Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. G... F..., M. A...F..., M. M...F..., M. J...F..., agissant tant en son nom personnel qu'en qualité de représentant légal de ses enfants mineurs E...etD...,N... F... et K...F...ont demandé au tribunal administratif de Bordeaux de condamner l'Office national d'indemnisation des accidents médicaux, des affections iatrogènes et des infections nosocomiales (ONIAM), à leur verser la somme totale de 805 000 euros en raison de l'aggravation des préjudices subis par Ghislaine Guinet, épouseF..., du fait de sa contamination par le virus de l'hépatite C.
Par un jugement n° 1505100 du 26 septembre 2017, le tribunal administratif de Bordeaux a condamné l'ONIAM à verser :
- à la succession de Ghislaine F...la somme de 19 500 euros ;
- à M. G...F...la somme de 25 000 euros ;
- à M. A...F...et à M. M... F...la somme de 10 000 euros chacun ;
- à M. J...F..., à titre personnel, la somme de 10 000 euros, et, en qualité de représentant légal de ses deux enfants mineurs, E...et D...F..., la somme de 6 000 euros ;
- à Marine F...et à Maïly F... la somme de 3 000 euros chacune.
Procédure devant la cour :
Par une requête et un mémoire, enregistrés le 24 novembre 2017
et le 15 novembre 2018, M. G...F..., M. A...F..., M. M...F...,
M. J...F..., agissant tant en son nom personnel qu'en qualité de représentant légal de ses enfants mineurs E...etD...,N... F... et K...F..., représentés par la SELARL Blazy et associés, demandent à la cour :
1°) de réformer le jugement du 26 septembre 2017 en tant qu'il a limité l'indemnisation du préjudice en aggravation subi par Ghislaine F...à la somme de 19 500 euros et les préjudices d'affection et d'accompagnement de ses ayants droit ;
2°) de condamner l'ONIAM à leur verser, en qualité d'ayants droits, les sommes de 250 000 euros au titre du préjudice spécifique de contamination, 225 400 euros au titre du déficit fonctionnel permanent et 74 600 euros au titre de l'assistance par une tierce personne, subsidiairement une somme de 172 800 euros au titre du déficit fonctionnel temporaire ;
3°) de condamner l'ONIAM à verser à M. G...F..., époux P...F...la somme de 125 000 euros au titre de ses préjudices d'affection et d'accompagnement, à ses enfants, MM.A..., M...et J...F..., la somme de 30 000 euros et à
ses petits-enfants, Marine et MaïlyF..., au titre de leur préjudice d'affection la somme
de 10 000 euros, et la somme de 20 000 euros à M. J...F...en qualité de représentant légal de ses enfants mineurs E...et D...F... ;
4°) de mettre à la charge de l'ONIAM une somme de 3 000 euros au titre de
l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Les consorts F...soutiennent que :
- contrairement à ce que soutient l'ONIAM, le déficit fonctionnel temporaire est un poste de préjudice distinct du préjudice spécifique de contamination qui a été aggravé et
qu'il convient de réparer ; ainsi, depuis l'expertise de 2003 l'atteinte hépatique
s'est considérablement aggravée, engendrant de nouvelles souffrances physiques et
une souffrance morale plus importante ainsi que des répercussions dans sa vie quotidienne à l'origine d'un préjudice d'agrément aggravé évaluées à 5/7, et sur sa vie intime à l'origine d'un préjudice sexuel et d'un préjudice esthétique de 3,5/7 ;
- le déficit fonctionnel permanent de GhislaineF..., dont le décès est directement
lié à l'infection virale C, fixé à 70 % avant son décès par le DrL..., peut être évalué
à la somme de 225 400 euros et, contrairement à ce qu'ont estimé les premiers juges, n'avait
pas été indemnisé par le jugement du tribunal de grande instance (TGI) du 13 avril 2005 ;
- l'aggravation de l'état de Ghislaine F...a rendu nécessaire l'assistance d'une tierce personne dans les tâches du quotidien, ainsi que le mentionne à plusieurs reprises le rapport d'expertise ;
- il sera alloué à M.F..., époux de la victime une somme de 125 000 euros au titre de ses préjudices d'affection et d'accompagnement, de 30 000 euros au titre de ceux de ses enfants et une somme de 10 000 euros à chacun de ses petits enfants au titre de leur préjudice d'affection.
