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02/07/2019 | FRANCE | N°18BX04425-18BX04426

France | France, Cour administrative d'appel de Bordeaux, 1ère chambre, 02 juillet 2019, 18BX04425-18BX04426


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

MmeC... A... épouse B...a demandé au tribunal administratif de Toulouse, d'une part, d'annuler l'arrêté du 9 novembre 2017 par lequel préfet de la Haute-Garonne lui a refusé le renouvellement de son titre de séjour, l'a obligée à quitter le territoire français dans le délai de trente jours et a fixé le pays de destination et, d'autre part, d'enjoindre sous astreinte à ce même préfet de lui délivrer un titre de séjour.

Par un jugement n° 1801101 du 30 novembre 2018, le tribunal administratif

de Toulouse a, d'une part, annulé l'arrêté du préfet de la Haute-Garonne du 9 novembr...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

MmeC... A... épouse B...a demandé au tribunal administratif de Toulouse, d'une part, d'annuler l'arrêté du 9 novembre 2017 par lequel préfet de la Haute-Garonne lui a refusé le renouvellement de son titre de séjour, l'a obligée à quitter le territoire français dans le délai de trente jours et a fixé le pays de destination et, d'autre part, d'enjoindre sous astreinte à ce même préfet de lui délivrer un titre de séjour.

Par un jugement n° 1801101 du 30 novembre 2018, le tribunal administratif de Toulouse a, d'une part, annulé l'arrêté du préfet de la Haute-Garonne du 9 novembre 2017 et, d'autre part, enjoint audit préfet de procéder au réexamen de la situation de Mme B...dans un délai de deux mois à compter de la notification du jugement.

Procédure devant la cour :

I) Par une requête, enregistrée le 17 décembre 2018 sous le n° 18BX04426, le préfet de la Haute-Garonne demande à la cour d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Toulouse du 30 novembre 2018 et de rejeter la demande de MmeB....

Il soutient que :

- le moyen soulevé par Mme B...et retenu par le tribunal, tiré de l'irrégularité de la composition du collège de médecins de l'OFII est inopérant et en tout état de cause infondé, car cela revient à ajouter des prescriptions non prévues par les textes ; la procédure conduite devant le préfet et celle conduite devant l'OFII sont strictement autonomes ; la procédure devant l'OFII est conduite par un établissement public sur lequel le préfet n'exerce aucun contrôle car il s'agit d'une procédure à caractère médical menée par des professionnels de santé totalement indépendants ; certaines juridictions neutralisent le moyen tiré de ce que l'avis du collège de médecins de l'OFII ne comporterait pas les rubriques prévues à l'annexe C de l'arrêté du 27 décembre 2016 en considérant que cette circonstance est sans incidence sur le sens de la décision du préfet dès lors que le requérant n'établit ni même n'allègue que l'avis de l'OFII aurait été différent si ces rubriques avaient été renseignées ;

- dans ces conditions, il ne lui incombait pas de s'assurer de la régularité de la procédure médicale ; en outre, la requérante ne produit aucun commencement de preuve de ce qu'elle aurait été lésée ou de ce que l'avis du collège aurait été différent si sa composition avait été établie ; en tout état de cause, elle dispose d'un droit d'accès et de communication à son entier dossier ; elle n'a donc nullement été privée d'une garantie tirée de l'obligation, pour le préfet, de s'assurer de la régularité de la composition du collège de médecins l'OFII alors qu'aucune disposition réglementaire ou législative ne fait peser une telle prescription sur l'autorité préfectorale.

Par un mémoire en défense, enregistré le 29 mars 2019, Mme B...conclut au rejet de la requête, à ce qu'il soit enjoint au préfet de la Haute-Garonne de réexaminer sa situation dans le délai d'un mois suivant la notification de l'arrêt à intervenir et à ce qu'il soit mis à la charge de l'Etat, au profit de son conseil, le versement de la somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 alinéa 2 de la loi du 10 juillet 1991.

Elle soutient que les moyens soulevés par le préfet ne sont pas fondés.

Par une décision en date du 20 juin 2019, Mme A...épouse B...a été admise au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale.

II) Par une requête, enregistrée le 17 décembre 2018 sous le n° 18BX04425, le préfet de la Haute-Garonne, demande à la cour de prononcer le sursis à exécution du jugement du tribunal administratif de Toulouse n° 1801101 du 30 novembre 2018.

Il soutient qu'il résulte de sa requête au fond qu'il existe des moyens sérieux de nature à justifier, outre l'annulation du jugement, le rejet des conclusions à fin d'annulation et d'injonction qu'il a accueillies.

