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21/10/2019 | FRANCE | N°19BX01303

France | France, Cour administrative d'appel de Bordeaux, 6ème chambre, 21 octobre 2019, 19BX01303


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. D... F... a demandé au tribunal administratif de Pau d'annuler l'arrêté du 25 janvier 2019 par lequel le préfet des Landes lui a fait obligation de quitter le territoire français sans délai et lui a interdit de retourner sur le territoire français pendant une durée de deux ans.

Par un jugement n° 1900247 du 1er mars 2019, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Pau a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cet arrêté.

Procédure devant la cour :
r>Par une requête, enregistrée le 1er avril 2019, M. D... F..., représenté par Me A..., demande à...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. D... F... a demandé au tribunal administratif de Pau d'annuler l'arrêté du 25 janvier 2019 par lequel le préfet des Landes lui a fait obligation de quitter le territoire français sans délai et lui a interdit de retourner sur le territoire français pendant une durée de deux ans.

Par un jugement n° 1900247 du 1er mars 2019, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Pau a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cet arrêté.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 1er avril 2019, M. D... F..., représenté par Me A..., demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Pau du 1er mars 2019 ;

2°) d'annuler l'arrêté du 29 janvier 2019 du préfet des Landes ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de la loi de 1991.

Il soutient que :

- son conseil a eu un délai inférieur à quarante-huit heures pour préparer la requête alors qu'il était incarcéré. Ce délai trop court méconnaît le droit au procès équitable reconnu par l'article 6 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- l'arrêté est insuffisamment motivé ;

- les faits qu'il a commis dans un contexte de détresse financière ne correspondent pas à une menace à l'ordre public ;

- l'interdiction de retour sur le territoire porte une atteinte à son droit au respect de sa vie privée. Sa situation relève du regroupement familial. Ses deux enfants ont des problèmes de santé. Il est titulaire d'une promesse d'embauche. Il s'agit d'une situation exceptionnelle ;

- un titre de séjour aurait dû lui être délivré en application de l'accord franco-algérien ;

- l'arrêté méconnaît l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, sa situation relevant du 6° de l'article L. 313-11 de ce code ;

- l'arrêté méconnaît le 7° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- l'arrêté méconnaît la circulaire Valls.

Par un mémoire en défense, enregistré le 13 juin 2019, le préfet des Landes conclut au rejet de la requête.

Il fait valoir que :

- la requête, qui est une simple copie des écritures de première instance, est insuffisamment motivée et donc irrecevable ;

- l'article L. 512-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile est inopposable à l'administration et ne peut donc être utilement invoqué. Le tribunal a été informé de la libération anticipée dès qu'il en a eu connaissance ;

- le signataire de l'arrêté a été régulièrement habilité ;

- au regard de la nature des faits commis et de leur gravité, le comportement de M. F... constitue une menace réelle pour l'ordre public ;

- l'accord franco-algérien ne prévoit pas la délivrance d'un titre de séjour pour le parent accompagnant un enfant malade. En outre, il n'est pas établi que le traitement requis par ses enfants ne serait pas disponible en Algérie ;

- il n'établit pas avoir déposé une demande de titre de séjour. Sa promesse d'embauche n'est pas datée et n'est pas assortie d'éléments permettant d'apprécier son authenticité. Son épouse fait également l'objet d'une mesure d'éloignement. Il ne fait état d'aucune autre attache familiale en France que sa femme et ses enfants. Il n'y a donc pas d'atteinte disproportionnée au droit au respect de la vie privée et familiale ;

- il n'y a ni erreur manifeste d'appréciation ni méconnaissance des articles 3 et 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- eu égard à sa condamnation pénale, à sa soustraction à l'exécution d'une précédente mesure d'éloignement et à l'absence de risque de traitement inhumain ou dégradant dans son pays d'origine, la durée de l'interdiction de retour sur le territoire n'est pas excessive et ne porte pas une atteinte disproportionnée au droit au respect de la vie privée et familiale.

