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29/07/2019 | FRANCE | N°18BX02358

France | France, Cour administrative d'appel de Bordeaux, 1ère chambre, 29 juillet 2019, 18BX02358


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. B... F... a demandé au tribunal administratif de Pau d'annuler l'arrêté du 8 mars 2018 par lequel le préfet du Gers a ordonné son transfert aux autorités italiennes pour l'examen de sa demande d'asile.

Par un jugement n° 1800621 du 9 avril 2018, le président du tribunal administratif de Pau a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête enregistrée le 12 juin 2018, M. F..., représenté par Me D..., demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du pré

sident du tribunal administratif de Pau en date du 9 avril 2018 ;

2°) d'annuler l'arrêté du préfet du ...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. B... F... a demandé au tribunal administratif de Pau d'annuler l'arrêté du 8 mars 2018 par lequel le préfet du Gers a ordonné son transfert aux autorités italiennes pour l'examen de sa demande d'asile.

Par un jugement n° 1800621 du 9 avril 2018, le président du tribunal administratif de Pau a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête enregistrée le 12 juin 2018, M. F..., représenté par Me D..., demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du président du tribunal administratif de Pau en date du 9 avril 2018 ;

2°) d'annuler l'arrêté du préfet du Gers du 8 mars 2018 ;

3°) d'enjoindre au préfet du Gers de le placer en procédure d'asile normale dans le délai d'un mois à compter de la notification de l'arrêt à intervenir ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat le versement au profit de son conseil de la somme de 1 500 euros sur le fondement des dispositions combinées des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991.

Il soutient que :

- il a exécuté l'arrêté le 15 mai 2018 et a fait l'objet le lendemain en Italie d'un arrêté d'expulsion. N'ayant pu faire valoir son droit d'asile en Italie, l'arrêté litigieux porte une atteinte à ce droit ;

- la décision de transfert est insuffisamment motivée faute d'indiquer la date et le lieu tant de la prise d'empreintes que du dépôt de sa demande d'asile en France et en raison du caractère stéréotypé de la motivation sur les risques encourus ;

- la motivation qui ne mentionne pas le courrier qu'il a envoyé à la préfète du Gers en date du 27 février 2018, ni la plainte qu'il a déposée le 7 mars 2018 contre les personnes physiques et leurs responsables administratifs italiens auprès du procureur d'Auch ne permet pas de s'assurer que le préfet a procédé à un examen réel et sérieux de sa situation ;

- c'est à tort que le premier juge a considéré que la production par le préfet de la seule page de garde des brochures en arabe permettait de s'assurer qu'il avait été satisfait par l'Etat aux obligations d'information imposées par les articles 4 du règlement n° 604/2013 et 29 du règlement n° 603/2013 ;

- la décision méconnait les articles 3 et 17 du règlement 604/2013, et l'article L. 742-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Le transfert a été exécuté le 15 mai 2018 mais il a fait l'objet d'un arrêté d'expulsion de l'Italie dès le 16 mai 2018. Il démontre par les pièces qu'il produit, dont notamment l'arrêté d'expulsion, que l'Italie ne peut garantir des conditions d'accueil aux demandeurs d'asile, et que la décision qui aura pour effet de le renvoyer immédiatement au Soudan, entraine un risque certain de traitements inhumains et dégradants comme l'attestent plusieurs rapports récents émanant d'organismes internationaux. En ne mentionnant pas dans son arrêté la plainte du 7 mars 2018, ni le courrier du 27 février 2018, le préfet n'a même pas apprécié la possibilité pour lui de mettre en oeuvre la clause discrétionnaire prévue au 1 de l'article 17 du règlement n° 604/2013 ;

- pour les raisons énoncées précédemment, il encourt un risque en cas de retour en Italie. La décision de transfert procède ainsi d'une erreur manifeste d'appréciation au regard de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, des articles 4 et 47 de la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne et de l'article 3 de la convention contre la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants, l'Italie n'offrant pas de garanties suffisantes dans l'examen des demandes d'asile ;

- l'annulation de la décision implique qu'il soit placé en procédure d'asile normale et qu'il reçoive une convocation à la préfecture de région de Toulouse.

Par ordonnance du 13 août 2018, la clôture de l'instruction a été fixée au 8 octobre 2018 à 12 heures.

