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05/08/2019 | FRANCE | N°18BX03633,18BX03634

France | France, Cour administrative d'appel de Bordeaux, 1ère chambre, 05 août 2019, 18BX03633,18BX03634


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. A... H... et Mme C... F... ont demandé, par deux requêtes distinctes, au tribunal administratif de Poitiers d'annuler les arrêtés du 13 avril 2018 par lesquels le préfet des Deux-Sèvres, leur a fait obligation de quitter le territoire français dans le délai de trente jours et a fixé le pays de destination.

Par un jugement commun n° 1800944, 1800945 du 13 septembre 2018, le tribunal administratif de Poitiers a rejeté leurs demandes tendant à l'annulation de ces arrêtés.

Procédure dev

ant la cour :

I- Par une requête enregistrée le 11 octobre 2018 sous le numéro 18BX03633...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. A... H... et Mme C... F... ont demandé, par deux requêtes distinctes, au tribunal administratif de Poitiers d'annuler les arrêtés du 13 avril 2018 par lesquels le préfet des Deux-Sèvres, leur a fait obligation de quitter le territoire français dans le délai de trente jours et a fixé le pays de destination.

Par un jugement commun n° 1800944, 1800945 du 13 septembre 2018, le tribunal administratif de Poitiers a rejeté leurs demandes tendant à l'annulation de ces arrêtés.

Procédure devant la cour :

I- Par une requête enregistrée le 11 octobre 2018 sous le numéro 18BX03633, un bordereau de pièces et un mémoire, enregistrés respectivement les 18 octobre et 21 novembre 2018, M. H..., représenté par Me E..., demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Poitiers du 13 septembre 2018 ;

2°) d'annuler l'arrêté du 13 avril 2018 du préfet des Deux-Sèvres le concernant ;

3°) d'enjoindre au préfet des Deux-Sèvres, à titre principal, de lui délivrer une carte de séjour temporaire d'un an dans le délai d'un mois à compter de l'arrêt à intervenir ou, à titre subsidiaire, de réexaminer sa situation dans le délai d'un mois à compter de l'arrêt à intervenir et de lui délivrer dans le délai de quinze jours à compter de cet arrêt une autorisation provisoire de séjour l'autorisant à travailler, le tout sous astreinte de 100 euros par jour de retard ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 2 000 euros à verser à son conseil ou à lui selon l'issue de la demande d'aide juridictionnelle, en application des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991.

Il soutient que :

- la délégation habilitant le signataire est trop large et ne pouvait donc régulièrement l'habiliter ;

- le refus de titre de séjour est insuffisamment motivé ;

- le préfet s'est cru à tort lié par l'avis émis par le collège de médecins de l'Office français de l'immigration et de l'intégration ;

- l'insuffisance de motivation révèle un défaut d'examen de sa situation ;

- l'avis du collège de médecins de l'Office français de l'immigration et de l'intégration ne mentionne pas le nom du médecin qui a établi le rapport médical. Le préfet n'a donc pas pu contrôler la régularité de la composition du collège en méconnaissance des articles R. 313-22 et suivants du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- contrairement à ce qu'a estimé le collège de médecins, le défaut de prise en charge médicale aura de graves conséquences et les possibilités de prise en charge en Arménie sont très limitées. Le refus méconnaît donc le 11° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- il réside en France depuis 2016 avec toute sa famille. Ses enfants sont scolarisés et l'un d'entre eux a des soucis de santé. Le refus de titre de séjour porte une atteinte disproportionnée à son droit au respect de sa vie privée et familiale en méconnaissance de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et du 7° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- pour les mêmes motifs, le refus de titre de séjour méconnaît l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et la circulaire du 28 novembre 2012 ;

- l'obligation de quitter le territoire français est illégale en raison de l'illégalité du refus de titre de séjour ;

- eu égard à son état de santé, l'obligation de quitter le territoire français méconnaît le 10° de l'article L. 511-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- l'obligation de quitter le territoire français méconnaît l'article 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant, l'aînée ayant développé une anorexie mentale en raison de sa crainte du retour de ses parents dans son pays d'origine ;

- l'illégalité de l'obligation de quitter le territoire français entraîne celle de la décision fixant le pays de destination ;

- la décision fixant le pays de destination est insuffisamment motivée ;

- eu égard à son état de santé et à la séparation des membres de sa famille, la décision fixant le pays de destination méconnaît l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.

