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07/10/2019 | FRANCE | N°19BX02054

France | France, Cour administrative d'appel de Bordeaux, 6ème chambre, 07 octobre 2019, 19BX02054


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. F... G... a demandé au tribunal administratif de La Réunion d'annuler la décision du 19 avril 2019 par laquelle le ministre de l'intérieur a rejeté sa demande d'entrée sur le territoire français au titre de l'asile et a décidé de son réacheminement vers le territoire du Sri Lanka ou, le cas échéant, vers tout autre pays dans lequel il serait légalement admissible.

Par une ordonnance n° 1900777 du 2 mai 2019, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de La Réunion a

rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 21 ma...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. F... G... a demandé au tribunal administratif de La Réunion d'annuler la décision du 19 avril 2019 par laquelle le ministre de l'intérieur a rejeté sa demande d'entrée sur le territoire français au titre de l'asile et a décidé de son réacheminement vers le territoire du Sri Lanka ou, le cas échéant, vers tout autre pays dans lequel il serait légalement admissible.

Par une ordonnance n° 1900777 du 2 mai 2019, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de La Réunion a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 21 mai 2019, M. F... G..., représenté par Me A..., demande à la cour :

1°) de l'admettre provisoirement au bénéfice de l'aide juridictionnelle ;

2°) d'annuler cette ordonnance du magistrat désigné par le président du tribunal administratif de La Réunion du 2 mai 2019 ;

3°) d'annuler la décision du 19 avril 2019 du ministre de l'intérieur ;

4°) d'enjoindre au préfet de La Réunion d'organiser dans les meilleurs délais et aux frais de l'Etat le retour de M. G... sur le territoire français, de lui délivrer un document destiné aux autorités sri lankaises et à la compagnie aérienne confirmant qu'il est autorisé à se rendre en France et de lui délivrer un visa de régularisation de huit jours et une attestation de demande d'asile ;

5°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 2 500 euros à verser à son conseil sur le fondement des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991.

Il soutient que :

- c'est à tort que le tribunal a estimé que sa requête était irrecevable ; il ressort de l'article L. 213-9 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile que c'est la décision qui doit être notifiée et non la transcription de l'entretien ; en l'absence de notification, le délai de recours n'a pas commencé à courir ; en outre, il a pris connaissance de la décision sans être assisté d'un interprète alors qu'il ne comprend ni ne lit le français. Dès lors, eu égard à l'article L. 111-8 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, la notification ne peut être regardée comme régulière ;

- il n'a pas été mis en possession de la brochure d'information spécifique rédigée dans une langue qu'il comprend et n'a pas été informé de son droit de communiquer avec un membre du Haut-Commissariat des Nations unies pour les réfugiés (HCR) en méconnaissance de l'article R. 213-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la transcription de l'entretien Office français de protection des réfugiés et apatrides ne lui a pas été communiquée en méconnaissance de l'article R. 723-7 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Il n'a donc pu exercer son droit à un recours effectif en méconnaissance de l'article 13 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- l'avis de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides est transmis par télécopie ou par courrier électronique à des agents du ministère de l'intérieur qui ne sont pas spécialement et personnellement habilités ; les déclarations sont reprises dans la décision contestée qui est transmise en zone d'attente par télécopie sur un appareil à la portée de l'ensemble des agents de la police aux frontières caractérisant une méconnaissance de la confidentialité des éléments d'une demande d'asile ;

- l'entretien a été sommaire avec une connexion Internet erratique, ce qui lui a empêché d'exposer avec détails sa situation personnelle et de produire tout document, ses documents ayant été saisis lors de son arrivée à La Réunion ;

- la décision est dépourvue de base légale dès lors qu'il est entré en France et ne pouvait donc faire l'objet d'un refus d'admission sur le territoire ; il a débarqué au port de Sainte-Rose qui n'est pas une zone d'attente pérenne. Or aucune zone d'attente élargie couvrant ce territoire n'a été créée. A supposer même qu'il exista une zone d'attente élargie par l'effet de la loi, il n'y a pas été placé mais a circulé puisqu'aucune décision de maintien en zone d'attente ne lui a été notifié ;

- la décision est également dépourvue de base légale en raison de l'illégalité de la décision de placement en zone d'attente qui la fonde, cette décision étant entachée d'un détournement de procédure. Le maintien en zone d'attente a été notifié avant l'entrée en vigueur de l'arrêté du 13 avril 2019 créant une zone d'attente temporaire sur l'emprise du gymnase du parc ;