Par un mémoire en défense, enregistré le 18 mai 2018, l'ONIAM, représenté par
MeI..., demande à la cour, par la voie de l'appel incident :
1°) d'annuler le jugement du 26 septembre 2017 en tant qu'il l'a condamné à verser
à la succession F...la somme de 19 500 euros en réparation des préjudices subis par
GhislaineF... et les sommes de 10 000 euros en réparation des préjudices personnels subis par ses enfants ;
2°) de rejeter la demande présentée par Ghislaine F...au titre de ses préjudices personnels, à titre subsidiaire de réduire l'indemnisation accordée prorata temporis ;
3°) de réduire à de plus justes proportions les sommes allouées aux ayants droit de Ghislaine F...en réparation de leurs préjudices personnels, sans excéder une somme totale de 31 000 euros pour M. G...F..., une somme de 6 500 euros chacun pour ses fils,
MM.A..., M...et J...F..., et pourE..., D...et MaïlyF...,
ses petits-enfants, une somme de 4 500 euros.
Il soutient que :
- c'est à tort que le tribunal a fixé la date de consolidation de l'état de Ghislaine F...au 15 juin 2012 et, en conséquence, a procédé à l'indemnisation de préjudices permanents tels que les préjudices esthétique ou d'agrément alors que du fait de la cirrhose qu'elle présentait de nature évolutive, son VHC n'était pas guéri ;
- en indemnisant les souffrances endurées, alors que Ghislaine F...avait bénéficié d'une somme de 120 000 euros allouée par le TGI de Bordeaux pour son préjudice spécifique de contamination, le tribunal a procédé à une double indemnisation en méconnaissance du principe de réparation intégrale du préjudice ;
- les demandes tendant à l'indemnisation d'un préjudice incluant les souffrances physiques, les souffrances morales, un préjudice d'agrément, un préjudice sexuel et un préjudice esthétique, devront être rejetées dès lors que le préjudice spécifique de contamination qui les comprend a déjà fait l'objet d'une indemnisation ;
- à titre subsidiaire, à supposer que la cour retienne la consolidation de l'état de santé de Mme F...au 15 juin 2012, les sommes allouées par le tribunal au titre du déficit fonctionnel temporaire, des souffrances endurées, de l'assistance par tierce personne,
du préjudice d'agrément, du préjudice esthétique, du préjudice sexuel et du déficit fonctionnel permanent devront être confirmées ;
- si les ayants droit de Mme F...ont droit à la réparation de leurs préjudices personnels, leur indemnisation doit être calculée sur la base du référentiel de l'ONIAM, soit à hauteur de 6 000 euros pour le préjudice d'accompagnement et les troubles dans les conditions d'existence subis par M. G...F...du fait de la contamination de son épouse et
de 25 000 euros au titre de son préjudice d'affection du fait du décès de cette dernière,
de 6 500 euros au titre du préjudice d'affection de chacun des enfants de MmeF..., en l'absence de cohabitation, et de 4 500 euros pour ses petits enfants.
Par ordonnance du 20 novembre 2018, la clôture d'instruction a été fixée, en dernier lieu, au 21 décembre 2018.
La caisse primaire d'assurance maladie de la Gironde, à qui la requête a été communiquée, a informé la cour qu'elle n'entendait pas produire d'observations dans l'instance opposant les consorts F...à l'ONIAM.
Un mémoire, enregistré le 21 juin 2019, a été présenté pour les consortsF....
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code de la santé publique ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme H...,
- les conclusions de M. Nicolas Normand ;
- et les observations de MeB..., représentant les consortsF....