Par ordonnance du 27 décembre 2018, la clôture de l'instruction a été fixée au 1er mars 2019 à midi.

Par décision en date du 6 décembre 2018, M. H... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale.

II- Par une requête, enregistrée le 11 octobre 2018 sous le n° 18BX03634, Mme F..., représentée par Me E..., demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Poitiers du 13 septembre 2018 ;

2°) d'annuler l'arrêté du 13 avril 2018 du préfet des Deux-Sèvres la concernant ;

3°) d'enjoindre au préfet des Deux-Sèvres, à titre principal, de lui délivrer une carte de séjour temporaire d'un an dans le délai d'un mois à compter de l'arrêt à intervenir ou, à titre subsidiaire, de réexaminer sa situation dans le délai d'un mois à compter de l'arrêt à intervenir et de lui délivrer dans le délai de quinze jours à compter de cet arrêt une autorisation provisoire de séjour l'autorisant à travailler, le tout sous astreinte de 100 euros par jour de retard ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 2 000 euros à verser à son conseil ou à elle selon l'issue de la demande d'aide juridictionnelle, en application des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991.

Elle soutient que :

- la délégation habilitant le signataire est trop large et ne pouvait donc régulièrement l'habiliter;

- le refus de titre de séjour est insuffisamment motivé ;

- l'insuffisance de motivation révèle un défaut d'examen de sa situation ;

- elle réside en France depuis 2016 avec toute sa famille. Ses enfants sont scolarisés et l'un d'entre eux a des soucis de santé. Le refus de titre de séjour porte une atteinte disproportionnée à son droit au respect de sa vie privée et familiale en méconnaissance de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et du 7° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- pour les mêmes motifs, le refus de titre de séjour méconnaît l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et la circulaire du 28 novembre 2012 ;

- l'obligation de quitter le territoire français est illégale en raison de l'illégalité du refus de titre de séjour ;

- l'obligation de quitter le territoire français méconnaît l'article 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant et l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, l'aînée ayant développé une anorexie mentale en raison de sa crainte du retour de ses parents dans son pays d'origine ;

- l'illégalité de l'obligation de quitter le territoire français entraîne celle de la décision fixant le pays de destination ;

- la décision fixant le pays de destination est insuffisamment motivée ;

- eu égard à la séparation des membres de sa famille, la décision fixant le pays de destination méconnaît l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.

Par ordonnance du 27 décembre 2018, la clôture de l'instruction a été fixée au 1er mars 2019 à midi.

Par une décision en date du 6 décembre 2018, Mme F... a été admise au bénéficie de l'aide juridictionnelle totale.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- la convention de New-York du 26 janvier 1990 relative aux droits de l'enfant ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

- le décret n° 91-1266 du 19 décembre 1991 ;

- l'arrêté du 27 décembre 2016 relatif aux conditions d'établissement et de transmission des certificats médicaux, rapports médicaux et avis mentionnés aux articles R. 313-22, R. 313-23 et R. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- le code de justice administrative.

Par décision du 1er septembre 2018, le président de la cour a désigné Mme G... D... pour exercer temporairement les fonctions de rapporteur public en application des articles R. 222-24 et R. 222-32 du code de justice administrative.

Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Le rapport de M. B... a été entendu au cours de l'audience publique :

Considérant ce qui suit :

1. M. H... et son épouse, Mme F..., ressortissants arméniens nés respectivement en 1977 et en 1978, sont, selon leurs déclarations, entrés irrégulièrement en France le 8 août 2016 accompagnés de leurs trois enfants. A la suite des rejets de leurs demandes d'asile par l'Office français de protection des réfugiés et apatrides le 27 janvier 2017 puis par la Cour nationale du droit d'asile le 11 mai 2017, M. H... a sollicité la délivrance d'un titre de séjour en qualité d'étranger malade. Par un arrêté du 13 avril 2018, le préfet des Deux-Sèvres a refusé de lui délivrer un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans le délai de trente jours et a fixé le pays de destination. Par un second arrêté du même jour, le préfet des Deux-Sèvres a pris les mêmes décisions à l'encontre de Mme F.... Par un jugement commun, le tribunal administratif de Poitiers a rejeté leurs demandes tendant à l'annulation de ces deux arrêtés. Par une requête enregistrée sous le n° 18BX03633, M. H... relève appel de ce jugement en tant qu'il a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 13 avril 2018 et par une requête enregistrée sous le n° 18BX03634, Mme F... relève appel de ce jugement en tant qu'il a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté la concernant.

Sur la jonction :

2. Les requêtes susvisées n° 18BX03633 et n° 18BX03634 concernent la situation d'un couple et le même jugement. Elles présentent ainsi à juger des questions semblables et ont fait l'objet d'une instruction commune. Il y a lieu de les joindre pour statuer par un seul arrêt.

Sur l'admission provisoire à l'aide juridictionnelle :

3. Par deux décisions du 6 décembre 2018, le bureau d'aide juridictionnelle près le tribunal de grande instance de Bordeaux a admis M. H... et son épouse, Mme F... au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale. Par suite, leur demande d'admission provisoire au bénéfice de l'aide juridictionnelle est devenue sans objet.

Sur la légalité des arrêtés du 13 avril 2018 :

4. Il ressort des pièces du dossier que le préfet des Deux-Sèvres a, par arrêté du 29 août 2017, régulièrement publié au recueil des actes administratifs spécial du même jour, donné délégation à M. Didier Doré, secrétaire général de la préfecture et signataire des arrêtés, à l'effet de signer tous arrêtés et décisions relevant des attributions de l'Etat dans le département des Deux-Sèvres à l'exception des actes pour lesquels une délégation a été conférée à un chef de service de l'Etat dans le département, des mesures générales concernant la défense nationale et la défense opérationnelle du territoire, de la réquisition du comptable et des arrêtés de conflit. Contrairement à ce que soutiennent les requérants, cette délégation de signature n'est ni trop générale ni trop imprécise. Par suite, le moyen tiré de l'incompétence du signataire doit être écarté.

En ce qui concerne les décisions portant refus de titre de séjour :

S'agissant des moyens communs aux deux arrêtés :

5. En premier lieu, aux termes de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, la carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " est délivrée de plein droit : / (...) 7° A l'étranger ne vivant pas en état de polygamie, qui n'entre pas dans les catégories précédentes ou dans celles qui ouvrent droit au regroupement familial, dont les liens personnels et familiaux en France, appréciés notamment au regard de leur intensité, de leur ancienneté et de leur stabilité, des conditions d'existence de l'intéressé, de son insertion dans la société française ainsi que de la nature de ses liens avec sa famille restée dans le pays d'origine, sont tels que le refus d'autoriser son séjour porterait à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard des motifs de refus (...). L'insertion de l'étranger dans la société française est évaluée en tenant compte notamment de sa connaissance des valeurs de la République ". Aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui. ". Pour l'application des dispositions et stipulations précitées, l'étranger qui invoque la protection due à son droit au respect de sa vie privée et familiale en France doit apporter toute justification permettant d'apprécier la réalité et la stabilité de ses liens personnels et familiaux effectifs en France au regard de ceux qu'il a conservés dans son pays d'origine.

