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15/10/2019 | FRANCE | N°19BX00153

France | France, Cour administrative d'appel de Bordeaux, 3ème chambre, 15 octobre 2019, 19BX00153


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. F... D... a demandé au tribunal administratif de Poitiers d'annuler l'arrêté du 26 juillet 2018 par lequel la préfète de la Vienne lui a refusé la délivrance d'un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire et a fixé le pays de destination.

Par un jugement n°1802145 du 11 décembre 2018, le tribunal administratif de Poitiers a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête enregistrée le 15 janvier 2019, M F... D..., représenté par Me C...

A..., avocate, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Poiti...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. F... D... a demandé au tribunal administratif de Poitiers d'annuler l'arrêté du 26 juillet 2018 par lequel la préfète de la Vienne lui a refusé la délivrance d'un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire et a fixé le pays de destination.

Par un jugement n°1802145 du 11 décembre 2018, le tribunal administratif de Poitiers a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête enregistrée le 15 janvier 2019, M F... D..., représenté par Me C... A..., avocate, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Poitiers ;

2°) d'annuler l'arrêté du 26 juillet 2018 de la préfète de la Vienne ;

3°) d'enjoindre à la préfète de la Vienne dans un délai de 45 jours à compter de la notification de l'arrêt à intervenir, sous astreinte de 100 euros par jour de retard, à titre principal, de lui délivrer le titre de séjour sollicité et, à titre subsidiaire, de réexaminer sa situation ;

4°) de lui accorder le bénéfice de l'aide juridictionnelle provisoire ;

5°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 200 euros à verser à son conseil en application des dispositions combinées de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique.

Il soutient que :

- son recours est recevable ;

- les juges en première instance et le préfet ont commis une erreur manifeste d'appréciation de sa situation car, d'une part, il a des relations très fortes avec la personne qui l'accompagne dans ses démarches et qui le considère comme un fils, avec la personne qui l'a accompagné lors de son arrivée en France et, d'autre part, il a commencé une relation amoureuse sérieuse et stable ;

- son père est décédé, son frère vit en France et il n'a aucun contact avec sa famille restée en Côte d'Ivoire ;

- il justifie d'une bonne intégration dès lors qu'il a obtenu une promesse d'embauche en contrat à durée déterminée mais n'a pas obtenu d'autorisation de travail, qu'il a une lettre de recommandation au regard de sa candidature à un CAP de maintenance de véhicules de transport routier et qu'il est bénévole dans plusieurs associations ;

- pour ces mêmes motifs, l'obligation de quitter le territoire porte atteinte à son droit au respect à une vie privée et familiale normale telle que prévue par l'article 8 de la convention européenne des droits de l'homme.

Par un mémoire en défense, enregistré le 3 avril 2019, la préfète de la Vienne conclut au rejet de la requête, et s'en remet à ses écritures produites en première instance.

M. D... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 20 mars 2019.

Vu :

- les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la loi n°91-647 du 10 juillet 1991 ;

- le code de justice administrative.

Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

A été entendu au cours de l'audience publique le rapport de M. G... B....

Considérant ce qui suit :

1. M. D..., ressortissant ivoirien né le 20 décembre 1990, est entré en France irrégulièrement le 8 novembre 2016, selon ses déclarations. Il a fait l'objet d'un arrêté le 11 juillet 2017 portant transfert aux autorités italiennes en vue de l'examen de sa demande d'asile, confirmé par le tribunal administratif de Poitiers le 4 août 2017. Il a été déclaré en fuite par procès-verbal le 12 septembre 2017. Le 26 février 2018 il a sollicité la délivrance d'un titre de séjour sur le fondement de l'article L. 313-11 7° du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, portant la mention " vie privée et familiale ", que le préfet lui a refusé par un arrêté du 26 juillet 2018. M. D... relève appel du jugement du 11 décembre 2018 par lequel le tribunal administratif de Poitiers a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cet arrêté.

Sur la demande d'admission provisoire à l'aide juridictionnelle :

2. Par une décision du 20 mars 2019 du bureau d'aide juridictionnelle près le tribunal de grande instance de Bordeaux, M. D... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale. Dans ces conditions, les conclusions de M. D... tendant à son admission provisoire au bénéfice de l'aide juridictionnelle sont devenues sans objet. Il n'y a donc plus lieu d'y statuer.

