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05/08/2019 | FRANCE | N°18BX02507

France | France, Cour administrative d'appel de Bordeaux, 1ère chambre, 05 août 2019, 18BX02507


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. B... C... a demandé au tribunal administratif de Poitiers d'annuler les arrêtés du 23 avril 2018 par lesquels le préfet de la Charente-Maritime a décidé de le transférer aux autorités allemandes pour l'examen de sa demande d'asile et l'a assigné à résidence.

Par un jugement n° 1801127 du 28 mai 2018, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Poitiers a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête enregistrée le 26 juin 2018 et des

pièces complémentaires enregistrées le 16 juillet 2018, M. C... représenté par Me E..., demande à l...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. B... C... a demandé au tribunal administratif de Poitiers d'annuler les arrêtés du 23 avril 2018 par lesquels le préfet de la Charente-Maritime a décidé de le transférer aux autorités allemandes pour l'examen de sa demande d'asile et l'a assigné à résidence.

Par un jugement n° 1801127 du 28 mai 2018, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Poitiers a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête enregistrée le 26 juin 2018 et des pièces complémentaires enregistrées le 16 juillet 2018, M. C... représenté par Me E..., demande à la cour :

1°) de l'admettre à l'aide juridictionnelle provisoire ;

2°) d'annuler ce jugement du 28 mai 2018 du magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Poitiers et les arrêtés du préfet de la Charente-Maritime du 23 avril 2018 ;

3°) d'enjoindre au préfet de la Charente-Maritime, à titre principal, d'enregistrer sa demande d'asile et de lui délivrer un récépissé dans un délai de quarante-huit heures à compter de l'arrêt à intervenir, ou, à titre subsidiaire, de réexaminer sa situation dans le délai de deux mois, à compter de l'arrêt à intervenir, et de lui délivrer, dans cette attente, une autorisation provisoire de séjour dans un délai de quarante-huit heures, dans tous les cas sous astreinte de 100 euros par jour de retard ;

4°) de mettre à la charge de l'État une somme de 1500 euros à verser à son avocat en application des dispositions des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991 ou, si l'aide juridictionnelle ne lui est pas accordée, à lui verser directement.

M. C... soutient que :

- la décision de transfert méconnaît l'article 13 du règlement UE n°604/2013. Il est entré en France pour la seconde fois le 11 février 2017 et n'a déposé sa demande d'asile que le 7 décembre 2007, soit bien plus de cinq mois après son arrivée sur le territoire ;

- la décision de transfert est entachée d'un défaut de motivation au regard des dispositions de l'article L. 211-5 du code des relations entre le public et l'administration et de l'article L. 742-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et d'un défaut d'examen approfondi de sa situation. En particulier, elle vise seulement l'article 18-1-b du règlement n° 604-2013 et ne précise pas le critère de responsabilité retenu, parmi ceux mentionnés au chapitre III de ce même règlement, ni le fondement sur lequel l'Allemagne a accepté sa responsabilité. En outre cette décision ne fait pas mention de sa première entrée en France le 12 octobre 2016, de la présence de son père, de sa soeur, de sa tante et de sa compagne sur le territoire, des agressions qu'il a subies dans un foyer en Allemagne et de ses problèmes de santé qui n'ont pas été pris en charge dans ce pays ;

- la décision de transfert est entachée d'erreur de droit et d'erreur d'appréciation de sa situation au regard des stipulations de l'article 17 du règlement UE n°604/2013 et de l'article 8 de la convention européenne des droits de l'homme et des libertés fondamentales, dés lors que son père, sa soeur, sa tante et sa compagne, qu'il va épouser, résident en France, qu'il a subies des agressions dans un foyer en Allemagne et que ses problèmes santé n'ont pas été pris en charge dans ce pays ;

- l'arrêté portant assignation à résidence est illégal en raison de l'illégalité de la mesure de transfert qui le fonde ;

- il est insuffisamment motivé au regard de l'article L. 211-5 du code des relations entre le public et l'administration, dès lors qu'il ne précise pas en quoi son éloignement en Allemagne serait une perspective raisonnable, ce qui révèle un défaut d'examen approfondi de sa situation.

