La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

16/07/2019 | FRANCE | N°17BX03686-17BX03687

France | France, Cour administrative d'appel de Bordeaux, 2ème chambre - formation à 3, 16 juillet 2019, 17BX03686-17BX03687


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. C...G...et Mme B...G...ont demandé au tribunal administratif de Bordeaux de condamner l'État français à leur verser, à chacun, la somme de 1 000 000 euros en réparation des préjudices consécutifs aux fautes commises par l'État français à l'égard des harkis et leurs familles à la suite de l'indépendance de l'Algérie.

Par deux jugements n° 1505778 et n° 1505779 du 27 septembre 2017, le tribunal administratif de Bordeaux a rejeté leurs demandes.

Procédure devant la cour :

I

) Par une requête, enregistrée le 27 novembre 2017, sous le n° 17BX03686, et quatre mémoires, enreg...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. C...G...et Mme B...G...ont demandé au tribunal administratif de Bordeaux de condamner l'État français à leur verser, à chacun, la somme de 1 000 000 euros en réparation des préjudices consécutifs aux fautes commises par l'État français à l'égard des harkis et leurs familles à la suite de l'indépendance de l'Algérie.

Par deux jugements n° 1505778 et n° 1505779 du 27 septembre 2017, le tribunal administratif de Bordeaux a rejeté leurs demandes.

Procédure devant la cour :

I°) Par une requête, enregistrée le 27 novembre 2017, sous le n° 17BX03686, et quatre mémoires, enregistrés le 2 février et 6 mars 2018 et les 24 mai et 18 juin 2019, M.G..., représenté par MeA..., demande à la cour, dans le dernier état de ses écritures :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Bordeaux du 27 septembre 2017 ;

2°) de condamner l'État à lui verser la somme de 100 000 euros, assortie des intérêts de retard à compter du 1er janvier 2012 avec capitalisation à compter du 1er janvier 2013, en réparation des préjudices endurés durant son enfance et son adolescence en raison des conditions d'hébergement réservées aux familles de harkis du camp de Bias ;

3°) de mettre à la charge de l'État le paiement d'une somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

- sa requête est recevable, son adresse étant indiquée dans son mémoire introductif d'instance, lequel était en outre accompagné d'une copie du jugement attaqué ;

- le tribunal a entaché son jugement son erreur de droit en opposant l'avis du Conseil d'État Hoffman-Glemane, qui ne concerne pas la situation des familles de harkis ;

- de plus, il aurait fallu pour ce faire soulever d'office ce moyen en avisant au préalable les parties, ce qui n'a pas été effectué, en méconnaissance du principe du contradictoire, garanti par l'article L. 5 du code de justice administrative ;

- l'État a commis une faute en n'ayant pas pris les mesures destinées à empêcher le massacre des harkis en Algérie après le cessez-le-feu du 18 mars 1962 et en a commis une autre en ne permettant pas aux harkis de trouver refuge en France après le début des massacres ;

- s'agissant de ces fautes, le tribunal ne pouvait faire application de la théorie des actes de gouvernement sans méconnaître les stipulations des articles 6 § 1 et 13 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- par ailleurs, les conditions d'internement au camp de Bias sont également constitutives d'une faute ;

- le ministre ne pouvait opposer pour la première fois en appel la prescription quadriennale ;

- de plus, le signataire du mémoire en défense n'avait pas compétence pour opposer cette prescription ;

- en tout état de cause, sa créance n'est pas prescrite ;

- ces faute lui ont causé des préjudices matériels et moraux qui peuvent être évalués à la somme de 150 000 euros ;

- ainsi ce sont 2 000 euros par mois pendant 20 ans d'allocations familiales et d'allocations logement dont la famille G...a été spoliée, ce qui représente environ 480 000 euros donc environ 54 000 euros par enfant ;

- il a, par ailleurs, perdu une chance d'avoir accès à l'école et à un parcours scolaire normal, ce qui l'a empêché d'obtenir un diplôme et de s'insérer sur le marché du travail, ce qui justifie l'allocation au titre de ces troubles dans ses conditions d'existence d'une somme de 50 000 euros ;

- son préjudice moral donnera lieu à l'allocation d'une somme de 50 000 euros.

