Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
Mme E... D... a demandé au tribunal administratif de Pau de condamner la commune de Pau à lui verser une indemnité de 68 846 euros en réparation des préjudices causés par le défaut de protection de la part de son employeur.
Par un jugement n° 1501100 du 8 juin 2017, le tribunal administratif de Pau a rejeté sa demande.
Procédure devant la cour :
Par une requête, enregistrée le 26 juillet 2017, Mme E... D..., représentée par Me F..., demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Pau du 8 juin 2017 ;
2°) de condamner la commune de Pau à lui verser une indemnité de 68 846 euros en réparation des préjudices causés, assortie des intérêts à compter du 5 février 2015 ;
3°) de mettre à la charge de la commune de Pau la somme de 6 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- il résulte du 1) de l'article 31 de la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne, de l'article 11 de la loi n° 83-634 du 19 juillet 1983, des articles 2-1 et 3 du décret n° 85-603, de l'article L. 4121-1 du code du travail et de la jurisprudence que l'employeur public a une obligation de résultat en ce qui concerne la sécurité de ses agents. Elle a été agressée sexuellement par un autre agent de la commune en 2011. Cette agression a été reconnue comme accident de service et son auteur a été condamné pénalement ;
- la commune avait connaissance depuis 2009 ou 2010 du comportement de cet agent comme cela est démontré par procès-verbal d'audition du 13 septembre 2011. En dépit de cela, la commune n'a rien fait pour mettre un terme au comportement de cet agent. La seule mesure prise est postérieure à sa plainte. Ce manquement à l'obligation instituée par l'article L. 4121-1 du code du travail et l'article 11 de la loi n° 83-634 constitue une faute de service de nature à engager la responsabilité de la commune ;
- les troubles dans les conditions d'existence et les souffrances morales endurées sont imputables à cet accident de service. Si la commune avait agi, cet accident ne serait pas survenu ;
- son préjudice moral, évalué à 50 000 euros, est caractérisé par le traumatisme à l'origine de nombreux arrêts de travail d'août 2011 jusqu'à sa retraite, traumatisme qui affecte toujours sa vie privée et familiale ;
- le tribunal correctionnel a indemnisé les préjudices causés par l'auteur de l'agression sexuelle mais pas ceux résultant des manquements imputables à la commune de Pau ;
- elle n'a pas pu différer son départ à la retraite en raison de son état de santé. Elle a donc perdu une chance de pouvoir différer son départ à la retraite. Cette perte de chance d'augmenter ses revenus est établie sans qu'il soit nécessaire d'avoir formulé une demande tendant à différer son départ à la retraire. Elle peut être évaluée, au regard du montant de la perte de traitement puis de la perte de pension et de l'espérance de vie moyenne des femmes françaises, à la somme de 18 648 euros.
Par un mémoire en défense, enregistré le 27 septembre 2017, la commune de Pau, représentée par Me G..., conclut :
- au rejet de la requête ;
- à ce que soit mise à la charge de Mme D... la somme de 3 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle fait valoir que les moyens soulevés par Mme D... ne sont pas fondés.
Par ordonnance du 25 octobre 2018, la clôture de l'instruction a été fixée au 16 novembre 2018 à midi.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. H... A...,
- et les conclusions de M. Axel Basset, rapporteur public.
Considérant ce qui suit :
1. Mme D... travaillait à la mairie de Pau depuis 1987 en qualité d'agent technique exerçant les fonctions d'agent d'entretien. Le 14 mai 2011, elle a été victime d'une agression sexuelle commise par l'un de ses collègues exerçant les fonctions d'agent de sécurité et a porté plainte le 2 août 2011. Après que cet agent ait été condamné pénalement et civilement par un jugement du tribunal correctionnel de Pau du 20 février 2012 et un jugement du tribunal de grande instance de Pau du 26 mai 2014, Mme D... a sollicité devant le tribunal administratif de Pau la condamnation de la commune de Pau à lui verser une indemnité de 68 846 euros en réparation du préjudice causé par le manquement de la commune à son obligation de protection de ses agents. Mme D... relève appel du jugement du 8 juin 2017 par lequel le tribunal administratif de Pau a rejeté sa demande.