Par un mémoire en défense enregistré le 8 octobre 2018, le préfet de la Charente-Maritime conclut au rejet de la requête.

Il fait valoir que :

- s'agissant de la méconnaissance de l'article 13 du règlement n° 604/2013, le relevé Eurodac révèle qu'il a déposé une demande d'asile en Allemagne le 3 novembre 2016, sa demande doit donc être traitée par ce pays ;

- s'agissant de la méconnaissance de l'article 17 du règlement n°604/2013, il n'a jamais fait état de la présence régulière de son père et de sa soeur en France mais uniquement de sa tante qui l'a hébergé. Il n'est pas justifié qu'il ne pourrait bénéficier des soins requis par son état de santé en Allemagne ;

- la mesure d'assignation à résidence se fonde sur l'article L. 561-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et sur une mesure de transfert légale. Elle est suffisamment motivée.

Par une ordonnance du 14 août 2018, la clôture d'instruction a été fixée au 8 octobre 2018.

Par un courrier en date du 12 février 2019, les parties ont été informées, en application des dispositions de l'article R. 611-7 du code de justice administrative, de ce que l'arrêt était susceptible d'être fondé sur un moyen relevé d'office tiré du non lieu à statuer sur les conclusions tendant à l'annulation de l'arrêté du préfet de la Charente-Maritime du 23 avril 2018 portant transfert aux autorités allemandes pour l'examen de la demande d'asile de M. C... en raison de sa caducité.

En réponse à la communication de ce moyen d'ordre public, M. C... a présenté des observations par un mémoire enregistré le 13 février 2019.

M. C... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par décision du 4 octobre 2018.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales;

- le règlement (UE) n° 604/2013 du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013 établissant les critères et mécanismes de détermination de l'Etat membre responsable de l'examen d'une demande de protection internationale introduite dans l'un des États membres par un ressortissant de pays tiers ou un apatride ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique ;

- le code de justice administrative.

Par décision du 1er septembre 2018, le président de la cour a désigné Mme F... D... pour exercer temporairement les fonctions de rapporteur public en application des articles R. 222-24 et R. 222-32 du code de justice administrative.

Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Le rapport de M. A... a été entendu au cours de l'audience publique ;

Considérant ce qui suit :

1. M. C..., ressortissant algérien né le 8 avril 1983, est entré, selon ses déclarations, une première fois en France le 12 octobre 2016 en provenance de l'Espagne avant de se rendre en Allemagne, puis une seconde fois le 11 février 2017 afin d'y solliciter l'asile. La consultation du fichier Eurodac a fait apparaître que les empreintes digitales de l'intéressé avaient déjà été relevées par les autorités allemandes lors du dépôt d'une demande d'asile. Le préfet de la Charente-Maritime a adressé le 15 janvier 2018 une demande de reprise en charge auprès des autorités allemandes qui a été explicitement acceptée le 16 janvier 2018. Le préfet de la Charente-Maritime a, par deux arrêtés du 23 avril 2018, prononcé, d'une part, son transfert aux autorités allemandes pour l'examen de sa demande d'asile et, d'autre part, son assignation à résidence dans ce département pour une durée de quarante-cinq jours renouvelable. M. C... relève appel du jugement du 28 mai 2018 par lequel le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Poitiers a rejeté sa demande tendant à l'annulation de ces deux arrêtés préfectoraux.

Sur la demande d'admission provisoire à l'aide juridictionnelle :

2. Par une décision du 4 octobre 2018, le bureau d'aide juridictionnelle près le tribunal de grande instance de Bordeaux a admis M. C... au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale. Par suite, sa demande d'admission provisoire au bénéfice de l'aide juridictionnelle est devenue sans objet.

