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29/07/2019 | FRANCE | N°18BX04225

France | France, Cour administrative d'appel de Bordeaux, 1ère chambre, 29 juillet 2019, 18BX04225


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. A...C...a demandé au tribunal administratif de Toulouse d'annuler l'arrêté du 30 octobre 2018 par lequel le préfet de Tarn-et-Garonne lui a fait obligation de quitter le territoire français sans délai et a fixé le pays de renvoi.

Par un jugement n°1805130 du 2 novembre 2018, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Toulouse a annulé l'arrêté du préfet de Tarn-et-Garonne du 30 octobre 2018, a enjoint à ce dernier de mettre fin à la mesure d'assignation à ré

sidence dont M. C...était l'objet et a mis à la charge de l'Etat le versement à MeB...,...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. A...C...a demandé au tribunal administratif de Toulouse d'annuler l'arrêté du 30 octobre 2018 par lequel le préfet de Tarn-et-Garonne lui a fait obligation de quitter le territoire français sans délai et a fixé le pays de renvoi.

Par un jugement n°1805130 du 2 novembre 2018, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Toulouse a annulé l'arrêté du préfet de Tarn-et-Garonne du 30 octobre 2018, a enjoint à ce dernier de mettre fin à la mesure d'assignation à résidence dont M. C...était l'objet et a mis à la charge de l'Etat le versement à MeB..., conseil de l'intéressé, de la somme de 1 000 euros sur le fondement des dispositions combinées des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistré les 6 décembre 2018, le préfet de Tarn-et-Garonne demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Toulouse du 2 novembre 2018 ;

2°) de rejeter la demande présentée par M. C...devant le tribunal administratif de Toulouse ;

3°) de mettre à la charge de M. C...la somme de 1 000 euros correspondant au montant que l'Etat a été condamné à verser à l'intéressé au titre des frais exposés et non compris dans les dépens.

Il soutient que, contrairement à ce qu'ont estimé les premiers juges, la décision portant obligation de quitter le territoire français ne porte pas une atteinte disproportionnée au droit de M. C...au respect de sa vie privée et familiale, dès lors qu'il ne justifie pas d'une communauté de vie ancienne et effective avec son épouse, laquelle a déclaré au mois d'août 2017 vivre désormais chez sa mère et être séparée de son conjoint, qu'il n'a pas d'enfant, qu'il réside irrégulièrement en France depuis le 25 septembre 2015, date d'expiration de son titre de séjour " étudiant ", qu'il ne cherche pas actuellement à régulariser sa situation, ne démontre pas s'être inséré dans la société française et n'établit pas être dépourvu d'attaches familiales au Maroc où vivent à tout le moins ses parents.

Par un mémoire en défense, enregistré le 13 mars 2019, M.C..., représenté par MeB..., conclut au rejet de la requête et demande à la cour de l'admettre provisoirement au bénéfice de l'aide juridictionnelle, d'enjoindre au préfet de Tarn-et-Garonne de lui délivrer une autorisation provisoire de séjour dans un délai de soixante-douze heures suivant la notification de l'arrêt à intervenir, sous astreinte de 300 euros par jour de retard, de verser aux débats le dossier contenant les pièces sur la base desquelles les décisions attaquées ont été prises conformément au III de l'article L. 512-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, et de mettre à la charge de l'Etat le versement de la somme de 3 000 euros au profit de son avocat en application des dispositions combinées des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 alinéa 2 de la loi du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique.

Il soutient que la requête est irrecevable en raison, d'une part, de l'incompétence de son auteur et, d'autre part, de sa tardiveté.

Par ordonnance du 14 janvier 2019, la clôture d'instruction a été fixée au 15 mars 2019 à 12 heures.

Un mémoire en production de pièces, présenté pour M.C..., a été enregistré le27 mars 2019 et n'a pas été communiqué.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 modifiée relative à l'aide juridique ;

- le code de justice administrative.

Par décision du 1er septembre 2018, le président de la cour a désigné Mme E...pour exercer temporairement les fonctions de rapporteur public en application des articles R. 222-24 et R. 222-32 du code de justice administrative.

Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Le rapport de Mme Marianne Pouget a été entendu au cours de l'audience publique :

Considérant ce qui suit :

1. M. A...C..., de nationalité marocaine, né le 20 avril 1992, est entré en France le 1er octobre 2014 sous couvert d'un passeport revêtu d'un visa de long séjour portant la mention " étudiant ", valant titre de séjour jusqu'au 25 septembre 2015. Par un arrêté du 16 décembre 2016, le préfet de la Haute-Garonne a rejeté sa demande de titre de séjour et a assorti ce refus d'une mesure d'éloignement qu'il n'a pas exécutée. Par un arrêté du 30 octobre 2018, le préfet de Tarn-et-Garonne a pris à son encontre une décision portant obligation de quitter le territoire français sans délai en fixant le pays de destination. M. C...a contesté cet arrêté devant le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Toulouse qui, par un jugement du 2 novembre 2018, l'a annulé. Le préfet de Tarn-et-Garonne relève appel de ce jugement.