Par un mémoire en intervention, présenté le 24 mai 2019, l'association Comité harkis et vérité, représentée par MeA..., conclut à l'annulation du jugement attaqué, à la recevabilité de son intervention et à ce qu'il soit fait droit aux conclusions de la demande en indemnisation de M.G..., par les mêmes moyens que ceux présentés par ce dernier à l'appui de ses conclusions.

Par un mémoire en défense, enregistré le 24 mai 2019, le ministre des armées conclut, à titre principal, au rejet de la requête et, à titre subsidiaire, à ce que le montant de l'indemnité à allouer à l'appelant soit ramené à la somme de 15 000 euros.

Il soutient que :

- la requête et le mémoire complémentaire ne mentionnent pas l'adresse de l'appelant, en contravention avec l'article R. 411-1 du code de justice administrative, rendu applicable en cause d'appel par l'article R. 811-13 du même code ;

- cette requête et ce mémoire ne sont pas davantage signés, en méconnaissance de l'article R. 431-4 de ce code, rendu applicable en cause d'appel par l'article R. 811-13 du même code ;

- le jugement attaqué n'était pas joint, en dépit des dispositions de l'article R. 412-1 dudit code ;

- le jugement attaqué est suffisamment motivé ;

- la créance dont se prévaut l'appelant est manifestement prescrite au regard des dispositions de l'article 1er de la loi du 31 décembre 1968 relative à la prescription des créances sur l'État, les départements, les communes et les établissements publics ;

- si l'appelant a bien séjourné dans un camp de transit avec sa famille, il ne verse aux débats aucun document permettant de déterminer la période concernée et l'étendue des préjudices dont il se prévaut, de sorte que la somme qu'il demande doit être ramenée à de plus justes proportions.

II°) Par une requête, enregistrée le 27 novembre 2017, sous le n° 17BX03687, et trois mémoires, enregistrés les 2 février et 6 mars 2018 et le 17 juin 2019, MmeG..., représentée par MeA..., demande à la cour, par les mêmes moyens que ceux exposés par M. C... G...dans l'instance 17BX03686 :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Bordeaux du 27 septembre 2017 ;

2°) de condamner l'État à lui verser la somme de 150 000 euros, assortie des intérêts de retard à compter du 1er janvier 2012 avec capitalisation à compter du 1er janvier 2013, en réparation des préjudices endurés durant son enfance et son adolescence en raison des conditions d'hébergement réservées aux familles de harkis du camp de Bias ;

3°) de mettre à la charge de l'État le paiement d'une somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Par un mémoire en défense, enregistré le 24 mai 2019, le ministre des armées conclut, à titre principal, au rejet de la requête et, à titre subsidiaire, à ce que le montant de l'indemnité à allouer à l'appelante soit ramené à la somme de 15 000 euros.

Par un mémoire en intervention, présenté le 21 juin 2019, l'association Comité harkis et vérité, représentée par MeA..., conclut à l'annulation du jugement attaqué, à la recevabilité de son intervention et à ce qu'il soit fait droit aux conclusions de la demande en indemnisation de MmeG..., par les mêmes moyens que ceux présentés par ce dernier à l'appui de ses conclusions.

Vu les autres pièces de ces deux dossiers.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- les déclarations gouvernementales du 19 mars 1962 relatives à l'Algérie, dites " accords d'Évian " ;

- la loi n° 46-940 du 7 mai 1946 ;

- la loi n° 61-1439 du 26 décembre 1961 ;

- la loi n° 68-1250 du 31 décembre 1968 ;

- la loi n° 70-632 du 15 juillet 1970 ;

- la loi n° 74-1044 du 9 décembre 1974 ;

- la loi n° 87-549 du 16 juillet 1987;

- la loi n° 94-488 du 11 juin 1994 ;

- la loi de n° 99-1173 du 30 décembre 1999 ;

- la loi n° 2000-1353 du 30 décembre 2000 ;

- la loi n° 2005-158 du 23 février 2005 ;

- la loi n° 2008-492 du 26 mai 2008 ;

- la loi n° 2012-326 du 7 mars 2012 ;

- la loi n° 2013-1168 du 18 décembre 2013;

- la loi n° 2014-1554 du 22 décembre 2014 ;

- la loi n° 2015-1785 du 29 décembre 2015 ;

- l'ordonnance n° 62-25 du 21 juillet 1962 ;

- le décret n° 61-1201 du 6 novembre 1961 ;

- le décret du 31 mars 2003 ;

- le décret n° 2005-521 du 23 mai 2005 ;

- le décret n° 2015-772 du 29 juin 2015 ;

- l'arrêté du 1er septembre 2012 fixant le montant des aides complémentaires à la formation ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Rey-Bèthbéder, président-rapporteur,

- les conclusions de M. Normand, rapporteur public,

- et les observations de M.D..., représentant le ministre des armées et celles de M.E... G..., représentant le Comité harkis et vérité.

