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01/10/2019 | FRANCE | N°19BX01033

France | France, Cour administrative d'appel de Bordeaux, 3ème chambre, 01 octobre 2019, 19BX01033


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. I... D... a demandé au tribunal administratif de Toulouse d'annuler la décision du 6 février 2017 par laquelle le préfet de la Haute-Garonne lui a refusé sa demande de regroupement familial au profit de ses enfants Seif Eddine et Rayane D....

Par un jugement n°1701721 du 13 septembre 2018, le tribunal administratif de Toulouse a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 13 mars 2019, M. D..., représenté par Me G..., demande à la cour :
r>1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Toulouse du 13 septembre 2018 ;

2°) d'ann...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. I... D... a demandé au tribunal administratif de Toulouse d'annuler la décision du 6 février 2017 par laquelle le préfet de la Haute-Garonne lui a refusé sa demande de regroupement familial au profit de ses enfants Seif Eddine et Rayane D....

Par un jugement n°1701721 du 13 septembre 2018, le tribunal administratif de Toulouse a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 13 mars 2019, M. D..., représenté par Me G..., demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Toulouse du 13 septembre 2018 ;

2°) d'annuler la décision du 6 février 2017 par laquelle le préfet de la Haute-Garonne a rejeté sa demande de regroupement familial ;

3°) d'enjoindre au préfet de la Haute-Garonne à titre principal, de faire droit à sa demande de regroupement familial dans le délai d'un mois à compter de la notification de l'arrêt à intervenir, sous astreinte de 100 euros par jour de retard, et à titre subsidiaire, de réexaminer sa situation dans le délai d'un mois à compter de l'arrêt à intervenir, sous astreinte de 100 euros par jour de retard ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 500 euros sur le fondement des dispositions combinées des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991.

Il soutient que :

Sur la régularité du jugement attaqué :

- le moyen tiré du défaut d'examen de sa situation n'est pas mentionné dans les visas ;

- il comporte une omission à statuer sur le moyen tiré de ce que le préfet n'a pas procédé à un examen complet de sa situation, alors que ce moyen n'était pas inopérant.

Sur le bien fondé du jugement attaqué :

- la demande de regroupement familial de son épouse et d'un de ses fils n'a pas été obtenue frauduleusement, contrairement à ce qu'ont retenu les premiers juges, dès lors que le caractère intentionnel n'est pas démontré ;

- c'est à tort que les premiers juges ont rejeté le moyen tiré de la violation des stipulations de l'article 8 de la Convention Européenne des Droits de l'Homme alors que M. D... a une durée de présence importante sur le territoire français et qu'il ne peut retourner vivre en Algérie.

Sur la légalité de la décision du 6 février 2017 :

- le préfet n'a pas procédé à un examen réel et sérieux de la situation de la famille ;

- le préfet ne démontre par le critère intentionnel permettant de caractériser la fraude ;

- la demande de regroupement familial remplit les conditions exigées par les stipulations de l'article 4 de l'accord franco-algérien ;

- elle méconnaît l'article 8 de la convention européenne des droits de l'homme ;

- elle méconnaît l'article 3-1 de la convention internationale des droits de l'enfant.

Par ordonnance du 12 avril 2019, la clôture d'instruction a été fixée au 17 juin 2019 à 12h00.

Un mémoire présenté par le préfet de la Haute-Garonne a été enregistré le 21 juin 2019, postérieurement à la clôture d'instruction.

M. D... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 17 janvier 2019.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la Convention Européenne de Sauvegarde des Droits de l'Homme ;

- l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 modifié relatif à la circulation, à l'emploi et au séjour en France des ressortissants algériens et de leurs familles et ses avenants ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la loi n°91-647 du 10 juillet 1991 ;

- le décret n° 91-1266 du 19 décembre 1991 ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. J... A...,

- et les conclusions de Mme Béatrice Molina-Andréo, rapporteur public.