M. B... F... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision n°2018/009861 du 20 septembre 2018 du bureau d'aide juridictionnelle près le tribunal de grande instance de Bordeaux.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne ;

- la convention contre la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants, du 10 décembre 1984 ;

- le règlement (UE) n° 603/2013 du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013 ;

- le règlement (UE) n°604/2013 du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013 établissant les critères et mécanismes de détermination de l'État membre responsable de l'examen d'une demande de protection internationale introduite dans l'un des États membres par un ressortissant de pays tiers ou un apatride ;

- le code des relations entre le public et l'administration ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

- le code de justice administrative.

Par décision du 1er septembre 2018, le président de la cour a désigné Mme E... C... pour exercer temporairement les fonctions de rapporteur public en application des articles R. 222-24 et R. 222-32 du code de justice administrative.

Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Le rapport de M. A... a été entendu au cours de l'audience publique :

Considérant ce qui suit :

1. M. B... F..., ressortissant soudanais né le 6 avril 1992, est entré irrégulièrement en France le 19 juillet 2017 et y a déposé une demande d'asile. La consultation du fichier Eurodac a révélé que les empreintes digitales de M. F... avaient été relevées par les autorités italiennes le 25 juin 2017. Le préfet du Gers a adressé aux autorités italiennes le 27 septembre 2017 une demande de prise en charge de la demande d'asile de M. F... qui a été implicitement acceptée le 27 novembre 2017. M. F... relève appel du jugement du 9 avril 2018 par lequel le président du tribunal administratif de Pau a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 8 mars 2018 par lequel le préfet du Gers a ordonné son transfert aux autorités italiennes pour l'examen de sa demande d'asile.

2. En premier lieu, il résulte de l'article L. 742-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile que la décision de transfert dont fait l'objet un ressortissant de pays tiers ou un apatride qui a déposé auprès des autorités françaises une demande d'asile dont l'examen relève d'un autre Etat membre ayant accepté de le prendre ou de le reprendre en charge doit être motivée, c'est-à-dire qu'elle doit comporter l'énoncé des considérations de droit et de fait qui en constituent le fondement. Est ainsi suffisamment motivée une décision de transfert qui mentionne le règlement du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013 et comprend l'indication des éléments de fait sur lesquels l'autorité administrative se fonde pour estimer que l'examen de la demande présentée devant elle relève de la responsabilité d'un autre Etat membre, une telle motivation permettant d'identifier le critère du règlement communautaire dont il est fait application. Ainsi, doit notamment être regardée comme suffisamment motivée, s'agissant d'un étranger en provenance d'un pays tiers ou d'un apatride ayant, au cours des douze mois ayant précédé le dépôt de sa demande d'asile, pénétré irrégulièrement au sein de l'espace Dublin par le biais d'un Etat membre autre que la France, la décision de transfert à fin de prise en charge qui, après avoir visé le règlement, fait référence à la consultation du fichier Eurodac sans autre précision, une telle motivation faisant apparaître que l'Etat responsable a été désigné en application du critère énoncé à l'article 13 du chapitre III du règlement.

3. Si, comme le soutient M. F..., l'arrêté ne fait pas mention de la date et du lieu du relevé de ses empreintes et du dépôt de sa demande d'asile, il résulte de ce qui est énoncé au point précédent que de telles omissions ne sauraient révéler un défaut de motivation. En l'espèce, l'arrêté, qui vise l'article 13 du règlement n° 604/2013 et qui indique notamment que selon la consultation du fichier Eurodac les empreintes de l'intéressé ont été relevées par les autorités italiennes le 25 juin 2017 lesquelles ont implicitement accepté la demande de prise en charge formulée le 27 septembre 2017, est suffisamment motivé.

4. En deuxième lieu, le défaut de visa dans l'arrêté de la plainte déposée auprès du procureur de la République d'Auch le 7 mars 2018 et du courrier du 27 février 2018 adressé au préfet ne permet pas d'établir un défaut d'examen de la situation de M. F..., le préfet n'étant pas tenu de mentionner l'ensemble des éléments afférents à la situation de l'intéressé. Au contraire, il ressort de la motivation de l'arrêté litigieux que le préfet du Gers a procédé à un examen individuel de la situation de M. F....