Deux notes en délibéré, présentées respectivement pour M. et MmeG..., ont été enregistrées les 2 et 4 juillet 2019.

Considérant ce qui suit :

1. Mme B...G...et M. C...G..., sont deux des neuf enfants d'un ancien supplétif de l'armée française en Algérie, M. F...G..., nés, respectivement, en 1960 et 1968, en Algérie pour la première et au camp de Bias (Lot-et-Garonne) pour son frère, où ils ont vécu jusqu'en 1975.

2. Ils relèvent appel, en ce qui concerne MmeG..., d'un jugement n° 1505778 du 22 novembre 2017 du tribunal administratif de Bordeaux, et, s'agissant de M.G..., d'un jugement n° 1505779 du 27 septembre 2017 du même tribunal rejetant leurs demandes tendant à la condamnation de l'État à leur verser, à chacun, la somme de 1 000 000 euros en réparation des préjudices qu'ils estiment avoir subis du fait de l'abandon des anciens supplétifs de l'armée française par la France après la signature des " accords d'Évian " du 19 mars 1962, du refus d'organiser leur rapatriement en France, ainsi que des conditions d'accueil et de vie qui ont été réservées aux anciens supplétifs et à leurs familles sur le territoire français. M. et Mme G... ont, devant la cour, ramené à 100 000 euros, s'agissant de M.G..., et à 150 000 euros, en ce qui concerne MmeG..., les montants des sommes au paiement desquelles ils demandent que l'État soit condamné.

Sur la jonction :

3. Les requêtes n° 17BX03686 et n° 17BX03687 ont fait l'objet d'une instruction commune. Il y a lieu de les joindre pour y statuer par un seul arrêt.

Sur l'intervention du Comité harkis et vérité :

4. Le Comité harkis et vérité justifie d'un intérêt de nature à le rendre recevable à intervenir au soutien des requêtes de M. et MmeG....

Sur les fins de non-recevoir opposées par le ministre des armées :

5. En premier lieu et contrairement à ce que soutient le ministre, tant M. C...G...que sa soeur, Mme B...G..., ont indiqué leur adresse, qui est d'ailleurs identique, sur leurs requêtes introductives d'instance devant la cour.

6. En deuxième lieu, les requêtes citées au point précédent sont toutes deux revêtues de la signature de leur auteur.

7. En troisième et dernier lieu, les jugements dont M. C...G...et Mme B... G...ont relevé appel ont été joints à leurs requêtes.

8. Il résulte de ce qui a été dit précédemment que les fins de non-recevoir opposées par le ministre des armées aux requêtes n° 17BX03686 et n° 17BX03687 doivent être rejetées.

Sur la régularité des jugements litigieux :

9. À supposer même, en premier lieu, que les appelants puissent être regardés comme ayant entendu soutenir que les jugements attaqués n'auraient pas été suffisamment motivés, ce moyen ne peut qu'être écarté, ces jugements exposant de manière détaillée les motifs sur lesquels se sont fondés les premiers juges pour rejeter les demandes dont ils étaient saisis.

10. En second lieu, les appelants soulèvent le moyen tiré de la méconnaissance du principe du contradictoire qui découlerait de ce que les tribunaux n'ont pas communiqué aux parties leur intention d'appliquer l'avis du Conseil d'État du 16 décembre 2009 n° 315499. Cependant, le juge administratif, saisi de conclusions mettant en jeu la responsabilité de la puissance publique, n'a pas à communiquer aux parties le constat qu'il fait, même d'office, qu'une des conditions d'engagement de la responsabilité publique n'est pas remplie.