Considérant ce qui suit :

1. M. D..., ressortissant algérien né en 1951, est entré en France en 1973, où il réside régulièrement sous couvert d'un certificat de résidence de 10 ans. Le 13 juillet 2016, il a déposé auprès des services de la préfecture de la Haute-Garonne, une demande de regroupement familial au bénéfice de ses deux enfants Seif-Eddine et Rayane D.... Par une décision du 6 février 2017, le préfet de la Haute-Garonne a rejeté cette demande. M. D... relève appel du jugement du 13 septembre 2018 par lequel le tribunal administratif de Toulouse a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cette décision.

Sur la décision du 6 février 2017 :

2. L'article 4 de l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 stipule que " Les membres de la famille qui s'établissent en France sont mis en possession d'un certificat de résidence de même durée de validité que celui de la personne qu'ils rejoignent. Sans préjudice des dispositions de l'article 9, l'admission sur le territoire français en vue de l'établissement des membres de famille d'un ressortissant algérien titulaire d'un certificat de résidence d'une durée de validité d'au moins un an, présent en France depuis au moins un an sauf cas de force majeure, et l'octroi du certificat de résidence sont subordonnés à la délivrance de l'autorisation de regroupement familial par l'autorité française compétente. Le regroupement familial ne peut être refusé que pour l'un des motifs suivants : / 1 - le demandeur ne justifie pas de ressources stables et suffisantes pour subvenir aux besoins de sa famille. / Sont pris en compte toutes les ressources du demandeur et de son conjoint indépendamment des prestations familiales. / L'insuffisance des ressources ne peut motiver un refus si celles-ci sont égales ou supérieures au salaire minimum interprofessionnelle de croissance ; / 2 - le demandeur ne dispose ou ne disposera pas à la date d'arrivée de sa famille en France d'un logement considéré comme normal pour une famille comparable vivant en France. / Peut être exclu de regroupement familial : / 1 - un membre de la famille atteint d'une maladie inscrite au règlement sanitaire international ;/ 2 - un membre de la famille séjournant à un autre titre ou irrégulièrement sur le territoire français/ Le regroupement familial est sollicité pour l'ensemble des personnes désignées au Titre II du Protocole annexé au présent Accord. Un regroupement familial partiel peut être autorisé pour des motifs tenant à l'intérêt des enfants. (...) ".

3. Pour justifier son refus contesté, le préfet de la Haute-Garonne a estimé que le regroupement familial qu'il avait autorisé le 21 septembre 2015 au bénéfice de l'épouse du requérant, Mme E... D... née F... et de leur enfant L... D..., avait été obtenu par fraude. Il a considéré, d'une part, dans sa décision attaquée, que M. D... dans cette demande de regroupement familial du 11 mai 2015 n'avait pas déclaré ses deux enfants Seif-Eddine et Rayane, et, d'autre part, dans ses écritures devant le tribunal, que " le couple n'a pas davantage déclaré avoir deux autres enfants pour la délivrance des visas par le consulat de France à Alger, pas plus lors du dépôt de première demande de son épouse du 4 mai 2016. (...) seul l'acte de naissance de Mohamed-Othman a été produit. ".

4. Toutefois, préalablement à sa seconde demande de regroupement familial déposée le 13 juillet 2016, M. D... a, dans un courrier du 29 juin 2016 expliqué au préfet qu'il n'avait pas envisagé lors du premier regroupement familial de faire venir en France les deux enfants concernés car, sa " belle mère avait souhaité les garder auprès d'elle " pour, selon les écritures de M. D... en première instance, " ne pas rester seule et isolée en Algérie ", mais que son état de santé s'étant très vite dégradé elle ne pouvait plus assumer cette responsabilité, raison pour laquelle il n'avait pas jugé utile d'indiquer leur existence.