Sur la demande d'admission provisoire à l'aide juridictionnelle :

2. M. C...ne justifie pas avoir déposé une demande d'aide juridictionnelle, dans le cadre de la présente instance, auprès du tribunal de grande instance de Bordeaux. Par suite, sa demande tendant au bénéfice de l'aide juridictionnelle à titre provisoire, est irrecevable et doit être rejetée.

Sur la recevabilité de la requête :

3. Il ressort de l'application Télérecours que le jugement attaqué a été notifié au préfet de Tarn-et-Garonne le 8 novembre 2018. La requête dirigée contre ce jugement a été enregistrée au greffe de la cour le 6 décembre 2018, soit dans le délai d'un mois imparti par l'article R. 776-20 du code de justice administrative. Dès lors, la fin de non-recevoir opposée par M. C...et tirée de la tardiveté de la requête du préfet de Tarn-et-Garonne doit être écartée.

4. Aux termes de l'article R. 431-4 du code de justice administrative : " Dans les affaires où ne s'appliquent pas les dispositions de l'article R. 431-2, les requêtes et les mémoires doivent être signés par leur auteur et, dans le cas d'une personne morale, par une personne justifiant de sa qualité pour agir. ". Aux termes de l'article R. 431-13 de ce code : " Sont en outre applicables devant les cours administratives d'appel les dispositions des articles (...) R. 431-4 (...) applicables devant les tribunaux administratifs. ".

5. La requête d'appel présentée par le préfet de Tarn-et-Garonne est signée par M. Emmanuel Moulard, secrétaire général de la préfecture, lequel a été régulièrement habilité par ledit préfet, en vertu d'un arrêté du 18 août 2017 régulièrement publié au recueil des actes administratifs spécial du même jour, pour signer " tous actes, arrêtés, décisions, recours juridictionnels et mémoires s'y rapportant, (...) relevant des attributions de l'Etat dans le département de Tarn-et-Garonne, à l'exception des arrêtés de conflit ". Par suite, la fin de non-recevoir tirée de l'incompétence du signataire des écritures du préfet en appel doit être rejetée.

Sur le bien-fondé du jugement attaqué :

6. Aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. 2. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui ". L'étranger qui invoque la protection due à son droit au respect de sa vie privée et familiale, garantie par les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales doit apporter toute justification permettant d'apprécier la réalité et la stabilité de ses liens personnels et familiaux effectifs en France au regard de ceux qu'il a conservés dans son pays d'origine.

7. Pour annuler l'arrêté du 30 octobre 2018 du préfet de Tarn-et-Garonne obligeant M. C...à quitter sans délai le territoire français et fixant le pays de renvoi, le premier juge s'est fondé sur la méconnaissance par l'autorité préfectorale des stipulations de l'article 8 de la convention précitée dès lors que l'intéressé est marié depuis le 18 février 2017 avec une ressortissante marocaine titulaire d'un titre de séjour en cours de validité, qu'il " réside avec son épouse sur la commune de Moissac " et que l'ensemble de la famille de celle-ci y séjourne également. Toutefois, l'intéressé ne démontre pas la réalité de la vie commune avec son épouse par les seuls éléments qu'il produit alors que cette dernière a indiqué sur sa demande de titre de séjour datée du 9 août 2017 que son domicile habituel était situé chez sa mère, laquelle atteste le 13 juillet 2017 héberger sa fille " depuis le mois de mai 2017 ", à une adresse différente de celle du requérant. De surcroît, l'intéressée précise dans sa demande de titre de séjour déposée dans les services de la préfecture le 9 août 2017 que son mari réside au Maroc. Par ailleurs, M.C..., qui ne justifie pas d'une intégration particulière dans la société française, s'est soustrait à une précédente mesure d'éloignement prononcée à son encontre par le préfet de la Haute-Garonne le 16 décembre 2016 et se maintient depuis lors irrégulièrement sur le territoire français. Par suite, c'est à tort que le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Toulouse s'est fondé sur l'atteinte disproportionnée au droit au respect de la vie privée et familiale de M.C..., tel que protégé par l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, pour annuler l'arrêté du 30 octobre 2018 du Préfet de Tarn-et-Garonne. Toutefois, il appartient à la cour, saisie de l'ensemble du litige par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner les autres moyens invoqués par M. C...devant le tribunal administratif de Toulouse et devant la cour.

Sur la légalité de l'arrêté du 30 octobre 2018 :

En ce qui concerne l'arrêté pris dans son ensemble :

8. L'arrêté vise la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, notamment ses articles 3 et 8, ainsi que le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, notamment le 3° du II de l'article L. 511-1. L'arrêté indique également que M. C...est entré régulièrement en France pour suivre des études, que son titre de séjour portant la mention " étudiant " expirait le 25 septembre 2015 et qu'il a fait l'objet d'une mesure d'éloignement en date du 16 décembre 2016 à laquelle il n'a pas déféré. Contrairement à ce que soutient l'intéressé, l'arrêté fait mention de sa vie privée et familiale puisqu'il est précisé qu'il est marié depuis le 18 février 2017 avec MmeD..., de nationalité marocaine titulaire d'un droit au séjour en France. Enfin, l'acte contesté relève que M. C...n'établit pas être exposé à des peines ou traitements contraires à l'article 3 de la convention précitée. Par suite, et alors que le préfet n'est pas tenu de décrire de façon exhaustive la situation du requérant, le moyen tiré du défaut de motivation de l'arrêté litigieux doit être écarté.