Sur les conclusions relatives aux préjudices liés au défaut d'intervention de la France en Algérie pour protéger les anciens supplétifs de l'armée française et au défaut de rapatriement en France :

11. Devant le tribunal administratif de Bordeaux et à l'appui de leurs demandes de réparation, M. et Mme G...ont mis en cause la responsabilité pour faute de l'État en soutenant qu'étaient fautifs, d'une part, le fait de n'avoir pas fait obstacle aux représailles et aux massacres dont les supplétifs de l'armée française en Algérie et leurs familles ont été victimes sur le territoire algérien, après le cessez-le-feu du 18 mars 1962 et la proclamation de l'indépendance de l'Algérie le 5 juillet 1962, en méconnaissance des déclarations gouvernementales du 19 mars 1962, dites " accords d'Evian " et, d'autre part, le fait de n'avoir pas organisé leur rapatriement en France. Cependant, les préjudices ainsi invoqués ne sont pas détachables de la conduite des relations entre la France et l'Algérie et ne sauraient par suite engager la responsabilité de l'État sur le fondement de la faute. Il suit de là que c'est à bon droit que les premiers juges, qui n'ont pas méconnu les exigences découlant des articles 6 et 13 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, ont décliné la compétence de la juridiction administrative pour connaître des conclusions tendant à la réparation de préjudices liés à l'absence d'intervention de la France en Algérie pour protéger les anciens supplétifs de l'armée française.

12. En revanche et pour le motif exposé au point précédent, le jugement critiqué du tribunal administratif de Bordeaux doit être annulé en tant qu'il a statué sur les conclusions indemnitaires " à raison des fautes commises dans l'abandon des harkis sur le sol algérien ". Il y a lieu d'évoquer dans cette mesure et, statuant immédiatement sur les demandes présentées par Mme et M.G..., de les rejeter comme portées devant un ordre de juridiction incompétent pour en connaître.

Sur les conclusions tendant à la réparation de préjudices liés aux conditions d'accueil et de vie réservées sur le territoire français aux anciens supplétifs de l'armée française en Algérie et à leurs familles :

13. Le premier alinéa de l'article 1er de la loi du 31 décembre 1968 relative à la prescription des créances sur l'État, les départements, les communes et les établissements publics dispose : " Sont prescrites, au profit de l'État, des départements et des communes, sans préjudice des déchéances particulières édictées par la loi, et sous réserve des dispositions de la présente loi, toutes créances qui n'ont pas été payées dans un délai de quatre ans à partir du premier jour de l'année suivant celle au cours de laquelle les droits ont été acquis ". Aux termes

de l'article 3 de la même loi : " La prescription ne court ni contre le créancier qui ne peut agir, soit par lui-même ou par l'intermédiaire de son représentant légal, soit pour une cause de force majeure, ni contre celui qui peut être légitimement regardé comme ignorant l'existence de sa créance ou de la créance de celui qu'il représente légalement ". En vertu de l'article 6 de cette loi, si les autorités administratives ne peuvent renoncer à opposer la prescription qui découle de cette loi, les créanciers des personnes publiques entrant dans son champ peuvent toutefois " être relevés en tout ou en partie de la prescription, à raison de circonstances particulières et notamment de la situation du créancier ". Aux termes du premier alinéa de son article 7 : " L'Administration doit, pour pouvoir se prévaloir, à propos d'une créance litigieuse, de la prescription prévue par la présente loi, l'invoquer avant que la juridiction saisie du litige au premier degré se soit prononcée sur le fond ". Enfin, aux termes de l'article 8 de la même loi : " La juridiction compétente pour connaître de la demande à laquelle la prescription est opposée, en vertu de la présente loi, est compétente pour statuer sur l'exception de prescription ". Lorsque la responsabilité d'une personne publique est recherchée, les droits de créance invoqués en vue d'obtenir l'indemnisation des préjudices doivent être regardés comme acquis, au sens de ces dispositions, à la date à laquelle la réalité et l'étendue de ces préjudices ont été entièrement révélées, ces préjudices étant connus et pouvant être exactement mesurés. La créance indemnitaire relative à la réparation d'un préjudice présentant un caractère continu et évolutif doit être rattachée à chacune des années au cours desquelles ce préjudice a été subi. Dans ce cas, le délai de prescription de la créance relative à une année court, sous réserve des cas visés à l'article 3 précité, à compter du 1er janvier de l'année suivante, à la condition qu'à cette date le préjudice subi au cours de cette année puisse être mesuré.

