La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

07/10/2019 | FRANCE | N°19BX01318

France | France, Cour administrative d'appel de Bordeaux, 6ème chambre, 07 octobre 2019, 19BX01318


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme C... E... a demandé au tribunal administratif de Limoges de condamner l'Etat à lui verser la somme globale de 57 000 euros, assortie des intérêts au taux légal et de leur capitalisation, en réparation des préjudices qu'elle estime avoir subis du fait, d'une part, des illégalités fautives entachant l'arrêté du préfet de la Haute-Vienne du 21 novembre 2014 portant refus de titre de séjour, obligation de quitter le territoire français et fixation du pays de renvoi ainsi que les arrêtés de la même

autorité des 1er juillet 2015 et 10 septembre 2015 portant respectivement refus...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme C... E... a demandé au tribunal administratif de Limoges de condamner l'Etat à lui verser la somme globale de 57 000 euros, assortie des intérêts au taux légal et de leur capitalisation, en réparation des préjudices qu'elle estime avoir subis du fait, d'une part, des illégalités fautives entachant l'arrêté du préfet de la Haute-Vienne du 21 novembre 2014 portant refus de titre de séjour, obligation de quitter le territoire français et fixation du pays de renvoi ainsi que les arrêtés de la même autorité des 1er juillet 2015 et 10 septembre 2015 portant respectivement refus de titre de séjour et assignation à résidence et, d'autre part, de l'exécution tardive de l'injonction prononcée par la cour administrative d'appel de Bordeaux dans son arrêt n° 15BX02737 du 17 décembre 2015 en vue de la délivrance à son bénéfice d'une carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale ".

Par un jugement n° 1600915 du 23 octobre 2018, le tribunal administratif de Limoges a condamné l'Etat à lui verser la somme de 1 200 euros, sous déduction de la provision de 600 euros mise à sa charge par l'ordonnance du n° 1600928 du 27 octobre 2016 du juge des référés du tribunal administratif de Limoges, assortie des intérêts au taux légal à compter du 22 février 2016 et de leur capitalisation au 22 février 2017 puis à chaque échéance annuelle à compter de cette date.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 1er avril 2019, Mme C... E..., représentée par Me F..., demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Limoges du 23 octobre 2018 en tant qu'il a limité la condamnation de l'Etat à la somme de 1 200 euros sous déduction de la provision de 600 euros mise à sa charge par l'ordonnance du n° 1600928 du 27 octobre 2016 du juge des référés du tribunal administratif de Limoges ;

2°) de condamner l'Etat à lui verser une indemnité de 45 679,69 euros au titre de son préjudice matériel, une indemnité de 12 000 euros au titre du préjudice moral et des troubles dans les conditions d'existence et une indemnité de 3 000 euros à verser à chacun de ses enfants au titre du même préjudice et des mêmes troubles ;

3°) de majorer les sommes allouées des intérêts au taux légal à compter du 22 février 2016, date de la réception de la demande préalable, et de prononcer la capitalisation de ces intérêts ;

4°) de renvoyer le jugement de l'affaire au tribunal administratif de Limoges ;

5°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 2 400 euros au titre des dispositions de l'article L.761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.

Elle soutient que :

Sur la régularité du jugement :

- les premiers juges ont retenu le 14 janvier 2016 comme date de remise du premier récépissé de demande de titre de séjour sans autorisation de travail alors, qu'ainsi qu'elle l'avait soutenu, la lettre recommandée avec accusé de réception n'avait pas été produite par le préfet ;

- les premiers juges ne se sont pas prononcés sur la preuve qu'elle avait fournie, en l'occurrence un document émanant de la caisse d'allocations familiales, pour démontrer l'impossibilité de percevoir des aides avant la remise d'un récépissé de demande de titre de séjour avec autorisation de travail intervenue le 12 avril 2016 ;

- les premiers juges ont commis une erreur de droit en estimant qu'il lui appartenait de démontrer qu'elle remplissait les conditions légales pour obtenir le bénéfice des prestations auxquelles elle avait droit ; en tout état de cause, elle avait produit la preuve de l'absence de versement des prestations depuis le 22 avril 2014, du refus de versement des prestations avant la délivrance du récépissé de demande de titre de séjour avec autorisation de travail, du versement desdites prestations dès l'obtention dudit récépissé ;