Sur la responsabilité :
2. Les dispositions de l'article 11 de la loi du 13 juillet 1983 portant droits et obligations des fonctionnaires, en vertu desquelles une collectivité publique est tenue de protéger les fonctionnaires qu'elle emploie à la date des faits en cause contre les menaces, violences, voies de fait, injures, diffamations ou outrages dont ils pourraient être victimes à l'occasion de leurs fonctions et de réparer, le cas échéant, le préjudice qui en est résulté, sont relatives à un droit statutaire à protection qui découle des liens particuliers qui unissent une collectivité publique à ses agents et n'ont pas pour objet d'instituer un régime de responsabilité de la collectivité publique à l'égard de ses agents. La circonstance qu'un agent soit susceptible de bénéficier de la protection de la collectivité qui l'emploie pour obtenir réparation d'un préjudice qu'il estime avoir subi ne fait pas obstacle à ce qu'il recherche, à raison des mêmes faits, la responsabilité pour faute de cette collectivité.
3. Si Mme D... invoque l'article 11 de la loi du 13 juillet 1983, elle soutient que la responsabilité de la commune de Pau doit être engagée en raison d'un manquement antérieur à l'agression dont elle a été victime puisqu'elle soutient que la commune de Pau, qui, selon elle, avait connaissance du comportement de cet agent de sécurité, n'a pris aucune mesure permettant de prévenir tout risque d'agression sexuelle. Ainsi, en invoquant une faute antérieure à son agression, Mme D... doit être regardée comme invoquant la responsabilité pour faute de la commune de Pau.
4. Pour établir que la commune de Pau avait connaissance du comportement de l'agent de sécurité en cause, Mme D... se fonde sur le procès-verbal du 13 septembre 2011 concernant l'audition, lors de l'enquête concernant son agression sexuelle, d'une collègue de cet agent de sécurité ayant indiqué qu'elle-même avait été victime en 2009 et 2010 de propos et de gestes déplacés de la part de cet agent en précisant qu'à l'époque, elle avait effectué un signalement auprès de son chef de service qui, à sa connaissance, n'aurait rien fait. Cependant cette seule déclaration, dépourvue de toute précision sur la date, les modalités et le contenu du signalement, dont l'existence n'est confirmée par aucune autre pièce jointe à l'instruction, ne permet pas, à elle seule, d'établir que la commune de Pau avait connaissance de l'attitude de cet agent avant l'agression dont Mme D... a été victime, agression dont la commune n'a au demeurant eu connaissance que le 27 juillet 2011. Dès lors, la faute alléguée n'étant pas établie, Mme D... n'est pas fondée à rechercher à ce titre la responsabilité de la commune de Pau.
5. Il résulte de ce qui précède que Mme D... n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Pau a rejeté sa demande indemnitaire.
Sur les frais de l'instance :
6. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de la commune de Pau, qui n'est pas dans la présente instance la partie perdante, la somme demandée par Mme D... au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens. En revanche, il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de Mme D..., la somme demandée par la commune de Pau au même titre.
DECIDE
Article 1er : La requête de Mme D... est rejetée.
Article 2 : Les conclusions de la commune de Pau présentées sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à Mme E... D... et à la commune de Pau.
Délibéré après l'audience du 7 octobre 2019, à laquelle siégeaient :
M. Pierre Larroumec, président,
Mme C... B..., présidente-assesseure,
M. H... A..., premier conseiller,
Lu en audience publique, le 4 novembre 2019.
Le rapporteur,
Paul-André A...
Le président,
Pierre Larroumec
Le greffier,
Cindy Virin
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.
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N° 17BX02491