Sur les conclusions à fin d'annulation :

En ce qui concerne l'arrêté portant transfert aux autorités allemandes :

3. En premier lieu, en application de l'article L. 742-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, la décision de transfert dont fait l'objet un ressortissant de pays tiers ou un apatride qui a déposé auprès des autorités françaises une demande d'asile dont l'examen relève d'un autre Etat membre ayant accepté de le prendre ou de le reprendre en charge doit être motivée, c'est-à-dire qu'elle doit comporter l'énoncé des considérations de droit et de fait qui en constituent le fondement. Pour l'application de ces dispositions, est suffisamment motivée une décision de transfert qui mentionne le règlement du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013 et comprend l'indication des éléments de fait sur lesquels l'autorité administrative se fonde pour estimer que l'examen de la demande présentée devant elle relève de la responsabilité d'un autre Etat membre, une telle motivation permettant d'identifier le critère du règlement communautaire dont il est fait application. S'agissant d'un étranger ayant, dans les conditions posées par le règlement, présenté une demande d'asile dans un autre Etat membre et devant, en conséquence, faire l'objet d'une reprise en charge par cet Etat, doit être regardée comme suffisamment motivée la décision de transfert à fin de reprise en charge qui, après avoir visé le règlement, relève que le demandeur a antérieurement présenté une demande dans l'Etat en cause, une telle motivation faisant apparaître qu'il est fait application du b), c) ou d) du paragraphe 1 de l'article 18 ou du paragraphe 5 de l'article 20 du règlement.

4. En l'espèce, l'arrêté du 23 avril 2018 indique que la consultation du fichier Eurodac a révélé que les empreintes de l'intéressé avaient été relevées par les autorités allemandes le 3 novembre 2016 les autorités de ce pays ont été saisies d'une demande de reprise en charge en application de l'article 18-1 b) du règlement (UE) n° 604/2013, laquelle a été acceptée le 16 janvier 2018. Ainsi, la décision comporte les éléments de fait et de droit permettant d'identifier les critères retenus par le préfet pour déterminer l'État responsable de l'examen de la demande d'asile de l'intéressé, qui pouvait, à la seule lecture de l'arrêté en litige, connaître le critère retenu par l'administration pour s'adresser aux autorités allemandes et être, ainsi, mis à même d'en contester, le cas échéant, la pertinence. Par ailleurs, la circonstance que l'arrêté ne fasse mention ni du fondement sur lequel l'Allemagne a accepté sa responsabilité ni de sa première entrée en France le 12 octobre 2016 ni de la présence de son père, de sa soeur, de sa tante et de sa compagne sur le territoire ne sauraient révéler une insuffisance de motivation alors que le préfet n'est pas tenu de relever de manière exhaustive l'ensemble des éléments afférents à la situation de l'intéressé. Enfin, une critique du bien-fondé des motifs ne saurait pas davantage révéler une insuffisance de motivation. Dès lors, le moyen tiré de l'insuffisante motivation de l'arrêté doit être écarté.

