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06/11/2019 | FRANCE | N°19BX00406

France | France, Cour administrative d'appel de Bordeaux, 7ème chambre (formation à 3), 06 novembre 2019, 19BX00406


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme A... B..., épouse C..., a demandé au tribunal administratif de Toulouse, d'une part, d'annuler la décision du 22 novembre 2016 par laquelle le préfet de la Haute-Garonne a refusé de lui délivrer un titre de séjour et d'autre part, d'annuler la décision du même jour par laquelle le préfet a décidé sa remise aux autorités italiennes.

Par un jugement n° 160501- 1605702 du 6 décembre 2018, le tribunal administratif de Toulouse a joint ces demandes avant de les rejeter.

Procédure devan

t la cour :

Par une requête et un mémoire, enregistrés les 31 janvier et 9 août 2019, Mm...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme A... B..., épouse C..., a demandé au tribunal administratif de Toulouse, d'une part, d'annuler la décision du 22 novembre 2016 par laquelle le préfet de la Haute-Garonne a refusé de lui délivrer un titre de séjour et d'autre part, d'annuler la décision du même jour par laquelle le préfet a décidé sa remise aux autorités italiennes.

Par un jugement n° 160501- 1605702 du 6 décembre 2018, le tribunal administratif de Toulouse a joint ces demandes avant de les rejeter.

Procédure devant la cour :

Par une requête et un mémoire, enregistrés les 31 janvier et 9 août 2019, Mme B... épouse C..., représentée par Me Gaillot, avocat, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du 6 décembre 2018 du tribunal administratif de Toulouse ;

2°) d'annuler les décisions litigieuses ;

3°) d'enjoindre au préfet de lui délivrer un titre de séjour dans le délai de 15 jours à compter de l'arrêt à intervenir sous astreinte de 100 euros par jour de retard ;

4°) de mettre à la charge de l'État la somme de 1 500 euros au titre des dispositions des articles 37 de la loi du 10 juillet 1991 et L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- les décisions sont insuffisamment motivées ;

- leur édiction n'a pas été précédée de la procédure contradictoire prévue par les dispositions de l'article 121-1 du code des relations entre le public et l'administration ;

- les décisions sont entachées d'une erreur manifeste d'appréciation, dès lors qu'elle dispose d'un emploi régulier depuis trois ans, en qualité d'aide à domicile d'une personne handicapée, et que son mari a également un emploi stable en France ;

- le préfet s'est estimé lié par l'avis de la DIRECCTE du 12 juillet 2016 ;

- le refus de titre de séjour est entaché d'un détournement de pouvoir ;

- la décision méconnaît l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, dès lors que son mari est titulaire d'une carte de résident valable dix ans et qu'elle est parfaitement intégrée en France ;

Par un mémoire en défense, enregistré le 6 mai 2019, le préfet de la Haute-Garonne conclut au rejet de la requête

Par ordonnance du 13 août 2019, la clôture de l'instruction a été fixée au 5 septembre 2019.

Par décision du bureau d'aide juridictionnelle du 11 avril 2019, Mme B... épouse C..., a été admise au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale.

Vu :

- les autres pièces du dossier ;

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- l'accord du 17 mars 1988 entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de la République de Tunisie en matière de séjour et de travail ;

- le protocole relatif à la gestion concertée des migrations entre le gouvernement de la République française et le gouvernement de la République tunisienne signé à Tunis le 28 avril 2008 ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Le rapport de Mme D... a été entendu au cours de l'audience publique.

Considérant ce qui suit :

1. Mme B..., épouse C..., de nationalité tunisienne, est entrée en France selon ses dires le 9 septembre 2015 munie d'une carte de résident longue durée-UE délivrée par les autorités italiennes, et a sollicité le 12 janvier 2016 la délivrance d'un titre de séjour en qualité de salarié. Par décision du 22 novembre 2016, le préfet de la Haute-Garonne a refusé de lui délivrer un titre de séjour et, par une décision du même jour, a décidé de sa remise aux autorités italiennes. Mme B..., épouse C..., relève appel du jugement du 6 décembre 2018 par lequel le tribunal administratif de Toulouse a rejeté ses demandes tendant à l'annulation de ces décisions.

Sur le refus de titre de séjour :

2. En premier lieu, la décision contestée mentionne les textes dont elle fait application, ainsi que les principaux éléments de la situation de Mme B..., épouse C..., et notamment son entrée en France en 2015, à l'âge de 48 ans, munie d'une carte de résident longue durée- UE délivrée par les autorités italiennes le 18 février 2013, le contrat de travail dont elle s'est prévalue dans sa demande de titre de séjour en qualité de salarié, l'avis défavorable de la direction régionale des entreprises, de la concurrence, de la consommation, du travail et de l'emploi de Haute-Garonne du 12 juillet 2016 et la présence en France de l'époux de la requérante. Le moyen tiré de son insuffisante motivation doit dès lors être écarté.

3. En deuxième lieu, en tout état de cause, une décision portant refus de titre de séjour n'entre pas dans la catégorie des mesures qui doivent être précédées de la procédure contradictoire prévue par les dispositions de l'article 121-1 du code des relations entre le public et l'administration, dès lors qu'il s'agit d'une décision prise sur la demande de l'intéressé.

