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05/08/2019 | FRANCE | N°18BX03630

France | France, Cour administrative d'appel de Bordeaux, 1ère chambre, 05 août 2019, 18BX03630


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme D... E... a demandé au tribunal administratif de la Guyane d'annuler l'arrêté du 24 août 2017 par lequel le préfet de la Guyane a refusé de lui délivrer un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de renvoi.

Par un jugement n° 1701068 du 3 mai 2018, le tribunal administratif de la Guyane a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête et un mémoire enregistrés les 11 octo

bre et 8 novembre 2018, Mme E..., représentée par Me C..., demande à la cour :

1°) d'annul...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme D... E... a demandé au tribunal administratif de la Guyane d'annuler l'arrêté du 24 août 2017 par lequel le préfet de la Guyane a refusé de lui délivrer un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de renvoi.

Par un jugement n° 1701068 du 3 mai 2018, le tribunal administratif de la Guyane a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête et un mémoire enregistrés les 11 octobre et 8 novembre 2018, Mme E..., représentée par Me C..., demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de la Guyane du 3 mai 2018 ;

2°) d'annuler l'arrêté du préfet de la Guyane du 24 août 2017 ;

3°) d'enjoindre au préfet de la Guyane de réexaminer sa situation.

Elle soutient que :

- le jugement attaqué est entaché d'irrégularité dès lors, d'une part, qu'il ne comporte ni la signature du président, ni celle du rapporteur, ni celle du greffier, en méconnaissance de l'article R. 741-7 du code de justice administrative et, d'autre part, que le tribunal administratif a insuffisamment motivé le moyen tiré de ce que l'arrêté en litige porte atteinte à sa vie privée ;

- l'arrêté contesté a été pris en méconnaissance des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et des dispositions de l'article L. 313-11 7° du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Les décisions en litige l'empêchent d'avoir une vie familiale normale en Guyane où elle est hébergée par sa mère et son beau-père, titulaires d'un titre de séjour et où elle a effectué une partie de sa scolarité. L'obtention d'un titre de séjour lui est nécessaire pour y poursuivre ses études ;

- la décision portant obligation de quitter le territoire français procède d'une erreur manifeste d'appréciation eu égard à la présence en France de sa mère et de son beau-père, à sa scolarité sur le territoire national et à son souhait d'y continuer son cursus scolaire ;

- la renvoyer en Haïti serait contraire à l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales. Elle ne pourrait pas vivre en sécurité dans ce pays compte tenu des nombreuses exactions qui y sont commises et des mauvaises conditions climatiques.

Par un mémoire en défense, enregistré le 16 avril 2019, le préfet de la Guyane conclut au rejet de la requête.

Il fait valoir que :

- le jugement comporte la signature électronique du président, du rapporteur et du greffier ;

- le jugement est suffisamment motivé puisque la requête de première instance ne comportait aucun moyen ;

- eu égard à la faible durée du séjour et au temps important pendant lequel elle a été séparée de sa mère, qui n'a d'ailleurs pas sollicité le regroupement familial à son profit, l'arrêté ne porte pas une atteinte disproportionnée à son droit au respect à sa vie privée et familiale ;

- l'intéressée n'a pas déposé de demande d'asile et ne produit aucun élément au soutien de son allégation peu circonstanciée selon laquelle elle encourrait un risque en cas de retour en Haïti.

Mme E... a été admise au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 13 juillet 2018.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 modifiée relative à l'aide juridique ;

- le code de justice administrative.

Par décision du 1er septembre 2018, le président de la cour a désigné Mme F... B... pour exercer temporairement les fonctions de rapporteur public en application des articles R. 222-24 et R. 222-32 du code de justice administrative.

Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Le rapport de M. A... a été entendu au cours de l'audience publique :

Considérant ce qui suit :

1. Mme E..., ressortissante haïtienne née le 18 juillet 1995, déclare être entrée irrégulièrement en France (Guyane) le 4 novembre 2015. Le 10 juillet 2017, elle a sollicité la délivrance d'un titre de séjour sur le fondement de l'article L. 313-11 7° du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Par un arrêté du 24 août 2017, le préfet de la Guyane a rejeté sa demande, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans le délai de trente jours et a fixé le pays de renvoi. Mme E... relève appel du jugement du 3 mai 2018 par lequel le tribunal administratif de la Guyane a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cet arrêté.

Sur la régularité du jugement attaqué :

2. En premier lieu, aux termes de l'article R. 741-7 du code de justice administrative : " Dans les tribunaux administratifs et les cours administratives d'appel, la minute de la décision est signée par le président de la formation de jugement, le rapporteur et le greffier d'audience ". En vertu de l'article R. 741-10 du même code : " La minute des décisions est conservée au greffe de la juridiction pour chaque affaire, avec la correspondance et les pièces relatives à l'instruction (...) ".

3. Il ressort des pièces du dossier que la minute du jugement attaqué a été signée par le président de la formation de jugement, le rapporteur et le greffier d'audience, conformément aux prescriptions de l'article R. 741-7 précité du code de justice administrative. La circonstance que l'ampliation du jugement qui a été notifié à Mme E... ne comporte pas ces signatures est sans incidence sur la régularité de ce jugement. Le moyen tiré de l'absence de signature du jugement attaqué soulevé par l'intéressée manque ainsi en fait et doit, par suite, être écarté.

4. Par ailleurs, contrairement à ce que soutient Mme E..., les premiers juges ont suffisamment répondu, au point 3 du jugement, au moyen invoqué devant eux et tiré de ce que l'arrêté contesté aurait porté une atteinte excessive à son droit au respect de sa vie privée et familiale. Dès lors, le moyen tiré de l'irrégularité du jugement attaqué sur ce point ne peut qu'être écarté.