Par un mémoire en défense, enregistré le 29 mars 2019, Mme B...conclut au rejet de la requête, à ce qu'il soit enjoint au préfet de la Haute-Garonne de réexaminer sa situation dans le délai d'un mois suivant la notification de l'arrêt à intervenir et à ce qu'il soit mis à la charge de l'Etat, au profit de son conseil, le versement de la somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 alinéa 2 de la loi du 10 juillet 1991.

Elle soutient que les moyens soulevés par le préfet dans sa requête au fond ne sont pas de nature à permettre le prononcé du sursis demandé.

Vu :

- les autres pièces du dossier ;

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- la convention internationale relative aux droits de l'enfant signée à New-York le 26 janvier 1990 ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

- l'arrêté du 27 décembre 2016 relatif aux conditions d'établissement et de transmission des certificats médicaux, rapports médicaux et avis mentionnés aux articles R. 313-22, R. 313-23 et R. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- le code des relations entre le public et l'administration ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- le code de justice administrative.

Par décision du 1er septembre 2018, le président de la cour a désigné M. D...de la Taille Lolainville pour exercer temporairement les fonctions de rapporteur public en application des articles R. 222-24 et R. 222-32 du code de justice administrative.

Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Florence Rey-Gabriac,

Considérant ce qui suit :

1. Mme C...A...épouseB..., ressortissante albanaise, née en 1984 à Lushnje (Albanie), est entrée en France, selon ses déclarations, le 8 octobre 2014. Sa demande d'asile a été rejetée le 20 février 2015 par l'OFPRA, puis le 8 juillet 2015 par la CNDA. Le 10 mars 2016, elle a sollicité son admission au séjour en qualité d'étranger malade et a bénéficié d'une carte de séjour valable du 19 avril 2016 au 18 avril 2017. Le 23 février 2017, elle a sollicité le renouvellement de ce titre sur le fondement de l'article L. 313-11-11° du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Après avis du collège de médecins de l'OFII en date du 23 mai 2017, le préfet de la Haute-Garonne a pris à son encontre, le 9 novembre 2017, un arrêté, notifié le 19 novembre suivant, refusant de lui accorder un titre de séjour et l'obligeant à quitter le territoire français dans le délai de trente jours en fixant le pays de renvoi. Par une requête, enregistrée sous le n° 18BX04426, le préfet de la Haute-Garonne demande à la cour d'annuler le jugement du 30 novembre 2018 du tribunal administratif de Toulouse qui, motif pris d'un vice de procédure, a annulé cet arrêté et a enjoint au préfet de réexaminer la situation de MmeB.... Par une requête, enregistrée sous le n° 18BX04425, le préfet de la Haute-Garonne demande à la cour de prononcer le sursis à exécution de ce jugement. Ces deux requêtes présentant des questions identiques à juger et ayant fait l'objet d'une instruction commune, il y a lieu de les joindre pour qu'il y soit statué par un même arrêt.

Sur la requête au fond :

2. Pour annuler l'arrêté du 9 novembre 2017, le tribunal administratif de Toulouse s'est fondé sur la circonstance que l'avis du collège de médecins de l'OFII du 23 mai 2017 ne mentionnait pas le nom du médecin qui a établi le rapport médical au vu duquel il a été émis, ce médecin instructeur ne devant pas siéger au sein du collège de médecins qui rend l'avis transmis au préfet. Il en a déduit que le préfet de la Haute-Garonne ne justifiait pas de la régularité de la composition du collège de médecins et que Mme B...avait été de ce fait privée d'une garantie.

3. En vertu du 11° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, dans sa rédaction issue de la loi du 7 mars 2016 relative au droit des étrangers en France, la carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " est, sous réserve d'une menace pour l'ordre public, délivrée de plein droit à " l'étranger résidant habituellement en France, si son état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait avoir pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité et si, eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé dans le pays dont il est originaire, il ne pourrait pas y bénéficier effectivement d'un traitement approprié. La condition prévue à l'article L. 313-2 n'est pas exigée. La décision de délivrer la carte de séjour est prise par l'autorité administrative après avis d'un collège de médecins du service médical de l'Office français de l'immigration et de l'intégration, dans des conditions définies par décret en Conseil d'Etat. Les médecins de l'office accomplissent cette mission dans le respect des orientations générales fixées par le ministre chargé de la santé (...) ".