5. En troisième lieu, aux termes de l'article 4 du règlement n°604/2013 : " (...) 2. Les informations visées au paragraphe 1 sont données par écrit, dans une langue que le demandeur comprend ou dont on peut raisonnablement supposer qu'il la comprend. Les États membres utilisent la brochure commune rédigée à cet effet en vertu du paragraphe 3 (...) ". Aux termes de l'article 29 du règlement n° 603/2013 : " 1. Toute personne relevant de l'article 9, paragraphe 1, de l'article 14, paragraphe 1, ou de l'article 17, paragraphe 1, est informée par l'État membre d'origine par écrit et, si nécessaire, oralement, dans une langue qu'elle comprend ou dont on peut raisonnablement supposer qu'elle la comprend(...) ".

6. D'une part, contrairement à ce que soutient M. F..., la production d'extraits des brochures remises avec la mention " document complet (...) remis (...) dans une langue que je déclare comprendre " datée et signée par l'intéressé, permet d'établir que les brochures comportant les informations mentionnées à l'article 4 du règlement n° 604/2013 ont bien été remises à M. F... dans leur intégralité. Si M. F... soutient n'avoir été destinataire que des pages de garde de chaque brochure, alors même qu'il a attesté le contraire, aucune pièce versée au dossier ne permet de l'établir. Dans ces conditions, le moyen tiré de la méconnaissance de l'article 4 du règlement n° 604/2013 doit être écarté.

7. D'autre part, la méconnaissance de l'obligation d'information prévue par l'article 29 du règlement n° 603/2013 susvisé, qui a uniquement pour objet et pour effet de permettre d'assurer la protection effective des données personnelles des demandeurs d'asile concernés, ne peut être utilement invoquée à l'encontre de la décision portant remise aux autorités italiennes.

8. En quatrième lieu, M. F... se borne à reprendre en appel, dans des termes identiques, sans invoquer d'éléments de fait ou de droit nouveaux, à l'exception de son expulsion d'Italie du 16 mai 2018, par rapport à l'argumentation développée en première instance et sans critiquer utilement les réponses apportées, les moyens tirés de la méconnaissance de l'article 3.2 et de l'article 17 du règlement n° 604/2013, de l'article L. 742-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, de la méconnaissance des articles 4 et 47 de la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne, de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et de l'article 3 de la convention internationale contre la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants. Si M. F... soutient pour la première fois en appel qu'il a spontanément exécuté l'arrêté contesté en se rendant en Italie le 15 mai 2018 où il a fait l'objet d'une mesure d'expulsion le lendemain, il ne peut utilement se prévaloir de cette circonstance qui est postérieure à l'arrêté contesté et qui ne se rattache pas à des faits antérieurs à celui-ci. Dans ces conditions, il y a lieu d'écarter ces moyens par adoption des motifs retenus à bon droit par le premier juge.

9. Il résulte de ce qui précède que M. F... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le président du tribunal administratif de Pau a rejeté sa demande d'annulation de l'arrêté du préfet du Gers du 8 mars 2018. Par voie de conséquence, ses conclusions à fin d'injonction ainsi que celles tendant au paiement des frais exposés et non compris dans les dépens doivent être rejetées.

DECIDE :

Article 1er : La requête de M. F... est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. B... F... et au ministre de l'intérieur. Copie en sera adressée au préfet du Gers.

Délibéré après l'audience du 21 mai 2019 à laquelle siégeaient :

Mme Marianne Pouget, président,

M. Paul-André A..., premier-conseiller,

M. Romain Roussel, premier-conseiller.

Lu en audience publique, le 29 juillet 2019.

Le rapporteur,

Paul-André A...Le président

Marianne PougetLe greffier,

Florence Faure

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun, contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.

4

No 18BX02358


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Bordeaux
Formation : 1ère chambre
Numéro d'arrêt : 18BX02358
Date de la décision : 29/07/2019
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

095


Composition du Tribunal
Président : Mme POUGET M.
Rapporteur ?: M. Paul-André BRAUD
Rapporteur public ?: Mme DE PAZ
Avocat(s) : PATHER

Origine de la décision
Date de l'import : 27/08/2019
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.bordeaux;arret;2019-07-29;18bx02358 ?
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