- les premiers juges ont commis une erreur d'appréciation quant à l'évaluation de son préjudice moral ;

- le jugement attaqué n'indique pas le fondement juridique de la dispense accordée du prononcé des conclusions du rapporteur public à l'audience ;

- l'article R.732-1-1 du code de justice administrative ne permet pas au président de la formation de jugement de dispenser le rapporteur public de prononcer ses conclusions dans le cadre d'un recours tendant à l'indemnisation de préjudices résultant de décisions administratives illégales, du délai anormalement long à se prononcer sur une demande et du refus du préfet de se conformer à un jugement exécutoire et définitif.

Sur la faute caractérisée par l'illégalité des décisions portant refus de titre de séjour et obligation de quitter le territoire français :

- l'illégalité a été reconnue par une décision de justice revêtue de l'autorité de chose jugée ;

- l'illégalité résulte de l'absence d'avis de la commission du titre de séjour, de la violation des articles 1er de la Constitution de 1958, L. 313-11 6° et L. 111-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, de l'atteinte disproportionnée portée au droit au respect de la vie privée et familiale ainsi que de de la violation de la convention relative aux droits de l'enfant du 26 janvier 1990.

Sur la faute caractérisée par le délai anormal de délivrance du titre de séjour et par le non-respect de l'injonction prononcée par le juge :

- le délai anormal, d'une durée de trois ans, de délivrance du titre de séjour auquel elle avait droit est fautif ;

- le fait de s'abstenir de respecter une décision de justice dans le délai imparti par le juge à cet effet est fautif.

Sur les préjudices :

- elle a subi un préjudice matériel résultant de l'absence de perception de prestations sociales depuis le 21 novembre 2014, date à laquelle elle aurait dû être mise en possession d'un titre de séjour ; ce poste de préjudice sera réparé à hauteur de la somme totale de 45 679,69 euros correspondant au montant total du préjudice égal à la somme de 49 200,69 euros de laquelle il y a lieu de déduire celle de 3 521 euros représentant le montant des aides ponctuellement perçues au cours des années 2014, 2015 et 2016. Ce poste de préjudice comprend l'indemnisation du préjudice résultant du défaut de versement des allocations familiales dont le montant réglementaire s'élève pour 5 enfants à charge à 630,26 euros, plus 65,06 euros par enfant de plus de 14 ans (un en l'espèce), soit au total 695,32 euros mensuels même si le département de la Haute-Vienne leur a alloué en 2015 des aides ponctuelles dont le montant a pu varier entre 90 et 200 euros, l'allocation de rentrée scolaire, pour les rentrées 2014/15 (trois enfants), 2015/16 (5 enfants) dont le montant, également réglementaire, en l'absence de ressources, s'élève par enfant, de 6-10 ans à 362,63 euros, de 11-14 ans à 382,64 euros, de 15-18 ans à 395,90 euros soit au total 1 503,80 euros pour 2015, le RSA dont le montant mensuel, également réglementaire, est fixé à 944,43 euros avec deux enfants, plus 209,86 euros par enfant supplémentaire soit au total 29 297,39 euros, les allocations familiales d'un montant de 1 103,58 euros pour 2014, de 12 752,08 euros pour 2015 et de 4 543,84 euros pour 2016.

- elle a souffert, ainsi que ses enfants, d'un préjudice moral et de troubles dans les conditions d'existence, qui peuvent être évalués à la somme de 12 000 euros pour elle et à celle de 3 000 euros pour chacun de ses enfants.

Par un mémoire en défense, enregistré le 17 juin 2019, le préfet de la Haute-Vienne conclut au rejet de la requête.

Il soutient que les moyens soulevés par l'appelante ne sont pas fondés.

Mme E... été admise au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 31 janvier 2019.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code civil ;

- le code de la sécurité sociale ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

- le code de justice administrative.

Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme D... B..., présidente-assesseure,

- et les observations de Me A..., représentant Mme E....