Sur les conclusions à fin d'annulation :

5. En premier lieu, l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'Homme et des libertés fondamentales stipule que : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. / 2. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui ". L'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile dispose que : " Sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, la carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " est délivrée de plein droit : (...) 7° A l'étranger ne vivant pas en état de polygamie, qui n'entre pas dans les catégories précédentes ou dans celles qui ouvrent droit au regroupement familial, dont les liens personnels et familiaux en France, appréciés notamment au regard de leur intensité, de leur ancienneté et de leur stabilité, des conditions d'existence de l'intéressé, de son insertion dans la société française ainsi que de la nature de ses liens avec la famille restée dans le pays d'origine, sont tels que le refus d'autoriser son séjour porterait à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard des motifs du refus, sans que la condition prévue à l'article L. 313-2 soit exigée. L'insertion de l'étranger dans la société française est évaluée en tenant compte notamment de sa connaissance des valeurs de la République. ". Pour l'application des dispositions et stipulations précitées, l'étranger qui invoque la protection due à son droit au respect de sa vie privée et familiale en France doit apporter toute justification permettant d'apprécier la réalité et la stabilité de ses liens personnels et familiaux effectifs en France au regard de ceux qu'il a conservés dans son pays d'origine.

6. Mme E... se prévaut de sa résidence continue, depuis le 4 novembre 2015, en Guyane où elle poursuit sa scolarité et réside avec sa mère, arrivée en France depuis l'année 2001, et son beau-père, tous deux titulaires d'un titre de séjour. Toutefois, il ressort des pièces du dossier que l'intéressée séjournait depuis moins de deux ans en France à la date de l'arrêté contesté après avoir vécu pendant vingt ans en Haïti où elle a suivi la majeure partie de sa scolarité. Elle n'apporte pas la preuve qu'elle serait dans l'impossibilité de poursuivre ses études dans ce pays. En outre, elle est célibataire et sans enfant, et n'établit pas être dépourvue d'attaches privées et familiales dans son pays d'origine alors qu'elle a vécu éloignée de sa mère durant quatorze ans. Elle ne démontre pas plus avoir développé sur le sol national des liens d'une particulière intensité, en dehors de sa cellule familiale. Dans ces conditions, l'arrêté en litige n'a pas porté à son droit de mener une vie privée et familiale une atteinte disproportionnée aux buts en vue desquels il a été pris, et n'a donc méconnu ni les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, ni les dispositions du 7° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.

7. En deuxième lieu, pour les mêmes motifs que ceux précédemment exposés, la mesure d'éloignement n'est pas davantage entachée d'une erreur manifeste dans l'appréciation de la situation personnelle de la requérante.

8. En troisième lieu, aux termes de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " Nul ne peut être soumis à la torture ni à des peines ou traitements inhumains ou dégradants ". Ces stipulations font obstacle à ce que puisse être légalement désigné comme pays de renvoi d'un étranger faisant l'objet d'une mesure d'éloignement un Etat pour lequel il existe des motifs sérieux et avérés de croire que l'intéressé s'y trouverait exposé à un risque réel pour sa personne soit du fait des autorités de cet Etat, soit même du fait de personnes ou groupes de personnes ne relevant pas des autorités publiques, dès lors que, dans ce dernier cas, les autorités de l'Etat de renvoi ne sont pas en mesure de parer à un tel risque par une protection appropriée.

9. Mme E... soutient qu'elle encourt de graves risques pour sa sécurité en cas de retour en Haïti. Toutefois, en se bornant à se prévaloir des conditions climatiques et d'exactions commises dans son pays d'origine, l'intéressée n'apporte aucun élément précis et circonstancié de nature à établir la réalité des risques allégués auxquels elle serait personnellement exposée en Haïti. Le moyen tiré de la méconnaissance de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales doit, par suite, être écarté.

10. Il résulte de tout ce qui précède que Mme E... n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de la Guyane a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 24 août 2017 du préfet de la Guyane.

Sur les conclusions à fin d'injonction :

11. Le présent arrêt, qui rejette les conclusions à fin d'annulation présentées par la requérante, n'appelle aucune mesure d'exécution. Par suite, les conclusions à fin d'injonction ne peuvent qu'être rejetées.

DECIDE :

Article 1er : La requête de Mme E... est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à Mme D... E... et au ministre de l'intérieur. Copie en sera adressée au préfet de la Guyane et au ministre des Outre-mer.

Délibéré après l'audience public du 21 mai 2019 à laquelle siégeaient :

Mme Marianne Pouget, président,

M. Paul-André A..., premier conseiller,

M. Romain Roussel, premier conseiller.

Lu en audience publique, le 5 août 2019.

Le rapporteur,

Paul-André A...Le président,

Marianne Pouget

Le greffier,

Florence Faure

La République mande et ordonne au ministre de l'Intérieur en ce qui le concerne et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun, contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.

4

18BX03630


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Bordeaux
Formation : 1ère chambre
Numéro d'arrêt : 18BX03630
Date de la décision : 05/08/2019
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

Étrangers - Séjour des étrangers - Refus de séjour - Motifs.

Étrangers - Obligation de quitter le territoire français (OQTF) et reconduite à la frontière.


Composition du Tribunal
Président : Mme POUGET M.
Rapporteur ?: M. Paul-André BRAUD
Rapporteur public ?: Mme DE PAZ
Avocat(s) : ETESSE

Origine de la décision
Date de l'import : 27/08/2019
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.bordeaux;arret;2019-08-05;18bx03630 ?
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