5. Il résulte de ces constatations qu'il n'est pas établi de façon certaine que M. D... ait sciemment présenté sa demande de regroupement familial du 11 mai 2015 dans le but exclusif de dissimuler un regroupement familial partiel non-autorisé. De même, la double circonstance, retenue par les premiers juges que, M. D... a, dans ce courrier du 29 juin 2016, évoqué sa belle-mère alors qu'en réalité il s'agissait de sa mère et qu'il apparaissait peu vraisemblable que cette dernière ait pu être en mesure de s'occuper seule de ses deux petits-fils âgés de 3 ans et 10 mois lors du départ de leur mère le 29 mars 2016 et que son état de santé se soit dégradé subitement au point de ne plus pouvoir assumer cette charge trois mois plus tard, ne saurait caractériser une telle intention frauduleuse d'autant, d'une part, qu'en première instance M. D... a produit un certificat médical du 21 mars 2017 dont il ressort que sa mère, Mme C... B... veuve D..., âgée de 86 ans " est en traitement pour des troubles de sénescence sévères (...) . Son état de santé et son âge avancé ne lui permettent plus d'assurer la garde de ses petits enfants (...) " et d'autre part, qu'il ressort des pièces du dossier que M. D... répond aux conditions de ressources et de logement posées par les stipulations précitées de l'article 4 de l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968. La décision du préfet était donc illégale, et sans qu'il soit besoin d'examiner la régularité du jugement, M. D... est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Toulouse a rejeté sa demande. Il est, par suite, fondé à en demander l'annulation, ensemble la décision du préfet de la Haute-Garonne du 6 février 2017.

Sur les conclusions à fin d'injonction :

6. Eu égard au motif d'annulation retenu, il y a lieu d'enjoindre au préfet de la Haute-Garonne de délivrer à M. D... une autorisation de regroupement familial en faveur de ses deux enfants Seif-Eddine et Rayane D..., dans le délai de deux mois à compter de la notification du présent arrêt. Il n'y a pas lieu d'assortir cette injonction d'une astreinte.

Sur les frais d'instance :

7. M. D... a obtenu le bénéfice de l'aide juridictionnelle totale. Par suite, son avocat peut se prévaloir des dispositions des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, et sous réserve que Me G..., avocate de M. D..., renonce à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'Etat, de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 500 euros à verser à Me G....

DECIDE :

Article 1er : Le jugement du tribunal administratif de Toulouse n°1701721 du 13 septembre 2018 est annulé, ensemble la décision du préfet de la Haute-Garonne du 6 février 2017.

Article 2 : Il est enjoint au préfet de la Haute-Garonne de délivrer à M. D... l'autorisation de regroupement familial au bénéfice de ses enfants Seif-Eddine et Rayane D... dans le délai de deux mois à compter de la notification du présent arrêt.

Article 3 : L'Etat versera à Me G... la somme de 1 500 euros en application des dispositions de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 et de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sous réserve du renoncement de Me G... à percevoir la part contributive de l'Etat.

Article 4 : Le surplus des conclusions de la requête de M. D... est rejeté.

Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à M. I... D... et au ministre de l'intérieur. Copie en sera adressée au préfet de la Haute-Garonne.

Délibéré après l'audience du 3 septembre 2019 à laquelle siégeaient :

M. J... A..., président,

Mme H... K..., présidente-assesseure,

Mme Déborah de Paz, premier-conseiller,

Lu en audience publique, le 1er octobre 2019.

La présidente-assesseure,

Fabienne K...Le président-rapporteur,

Dominique A...Le greffier,

Christophe PELLETIER

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.

2

N°19BX01033


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Bordeaux
Formation : 3ème chambre
Numéro d'arrêt : 19BX01033
Date de la décision : 01/10/2019
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

335-03 Étrangers. Obligation de quitter le territoire français (OQTF) et reconduite à la frontière.


Composition du Tribunal
Président : M. NAVES
Rapporteur ?: M. Dominique NAVES
Rapporteur public ?: Mme MOLINA-ANDREO
Avocat(s) : DUJARDIN

Origine de la décision
Date de l'import : 08/10/2019
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.bordeaux;arret;2019-10-01;19bx01033 ?
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