5. En deuxième lieu, aux termes de l'article 3 du règlement n°604/2013 du 26 juin 2013 : " 1. Les États membres examinent toute demande de protection internationale présentée par un ressortissant de pays tiers ou par un apatride sur le territoire de l'un quelconque d'entre eux, y compris à la frontière ou dans une zone de transit. La demande est examinée par un seul État membre, qui est celui que les critères énoncés au chapitre III désignent comme responsable. / 2. Lorsqu'aucun État membre responsable ne peut être désigné sur la base des critères énumérés dans le présent règlement, le premier État membre auprès duquel la demande de protection internationale a été introduite est responsable de l'examen. (...) ". Aux termes de l'article 7 du même règlement : "1. Les critères de détermination de l'État membre responsable s'appliquent dans l'ordre dans lequel ils sont présentés dans le présent chapitre./ 2. La détermination de l'État membre responsable en application des critères énoncés dans le présent chapitre se fait sur la base de la situation qui existait au moment où le demandeur a introduit sa demande de protection internationale pour la première fois auprès d'un État membre. Les articles 7 à 15 du règlement fixent les critères permettant de déterminer l'Etat membre responsable de l'examen d'une demande d'asile. " Aux termes de l'article 13 du règlement n° 604/2013 : " 1. Lorsqu'il est établi, sur la base de preuves ou d'indices tels qu'ils figurent dans les deux listes mentionnées à l'article 22, paragraphe 3, du présent règlement, notamment des données visées au règlement (UE) no 603/2013, que le demandeur a franchi irrégulièrement, par voie terrestre, maritime ou aérienne, la frontière d'un État membre dans lequel il est entré en venant d'un État tiers, cet État membre est responsable de l'examen de la demande de protection internationale. Cette responsabilité prend fin douze mois après la date du franchissement irrégulier de la frontière./ 2. Lorsqu'un État membre ne peut pas, ou ne peut plus, être tenu pour responsable conformément au paragraphe 1 du présent article et qu'il est établi, sur la base de preuves ou d'indices tels qu'ils figurent dans les deux listes mentionnées à l'article 22, paragraphe 3, que le demandeur qui est entré irrégulièrement sur le territoire des États membres ou dont les circonstances de l'entrée sur ce territoire ne peuvent être établies a séjourné dans un État membre pendant une période continue d'au moins cinq mois avant d'introduire sa demande de protection internationale, cet État membre est responsable de l'examen de la demande de protection internationale. (...) ". Aux termes de l'article 18 du même règlement : " 1. L'État membre responsable en vertu du présent règlement est tenu de : (...)/ d) reprendre en charge, dans les conditions prévues aux articles 23, 24, 25 et 29, le ressortissant de pays tiers ou l'apatride dont la demande a été rejetée et qui a présenté une demande auprès d'un autre État membre ou qui se trouve, sans titre de séjour, sur le territoire d'un autre État membre. ".

6. Il résulte de la combinaison de ces dispositions, notamment de celles du paragraphe 2 de l'article 7 et de l'article 13, que les critères prévus par cet article 13 ne sont susceptibles de s'appliquer que lorsque le ressortissant d'un pays tiers présente une demande d'asile pour la première fois depuis son entrée sur le territoire de l'un ou l'autre des Etats membres. En particulier, les dispositions de cet article 13 ne s'appliquent pas lorsque le ressortissant d'un pays tiers présente, fût-ce pour la première fois, une demande d'asile dans un Etat membre après avoir déposé une demande d'asile dans un autre Etat membre, que cette dernière ait été rejetée ou soit encore en cours d'instruction.

7. Il ressort des pièces du dossier que M. C... a sollicité l'asile, pour la première fois, en Allemagne le 3 novembre 2016 où sa demande a été rejetée. Par suite, les dispositions de l'article 13 du règlement n° 604/2013 ne sont pas applicables à la demande d'asile présentée postérieurement par M. C... en France, qui ne constituait pas une première demande d'asile présentée sur le territoire des Etats participant audit règlement. Dès lors, le moyen tiré de la méconnaissance du paragraphe 2 de l'article 13 du règlement n° 604/2013 doit être écarté comme inopérant.

8. En troisième lieu, il ne ressort pas des pièces du dossier que le préfet de la Charente-Maritime n'aurait pas procédé à un examen particulier et attentif de la situation personnelle de M. C... avant d'ordonner son transfert aux autorités allemandes.

9. En quatrième lieu, aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui ". Pour l'application des stipulations précitées, l'étranger qui invoque la protection due à son droit au respect de sa vie privée et familiale en France doit apporter toute justification permettant d'apprécier la réalité et la stabilité de ses liens personnels et familiaux effectifs en France au regard de ceux qu'il a conservés dans son pays d'origine.

