Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. D... C... a demandé au tribunal administratif de Toulouse d'annuler l'arrêté du 17 janvier 2018 par lequel le préfet de la Haute-Garonne a rejeté sa demande de renouvellement de son titre de séjour en qualité d'étudiant, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de renvoi.
Par un jugement n° 1800809 du 21 septembre 2018, le tribunal administratif de Toulouse a rejeté sa demande.
Procédure devant la cour :
Par une requête enregistrée le 22 octobre 2018 et deux bordereaux de pièces complémentaires enregistrés les 14 et 18 janvier 2019, M. C..., représenté par Me F..., demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Toulouse du 21 septembre 2018 ;
2°) d'annuler l'arrêté du préfet de la Haute-Garonne du 17 janvier 2018 ;
3°) d'enjoindre au préfet de la Haute-Garonne de lui délivrer un titre de séjour dans un délai de quinze jours à compter de la notification de l'arrêt à intervenir, sous astreinte de 100 euros par jour de retard ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 800 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il soutient que :
- le préfet a commis une erreur manifeste d'appréciation en s'abstenant de se référer au baccalauréat français qu'il a obtenu après l'avoir préparé dans un établissement relevant de l'agence pour l'enseignement français à l'étranger car ce diplôme lui permet de remplir les conditions pour se voir délivrer un titre " étudiant " de plein droit sur le fondement du 4° du II de l'article L. 313-7 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- le préfet a méconnu la circulaire interministérielle du 7 octobre 2008 concernant le renouvellement des cartes de séjour portant la mention " étudiant ", laquelle précise que l'assiduité dans les études et aux examens ainsi que la progression dans le cursus doivent être pris en compte pour apprécier le caractère réel et sérieux des études ;
- le refus de renouvellement de son titre de séjour procède d'une erreur manifeste d'appréciation, ainsi que l'ont estimé les premiers juges, dès lors qu'il a toujours témoigné du plus grand sérieux dans la poursuite de ses études et qu'il a été confronté, au cours de sa deuxième année universitaire, à un événement familial grave lié à la maladie dont son père était atteint, qui a profondément affecté son cursus universitaire ;
- la même décision a été édictée en méconnaissance de l'article R. 313-7 1° du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. En effet, il justifie de ressources stables et suffisantes d'un montant de 30 130,54 euros sur les vingt-cinq derniers mois. Le tribunal administratif a violé la règle de droit en relevant qu'il devait établir qu'il disposait de ressources pour l'année écoulée alors que la règlementation prévoit les ressources actuelles ;
- les décisions portant obligation de quitter le territoire français et fixant le pays de destination sont privées de base légale par voie de conséquence de l'illégalité du refus de titre de séjour ;
- l'annulation des décisions que comporte l'arrêté attaqué implique nécessairement la délivrance d'une carte de séjour d'un an, telle que prévue par l'article L. 313-7 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.
Par un mémoire en défense, enregistré le 17 janvier 2019, le préfet de la Haute-Garonne conclut au rejet de la requête.
Il fait valoir que :
- le requérant ne peut utilement se prévaloir du 4° du II de l'article L. 313-7 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile qui ne s'applique pas aux renouvellements de titres de séjour mention " étudiant " ;
- la circulaire du 7 octobre 2008 est dépourvue de valeur réglementaire et de portée impérative ;
- la situation du requérant ne relève pas de l'article L. 313-7 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile mais du titre III du protocole annexé à l'accord franco-algérien. Il n'a pas progressé dans ses études puisqu'il n'a pas validé sa deuxième année en raison d'absences injustifiées et de notes particulièrement faibles. S'il invoque des motifs familiaux nécessitant sa présence en Algérie, sa présence dans ce pays n'est nullement démontrée par le seul certificat médical produit. En outre, ses soeurs qui résident non loin du domicile parental pouvaient s'occuper de leur père ;
- s'agissant des moyens d'existence, les justificatifs produits ne se rattachent pas à l'année universitaire écoulée comme l'exige pourtant l'article 9 de l'accord franco-algérien. Les justificatifs produits font état d'un niveau de ressources insuffisant. Dans ces conditions, il n'y a pas d'erreur manifeste d'appréciation de sa situation ;
- par conséquent, l'exception d'illégalité du refus de titre de séjour n'est pas fondée.