Considérant ce qui suit :

1. Mme E..., ressortissante comorienne née le 2 mars 1980, est mère de cinq enfants de nationalité française. Elle a résidé régulièrement à Mayotte entre 2000 et 2014, période au cours de laquelle elle a bénéficié de six cartes de séjour temporaires d'un an en qualité de parent d'enfants français. Elle est entrée en France métropolitaine le 23 avril 2014 en compagnie de trois de ses enfants, les deux autres les ayant rejoints le 2 août 2015. Le 25 juillet 2014, Mme E... a présenté, sur le fondement du 6° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, une demande de carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " en qualité de parent d'enfants français. Par un arrêté du 21 novembre 2014, le préfet de la Haute-Vienne a rejeté cette demande, a obligé l'intéressée à quitter le territoire français et a fixé le pays de renvoi. Une nouvelle demande de titre de séjour présentée par Mme E... sur le même fondement a été rejetée par une décision du 1er juillet 2015 du préfet de la Haute-Vienne qui, par un arrêté du 10 septembre 2015, l'a assignée à résidence. Par un arrêt n° 15BX02737 du 17 décembre 2015, devenu définitif, la présente cour a annulé l'arrêté du 21 novembre 2014 et a enjoint au préfet de la Haute-Vienne de délivrer à Mme E... une carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " dans un délai de deux mois à compter de la notification de cet arrêt. Par deux arrêts n° 15BX04107 et n° 15BX04214 du 26 avril 2016, également devenus définitifs, la présente cour, d'une part, a prononcé un non-lieu à statuer sur la requête formée par Mme E... à l'encontre de la décision du 1er juillet 2015 et, d'autre part, a annulé l'arrêté du 10 septembre 2015. Par une ordonnance n° 1600928 du 27 octobre 2016, confirmée sur ce point en appel par une ordonnance n° 17BX00815 du 13 avril 2017, le juge des référés du tribunal administratif de Limoges a condamné l'Etat à verser à Mme E... une provision d'un montant de 600 euros en réparation de son préjudice moral et des troubles dans ses conditions d'existence résultant de l'illégalité de l'arrêté du 21 novembre 2014 du préfet de la Haute-Vienne et du retard pris par cette autorité pour exécuter l'injonction prescrite par la présente cour dans son arrêt du 17 décembre 2015.

2. Par une requête enregistrée le 27 juin 2016, Mme E... a demandé au tribunal administratif de Limoges l'indemnisation des préjudices subis par elle et par ses enfants du fait de l'illégalité des décisions successivement prises par le préfet de la Haute-Vienne et du retard de ce dernier dans l'exécution de l'injonction prononcée par la présente cour. Elle relève appel du jugement du 23 octobre 2018 en tant qu'il a limité la condamnation de l'Etat à la somme de 1 200 euros sous déduction de la provision de 600 euros mise à sa charge par l'ordonnance du n° 1600928 du 27 octobre 2016 du juge des référés du tribunal administratif de Limoges.

Sur la régularité du jugement :

3. En premier lieu, les erreurs de droit et d'appréciation qu'aurait commises le tribunal administratif sont susceptibles, à les supposer établies, d'affecter la validité des motifs du jugement dont le contrôle est opéré par l'effet dévolutif de l'appel, mais sont sans incidence sur la régularité dudit jugement.

4. En deuxième lieu, d'une part, la circonstance que le jugement du 23 octobre 2018 du tribunal administratif de Limoges vise la décision par laquelle le rapporteur public a été dispensé de prononcer des conclusions à l'audience, conformément aux dispositions de l'article R. 732-1-1 du code de justice administrative, sans viser expressément cet article, n'est pas de nature à entacher sa régularité. Dès lors, Mme E... n'est pas fondée à soutenir que, faute de comporter ce visa, le jugement attaqué est entaché d'irrégularité.

5. D'autre part, aux termes de l'article L. 732-1 du code de justice administrative : " Dans des matières énumérées par décret en Conseil d'Etat, le président de la formation de jugement peut dispenser le rapporteur public, sur sa proposition, d'exposer à l'audience ses conclusions sur une requête, eu égard à la nature des questions à juger. ". Aux termes de l'article R. 732-1-1 du même code : " Sans préjudice de l'application des dispositions spécifiques à certains contentieux prévoyant que l'audience se déroule sans conclusions du rapporteur public, le président de la formation de jugement ou le magistrat statuant seul peut dispenser le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience sur tout litige relevant des contentieux suivants : /4° Entrée, séjour et éloignement des étrangers, à l'exception des expulsions ; (...) ".