4. En troisième lieu, aux termes de l'article 3 de l'accord franco-tunisien du 17 mars 1988 modifié : " Les ressortissants tunisiens désireux d'exercer une activité professionnelle salariée en France, pour une durée d'un an au minimum, et qui ne relèvent pas des dispositions de l'article 1er du présent Accord, reçoivent, après contrôle médical et sur présentation d'un contrat de travail visé par les autorités compétentes, un titre de séjour valable un an et renouvelable et portant la mention salarié ". Aux termes de l'article R. 5221-20 du code du travail : " Pour accorder ou refuser l'une des autorisations de travail mentionnées à l'article R. 5221-11, le préfet prend en compte les éléments d'appréciation suivants : / 1° La situation de l'emploi dans la profession et dans la zone géographique pour lesquelles la demande est formulée, compte tenu des spécificités requises pour le poste de travail considéré, et les recherches déjà accomplies par l'employeur auprès des organismes concourant au service public de l'emploi pour recruter un candidat déjà présent sur le marché du travail ; (...) 6° Le salaire proposé à l'étranger qui, même en cas d'emploi à temps partiel, est au moins équivalent à la rémunération minimale mensuelle mentionnée à l'article L. 3232-1 (...) ".

5. Pour refuser à Mme B..., épouse C..., la délivrance d'un titre de séjour en qualité de salarié pour l'exercice du métier d'aide-ménagère auprès d'une personne handicapée, le préfet a relevé dans la décision contestée que le 12 juillet 2016, la direction régionale des entreprises, de la concurrence, de la consommation, du travail et de l'emploi de Haute-Garonne avait émis un avis défavorable à la demande de l'intéressée, au motif, d'une part, que la rémunération proposée était insuffisante au regard du 6° l'article R. 5221-20 du code du travail, et d'autre part, que l'employeur n'avait pas déposé d'offre d'emploi auprès des services de Pôle emploi, alors même qu'il y avait un grand nombre de demandeurs d'emploi en recherche dans le secteur du nettoyage de locaux.

6. Il résulte de la motivation de la décision contestée, laquelle précise : " Toutefois, le préfet, qui n'est pas lié par cet avis, dispose du pouvoir d'apprécier si les éléments présentés constituent des motifs justifiant votre admission au séjour en qualité de salariée " et ajoute " au regard de l'ensemble des éléments de votre dossier, aucun n'est de nature à considérer que votre situation revêtirait un caractère humanitaire exceptionnel dont l'appréciation par l'autorité administrative serait propre à répondre favorablement à votre demande ", que le préfet ne s'est pas cru lié par l'avis de la direction régionale des entreprises, de la concurrence, de la consommation, du travail et de l'emploi.

7. Mme B..., épouse C..., ne conteste pas les motifs retenus par le préfet, mais soutient que la décision est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation, dès lors qu'elle dispose d'un emploi régulier depuis 2016 et que la personne handicapée dont elle s'occupe ne souhaite pas changer d'aide à domicile. Toutefois, ces considérations ne constituent pas des motifs humanitaires justifiant la délivrance d'un titre de séjour à titre exceptionnel. Si elle fait état d'un contrat de travail plus rémunérateur conclu le 27 juin 2019, cette circonstance est postérieure à la décision attaquée et sans influence sur sa légalité.

8. En quatrième lieu, aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui ".

9. Mme B..., épouse C..., soutient que son époux vit en France sous couvert d'un titre de séjour de dix ans, qu'elle travaille en qualité d'aide-ménagère et est intégrée en France. Cependant, il ressort des pièces du dossier que l'intéressée est entrée en France à l'âge de 48 ans et que le mariage, célébré le 29 avril 2015, était très récent à la date de la décision attaquée. Dès lors, dans les circonstances de l'espèce, le moyen tiré, par Mme B..., épouse C..., de ce que le refus de titre de séjour attaqué porterait à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard des buts poursuivis par la décision et méconnaîtrait par suite les dispositions précitées du 7° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et les stipulations précitées de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, doit être écarté.

10. En cinquième et dernier lieu, le détournement de pouvoir allégué par l'appelante n'est pas établi.

Sur la décision de remise aux autorités italiennes :