6. M. H... et Mme F... font valoir qu'ils résident en France depuis 2016 où se trouvent l'ensemble des membres de leur famille et où leurs enfants sont scolarisés. Cependant les requérants ne font état d'aucune attache familiale en situation régulière sur le territoire national. Dès lors, eu égard à la brève durée de leur séjour en France, les refus litigieux n'ont pas porté à leur droit au respect de leur vie privée et familiale une atteinte disproportionnée par rapport aux buts en vue desquels ils ont été opposés. Par suite, les moyens tirés de la méconnaissance de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et du 7° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile doivent être écartés.

7. En deuxième lieu, la circulaire du ministre de l'intérieur du 28 novembre 2012 relative aux conditions d'examen des demandes d'admission au séjour déposées par des ressortissants étrangers en situation irrégulière dans le cadre du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ne comporte que des orientations générales qui ne sont pas utilement invocables à l'appui d'un recours dirigé contre une décision portant refus de titre de séjour. Par suite, M. H... et Mme F... ne peuvent utilement se prévaloir de cette circulaire.

8. En troisième lieu, les circonstances que leurs enfants soient scolarisés, qu'ils ont participé à des activités bénévoles et ont fait des efforts d'intégration ne permettent pas d'estimer que leur admission au séjour répondrait à des considérations humanitaires ou à des motifs exceptionnels au sens de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Dès lors, le moyen tiré de la méconnaissance de cet article ne peut qu'être écarté.

S'agissant du refus de titre de séjour concernant M. H... :

9. En premier lieu, l'arrêté litigieux vise les 7° et 11° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ainsi que l'article L. 313-14 de ce code et indique que selon l'avis émis par le collège de médecins de l'Office français de l'immigration et de l'intégration du 21 février 2018, le défaut de prise en charge médicale ne devrait pas entraîner des conséquences d'une exceptionnelle gravité et que l'état de santé de M. H... peut lui permettre de voyager sans risque vers son pays d'origine. L'arrêté précise également s'agissant de la vie privée et familiale de l'intéressé en France qu'il déclare être arrivé sur le territoire il y a moins de deux ans, qu'il se maintient en situation irrégulière depuis le rejet de sa demande d'asile, qu'il n'établit pas avoir tissé de liens personnels intenses autres que ceux de son entourage familial, que son épouse fait l'objet d'une mesure identique, qu'il n'établit pas être dépourvu d'attaches familiales dans son pays d'origine et qu'aucun obstacle n'empêche sa famille de poursuivre sa vie hors de France. L'arrêté ajoute enfin que M. H... ne fait valoir aucune considération humanitaire ni motif exceptionnel de nature à obtenir une admission exceptionnelle au séjour. L'arrêté, qui énonce ainsi les considérations de droit et de fait fondant le refus contesté, a suffisamment motivé le refus de titre de séjour.

10. En deuxième lieu, il ressort de la motivation de l'arrêté que, contrairement à ce que soutient M. H..., le préfet des Deux-Sèvres a procédé à un examen particulier de sa situation.

