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29/10/2019 | FRANCE | N°19BX01565

France | France, Cour administrative d'appel de Bordeaux, 3ème chambre, 29 octobre 2019, 19BX01565


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. A... B... a demandé au tribunal administratif de Bordeaux d'annuler l'arrêté du 1er mars 2019 par lequel le préfet de la Gironde l'a obligé à quitter le territoire français, a fixé le pays de renvoi, a refusé l'octroi d'un délai de départ volontaire et a prononcé une interdiction de retour sur le territoire français pour une durée de deux ans, ainsi que la décision du même jour portant assignation à résidence.

Par un jugement n° 1901010 du 8 mars 2019, le tribunal administratif de Borde

aux a rejeté l'ensemble des prétentions de M. B....

Procédure devant la cour :

Par un...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. A... B... a demandé au tribunal administratif de Bordeaux d'annuler l'arrêté du 1er mars 2019 par lequel le préfet de la Gironde l'a obligé à quitter le territoire français, a fixé le pays de renvoi, a refusé l'octroi d'un délai de départ volontaire et a prononcé une interdiction de retour sur le territoire français pour une durée de deux ans, ainsi que la décision du même jour portant assignation à résidence.

Par un jugement n° 1901010 du 8 mars 2019, le tribunal administratif de Bordeaux a rejeté l'ensemble des prétentions de M. B....

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 12 avril 2019, M. B..., représenté par Me D..., demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Bordeaux du 8 mars 2019 ;

2°) de lui accorder l'aide juridictionnelle provisoire ;

3°) d'annuler les décisions du 1er mars 2019 du préfet de la Gironde ;

4°) d'enjoindre le préfet de la Gironde de lui délivrer sans délai une autorisation provisoire de séjour, sous astreinte de 150 euros par jour de retard et de procéder au réexamen de sa situation personnelle ;

5°) de mettre à la charge du préfet de la Gironde la somme de 1 500 euros au titre des dispositions combinées de l'article L 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 alinéa 2 de la loi du 20 juillet 1991.

Il soutient que :

Sur l'obligation de quitter le territoire français :

- la décision n'est pas motivée ;

- la décision porte atteinte au droit au respect à la vie et privée et familiale du requérant.

Sur le refus de départ volontaire :

- la décision est insuffisamment motivée ;

- la décision porte atteinte au droit au respect à la vie et privée et familiale du requérant.

Sur la fixation du pays de renvoi :

- la décision fait l'objet d'une motivation stéréotypée ;

- la décision porte atteinte au droit au respect à la vie et privée et familiale du requérant.

Sur l'interdiction de retour en France pour une durée de deux ans :

- la décision n'est pas motivée ;

- le préfet n'a pas pris en compte l'ensemble des critères légaux, posé par l'article L511-11 III du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- le préfet a commis une erreur d'appréciation de la situation personnelle de l'intéressé ;

- la décision porte atteinte au droit au respect à la vie et privée et familiale du requérant.

Sur l'assignation à résidence :

- la décision est insuffisamment motivée ;

- la décision est entachée d'une erreur d'appréciation.

La requête a été communiquée au préfet qui n'a pas produit de mémoire en défense.

Par ordonnance du 15 mai 2019, la clôture d'instruction a été fixée au 17 juillet 2019 à 12h00.

M. B... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 4 juillet 2019.

Vu :

- les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'Homme et des libertés fondamentales ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

- le code de justice administrative.

Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme C... E...,

- et les observations de Me D..., représentant M. B....

Considérant ce qui suit :

1. M. B..., ressortissant albanais, est entré en France, selon ses déclarations, au cours de l'année 2014 et a formulé une demande d'asile le 8 janvier 2015. A la suite du rejet de sa demande d'asile, le préfet de la Gironde a pris à son encontre un arrêté portant obligation de quitter le territoire français le 1er aout 2016, qu'il a contesté en vain devant le tribunal administratif de Bordeaux lequel a rejeté sa requête par un jugement du 20 avril 2017. Le 28 février 2019 lors d'un contrôle routier, M. B... a été interpellé par la brigade de gendarmerie de Saint Médard en Jalles. Le préfet de la Gironde a alors pris à son encontre le 1er mars 2019, un arrêté l'obligeant à quitter le territoire français sans délai, fixant le pays de renvoi et lui interdisant le retour pour une durée de deux ans, ainsi qu'un arrêté l'assignant à résidence. Par un jugement du 8 mars 2019, le tribunal administratif de Bordeaux a rejeté la requête de M. B... dirigée contre ces décisions. M. B... relève appel de ce jugement.