Sur la légalité de l'arrêté du 26 juillet 2018 :

En ce qui concerne la décision portant refus de séjour :

3. Aux termes de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, la carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " est délivrée de plein droit : / (...) 7° A l'étranger ne vivant pas en état de polygamie, qui n'entre pas dans les catégories précédentes ou dans celles qui ouvrent droit au regroupement familial, dont les liens personnels et familiaux en France, appréciés notamment au regard de leur intensité, de leur ancienneté et de leur stabilité, des conditions d'existence de l'intéressé, de son insertion dans la société française ainsi que de la nature de ses liens avec sa famille restée dans le pays d'origine, sont tels que le refus d'autoriser son séjour porterait à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard des motifs de refus (...). L'insertion de l'étranger dans la société française est évaluée en tenant compte notamment de sa connaissance des valeurs de la République ". Pour l'application des dispositions précitées, l'étranger qui invoque la protection due à son droit au respect de sa vie privée et familiale en France doit apporter toute justification permettant d'apprécier la réalité et la stabilité de ses liens personnels et familiaux effectifs en France au regard de ceux qu'il a conservés dans son pays d'origine.

4. M. D... fait valoir qu'il justifie de liens personnels forts avec les membres de l'association qui l'ont accueilli, notamment une personne le considérant comme un de ses fils, qu'il voit quotidiennement, et qui lui apporte une assistance financière mensuelle. Il se prévaut également de sa participation bénévole au sein d'associations culturelles et d'insertion, notamment l'association qui l'accompagne depuis son arrivée en France. Il fait valoir enfin qu'il a entamé une relation amoureuse et habite désormais avec sa compagne, et qu'il a tissé des relations amicales fortes avec d'autres jeunes rencontrés au sein d'une association où il est bénévole. Toutefois, à la date de l'arrêté attaqué, il ne ressort pas de la facture EDF du 5 octobre 2018 que M. D... habite de façon stable avec sa compagne dont la relation amoureuse est récente. De même, la double circonstance qu'il est bénévole au sein d'associations et qu'il a obtenu une promesse d'embauche en contrat à durée déterminée en l'absence d'autorisation de travail ne permet pas de regarder comme établie la bonne insertion dans la société française de l'intéressé. Par ailleurs, M. D... qui ne justifie pas entretenir des relations régulières avec son frère séjournant en France, n'est pas dépourvu de tout lien dans son pays d'origine où il a vécu la majeure partie de sa vie. Par suite, eu égard aux conditions d'entrée et de séjour sur le sol national de M. D... qui n'avait pas été autorisé à travailler par la direction régionale des entreprises, de la concurrence, de la consommation, du travail et de l'emploi en Poitou-Charentes, c'est sans erreur d'appréciation que la préfète de la Vienne a pu prendre la décision attaquée. Dès lors, les moyens tirés, d'une part, de la méconnaissance des dispositions de l'article L.313-11 7 °) du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et, d'autre part, de l'erreur manifeste d'appréciation de sa situation personnelle, doivent être écartés.

En ce qui concerne la décision portant obligation de quitter le territoire :

5. Aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : "1 - Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance ; 2 - Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui. ". Pour l'application des stipulations précitées, l'étranger qui invoque la protection due à son droit au respect de sa vie privée et familiale en France doit apporter toute justification permettant d'apprécier la réalité et la stabilité de ses liens personnels et familiaux effectifs en France au regard de ceux qu'il a conservés dans son pays d'origine.

6. Pour les mêmes motifs que ceux énoncés au point 4, la préfète n'a pas porté une atteinte disproportionnée au respect au droit de M. D... à une vie privée et familiale normale tel que prévu par l'article 8 de la convention européenne des droits de l'homme.

7. Il résulte de tout ce qui précède que M. D... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Poitiers a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 26 juillet 2018 de la préfète de la Vienne. Par voie de conséquence, ses conclusions à fin d'injonction et celles tendant à l'application des dispositions combinées de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridictionnelle doivent également être rejetées.

DECIDE :

Article 1er : Il n'y a pas lieu de statuer sur la demande d'admission provisoire à l'aide juridictionnelle de M. D....

Article 2 : Le surplus de la requête de M. D... est rejeté.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à M. F... D... et au ministre de l'intérieur. Une copie en sera adressée à la préfète de la Vienne.

Délibéré après l'audience du 17 septembre 2019 à laquelle siégeaient :

M. G... B..., président,

Mme E... H..., présidente-assesseure,

Mme Déborah de Paz, premier-conseiller.

Lu en audience publique, le 15 octobre 2019

La présidente-assesseure,

Fabienne H...Le président-rapporteur,

Dominique B...Le greffier,

Christophe PELLETIER

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun, contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.

2

N° 19BX00153


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Bordeaux
Formation : 3ème chambre
Numéro d'arrêt : 19BX00153
Date de la décision : 15/10/2019
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

335-03 Étrangers. Obligation de quitter le territoire français (OQTF) et reconduite à la frontière.


Composition du Tribunal
Président : M. NAVES
Rapporteur ?: M. Dominique NAVES
Rapporteur public ?: Mme MOLINA-ANDREO
Avocat(s) : HAY

Origine de la décision
Date de l'import : 19/10/2019
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.bordeaux;arret;2019-10-15;19bx00153 ?
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