10. M. C... se prévaut de la présence en France de plusieurs membres de sa famille, son père, titulaire d'un certificat de résidence algérien valable jusqu'en 2024 et invalide à plus de 80% qui ne peut se déplacer pour aller le voir, sa soeur étudiante à Paris et sa tante qui l'héberge. Toutefois il n'apporte aucun élément permettant d'apprécier la nature et l'intensité des liens qu'il entretiendrait avec eux, alors qu'il a vécu séparé d'eux avant son arrivée en France et qu'il a initialement déposé une demande d'asile en Allemagne après son premier passage en France en octobre 2016. M. C... fait également valoir la présence sur le territoire de sa compagne, ressortissante française. Il ne justifie toutefois pas de l'ancienneté de cette relation, ni de l'existence d'une communauté de vie effective. Par ailleurs, M. C... se prévaut de son état de santé et de ce qu'il souffrait à son arrivée en France d'une tuberculose qui n'avait pas été traitée en Allemagne. Toutefois les pièces lisibles qu'il produit ne permettent d'établir ni que le défaut de prise en charge entraînerait des conséquences d'une exceptionnelle gravité ni qu'il ne pourrait bénéficier d'un traitement approprié en Allemagne, ni même qu'il serait dans l'impossibilité de voyager sans risque. Enfin si l'intéressé soutient qu'il a été agressé en Allemagne par un fonctionnaire allemand et qu'il a déposé plainte, il n'apporte aucune preuve au soutien de ses allégations. Dès lors, le préfet de la Charente-Maritime n'a pas porté au droit de M. C... au respect de sa vie privée et familiale, garanti par l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, une atteinte disproportionnée par rapport aux buts en vue desquels la décision de transfert a été prise.

11. En cinquième lieu, aux termes du 1 de l'article 17 du règlement (UE) n° 604/2013 susvisé : " Par dérogation à l'article 3, paragraphe 1, chaque État membre peut décider d'examiner une demande de protection internationale qui lui est présentée par un ressortissant de pays tiers ou un apatride, même si cet examen ne lui incombe pas en vertu des critères fixés dans le présent règlement. L'État membre qui décide d'examiner une demande de protection internationale en vertu du présent paragraphe devient l'État membre responsable et assume les obligations qui sont liées à cette responsabilité. Le cas échéant, il en informe, au moyen du réseau de communication électronique "DubliNet" établi au titre de l'article 18 du règlement (CE) no 1560/2003, l'État membre antérieurement responsable, l'État membre menant une procédure de détermination de l'État membre responsable ou celui qui a été requis aux fins de prise en charge ou de reprise en charge. L'État membre qui devient responsable en application du présent paragraphe l'indique immédiatement dans Eurodac conformément au règlement (UE) no 603/2013 en ajoutant la date à laquelle la décision d'examiner la demande a été prise. " Il résulte de ces dispositions que la faculté laissée à chaque Etat membre de décider d'examiner une demande de protection internationale qui lui est présentée par un ressortissant de pays tiers ou un apatride, même si cet examen ne lui incombe pas en vertu des critères fixés dans le présent règlement, est discrétionnaire et ne constitue nullement un droit pour les demandeurs d'asile. Cette possibilité doit en particulier être mise en oeuvre lorsqu'il y a des motifs sérieux et avérés de croire que l'intéressé courra, dans le pays de destination, un risque réel d'être soumis à la torture ou à des peines ou traitements inhumains ou dégradants contraires à l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.

12. M. C... se prévalant de ses attaches familiales en France, de son état de santé et de la circonstance non établie qu'il aurait été agressé par un fonctionnaire allemand, le préfet de la Charente-Maritime n'a, pour les motifs énoncés au point 10, pas davantage entaché sa décision d'une erreur manifeste d'appréciation en ne faisant pas application des dispositions précitées de l'article 17-1 du règlement (UE) n° 604/2013.