Sur la demande d'admission à l'aide juridictionnelle provisoire :

2. Par une décision du 4 juillet 2019 du bureau d'aide juridictionnelle près le tribunal de grande instance de Bordeaux, M. B... a été maintenu au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale. Dans ces conditions, ses conclusions tendant à son admission provisoire au bénéfice de l'aide juridictionnelle provisoire sont devenues sans objet.

Sur les décisions portant obligation de quitter le territoire français, fixant le pays de renvoi et refusant un délai de départ volontaire :

3. En premier lieu, aux termes de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " (...) La décision énonçant l'obligation de quitter le territoire français est motivée (...) ". L'article L. 211-5 du code des relations entre le public et l'administration indique que : " La motivation (...) doit être écrite et comporter l'énoncé des considérations de droit et de fait qui constituent le fondement de la décision. ". La motivation doit donc comporter des éléments de faits et de droits permettant de fonder la décision.

4. M. B... reprend en appel, sans invoquer d'éléments de fait ou de droit nouveaux par rapport à l'argumentation développée en première instance et sans critiquer la réponse pertinente qui lui a été apportée par le tribunal administratif, les moyens tirés de l'insuffisance de motivation et du défaut d'examen de sa situation. Il y a lieu d'écarter ces moyens par adoption des motifs retenus à bon droit par les premiers juges.

5. En second lieu, l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales stipule : " Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui ". L'étranger qui invoque la protection due à son droit au respect de sa vie privée et familiale doit apporter toute justification permettant d'apprécier la réalité et la stabilité de ses liens personnels et familiaux effectifs en France au regard de ceux qu'il a conservés dans son pays d'origine.

6. Il ressort des pièces du dossier, que M. B... se maintient sur le territoire national de manière irrégulière depuis au moins trois ans. S'il argue de la situation de sa compagne, qui vit sur le territoire de manière régulière, qui a un contrat de travail à une durée indéterminée, et se prévaut d'une vie commune et d'un enfant à naitre, toutefois ces éléments ne suffisent pas à démontrer une méconnaissance par le préfet des stipulations de l'article 8 précité. En effet, l'ancienneté de la vie commune du couple ne peut être établie qu'à partir d'octobre 2018, il est constant que M. B... n'a pas de revenu depuis 2016 et sa compagne ne bénéficie que d'une carte de séjour temporaire. En outre, M. B... et sa compagne possèdent tous deux la nationalité albanaise leur permettant ainsi de reconstituer la cellule familiale dans leur pays d'origine. Ainsi, les décisions contestées ne portent pas une atteinte disproportionnée à son droit au respect à la vie privée et familiale.

Sur l'interdiction de retour sur le territoire français :

7. Aux termes de l'article L 511-1-III dispose que : " L'autorité administrative, par une décision motivée, assortit l'obligation de quitter le territoire français d'une interdiction de retour sur le territoire français, d'une durée maximale de trois ans à compter de sa notification, lorsque aucun délai de départ volontaire n'a été accordé à l'étranger. (...) La durée de l'interdiction de retour mentionnée au premier alinéa du présent III (...) [est décidée] par l'autorité administrative en tenant compte de la durée de présence de l'étranger sur le territoire français, de la nature et de l'ancienneté de ses liens avec la France, de la circonstance qu'il a déjà fait l'objet ou non d'une mesure d'éloignement et de la menace pour l'ordre public que représente sa présence sur le territoire français. (...) ". Il résulte de ces dispositions que l'autorité, compétente pour prononcer à l'encontre d'un étranger soumis à l'obligation de quitter le territoire français une interdiction de retour et en fixer la durée, a l'obligation de tenir compte des quatre critères énumérés par l'article précité. Pour autant, la motivation de la décision d'interdiction de retour, si elle doit attester de la prise en compte de l'ensemble de ces critères, n'a pas à distinguer les motifs justifiant le principe de l'interdiction prononcée de ceux justifiant sa durée ni à indiquer l'importance accordée à chacun des quatre critères.