11. Aux termes de l'article L.531-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " I. - Par dérogation aux articles L. 213-2 et L. 213-3, L. 511-1 à L. 511-3, L. 512-1, L. 512-3, L. 512-4, L. 513-1 et L. 531-3, l'étranger non ressortissant d'un État membre de l'Union européenne qui a pénétré ou séjourné en France sans se conformer aux dispositions des articles L. 211-1 et L. 311-1 peut être remis aux autorités compétentes de l'État membre qui l'a admis à entrer ou à séjourner sur son territoire, ou dont il provient directement, en application des dispositions des conventions internationales conclues à cet effet avec les États membres de l'Union européenne, en vigueur au 13 janvier 2009. / L'étranger visé au premier alinéa est informé de cette remise par décision écrite et motivée prise par une autorité administrative définie par décret en Conseil d'État. / Cette décision peut être exécutée d'office par l'administration après que l'étranger a été mis en mesure de présenter des observations et d'avertir ou de faire avertir son consulat, un conseil ou toute personne de son choix. ". L'article L. 531-2 du même code dispose : " L'article L. 531-1 est applicable à l'étranger qui, en provenance du territoire d'un État partie à la convention signée à Schengen le 19 juin 1990, est entré ou a séjourné sur le territoire métropolitain sans se conformer aux dispositions des articles 19, paragraphe 1 ou 2, 20, paragraphe 1, ou 21, paragraphe 1 ou 2, de cette convention ou sans souscrire, au moment de l'entrée sur ce territoire, la déclaration obligatoire prévue par l'article 22 de la même convention, alors qu'il était astreint à cette formalité. / Il en est de même de l'étranger détenteur d'un titre de résident de longue durée-UE en cours de validité accordé par un autre État membre qui fait l'objet d'une mesure d'éloignement du territoire français. Un décret en Conseil d'État détermine les conditions d'application du présent alinéa. ". Enfin, aux termes de l'article R. 531-10 du même code : " I.- Les dispositions du deuxième alinéa de l'article L. 531-2 sont applicables à l'étranger titulaire du statut de résident longue durée-UE accordé par un autre État membre de l'Union européenne qui aura soit séjourné sur le territoire français plus de trois mois consécutifs sans se conformer aux dispositions de l'article L. 313-4-1, soit fait l'objet d'un refus de délivrance ou de renouvellement d'une carte de séjour temporaire ou pluriannuelle en application de l'article L. 313-4-1 ou du retrait d'une carte de séjour temporaire ou pluriannuelle délivrée en application de l'article L. 313-4-1. ".

12. En premier lieu, la décision contestée, qui énonce les considérations de droit et de fait qui en constituent le fondement, est suffisamment motivée.

13. En deuxième lieu, lorsqu'il sollicite la délivrance ou le renouvellement d'un titre de séjour, l'étranger, en raison même de l'accomplissement de cette démarche qui tend à son maintien régulier sur le territoire français, ne saurait ignorer qu'en cas de refus, il pourra faire l'objet d'une mesure d'éloignement. À l'occasion du dépôt de sa demande, il est conduit à préciser à l'administration les motifs pour lesquels il demande que lui soit délivré un titre de séjour et à produire tous éléments susceptibles de venir au soutien de cette demande. Il lui appartient, lors du dépôt de cette demande, lequel doit en principe faire l'objet d'une présentation personnelle du demandeur en préfecture, d'apporter à l'administration toutes les précisions qu'il juge utiles. Il lui est loisible, au cours de l'instruction de sa demande, de faire valoir auprès de l'administration toute observation complémentaire utile, au besoin en faisant état d'éléments nouveaux. Le droit de l'intéressé d'être entendu, ainsi satisfait avant que n'intervienne le refus de titre de séjour, n'impose pas à l'autorité administrative de mettre l'intéressé à même de réitérer ses observations ou de présenter de nouvelles observations, de façon spécifique, sur l'obligation de quitter le territoire français ou la décision de remise aux autorités de l'État partie à la convention signée à Schengen qui lui a délivré le titre de résident de longue durée-UE, qui est prise concomitamment et en conséquence du refus de titre de séjour. Le moyen tiré de ce que la décision serait intervenue sans avoir été précédée d'une procédure contradictoire doit être écarté.

14. En troisième lieu, pour les motifs énoncés au point 9 du présent arrêt, il y a lieu d'écarter le moyen tiré de la méconnaissance de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ainsi que celui tiré de l'erreur manifeste d'appréciation.

15. Il résulte de tout ce qui précède que Mme B..., épouse C..., n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Toulouse a rejeté sa demande. Il y a lieu, par voie de conséquence, de rejeter ses conclusions à fin d'injonction ainsi que celles présentées au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de Mme B..., épouse C..., est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à Mme B..., épouse C..., et au ministre de l'intérieur.

Copie en sera adressée au préfet de la Haute-Garonne.

Délibéré après l'audience du 3 octobre 2019 à laquelle siégeaient :

M. Éric Rey-Bèthbéder, président,

Mme D..., présidente-assesseure,

M. Manuel Bourgeois premier-conseiller.

Lu en audience publique, le 6 novembre 2019.

La rapporteure,

E...Le président

Éric Rey-Bèthbéder

Le greffier,

Caroline Brunier

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun, contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.

N° 19BX00406 2


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Bordeaux
Formation : 7ème chambre (formation à 3)
Numéro d'arrêt : 19BX00406
Date de la décision : 06/11/2019
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

335-01 Étrangers. Séjour des étrangers.


Composition du Tribunal
Président : M. REY-BETHBEDER
Rapporteur ?: Mme Frédérique MUNOZ-PAUZIES
Rapporteur public ?: M. NORMAND
Avocat(s) : GAILLOT

Origine de la décision
Date de l'import : 16/12/2019
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.bordeaux;arret;2019-11-06;19bx00406 ?
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