Considérant ce qui suit :
1. À la suite d'un accident domestique à l'origine de graves brûlures dont elle avait été victime le 12 juillet 1983, Ghislaine Guinet, épouseF..., a reçu au service des grands brûlés du centre hospitalier universitaire (CHU) de Bordeaux plusieurs unités de plasma et concentrés globulaires. Le 21 décembre 1992, sa contamination par le virus de l'hépatite C (VHC) a été diagnostiquée, à l'âge de 40 ans. Une biopsie hépatique réalisée le 1er mars 1993 ayant révélé une hépatite chronique active, elle a entrepris un traitement par Interféron qui a été arrêté en juillet 2003, en raison d'une mauvaise tolérance, et qui, au surplus, se révélait inefficace.
Un second traitement associant Interféron et Ribavirine a été initié le 5 janvier 2004 puis arrêté en avril de la même année en raison de son inefficacité. En octobre 2008, une biopsie du foie a mis en évidence l'existence d'une cirrhose avec un score Metavir A2F4 et la mise en place d'un nouveau traitement a été envisagée après une prise en charge psychologique et psychiatrique.
Un troisième traitement anti-viral associant Pegasys et Copegus a ainsi été instauré
d'avril à juin 2009, responsable d'effets secondaires importants et sans succès. Ghislaine F...est décédée le 19 octobre 2013 des suites de son hépatite C.
2. Elle avait auparavant saisi le juge des référés du tribunal de grande instance (TGI) de Bordeaux, qui a ordonné, le 27 octobre 1993, une expertise confiée à Mme C...et M. O... pour se prononcer sur l'existence d'un lien de causalité entre les transfusions réalisées en 1983 et l'apparition de l'hépatite C. À la suite du dépôt par les experts de leur rapport le 10 octobre 1994 concluant à une forte probabilité que la contamination par le virus de l'hépatite C de Ghislaine F...soit d'origine transfusionnelle, par un jugement du 7 janvier 1997, confirmé par la cour d'appel de Bordeaux, le TGI de Bordeaux a condamné le centre de transfusion sanguine (CTS) à l'indemniser de ses préjudices et ordonné un complément d'expertise. Sur la base du rapport déposé, le 28 mars 1997, par Mme C...qui concluait notamment à l'impossibilité de fixer une date de consolidation, le TGI de Bordeaux a, par jugement définitif du 26 mars 2003, condamné l'Établissement français du sang (EFS), venant aux droits du CTS, à verser à Ghislaine F...une indemnité de 120 000 euros au titre d'un préjudice spécifique de contamination, et, à la suite d'un second complément d'expertise qu'il a ordonné afin de déterminer la créance des tiers payeurs et le préjudice soumis au recours de ces derniers, ayant donné lieu à un rapport les 17 et 22 juillet 2003, par jugement du 13 avril 2005,
il a condamné l'EFS à lui verser une somme de 61 257,47 euros au titre de son préjudice corporel complémentaire après déduction de la créance des organismes sociaux.