- la décision du ministre est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation, ses allégations de craintes de persécutions étant crédibles, non dénuées d'éléments circonstanciés et sont chronologiquement vraisemblables ; il ressort d'un article de presse que son retour au Sri Lanka entraînerait son placement en détention ;

- la décision fixant le pays de destination méconnaît l'article 33 de la Convention de Genève et l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales eu égard à la situation troublée du Sri Lanka et à la pratique de la torture ;

- le refus d'entrée est devenu caduc à la suite de l'attribution d'un visa de régularisation. Son objet a donc disparu ;

- la décision a été exécutée le 29 avril 2019, soit avant que le tribunal ne statue sur le recours à fin d'annulation ; dans ces conditions, l'exécution du réacheminement présente un caractère vexatoire.

Par ordonnance du 12 juin 2019, la clôture de l'instruction a été fixée au 19 août 2019 à midi.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

- le décret n° 91-1266 du 19 décembre 1991 ;

- le code de justice administrative.

Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Le rapport de M. E... B... a été entendu au cours de l'audience publique.

Considérant ce qui suit :

1. M. G..., ressortissant sri lankais, a sollicité le 13 avril 2019 l'accès au territoire français en présentant une demande d'asile. Après consultation de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides, qui a émis un avis de non-admission le 19 avril 2019, le ministre de l'intérieur a, le jour même, rejeté sa demande d'entrée en France et a prescrit son réacheminement vers le Sri Lanka ou tout autre pays où il sera légalement admissible. M. G... relève appel de l'ordonnance du 2 mai 2019 par laquelle le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de La Réunion a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cette décision comme étant irrecevable en raison de sa tardiveté.

Sur la demande d'admission provisoire à l'aide juridictionnelle :

2. Aux termes de l'article 20 de la loi du 10 juillet 1991 susvisée : " Dans les cas d'urgence, sous réserve de l'appréciation des règles relatives aux commissions ou désignations d'office, l'admission provisoire à l'aide juridictionnelle peut être prononcée soit par le président du bureau ou de la section compétente du bureau d'aide juridictionnelle, soit par la juridiction compétente ou son président. ( ...) ". Aux termes de l'article 62 du décret du 19 décembre 1991 susvisé : " L'admission provisoire est demandée sans forme au président du bureau ou de la section ou au président de la juridiction saisie. Lorsque la décision est prononcée par le bureau ou la section du bureau, copie de cette décision est adressée par le secrétaire du bureau au greffier ou au secrétaire de la juridiction compétente lequel classe cette décision au dossier de procédure. L'admission provisoire peut être prononcée d'office si l'intéressé a formé une demande d'aide juridictionnelle sur laquelle il n'a pas encore été définitivement statué.".

3. Il ne ressort pas des pièces du dossier que M. G..., qui a sollicité l'admission provisoire à l'aide juridictionnelle lors de l'enregistrement de sa requête le 21 mai 2019, ait depuis entrepris des démarches auprès du bureau d'aide juridictionnelle en vue de compléter cette demande, qui est dépourvue de toute précision permettant de penser qu'il remplirait les conditions pour bénéficier de cette aide. En outre, la condition d'urgence énoncée à l'article 20 de la loi du 10 juillet 1991 n'est pas remplie. Dans ces conditions, il n'y a pas lieu d'admettre provisoirement M. G... à l'aide juridictionnelle.

Sur l'étendue du litige :

4. M. G... semble faire valoir que le refus d'entrée sur le territoire national est devenu caduc à la suite de la délivrance d'un visa de régularisation délivré le 20 avril 2019 et qu'ainsi les conclusions tendant à son annulation seraient devenues sans objet. Cependant, il ressort des pièces du dossier qu'avant la délivrance de ce visa, au demeurant intervenue antérieurement à l'introduction de l'instance, ce refus d'entrée sur le territoire national a été exécuté et a ainsi produit des effets. Par suite, les conclusions tendant à son annulation ne sont pas privées de leur objet.