6. En plaçant au nombre des contentieux pour lesquels le rapporteur public peut être dispensé de prononcer des conclusions ceux dont relèvent les litiges relatifs à l'entrée au séjour et à l'éloignement des étrangers à l'exception des expulsions, les dispositions rappelées ci-dessus de l'article R. 732-1-1 ont nécessairement inclus les litiges indemnitaires se rapportant aux décisions prises en ce domaine.

7. Il résulte de ce qui vient d'être dit que Mme E..., dont la demande tendait à être indemnisée des conséquences dommageables résultant de l'illégalité des divers arrêtés portant refus de titre de séjour, obligation de quitter le territoire français et assignation à résidence qui lui ont été opposés ainsi que du retard dans l'exécution de l'injonction prononcée en vue de la délivrance d'un titre de séjour, n'est pas fondée à soutenir qu'en l'absence de conclusions prononcées à l'audience par le rapporteur public, le jugement attaqué est entaché d'irrégularité.

8. En troisième lieu, aux termes de l'article L. 9 du code de justice administrative : " Les jugements sont motivés ".

9. D'une part, le jugement attaqué énonce qu' " il résulte de l'instruction (...) que par lettre recommandée avec accusé de réception du 14 janvier 2016, le préfet de la Haute-Vienne a transmis à Mme E... un récépissé de demande de titre de séjour sans autorisation de travail valable jusqu'au 13 avril 2016 " et qu'à " compter de la notification de la lettre du 14 janvier 2016, Mme E... disposait ainsi d'un récépissé de demande de titre de séjour qui la plaçait temporairement en situation régulière et qui lui permettait, conformément à l'article D. 512-1 4° du code de la sécurité sociale, et sous réserve de remplir l'ensemble des autres conditions légales et réglementaires, de prétendre au bénéfice des allocations familiales ". Dès lors, le jugement a suffisamment motivé le fait que le préjudice résultant d'un défaut de perception des allocations familiales n'était susceptible d'ouvrir droit à indemnisation que jusqu'à la date du 14 janvier 2016. Si Mme E... reproche au tribunal d'avoir retenu cette date sans avoir relevé l'absence d'éléments de preuve quant à la notification de la lettre recommandée avec accusé de réception, le tribunal n'avait pas l'obligation de répondre à l'ensemble des arguments de la requérante. Ce jugement est, dès lors, conforme aux dispositions précitées de l'article L. 9 du code de justice administrative.

10. D'autre part, le jugement attaqué énonce que " Mme E... s'est vu remettre le 12 avril 2016 un autre récépissé de demande de titre de séjour l'autorisant à travailler valable jusqu'au 11 juillet 2016, date à laquelle elle a finalement reçu une carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " en qualité de parent d'enfants français ". Dès lors, le jugement a suffisamment motivé le fait que le préjudice résultant d'une perte de chance de trouver un emploi et du défaut de perception du revenu de solidarité active n'était susceptible d'ouvrir droit à indemnisation que jusqu'à la date du 12 avril 2016. Si Mme E... reproche au tribunal de ne s'être pas prononcé sur les éléments de preuve qu'elle avait apportés relativement à l'impossibilité de perception d'aides avant cette date, le tribunal n'avait pas l'obligation de répondre à l'ensemble des arguments de la requérante. Ce jugement est, dès lors, conforme aux dispositions précitées de l'article L. 9 du code de justice administrative.

Sur le bien-fondé du jugement :

En ce qui concerne la responsabilité de l'Etat :

11. D'une part, l'illégalité des arrêtés du préfet de la Haute-Vienne des 21 novembre 2014 et 10 septembre 2015, annulés par les arrêts devenus définitifs n° 15BX02737 du 17 décembre 2015 et n° 15BX04214 du 26 avril 2016 de la présente cour, ainsi que l'illégalité entachant la décision du 1er juillet 2015, constituent des fautes de nature à engager la responsabilité de l'Etat.

12. D'autre part, en ne déférant pas à l'injonction prononcée par la présente cour dans son arrêt du 17 décembre 2015 et en ne remettant à Mme E... une carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " que le 11 juillet 2016 alors qu'il lui avait été prescrit de procéder à cette délivrance dans le délai de deux mois suivant la notification de l'arrêt, le préfet a commis une autre faute de nature à engager la responsabilité de l'Etat.