11. En troisième lieu, aux termes de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, la carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " est délivrée de plein droit : (...) 11° A l'étranger résidant habituellement en France, si son état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait avoir pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité et si, eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé dans le pays dont il est originaire, il ne pourrait pas y bénéficier effectivement d'un traitement approprié (...) La décision de délivrer la carte de séjour est prise par l'autorité administrative après avis d'un collège de médecins du service médical de l'Office français de l'immigration et de l'intégration, dans des conditions définies par décret en Conseil d'Etat (...) ". Selon l'article R. 313-22 de ce code : " Pour l'application du 11° de l'article L. 313-11, le préfet délivre la carte de séjour au vu d'un avis émis par un collège de médecins à compétence nationale de l'Office français de l'immigration et de l'intégration. L'avis est émis dans les conditions fixées par arrêté du ministre chargé de l'immigration et du ministre chargé de la santé au vu, d'une part, d'un rapport médical établi par un médecin de l'Office français de l'immigration et de l'intégration et, d'autre part, des informations disponibles sur les possibilités de bénéficier effectivement d'un traitement approprié dans le pays d'origine de l'intéressé (...) ". Aux termes de l'article R. 313-23 dudit code : " (...) Le médecin ayant établi le rapport médical ne siège pas au sein du collège. (...) ". En vertu de l'article 5 de l'arrêté du 27 décembre 2016 susvisé : " Le collège de médecins à compétence nationale de l'office comprend trois médecins instructeurs des demandes des étrangers malades, à l'exclusion de celui qui a établi le rapport (...) ". Aux termes de l'article 6 de cet arrêté , le collège de médecins du service médical de l'Office français de l'immigration et de l'intégration (OFII) désigné afin d'émettre un avis doit préciser : " a) si l'état de santé de l'étranger nécessite ou non une prise en charge médicale ; b) si le défaut de cette prise en charge peut ou non entraîner des conséquences d'une exceptionnelle gravité sur son état de santé ; c) si, eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé dans le pays dont le ressortissant étranger est originaire, il pourrait ou non y bénéficier effectivement d'un traitement approprié (...) ".

12. Il ne résulte ni du 11° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, ni des articles R. 313-22 et R. 313-23 de ce code, ni de l'article 6 de l'arrêté du 27 décembre 2016 susvisé, ni d'aucun principe, que l'avis du collège de médecins de l'Office français de l'immigration et de l'intégration devrait porter mention du nom du médecin qui a établi le rapport médical, prévu par l'article R. 313-22, qui est transmis au collège de médecins de l'Office. Par suite, le défaut de mention de ce nom sur l'avis est sans incidence sur sa régularité et, par voie de conséquence, sur la légalité du refus de titre de séjour.

13. En quatrième lieu, M. H... n'établit ni même n'allègue avoir adressé au préfet des Deux-Sèvres, préalablement à l'arrêté litigieux, des documents lui permettant d'apprécier son état de santé. Dans ces conditions, le préfet des Deux-Sèvres ne pouvait que se fonder sur l'avis émis par le collège de médecins de l'Office français de l'immigration et de l'intégration. Dès lors, la reprise des termes de l'avis dans l'arrêté en litige, ne permet pas à elle seule d'établir que le préfet se serait estimé lié par celui-ci et aurait ainsi méconnu l'étendue de sa compétence.

14. En cinquième lieu, il ressort des pièces du dossier que le collège des médecins de l'Office français de l'immigration et de l'intégration a estimé, dans son avis du 21 février 2018, que si l'état de santé de M. H... nécessite une prise en charge médicale, son défaut ne devrait pas entraîner des conséquences d'une exceptionnelle gravité. Les seules pièces médicales produites antérieures à l'arrêté contesté, qui sont une coronographie du 21 décembre 2016 concluant à l'absence de sténose et un compte-rendu provisoire à la suite d'une hospitalisation dans le service de cardiologie du 13 au 14 août 2016 pour soigner une douleur thoracique sans preuve ischémique, ne sont pas de nature à infirmer les conclusions de cet avis. Si le requérant soutient que certains des principes actifs de son traitement ne sont pas disponibles, il n'établit pas par la seule production d'une ordonnance du 23 juillet 2018, postérieure à l'arrêté, qu'il s'agissait du traitement requis par son état de santé à la date de l'arrêté. En tout, quand bien même les principes actifs en cause ne seraient effectivement pas disponibles en Arménie, il n'est nullement établi que le défaut de prise en charge médicale entraînerait des conséquences d'une exceptionnelle gravité au sens du 11° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Par suite, le moyen tiré de la méconnaissance de cet article ne peut qu'être écarté.