En ce qui concerne la décision portant obligation de quitter le territoire français :

9. Il ne résulte ni de la motivation de l'arrêté en litige, ni des pièces du dossier que le préfet de Tarn-et-Garonne n'aurait pas procédé à un examen particulier de la situation de M. C...avant de prendre la décision contestée. Dès lors, le moyen tiré du défaut d'examen de la situation particulière de l'intéressé doit être écarté.

10. M. C...se prévaut de son état de santé et de la circonstance que son épouse séjourne régulièrement sur le territoire national. Toutefois, d'une part, alors qu'il n'a pas sollicité de titre de séjour en qualité d'étranger malade sur le fondement du 11° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, il n'apporte pas la preuve qu'il souffrirait d'une pathologie particulière, d'autre part, son mariage, célébré le 18 février 2017, est récent et le caractère ancien et stable de la communauté de vie n'est pas démontré. Dans ces conditions, le préfet de Tarn-et-Garonne n'a pas entaché la décision contestée d'une erreur manifeste dans l'appréciation de ses conséquences sur la situation personnelle et familiale de M.C....

En ce qui concerne la décision refusant d'accorder un délai de départ volontaire :

11. En premier lieu, il résulte de ce qui précède que le moyen tiré du défaut de base légale du refus de délai de départ volontaire en raison de l'illégalité de l'obligation de quitter le territoire français doit être écarté.

12. En deuxième lieu, aux termes du II de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Pour satisfaire à l'obligation qui lui a été faite de quitter le territoire français, l'étranger dispose d'un délai de trente jours à compter de sa notification pour rejoindre le pays dont il possède la nationalité ou tout autre pays non membre de l'Union européenne ou avec lequel ne s'applique pas l'acquis de Schengen où il est légalement admissible (...) Toutefois, l'autorité administrative peut, par une décision motivée, décider que l'étranger est obligé de quitter sans délai le territoire français : (...) / 3° S'il existe un risque que l'étranger se soustraie à cette obligation. Ce risque peut être regardé comme établi, sauf circonstance particulière, dans les cas suivants : /(...) d) Si l'étranger s'est soustrait à l'exécution d'une précédente mesure d'éloignement. ".

13. En troisième lieu, il ne ressort ni de la motivation de l'arrêté attaqué ni des autres pièces du dossier que le préfet de Tarn-et-Garonne se serait cru en situation de compétence liée. Dès lors, l'erreur de droit ainsi alléguée ne peut qu'être écartée.

14. En quatrième lieu, l'arrêté contesté mentionne notamment que le requérant n'a pas déféré à l'exécution d'une précédente mesure d'éloignement. Il énonce ainsi le motif pour lequel le préfet a estimé qu'il existait un risque qu'il se soustraie à l'exécution de l'obligation de quitter le territoire français. Un tel motif dès lors qu'il est constant que l'intéressé a fait l'objet d'un premier arrêté d'éloignement le 16 décembre 2016 qu'il n'a pas exécuté n'est entaché ni d'erreur de droit ni d'erreur manifeste d'appréciation.

15. Il résulte de tout ce qui précède que le préfet de Tarn-et-Garonne est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Toulouse a annulé son arrêté du 30 octobre 2018. Par suite, les conclusions présentées par M. C...au titre des frais exposés et non compris dans les dépens ne peuvent qu'être rejetées.

DECIDE :

Article 1er : Il n'y a pas lieu de statuer sur la demande d'admission provisoire à l'aide juridictionnelle présentée par M.C....

Article 2 : Le jugement n° 1805130 du 2 novembre 2018 du magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Toulouse est annulé.

Article 3 : La demande présentée par M. C...devant le tribunal administratif de Toulouse et ses conclusions présentées en appel sont rejetées.

Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à M. A...C...et au ministre de l'intérieur.

Copie en sera adressée au préfet de Tarn-et-Garonne.

Délibéré après l'audience du 2 juillet 2019 à laquelle siégeaient :

Mme Marianne Pouget, président,

M. Paul-André Braud, premier conseiller,

M. David Katz, premier conseiller,

Lu en audience publique, le 29 juillet 2019

Le premier-conseiller,

Paul-André Braud Le président-rapporteur,

Marianne Pouget Le greffier,

Florence Faure

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun, contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

6

18BX04225


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Bordeaux
Formation : 1ère chambre
Numéro d'arrêt : 18BX04225
Date de la décision : 29/07/2019
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

335-01-03-04 Étrangers. Séjour des étrangers. Refus de séjour. Motifs.


Composition du Tribunal
Président : Mme POUGET M.
Rapporteur ?: Mme Marianne POUGET M.
Rapporteur public ?: Mme MOLINA-ANDREO
Avocat(s) : CANADAS

Origine de la décision
Date de l'import : 13/08/2019
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.bordeaux;arret;2019-07-29;18bx04225 ?
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