En ce qui concerne l'arrêté portant assignation à résidence :

13. En premier lieu, aux termes de l'article L. 561-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " I. - L'autorité administrative peut prendre une décision d'assignation à résidence à l'égard de l'étranger qui ne peut quitter immédiatement le territoire français mais dont l'éloignement demeure une perspective raisonnable, lorsque cet étranger : (...) / 1° bis Fait l'objet d'une décision de transfert en application de l'article L. 742-3 ou d'une requête aux fins de prise en charge ou de reprise en charge en application du règlement (UE) n° 604/2013 du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013 établissant les critères et mécanismes de détermination de l'Etat membre responsable de l'examen d'une demande de protection internationale introduite dans l'un des Etats membres par un ressortissant de pays tiers ou un apatride ; (...) ".

14. Il résulte de ce qui précède que l'arrêté portant transfert aux autorités allemandes n'est pas entaché d'illégalité. Dès lors, M. C... n'est pas fondé à exciper de l'illégalité dudit arrêté au soutien de ses conclusions dirigées contre l'arrêté du même jour l'assignant à résidence dans le département de la Charente-Maritime pour une durée de quarante-cinq jours.

15. En deuxième lieu, M. C... soutient que l'arrêté portant assignation à résidence est insuffisamment motivé en fait à défaut pour le préfet de la Charente-Maritime de justifier en quoi son éloignement serait une perspective raisonnable. Toutefois, ledit arrêté, qui vise les dispositions pertinentes du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, notamment l'article L. 561-2, ne se borne pas à mentionner qu'il a fait l'objet d'un arrêté de transfert aux autorités allemandes du même jour mais mentionne expressément, que l'exécution de l'arrêté de transfert aux autorités allemandes, responsables de la demande d'asile de M. C... demeure un perspective raisonnable, que l'intéressé dispose d'une domiciliation dans le département de la Charente-Maritime et, partant, de garanties de représentation effectives propres à prévenir le risque qu'il se soustraie à la mesure de transfert prise à son encontre. Dès lors, l'arrêté litigieux, qui comporte les considérations de droit et de fait qui le fondent, est suffisamment motivé.

16. En troisième et dernier lieu, il résulte de la motivation de l'arrêté contesté, telle qu'elle vient d'être exposée au point précédent, que le préfet de la Charente-Maritime n'a pas omis de procéder à un examen particulier de la situation de M. C....

17. Il résulte de tout ce qui précède que M. C... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué du 28 mai 2018, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Poitiers a rejeté sa demande. Par suite, ses conclusions à fin d'injonction et celles tendant à l'application des dispositions des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991 ne peuvent qu'être rejetées.

DECIDE

Article 1er : Il n'y a pas lieu de statuer sur la demande d'admission provisoire à l'aide juridictionnelle présentée par M. C....

Article 2 : Le surplus des conclusions de la requête de M. C... est rejeté

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à M. B... C... et au ministre de l'intérieur. Copie en sera adressée au préfet de la Charente-Maritime.

Délibéré après l'audience public du 21 mai 2019 à laquelle siégeaient :

Mme Marianne Pouget, président,

M. Paul-André A..., premier conseiller,

M. Romain Roussel, premier conseiller.

Lu en audience publique, le 5 août 2019.

Le rapporteur,

Paul-André A...Le président,

Marianne Pouget

Le greffier,

Florence Faure

La République mande et ordonne au ministre de l'Intérieur en ce qui le concerne et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun, contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.

18BX02507 9


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Bordeaux
Formation : 1ère chambre
Numéro d'arrêt : 18BX02507
Date de la décision : 05/08/2019
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

095-02


Composition du Tribunal
Président : Mme POUGET M.
Rapporteur ?: M. Paul-André BRAUD
Rapporteur public ?: Mme DE PAZ
Avocat(s) : SCP BREILLAT DIEUMEGARD MASSON

Origine de la décision
Date de l'import : 27/08/2019
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.bordeaux;arret;2019-08-05;18bx02507 ?
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