S'agissant du refus de titre de séjour concernant Mme F... :

15. En premier lieu, l'arrêté litigieux vise le 7° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et les articles L. 313-13, L. 313-14 et L. 314-11 8° de ce code et indique que la demande d'obtention du statut de réfugié déposée par Mme F... a été rejetée par l'Office français de protection des réfugiés et apatrides et la Cour nationale du droit d'asile et qu'elle n'a pas sollicité la délivrance d'un titre de séjour sur un autre fondement. L'arrêté précise également s'agissant de la vie privée et familiale de l'intéressée en France qu'elle déclare être arrivé sur le territoire il y a moins de deux ans après avoir vécu trente-huit ans hors de France, qu'elle se maintient en situation irrégulière depuis le rejet de sa demande d'asile, qu'elle n'établit pas avoir tissé de liens personnels intenses autres que ceux de son entourage familial, que son époux fait l'objet d'une mesure identique, qu'elle n'établit pas être dépourvu d'attaches familiales dans son pays d'origine et qu'aucun obstacle n'empêche sa famille de poursuivre sa vie hors de France. L'arrêté ajoute enfin que Mme F... ne fait valoir aucune considération humanitaire ni motif exceptionnel de nature à obtenir une admission exceptionnelle au séjour. L'arrêté, qui énonce ainsi les considérations de droit et de fait fondant le refus contesté, a suffisamment motivé le refus de titre de séjour.

16. En second lieu, il ressort de la motivation de l'arrêté que, contrairement à ce que soutient Mme F..., le préfet des Deux-Sèvres a procédé à un examen particulier de sa situation.

En ce qui concerne les décisions portant obligations de quitter le territoire français :

S'agissant des moyens communs aux deux arrêtés :

17. En premier lieu, il résulte de ce qui précède que les obligations de quitter le territoire français ne sont pas dépourvues de base légale en raison de l'illégalité des refus de titre de séjour qui les fondent.

18. En second lieu, aux termes de l'article 3 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant précitée : " 1. Dans toutes les décisions qui concernent les enfants, qu'elles soient le fait des institutions publiques ou privées de protection sociale, des tribunaux, des autorités administratives ou des organes législatifs, l'intérêt supérieur de l'enfant doit être une considération primordiale. (...) ". Il résulte de ces stipulations, lesquelles peuvent être utilement invoquées à l'appui d'un recours pour excès de pouvoir, que, dans l'exercice de son pouvoir d'appréciation, l'autorité administrative doit accorder une attention primordiale à l'intérêt supérieur des enfants dans toutes les décisions les concernant.

19. Comme indiqué précédemment, les deux parents faisant l'objet d'une mesure d'éloignement, ces mesures n'impliquent pas une séparation des enfants de l'un de leurs parents. En outre, si les enfants, nés en 1999, 2002 et 2006, sont scolarisés, il n'est pas établi qu'ils seront dans l'impossibilité de poursuivre leur scolarité en dehors de la France. Enfin, s'il ressort d'un certificat médical du 3 juillet 2017 que l'aînée souffre d'anorexie mentale, aucune pièce du dossier ne corrobore l'allégation selon laquelle cette anorexie résulterait d'une crainte du retour de ses parents dans leur pays d'origine. Dans ces conditions, les mesures d'éloignement ne méconnaissent pas les stipulations de l'article 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant.

S'agissant de l'obligation de quitter le territoire français concernant M. H... :

20. Le moyen tiré de la méconnaissance du 10° de l'article L. 511-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile doit être écarté pour les motifs énoncés au point 14.

S'agissant de l'obligation de quitter le territoire français concernant Mme F... :

21. Le moyen tiré de la méconnaissance de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales doit être écarté pour les motifs énoncés au point 6.

En ce qui concerne les décisions fixant le pays de destination :

22. En premier lieu, il résulte de ce qui précède que les décisions fixant le pays de destination ne sont pas illégales en raison de l'illégalité des obligations de quitter le territoire français qui les fondent.