3. Son état de santé s'étant considérablement aggravé depuis le dernier rapport d'expertise, Ghislaine F...a sollicité en juillet 2011 du juge des référés du tribunal administratif de Bordeaux une nouvelle expertise, à laquelle il a été fait droit par une ordonnance du 20 février 2012. À la suite du rapport de l'expert désigné, M.L..., déposé
le 10 octobre 2012, et du décès de GhislaineF..., survenu le 19 octobre 2013, ses ayants droit ont présenté une demande préalable à l'ONIAM, le 3 septembre 2015, puis introduit un recours tendant à la condamnation de ce dernier à les indemniser des préjudices subis entre
le 22 juillet 2003, date du dépôt du rapport d'expertise judiciaire de MmeC..., et
le 19 octobre 2013, date du décès de leur épouse, mère et grand-mère. Par un jugement
du 26 septembre 2017, le tribunal administratif de Bordeaux a condamné l'ONIAM à verser à la succession de Ghislaine F...la somme de 19 500 euros, à M. G...F..., son époux, la somme de 25 000 euros, à ses enfants MM.A..., M...et J...F..., la somme de 10 000 euros chacun et à ses petits enfants, E..., D..., Marine et Maïly, la somme de 3 000 euros chacun. Les consorts F...demandent la réformation de ce jugement afin que les indemnités allouées soient portées respectivement à 550 000 euros, 125 000 euros,
30 000 euros et 10 000 euros. L'ONIAM, qui ne conteste pas l'origine transfusionnelle de la contamination par le VHC de Ghislaine F...et sa charge d'indemniser les préjudices en résultant, demande, par la voie de l'appel incident, l'annulation du jugement
du 26 septembre 2017 en tant que le tribunal administratif de Bordeaux a procédé à l'indemnisation de préjudices permanents de la victime en l'absence de consolidation et de préjudices temporaires déjà indemnisés et en ce qui concerne le montant des indemnités allouées à ses ayants droit.
Sur la consolidation de l'état de santé :
4. La consolidation correspond au moment où les lésions se fixent et prennent un caractère permanent, tel qu'un traitement n'est plus nécessaire si ce n'est pour en éviter l'aggravation, et qu'il est possible d'apprécier un certain degré d'incapacité permanente réalisant un préjudice définitif.
5. Il est constant que Ghislaine F...était atteinte d'une pathologie évolutive dont les trois traitements entrepris en 1993, en 2004 et en 2009 avaient échoué dans l'éradication du virus de l'hépatite C. Il n'est ainsi pas contesté qu'elle a toujours été porteuse de l'hépatite virale C, laquelle a évolué pour arriver selon un certificat médical du 5 août 2010 au stade de cirrhose compensée puis décompensée et compliquée conduisant à son décès le 19 octobre 2013.
Il résulte de l'instruction et notamment du dernier rapport d'expert en date du 10 octobre 2012, que depuis l'expertise médicale réalisée les 17 et 22 juillet 2003, l'état de santé de Ghislaine F...s'était aggravé sur le plan hépatique avec l'apparition de cette cirrhose, sur le plan de la vascularité dès lors que les lésions s'étaient étendues au dos, et sur le plan de la mobilité en raison de la réduction du périmètre de marche. Si l'état de Ghislaine F...à la date retenue par l'expert comme étant celle de sa consolidation, soit le 15 juin 2012, ne requérait aucun traitement, la cirrhose étant à cette date compensée, il est constant que la patiente n'était pas guérie du VHC au jour de son examen par l'expert et que ce dernier indiquait d'ailleurs qu'il fallait prévoir une dégradation dans les années à venir. L'expert ne pouvait, dès lors et comme il l'a fait, et le tribunal par la suite, estimer que son état de santé pouvait être regardé comme consolidé à la date de cette expertise alors qu'il n'a cessé de s'aggraver jusqu'à son décès
le 19 octobre 2013. Par conséquent, l'ONIAM est fondé à soutenir que c'est à tort que le tribunal administratif de Bordeaux a retenu comme date de consolidation le 15 juin 2012 et a procédé à l'indemnisation de préjudices permanents.
Sur l'évaluation des préjudices :
En ce qui concerne les préjudices de GhislaineF...:
Quant à l'assistance par tierce personne :
6. Si les consorts F...demandent une indemnité au titre des frais d'assistance par une tierce personne, ils ne versent aucune pièce de nature à établir l'existence du besoin de Ghislaine F...de recourir quotidiennement à une aide pour tous les actes de la vie courante que l'expert désigné par le juge des référés du tribunal administratif de Bordeaux n'a pas retenu, et ils ne justifient pas davantage en appel de la réalité du préjudice dont il est demandé réparation, ni même de son ampleur. C'est ainsi à bon droit que les premiers juges ont rejeté la demande des appelants en réparation de ce chef de préjudice.