Sur la régularité de l'ordonnance attaquée :

5. Aux termes de l'article L. 213-9 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'étranger qui a fait l'objet d'un refus d'entrée sur le territoire français au titre de l'asile et, le cas échéant, d'une décision de transfert mentionnée à l'article L. 742-3 peut, dans les quarante-huit heures suivant la notification de ces décisions, en demander l'annulation au président du tribunal administratif (...) le président du tribunal administratif ou le magistrat désigné à cette fin peut, par ordonnance motivée (...) rejeter les recours ne relevant manifestement pas de la compétence de la juridiction administrative ou entachés d'une irrecevabilité manifeste non susceptible d'être couverte en cours d'instance (...) ". Aux termes de l'article R. 213-6 de ce code : " L'étranger est informé, dans une langue qu'il comprend ou dont il est raisonnable de penser qu'il la comprend, du caractère positif ou négatif de la décision prise par le ministre chargé de l'immigration en application de l'article L. 213-8-1. Lorsque le ministre prend une décision de refus d'entrée au titre de l'asile, l'office transmet sous pli fermé à l'étranger une copie de la transcription mentionnée au I de l'article L. 723-7. Cette transmission est faite au plus tard en même temps que la notification de la décision du ministre. ".

6. Il ressort des pièces du dossier, et notamment du procès-verbal de notification du 14 avril 2019 dûment signé par l'intéressé, que les mentions des voies et délais de recours contre un refus d'entrée et la décision de transfert subséquente ont été notifiées ce jour même à M. G... à l'aide d'un interprète en langue tamoule, langue qu'il a déclaré comprendre. Il ressort également des pièces du dossier, et notamment de la décision en cause comportant la mention " pris connaissance le 19 avril 2019 " signée par l'intéressé et du procès-verbal du 20 avril 2019, que la décision contestée a été notifiée à M. G... le 19 avril 2019 avec le concours d'un interprète. M. G... n'est donc pas fondé à soutenir que cette décision ne lui aurait pas été notifiée. M. G... soutient que la décision contestée ne lui a pas été notifiée avec le concours d'un interprète en se prévalant à ce titre de l'absence de signature d'un interprète sur la décision en litige. Cependant aucun texte n'impose une telle signature sur cette décision. Or les mentions d'un procès-verbal dressé par un agent assermenté font foi jusqu'à preuve du contraire. Dès lors, cette absence de signature ne saurait être regardée comme la preuve contraire des mentions du procès-verbal. Enfin, il ressort du procès-verbal du 23 avril 2019 que la transcription de l'audition de M. G... par l'Office français de protection des réfugiés et apatrides lui a été remise ce jour avec l'assistance d'une interprète en langue tamoule. Dans ces conditions, il ressort des pièces du dossier que la notification de la décision du ministre de l'intérieur du 19 avril 2019 est régulière et que les prescriptions de l'article R. 213-6 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ont été respectées. Or il ressort des pièces du dossier que la requête de M. G... a été enregistrée au greffe du tribunal administratif de La Réunion le 28 avril 2019, postérieurement à l'expiration du délai de quarante-huit heures prévu par l'article L. 213-9 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.

7. Il résulte de ce qui précède que M. G... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par l'ordonnance attaquée, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de La Réunion a rejeté sa demande comme irrecevable. Par voie de conséquence, les conclusions à fin d'injonction ainsi que celles tendant au paiement des frais exposés et non compris dans les dépens présentés par M. G... ne peuvent qu'être rejetées.

DECIDE

Article 1er : La requête de M. G... est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. F... G... et au ministre de l'intérieur. Copie en sera adressée au ministre des Outre-mer et au préfet de La Réunion

Délibéré après l'audience du 9 septembre 2019, à laquelle siégeaient :

M. Pierre Larroumec, président,

Mme D... C..., présidente-assesseure,

M. E... B..., premier conseiller.

Lu en audience publique, le 7 octobre 2019.

Le rapporteur,

Paul-André B...

Le président,

Pierre LarroumecLe greffier,

Cindy Virin

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.

3

N° 19BX02054


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Bordeaux
Formation : 6ème chambre
Numéro d'arrêt : 19BX02054
Date de la décision : 07/10/2019
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

.

Procédure - Introduction de l'instance - Délais.


Composition du Tribunal
Président : M. LARROUMEC
Rapporteur ?: M. Paul-André BRAUD
Rapporteur public ?: M. BASSET
Avocat(s) : CABINET ALI - MAGAMOOTOO

Origine de la décision
Date de l'import : 15/10/2019
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.bordeaux;arret;2019-10-07;19bx02054 ?
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