Par ordonnance du 26 novembre 2018, la clôture de l'instruction a été fixée au 21 janvier 2019 à 12 heures.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- l'arrêté du 31 décembre 2002 modifiant et complétant l'arrêté du 27 décembre 1983 fixant le régime des bourses accordées aux étrangers boursiers du Gouvernement français ;
- le code de justice administrative.
Par décision du 1er septembre 2018, le président de la cour a désigné Mme E... B... pour exercer temporairement les fonctions de rapporteur public en application des articles R. 222-24 et R. 222-32 du code de justice administrative.
Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Le rapport de M. A... a été entendu au cours de l'audience publique :
Considérant ce qui suit :
1. M. C..., ressortissant algérien né le 18 février 1997, est entré en France le 7 septembre 2015 muni d'un visa de long séjour " étudiant ". Il a bénéficié d'une carte de séjour temporaire en cette qualité, régulièrement renouvelée jusqu'au 30 septembre 2017. Le 31 août 2017, l'intéressé a sollicité le renouvellement de son titre de séjour. Par un arrêté du 17 janvier 2018, le préfet de la Haute-Garonne a refusé de lui renouveler son titre de séjour, l'a obligé à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de renvoi. M. C... relève appel du jugement du 21 septembre 2018 par lequel le tribunal administratif de Toulouse a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cet arrêté.
Sur la légalité de l'arrêté du 17 janvier 2018 :
2. Aux termes du titre III du protocole annexé à l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 : " Les ressortissants algériens qui suivent un enseignement, un stage ou font des études en France et justifient de moyens d'existence suffisants (bourses ou autres ressources) reçoivent, sur présentation, soit d'une attestation de pré-inscription ou d'inscription dans un établissement d'enseignement français, soit d'une attestation de stage, un certificat de résidence valable un an, renouvelable et portant la mention étudiant ou stagiaire (...) ". L'article R. 313-7 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile dispose : " Pour l'application du I de l'article L. 313-7, l'étranger qui demande la carte de séjour portant la mention " étudiant " doit en outre présenter les pièces suivantes : /1° La justification qu'il dispose de moyens d'existence, correspondant au moins au montant de l'allocation d'entretien mensuelle de base versée, au titre de l'année universitaire écoulée, aux boursiers du Gouvernement français (...) ". En vertu de l'article 1er de l'arrêté du 31 décembre 2002 modifiant et complétant l'arrêté du 27 décembre 1983 fixant le régime des bourses accordées aux étrangers boursiers du Gouvernement français : " Le montant de l'allocation d'entretien prévue à l'article 3 de l'arrêté du 27 décembre 1983 susvisé est fixé à 615 euros par mois ". Pour l'application de ces dispositions et stipulations, il appartient à l'administration saisie d'une demande de renouvellement d'une carte de séjour présentée par un étranger en qualité d'étudiant de rechercher, sous le contrôle du juge de l'excès de pouvoir, à partir de l'ensemble du dossier, si les études poursuivies par l'intéressé revêtent un caractère réel et sérieux et s'il dispose des moyens d'existence suffisants lui permettant de vivre et d'étudier en France compte tenu de tous les avantages dont l'étudiant peut bénéficier par ailleurs.
3. Pour refuser de renouveler le certificat de résidence " étudiant " de M. C..., le préfet de la Haute-Garonne s'est fondé, d'une part, sur l'absence de caractère réel et sérieux de ses études et, d'autre part, sur l'insuffisance de ses ressources. Si les premiers juges ont estimé que le préfet a commis une erreur manifeste d'appréciation en rejetant la demande présentée par l'intéressé, au motif qu'il ne justifiait pas du caractère réel et sérieux de ses études, ils ont en revanche considéré que le requérant ne justifiait pas de " ressources stables et suffisantes pour lui permettre de poursuivre ses études " en France.
4. D'une part, il ressort des relevés bancaires versés au dossier, dont certains produits pour la première fois en appel, qu'au titre de l'année universitaire écoulée à la date de la demande de renouvellement, soit l'année universitaire 2016-2017, M. C... justifie avoir perçu, entre le 1er septembre 2016 et le 31 août 2017, des virements représentant un montant total de 8 129, 64 euros. Il démontre ainsi qu'il disposait, au cours de cette année universitaire, de moyens d'existence atteignant une moyenne mensuelle de 677 euros, laquelle est supérieure au seuil de 615 euros fixé à l'article 1er de l'arrêté du 31 décembre 2002 précité. De plus, de l'année 2016 à l'année 2018, le solde du compte bancaire de M. C... n'a jamais été débiteur. Par suite, M. C... est fondé à soutenir que c'est à tort, que pour rejeter sa demande, les premiers juges ont estimé qu'il ne disposait pas de moyens d'existence suffisants pour se voir délivrer un certificat de résidence portant la mention étudiant.