Par ordonnance du 15 mai 2019, la clôture de l'instruction a été fixée au 17 juillet 2019 à midi.

M. F... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 23 mai 2019.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 modifié ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

- le code de justice administrative.

Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Le rapport de M. G... B... a été entendu au cours de l'audience publique.

Considérant ce qui suit :

1. M. F..., ressortissant algérien né le 23 septembre 1985, est entré en France accompagné de son épouse et de leur fille le 15 septembre 2013. Le 25 mars 2014, il a sollicité la délivrance d'un certificat de résidence. Par un arrêté du 27 février 2017, le préfet du Cher a rejeté sa demande et lui a fait obligation de quitter le territoire français. Cette mesure n'ayant pas été exécutée, M. F... a été écroué le 14 novembre 2018 pour " détention non autorisée de stupéfiants, importation non autorisée de stupéfiants, trafic et transport non autorisés de stupéfiants " avant d'être condamné le 13 décembre suivant à six mois de prison. Par un arrêté du 25 janvier 2019, le préfet des Landes a fait obligation à M. F... de quitter le territoire français sans délai et lui a interdit de retourner sur le territoire français pendant une durée de deux ans. M. F... relève appel du jugement du 1er mars 2019 par lequel le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Pau a rejeté sa demande tendant à l'annulation de ce dernier arrêté.

Sur la régularité du jugement attaqué :

2. Si M. F... invoque la méconnaissance de l'article 6 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, les stipulations de cet article ne sont applicables qu'aux procédures contentieuses suivies devant les juridictions lorsqu'elles statuent sur des droits ou des obligations de caractère civil ou sur des accusations en matière pénale. Elles ne sauraient donc s'appliquer à la demande de M. F.... Le moyen tiré de la méconnaissance de cet article doit donc être écarté comme étant inopérant.

Sur la légalité de l'arrêté du 25 janvier 2019 :

3. En premier lieu, M. F... reprend en appel, sans invoquer d'éléments de fait ou de droit nouveaux par rapport à l'argumentation développée en première instance et sans critiquer la réponse apportée par le tribunal administratif, le moyen tiré de l'insuffisante motivation de l'arrêté. Il y a lieu d'écarter ce moyen par adoption des motifs retenus à bon droit par le premier juge.

4. En deuxième lieu, si M. F... soutient qu'un certificat de résidence aurait dû lui être délivré en application de l'accord franco-algérien, il ne précise pas les stipulations de cet accord dont il sollicite le bénéfice et n'assortit donc pas son moyen de précisions suffisantes permettant d'en apprécier le bien-fondé.

5. En troisième lieu, comme indiqué au point 1, M. F... a été condamné le 13 décembre 2018 à six mois de prison pour " détention non autorisée de stupéfiants, importation non autorisée de stupéfiants, trafic et transport non autorisés de stupéfiants ". Eu égard à la gravité et au caractère récent de cette infraction, le préfet des Landes pouvait, en se fondant sur l'ensemble du comportement du requérant, estimer, sans commettre d'erreur manifeste d'appréciation, que sa présence constituait, à la date de l'arrêté, une menace à l'ordre public.

6. En quatrième lieu, en ce qui concerne les ressortissants algériens, les stipulations de l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 régissent d'une manière complète les conditions dans lesquelles ils peuvent être admis à séjourner en France et y exercer une activité professionnelle, les règles concernant la nature des titres de séjour qui peuvent leur être délivrés, ainsi que les conditions dans lesquelles leurs conjoints et leurs enfants mineurs peuvent s'installer en France. Par suite, un ressortissant algérien ne peut utilement se prévaloir des articles L. 313-11 et L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Toutefois, si l'accord franco-algérien ne prévoit pas, pour sa part, de semblables modalités d'admission exceptionnelle au séjour, il y a lieu d'observer que ses stipulations n'interdisent pas au préfet de délivrer un certificat de résidence à un ressortissant algérien qui ne remplit pas l'ensemble des conditions auxquelles est subordonnée sa délivrance de plein droit. Il appartient au préfet, dans l'exercice du pouvoir discrétionnaire dont il dispose sur ce point, d'apprécier, compte tenu de l'ensemble des éléments de la situation personnelle de l'intéressé, l'opportunité d'une mesure de régularisation.