Quant au déficit fonctionnel temporaire :
7. Si, par jugement du TGI de Bordeaux du 13 avril 2005, GhislaineF..., dont le taux d'incapacité temporaire partielle avait été fixé à 70 % par MmeC..., expert désigné par le juge judiciaire et dont l'état de santé toujours susceptible d'évoluer n'était à cette date pas consolidé, a été indemnisée du préjudice physiologique en résultant, évalué alors à 137 204,11 euros, il ne résulte pas de l'instruction que cette indemnité aurait couvert le déficit fonctionnel temporaire subi pour la période postérieure et allant jusqu'à son décès survenu
le 19 octobre 2013. Compte tenu du taux de 70 % d'atteinte à l'intégrité physique et psychique fixé par M. L..., désigné par le juge des référés du tribunal administratif de Bordeaux dans son rapport du 10 octobre 2012, et non contesté, il sera fait une juste appréciation du déficit fonctionnel temporaire de la victime du jugement précité à son décès, en allouant à sa succession une somme de 36 000 euros.
Quant aux souffrances endurées :
8. Il résulte de l'instruction et notamment du rapport de M. L...
du 10 octobre 2012, que, du fait de l'aggravation de son état entre l'expertise judiciaire de 2003 et son décès dix années plus tard, Ghislaine F...a enduré de nouvelles souffrances tant physiques que psychiques en raison notamment de poussées de vascularites qui se sont étendues au niveau de tout le corps, de nombreux examens et contraintes thérapeutiques, d'une baisse d'acuité visuelle, de deux traitements antiviraux suivi en 2004 et 2009 qui ont entraîné des effets secondaires mal tolérés et des conséquences lourdes sur son quotidien, lesquelles n'avaient pas été indemnisées par le TGI de Bordeaux dans son jugement du 26 mars 2003. Les premiers juges ont fait une juste appréciation des souffrances supplémentaires ainsi endurées et d'une intensité évaluée à 5 sur une échelle allant de 1 à 7 par l'expert en allouant à ses ayants droit la somme
de 13 500 euros.
Quant au préjudice esthétique :
9. Il résulte de l'instruction que, par le jugement précité du 26 mars 2003, Ghislaine F...a été indemnisée du préjudice esthétique évalué alors à 3 sur 7 par Mme C...en raison des lésions dues à la vascularite des membres inférieurs et à la nécessité de se déplacer en fauteuil roulant lors des crises. Il n'est pas contesté que son état s'est aggravé depuis cette expertise, avec notamment le développement de la vascularite qui s'est étendue sur l'ensemble du corps, conduisant M.L..., dans son rapport du 15 juin 2012, à augmenter le préjudice esthétique de l'intéressée en le fixant à 3,5 sur 7. Les premiers juges ont fait une juste appréciation du différentiel en allouant à la succession de GhislaineF..., au titre du préjudice esthétique résultant des seules conséquences de l'aggravation, une somme de 1 000 euros.
Quant aux autres préjudices :
10. En l'absence de consolidation de l'état de GhislaineF..., ses ayants droits ne peuvent être indemnisés ni d'un déficit fonctionnel permanent, ni d'un préjudice d'agrément lié à l'impossibilité de continuer à pratiquer certaines activités sportives et de loisirs, ni de son préjudice sexuel, dès lors que ces préjudices ne peuvent être fixés avant son décès.
11. Par ailleurs, s'il est constant que Ghislaine F...a pu légitiment éprouver des inquiétudes du fait de sa contamination par le virus de l'hépatite C qui avait été diagnostiquée et des conséquences graves qui pouvaient résulter de cette pathologie évolutive, le préjudice subi de ce fait et notamment les troubles résultant de la crainte et l'incertitude quant à son avenir,
que les appelants qualifient de préjudice spécifique de contamination, lequel est distinct
des souffrances endurées et du déficit fonctionnel temporaire, a déjà été indemnisé par le jugement du 26 mars 2003 du TGI de Bordeaux. La demande des appelants tendant à la réparation de ce préjudice moral ne peut dès lors qu'être rejetée.