13. Toutefois, les illégalités susmentionnées et le retard excessif dans l'exécution de l'injonction précitée ne sont susceptibles d'engager la responsabilité de 1'Etat qu'à raison de préjudices directs et certains qui en résultent.

En ce qui concerne la réparation :

S'agissant du préjudice matériel :

14. Mme E... soutient que, du fait des fautes commises par le préfet, elle n'a pu percevoir les allocations familiales qui lui étaient dues pour cinq enfants à charge, l'allocation de rentrée scolaire pour les rentrées 2014/15 et 2015/16, les allocations familiales pour 2014, 2015 et 2016 et, n'ayant aucune possibilité de travailler en l'absence de titre de séjour et de travail, le revenu de solidarité active. Toutefois, premièrement, il est constant que le département de la Haute-Vienne a alloué des aides ponctuelles à Mme E... et à ses enfants au titre de l'année 2015. Deuxièmement, les éléments versés au dossier ne permettent pas d'établir, avec un degré suffisant de certitude, que Mme E... aurait satisfait à l'ensemble des conditions nécessaires pour bénéficier des prestations dont elle soutient avoir été illégalement privée et que l'intervention de l'arrêté du 21 novembre 2014 et le retard à exécuter l'injonction que comporte l'arrêt du 17 décembre 2015 auraient été la cause directe du défaut de versement de ces prestations pendant la période de responsabilité de l'Etat. Dès lors, Mme E... n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que les premiers juges n'ont pas fait droit à sa demande de condamnation de l'Etat à l'indemniser du préjudice matériel qu'elle estime avoir subi du fait des fautes commises par le préfet de la Haute-Vienne.

S'agissant du préjudice moral et des troubles dans les conditions d'existence :

15. Mme E... sollicite la réparation de son préjudice moral et des troubles dans ses conditions d'existence à hauteur de 12 000 euros pour elle et de 3 000 euros pour chacun de ses enfants. Toutefois, alors notamment qu'ainsi qu'il a été dit au point 14, il est constant que le département de la Haute-Vienne leur a alloué des aides ponctuelles en 2015, le tribunal a justement apprécié ces chefs de préjudice en mettant à la charge de l'Etat une indemnité de 1 200 euros.

16. Il résulte de tout ce qui précède que Mme E... n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Limoges a condamné l'Etat à lui verser la somme de 1 200 euros, sous déduction de la provision de 600 euros mise à sa charge par l'ordonnance du n° 1600928 du 27 octobre 2016 du juge des référés du tribunal administratif de Limoges, assortie des intérêts au taux légal et de leur capitalisation.

Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions combinées des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991 :

17. Les dispositions combinées de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 font obstacle à ce que soit mise à la charge de l'Etat, qui n'est pas dans la présente instance la partie perdante, la somme que Mme E... demande au titre des frais exposés et non compris dans les dépens.

DECIDE :

Article 1er : La requête de Mme E... est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à Mme C... E... et au ministre de l'intérieur. Copie en sera adressée au préfet de la Haute-Vienne.

Délibéré après l'audience du 9 septembre 2019, à laquelle siégeaient :

M. Pierre Larroumec, président,

Mme D... B..., présidente assesseure,

M. Paul-André Braud, premier conseiller.

Lu en audience publique, le 7 octobre 2019.

La présidente assesseure,

Karine B...Le président,

Pierre LarroumecLe greffier,

Cindy Virin

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.

N° 19BX01318 2


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Bordeaux
Formation : 6ème chambre
Numéro d'arrêt : 19BX01318
Date de la décision : 07/10/2019
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

60-01-04-01 Responsabilité de la puissance publique. Faits susceptibles ou non d'ouvrir une action en responsabilité. Responsabilité et illégalité. Illégalité engageant la responsabilité de la puissance publique.


Composition du Tribunal
Président : M. LARROUMEC
Rapporteur ?: Mme karine BUTERI
Rapporteur public ?: M. BASSET
Avocat(s) : MALABRE

Origine de la décision
Date de l'import : 15/10/2019
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.bordeaux;arret;2019-10-07;19bx01318 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award