5. D'autre part, si le préfet de la Haute-Garonne soutient que contrairement à ce qu'ont estimé les premiers juges, M. C... ne justifiait pas d'une progression dans ses études ni de son assiduité aux examens universitaires, il ressort des motifs exposés au point 3 du jugement attaqué, qu'il convient d'adopter, que M. C... établit, par les éléments qu'il a produits, le caractère réel et sérieux de ses études, ses absences et ses mauvais résultats au cours de l'année universitaire 2016-2017 étant justifiés par son déplacement en Algérie en raison de l'aggravation de l'état de santé de son père, sa présence en Algérie du 9 mars 2017 au 11 septembre 2017 étant établie par le tampon figurant sur son passeport, les relevés bancaires qui ne font pas état de dépenses auprès de commerces français en dehors des prélèvements mensuels, et l'attestation, produite pour la première fois en appel, du directeur diocésain de Caritas Alger. Par suite, c'est à bon droit que les premiers juges ont estimé que le préfet de la Haute-Garonne ne pouvait se fonder sur ce motif pour refuser de lui délivrer le titre de séjour portant la mention " étudiant ".
6. Dans ces conditions, M. C... est fondé à soutenir que la décision par laquelle le préfet lui a refusé la délivrance d'un certificat de résidence portant la mention étudiant est entaché d'une erreur d'appréciation de sa situation.
7. Par voie de conséquence, M. C... est fondé à soutenir que les décisions portant obligation de quitter le territoire français dans un délai de départ volontaire de trente jours et fixation du pays de destination sont dépourvues de base légale en raison de l'illégalité de la décision portant refus de délivrance d'un certificat de résidence.
8. Il résulte de ce qui précède, et sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens invoqués, que M. C... est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Toulouse a rejeté sa demande.
Sur les conclusions à fin d'injonction:
9. Aux termes de l'article L. 911-1 du code de justice administrative : " Lorsque sa décision implique nécessairement qu'une personne morale de droit public ou un organisme de droit privé chargé de la gestion d'un service public prenne une mesure d'exécution dans un sens déterminé, la juridiction, saisie de conclusions en ce sens, prescrit, par la même décision, cette mesure assortie, le cas échéant, d'un délai d'exécution (...) ".
10. Eu égard au motif d'annulation de l'arrêté litigieux, l'exécution du présent arrêt implique, nécessairement, en l'absence de changement de circonstances de droit ou de fait y faisant obstacle et ressortant des pièces du dossier, la délivrance à l'intéressé d'un certificat de résidence algérien portant la mention " étudiant ". Il y a lieu, sur le fondement des dispositions précitées, d'enjoindre au préfet de la Haute-Garonne de délivrer à M. C... un certificat de résidence portant la mention " étudiant " dans un délai de deux mois à compter de la notification du présent arrêt. Il n'y a pas lieu d'assortir cette injonction d'une astreinte.
Sur les conclusions tendant au paiement des frais exposés et non compris dans les dépens :
11. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat une somme de 1 200 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
DECIDE :
Article 1er : Le jugement n° 1800809 du 21 septembre 2018 du tribunal administratif de Toulouse et l'arrêté du 17 janvier 2018 du préfet de la Haute-Garonne sont annulés.
Article 2 : Il est enjoint au préfet de la Haute-Garonne de délivrer à M. C... un certificat de résidence algérien portant la mention " étudiant " dans un délai de deux mois à compter de la notification du présent arrêt.
Article 3 : L'Etat versera à M. C... une somme de 1 200 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 4 : Le surplus des conclusions de M. C... est rejeté.
Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à M. D... C..., au ministre de l'intérieur et au préfet de la Haute-Garonne.
Délibéré après l'audience public du 21 mai 2019 à laquelle siégeaient :
Mme Marianne Pouget, président,
M. Paul-André A..., premier conseiller,
M. Romain Roussel, premier conseiller.
Lu en audience publique, le 5 août 2019.
Le rapporteur,
Paul-André A...Le président,
Marianne Pouget
Le greffier,
Florence Faure
La République mande et ordonne au ministre de l'Intérieur en ce qui le concerne et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun, contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.
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18BX03694