23. En deuxième lieu, les arrêtés litigieux visent le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales. Ils rappellent également que les demandes d'asile de M. H... et de Mme F... ont été rejetées par l'Office français de protection des réfugiés et apatrides et la Cour nationale du droit d'asile. Ils précisent enfin que M. H... et Mme F... n'établissent pas qu'en cas de retour dans leur pays d'origine, ils courraient un risque de subir des traitements inhumains ou barbares et des actes de torture. Les arrêtés, qui énoncent ainsi les considérations de droit et de fait fondant les décisions fixant le pays de destination, ont donc suffisamment motivé ces décisions.

24. En dernier lieu, aux termes de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " " Nul ne peut être soumis à la torture ni à des peines ou traitements inhumains ou dégradants. ". Ces stipulations font obstacle à ce que puisse être légalement désigné comme pays de renvoi d'un étranger faisant l'objet d'une mesure d'éloignement un Etat pour lequel il existe des motifs sérieux et avérés de croire que l'intéressé s'y trouverait exposé à un risque réel pour sa personne soit du fait des autorités de cet Etat, soit même du fait de personnes ou groupes de personnes ne relevant pas des autorités publiques, dès lors que, dans ce dernier cas, les autorités de l'Etat de renvoi ne sont pas en mesure de parer à un tel risque par une protection appropriée.

25. Si M. H... soutient que son état de santé nécessite un traitement qui n'est pas disponible en Arménie, cette circonstance, à la supposer établie, ne révèle pas un risque de traitement inhumain ou dégradant dans la mesure où il n'est pas établi que le défaut de prise en charge médicale entraînerait des conséquences d'une exceptionnelle gravité. Les requérants soutiennent également qu'ils se retrouveront isolés en Arménie, une telle circonstance ne peut être qualifiée de traitement inhumain ou dégradant au sens de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales. En outre, les requérants ne seront pas isolés puisqu'ils font tous deux l'objet d'une mesure d'éloignement à destination de l'Arménie. Le moyen tiré de la méconnaissance de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ne peut donc être accueilli.

26. Il résulte de tout ce qui précède que M. H... et Mme F... ne sont pas fondés à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Poitiers a rejeté leurs demandes tendant à l'annulation des arrêtés du 13 avril 2018 du préfet des Deux-Sèvres les concernant. Par voie de conséquence, les conclusions à fin d'injonction ainsi que celles tendant au paiement des frais exposés et non compris dans les dépens présentées par M. H... et Mme F... ne peuvent qu'être rejetées.

DECIDE

Article 1er : Il n'y a pas lieu de statuer sur les demandes d'admission provisoire à l'aide juridictionnelle présentées par M. H... et Mme F....

Article 2 : Les requêtes de M. H... et Mme F... sont rejetées.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à M. A... H..., à Mme C... F... et au ministre de l'intérieur. Copie en sera adressée au préfet des Deux-Sèvres.

Délibéré après l'audience public du 21 mai 2019 à laquelle siégeaient :

Mme Marianne Pouget, président,

M. Paul-André B..., premier conseiller,

M. Romain Roussel, premier conseiller.

Lu en audience publique, le 5 août 2019.

Le rapporteur,

Paul-André B...Le président,

Marianne Pouget

Le greffier,

Florence Faure

La République mande et ordonne au ministre de l'Intérieur en ce qui le concerne et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun, contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.

7

N° 18BX03633-18BX03634


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Bordeaux
Formation : 1ère chambre
Numéro d'arrêt : 18BX03633,18BX03634
Date de la décision : 05/08/2019
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

335 Étrangers.


Composition du Tribunal
Président : Mme POUGET M.
Rapporteur ?: M. Paul-André BRAUD
Rapporteur public ?: Mme DE PAZ
Avocat(s) : SCP BREILLAT DIEUMEGARD MASSON

Origine de la décision
Date de l'import : 27/08/2019
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.bordeaux;arret;2019-08-05;18bx03633.18bx03634 ?
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