12. Il résulte de ce qui précède que la somme que l'ONIAM a été condamné à verser à la succession de Ghislaine F...en réparation des préjudices que cette dernière a subi du fait de sa contamination et de l'aggravation de son état de santé doit être portée à 50 500 euros.
En ce qui concerne les préjudices des proches :
Quant à l'époux P...F... :
13. Dans les circonstances de l'espèce, il sera fait une juste appréciation des préjudices subis par M. G...F...à raison de la dégradation de l'état de santé de son épouse du fait de sa contamination par le virus de l'hépatite C qui a bouleversé le mode de vie au quotidien du couple jusqu'au décès survenu le 19 octobre 2013, en lui allouant une somme de 6 000 euros au titre du préjudice d'accompagnement et une somme de 25 000 euros au titre de son préjudice d'affection.
Quant aux enfants de GhislaineF... :
14. Il résulte de l'instruction que MM.A..., M...et J...F..., respectivement nés le 17 septembre 1972, le 11 novembre 1973 et le 16 août 1980, ne vivaient plus au domicile de leurs parents lorsque l'état de santé de leur mère lié à sa contamination par le virus de l'hépatite C s'est aggravé. Ils n'apportent aucun élément de nature à justifier du préjudice d'accompagnement dont ils demandent réparation.
15. Il sera par ailleurs fait une juste appréciation du préjudice d'affection subi par les fils majeurs de GhislaineF..., avec lesquels elle ne cohabitait pas, en leur allouant à chacun la somme de 6 500 euros.
Quant aux petits-enfants de GhislaineF... :
16. Les premiers juges ont fait une juste appréciation du préjudice d'affection de ses petits-enfants Marine, E..., D...et Maïly, avec lesquels elle ne cohabitait pas,
en leur octroyant respectivement la somme de 3 000 euros chacun.
Sur les frais d'expertise :
17. Il y a lieu de maintenir à la charge de l'ONIAM les frais de l'expertise taxés
et liquidés à la somme de 950 euros par une ordonnance du 19 novembre 2012 du président
du tribunal administratif de Bordeaux.
Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :
18. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'ONIAM
une somme globale de 1 500 euros au titre des frais exposés par les consorts F...
et non compris dans les dépens.
DÉCIDE:
Article 1er : La somme que l'ONIAM a été condamné à verser à la succession
de Ghislaine F...en réparation des préjudices que cette dernière a subis est portée
à 50 500 euros.
Article 2 : La somme que l'ONIAM a été condamné à verser à M. G...F...en réparation de son préjudice d'affection et de son préjudice d'accompagnement est portée à 31 000 euros.
Article 3 : La somme que l'ONIAM a été condamné à verser à MM.A..., M...et J...F...en réparation de leurs préjudices personnels est ramenée à 6 500 euros chacun.
Article 4 : Le jugement du tribunal administratif de Bordeaux du 26 septembre 2017 est réformé en ce qu'il a de contraire au présent arrêt.
Article 5 : L'ONIAM versera aux consorts F...une somme globale de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 6 : Le surplus des conclusions de la requête et des conclusions incidentes de l'ONIAM est rejeté.
Article 7 : Le présent arrêt sera notifié à M. G... F..., à l'Office national d'indemnisation des accidents médicaux, des affections iatrogènes et des infections nosocomiales, à l'Établissement français du sang et à la caisse primaire d'assurance maladie de la Gironde.
Délibéré après l'audience du 25 juin 2019, à laquelle siégeaient :
M. Éric Rey-Bèthbéder, président,
M. Didier Salvi, président-assesseur,
Mme Aurélie Chauvin, premier conseiller.
Lu en audience publique le 16 juillet 2019.
Le rapporteur,
Aurélie H...
Le président,
Éric Rey-BèthbéderLe greffier,
Vanessa Beuzelin
La République mande et ordonne au ministre des solidarités et de la santé en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.
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N° 17BX03667