7. En l'espèce, si M. F... se prévaut de la présence en France de son épouse, il ressort des pièces du dossier que cette dernière réside irrégulièrement en France et a déjà fait l'objet d'une obligation de quitter le territoire français le 27 février 2017. Si le requérant se prévaut également de l'état de santé de ses deux enfants, l'un souffrant d'épilepsie et l'autre d'une dilatation des voies urinaires pour laquelle il a été opéré en décembre 2018, il n'établit ni même n'allègue qu'ils seraient dans l'impossibilité d'être soignés en Algérie. Dès lors au regard de cette situation, au comportement de l'intéressé, qui s'est soustrait à l'exécution d'une précédente mesure d'éloignement et a fait l'objet d'une condamnation, la circonstance qu'il soit titulaire d'une promesse d'embauche ne permet pas de révéler l'existence d'une erreur manifeste d'appréciation de sa situation.

8. En cinquième lieu, si M. F... soutient que l'arrêté litigieux porte une atteinte disproportionnée à son droit au respect de sa vie privée et familiale, il ne fait état d'aucune attache familiale résidant régulièrement en France et n'établit pas être dépourvu de toute attache familiale dans son pays d'origine où il a vécu la majeure partie de sa vie. Dès lors, eu égard aux conditions de son séjour en France, l'arrêté litigieux n'a pas porté une atteinte disproportionnée à son droit au respect de sa vie privée et familiale.

9. En dernier lieu, la circulaire du ministre de l'intérieur du 28 novembre 2012 relative aux conditions d'examen des demandes d'admission au séjour déposées par des ressortissants étrangers en situation irrégulière dans le cadre du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ne comporte que des orientations générales qui ne sont pas utilement invocables à l'appui d'un recours dirigé contre une décision portant obligation de quitter le territoire français. Par suite, M. F... ne peut utilement se prévaloir de cette circulaire.

10. Il résulte de tout ce qui précède, et sans qu'il soit besoin de statuer sur la fin de non-recevoir opposée par le préfet des Landes, que M. F... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Pau a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 25 janvier 2019 du préfet des Landes. Par voie de conséquence, ses conclusions tendant au paiement des frais exposés et non compris dans les dépens ne peuvent qu'être rejetées.

DECIDE :

Article 1er : La requête de M. F... est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. D... F... et au ministre de l'intérieur.

Copie en sera adressée au préfet des Landes.

Délibéré après l'audience du 23 septembre 2019, à laquelle siégeaient :

M. Pierre Larroumec, président,

Mme E... C..., présidente-assesseure,

M. G... B..., premier conseiller,

Lu en audience publique, le 21 octobre 2019.

Le rapporteur,

Paul-André B...

Le président,

Pierre LarroumecLe greffier,

Caroline Brunier

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.

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N° 19BX01303


Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

335-03 Étrangers. Obligation de quitter le territoire français (OQTF) et reconduite à la frontière.


Références :

Publications
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Composition du Tribunal
Président : M. LARROUMEC
Rapporteur ?: M. Paul-André BRAUD
Rapporteur public ?: M. BASSET
Avocat(s) : MIRA KATY

Origine de la décision
Tribunal : Cour administrative d'appel de Bordeaux
Formation : 6ème chambre
Date de la décision : 21/10/2019
Date de l'import : 26/10/2019

Fonds documentaire ?: Legifrance


Numérotation
Numéro d'arrêt : 19BX01303
Numéro NOR : CETATEXT000039274642 ?
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.bordeaux;arret;2019-10-21;19bx01303 ?
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