14. Mme G...et M. G...ont mis en cause en première instance la responsabilité pour faute de l'État du fait des conditions d'accueil et de vie qui ont été réservées sur le territoire français aux anciens supplétifs de l'armée française en Algérie et à leurs familles. Cependant, l'administration n'a pas opposé devant les premiers juges la prescription quadriennale prévue par les dispositions précitées de l'article 1er de la loi du 31 décembre 1968. Par conséquent et en vertu des dispositions de l'article 7 de cette loi, le ministre n'est pas recevable à opposer pour la première fois en appel l'exception de prescription quadriennale à M. et MmeG....

15. Par ailleurs, et ainsi que le Conseil d'État l'a relevé dans sa décision du 3 octobre 2018 n° 410611 les anciens supplétifs de l'armée française en Algérie et leurs familles se sont vu réserver des conditions de vie indignes dans des camps comme celui de Bias et ont également subi des restrictions apportées à leurs libertés individuelles, du fait, en particulier, du contrôle de leurs courriers et de leurs colis, de l'affectation de leurs prestations sociales au financement des dépenses des camps et de l'absence de scolarisation des enfants dans des conditions de droit commun, de sorte qu'a été commise une faute de nature à engager la responsabilité de l'État.

16. Il en découle que la responsabilité pour faute de l'État doit être engagée à raison des conditions de vie indignes réservées à M. et Mme G...entre son arrivée, pour la seconde, et sa naissance, pour le premier, en France et la fermeture du camp de Bias en 1975. Dans les circonstances de l'espèce, il sera fait une juste évaluation des préjudices matériel et moral qui ont été directement causés aux appelants du fait des conditions dans lesquelles ils ont vécu dans le camp de Bias en fixant le montant de leur indemnisation à 15 000 euros à chacun. Il en résulte que M. et Mme G...sont fondés à soutenir que c'est à tort que, par les jugements du 27 septembre 2017, le tribunal administratif de Bordeaux a rejeté les demandes de réparation qu'ils ont présentées à ce titre.

Sur l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

17. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'État le paiement à M. et Mme G...d'une somme globale de 1 500 euros au titre des frais exposés par eux et non compris dans les dépens.

DÉCIDE :

Article 1er : L'intervention du Comité Harkis et Vérité est admise.

Article 2 : Les jugements du tribunal administratif de Bordeaux du 27 septembre 2017 sont annulés en tant qu'ils statuent sur les conclusions relatives aux préjudices liés au défaut d'intervention de la France en Algérie pour protéger les anciens supplétifs de l'armée française et au défaut de rapatriement en France.

Article 3 : Les conclusions relatives aux préjudices liés au défaut d'intervention de la France en Algérie pour protéger les anciens supplétifs de l'armée française et au défaut de rapatriement en France sont rejetées comme portées devant un ordre de juridiction incompétent pour en connaître.

Article 4 : L'État est condamné à verser à M. G...et à Mme G...la somme de 15 000 euros chacun.

Article 5 : Le surplus des conclusions d'appel et des demandes de première instance de M. G... et de Mme G...est rejeté.

Article 6 : L'État versera à M. et Mme G...une somme globale de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 7 : Le présent arrêt sera notifié à Mme B...G..., M. C...G..., au ministre des armées, et au comité Harkis et Vérité

Délibéré après l'audience du 25 juin 2019 à laquelle siégeaient :

M. Éric Rey-Bèthbéder, président,

M. Didier Salvi, président-assesseur,

M. Manuel Bourgeois, premier conseiller.

Lu en audience publique, le 16 juillet 2019.

Le président-assesseur,

Didier Salvi

Le président

Éric Rey-BèthbéderLe greffier,

Vanessa Beuzelin

La République mande et ordonne au ministre des armées en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.

2

N° 17BX03686-17BX03687


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Bordeaux
Formation : 2ème chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 17BX03686-17BX03687
Date de la décision : 16/07/2019
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

Responsabilité de la puissance publique - Faits susceptibles ou non d'ouvrir une action en responsabilité - Agissements administratifs susceptibles d'engager la responsabilité de la puissance publique.

Responsabilité de la puissance publique - Réparation - Préjudice.


Composition du Tribunal
Président : M. REY-BETHBEDER
Rapporteur ?: M. Eric REY-BETHBEDER
Rapporteur public ?: M. NORMAND
Avocat(s) : NUNES JEAN EMMANUEL

Origine de la décision
Date de l'import : 19/07/2019
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.bordeaux;arret;2019-07-16;17bx03686.17bx03687 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award