ne réforme pas l'injonction prononcée par ce jugement. Dès lors, les conclusions à fin d'injonction présentées en appel par M. A... doivent être rejetées.
Sur les conclusions présentées au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :
9. En application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, il y a lieu de mettre à la charge de l'État le versement à M. A... de la somme de 1 200 euros.
DÉCIDE
Article 1er : La requête du préfet de la Martinique est rejetée.
Article 2 : L'État versera à M. A... une somme de 1 200 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 3 : Le surplus des conclusions de M. A... est rejeté.
Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à M. E... A..., au ministre de l'intérieur et au préfet de la Martinique.
Délibéré après l'audience du 3 octobre 2019 à laquelle siégeaient :
M. Éric Rey-Bèthbéder, président,
Mme Frédérique Munoz-Pauziès, président-assesseur,
Mme C... D..., premier conseiller,
Lu en audience publique, le 6 novembre 2019.
Le rapporteur,
Florence D...
Le président,
Éric Rey-Bèthbéder
Le greffier,
Caroline Brunier
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.
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N° 19BX00821