8. Il ressort des termes de la décision contestée que celle-ci contient les considérations de fait et de droit qui la fonde. En effet, les articles du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile sont visés. En outre, la décision mentionne que M. B... se maintient sur le territoire français de manière illégale depuis deux ans et demi, qu'il ne dispose d'aucune ressource financière et qu'il a déjà fait l'objet d'une mesure d'éloignement suite au refus de sa demande d'asile. Ainsi, le moyen tiré de l'insuffisance de motivation de l'interdiction de retour pour une durée de deux ans doit être écarté.

9. Eu égard aux circonstances énoncées au point 6, le requérant n'est pas fondé à soutenir que l'interdiction de retour sur le territoire français de deux ans porte atteinte à son droit au respect à la vie privée et familiale. Le moyen doit être écarté.

Sur l'assignation à résidence :

10. L'article L. 561-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile dispose que : " Lorsque l'étranger justifie être dans l'impossibilité de quitter le territoire français ou ne peut ni regagner son pays d'origine ni se rendre dans aucun autre pays, l'autorité administrative peut, jusqu'à ce qu'existe une perspective raisonnable d'exécution de son obligation, l'autoriser à se maintenir provisoirement sur le territoire français en l'assignant à résidence, dans les cas suivants : 1° Si l'étranger fait l'objet d'une obligation de quitter le territoire français sans délai ou si le délai de départ volontaire qui lui a été accordé est expiré ; (...) La décision d'assignation à résidence est motivée. Elle peut être prise pour une durée maximale de six mois, renouvelable une fois dans la même limite de durée, par une décision également motivée. "

11. M. B... fait valoir que la décision d'assignation à résidence serait insuffisamment motivée et entachée d'une erreur d'appréciation. Cependant, il ressort des termes de la décision d'assignation à résidence qu'elle vise le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ainsi que la charte des droits fondamentaux de l'Union Européenne, indique également que M. B... a une adresse fixe et qu'il présente des garanties de représentation. Par suite, la décision qui énonce les considérations de fait et de droit doit être regardée comme suffisamment motivée.

12. En outre, la circonstance que M. B... présente des garanties de représentation effectives et n'envisageait pas de fuir est précisément l'une des conditions permettant à l'autorité administrative d'envisager une assignation à résidence d'un étranger rentrant dans l'une des catégories mentionnées aux 1° à 7° du I de l'article L. 561-2 du code du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Par suite, le moyen tiré de l'erreur d'appréciation doit être écarté.

13. Enfin et pour les mêmes motifs que ceux énoncés au point 6, la décision d'interdiction de retour sur le territoire français n'est pas contraire à l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'Homme et des libertés fondamentales.

14. Il résulte de tout ce qui précède que M. B... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que le tribunal administratif de Bordeaux a rejeté sa requête. Par voie de conséquence, ses conclusions à fin d'injonction et celles tendant au paiement des frais d'instance doivent être rejetés.

DECIDE :

Article 1er : Il n'y a plus lieu de statuer sur la demande d'admission provisoire à l'aide juridictionnelle provisoire de M. B....

Article 2 : Le surplus de la requête de M. B... est rejeté.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à M. A... B... et au ministre de l'intérieur. Copie en sera délivrée au préfet de la Gironde.

Délibéré après l'audience du 1er octobre 2019 à laquelle siégeaient :

M. Dominique Naves, président,

Mme C... E..., présidente-assesseure,

Mme Déborah de Paz, premier conseiller,

Lu en audience publique, le 29 octobre 2019.

La rapporteure,

Fabienne E... Le président,

Dominique NAVES Le greffier,

Christophe PELLETIER

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.

2

N° 19BX01565


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Bordeaux
Formation : 3ème chambre
Numéro d'arrêt : 19BX01565
Date de la décision : 29/10/2019
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

335-01-03 Étrangers. Séjour des étrangers. Refus de séjour.


Composition du Tribunal
Président : M. NAVES
Rapporteur ?: Mme Fabienne ZUCCARELLO
Rapporteur public ?: Mme MOLINA-ANDREO
Avocat(s) : SAMB-TOSCO

Origine de la décision
Date de l'import : 02/11/2019
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.bordeaux;arret;2019-10-29;19bx01565 ?
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