4. L'article R. 313-22 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile dispose que : " Pour l'application du 11° de l'article L. 313-11, le préfet délivre la carte de séjour au vu d'un avis émis par un collège de médecins à compétence nationale de l'Office français de l'immigration et de l'intégration. / L'avis est émis dans les conditions fixées par arrêté du ministre chargé de l'immigration et du ministre chargé de la santé au vu, d'une part, d'un rapport médical établi par un médecin de l'Office français de l'immigration et de l'intégration et, d'autre part, des informations disponibles sur les possibilités de bénéficier effectivement d'un traitement approprié dans le pays d'origine de l'intéressé. / Les orientations générales mentionnées à la quatrième phrase du 11° de l'article L. 313-11 sont fixées par arrêté du ministre chargé de la santé ".

5. L'article R. 313-23 du même code dispose que : " Le rapport médical mentionné à l'article R. 313-22 est établi par un médecin de l'Office français de l'immigration et de l'intégration à partir d'un certificat médical établi par le médecin qui suit habituellement le demandeur ou par un médecin praticien hospitalier inscrits au tableau de l'ordre, dans les conditions prévues par l'arrêté mentionné au deuxième alinéa de l'article R. 313-22. Le médecin de l'office peut solliciter, le cas échéant, le médecin qui suit habituellement le demandeur ou le médecin praticien hospitalier. Il en informe le demandeur. Il peut également convoquer le demandeur pour l'examiner et faire procéder aux examens estimés nécessaires. Le demandeur présente au service médical de l'office les documents justifiant de son identité. A défaut de réponse dans le délai de quinze jours, ou si le demandeur ne se présente pas à la convocation qui lui a été fixée, ou s'il n'a pas présenté les documents justifiant de son identité le médecin de l'office établit son rapport au vu des éléments dont il dispose et y indique que le demandeur n'a pas répondu à sa convocation ou n'a pas justifié de son identité. Il transmet son rapport médical au collège de médecins. / Sous couvert du directeur général de l'Office français de l'immigration et de l'intégration le service médical de l'office informe le préfet qu'il a transmis au collège de médecins le rapport médical. En cas de défaut de présentation de l'étranger lorsqu'il a été convoqué par le médecin de l'office ou de production des examens complémentaires demandés dans les conditions prévues au premier alinéa, il en informe également le préfet ; dans ce cas le récépissé de demande de première délivrance de carte de séjour prévu à l'article R. 311-4 n'est pas délivré. Lorsque l'étranger dépose une demande de renouvellement de titre de séjour, le récépissé est délivré dès la réception, par le service médical de l'office, du certificat médical mentionné au premier alinéa. / Le collège à compétence nationale, composé de trois médecins, émet un avis dans les conditions de l'arrêté mentionné au premier alinéa du présent article. La composition du collège et, le cas échéant, de ses formations est fixée par décision du directeur général de l'office. Le médecin ayant établi le rapport médical ne siège pas au sein du collège (...) / Le collège peut demander au médecin qui suit habituellement le demandeur, au médecin praticien hospitalier ou au médecin qui a rédigé le rapport de lui communiquer, dans un délai de quinze jours, tout complément d'information. Le demandeur en est simultanément informé. Le collège de médecins peut entendre et, le cas échéant, examiner le demandeur et faire procéder aux examens estimés nécessaires. Le demandeur présente au service médical de l'office les documents justifiant de son identité. Il peut être assisté d'un interprète et d'un médecin. Lorsque l'étranger est mineur, il est accompagné de son représentant légal. / L'avis est rendu par le collège dans un délai de trois mois à compter de la transmission par le demandeur des éléments médicaux conformément à la première phrase du premier alinéa. Lorsque le demandeur n'a pas présenté au médecin de l'office ou au collège les documents justifiant son identité, n'a pas produit les examens complémentaires qui lui ont été demandés ou n'a pas répondu à la convocation du médecin de l'office ou du collège qui lui a été adressée, l'avis le constate. / L'avis est transmis au préfet territorialement compétent, sous couvert du directeur général de l'Office français de l'immigration et de l'intégration ".

6. L'article 6 de l'arrêté du 27 décembre 2016 relatif aux conditions d'établissement et de transmission des certificats médicaux, rapports médicaux et avis mentionnés aux articles R. 313-22, R. 313-23 et R. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile précise que : " Au vu du rapport médical mentionné à l'article 3, un collège de médecins désigné pour chaque dossier dans les conditions prévues à l'article 5 émet un avis, conformément au modèle figurant à l'annexe C du présent arrêté, précisant : a) si l'état de santé de l'étranger nécessite ou non une prise en charge médicale ; b) si le défaut de cette prise en charge peut ou non entraîner des conséquences d'une exceptionnelle gravité sur son état de santé ; c) si, eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé dans le pays dont le ressortissant étranger est originaire, il pourrait ou non y bénéficier effectivement d'un traitement approprié ; d) la durée prévisible du traitement. Dans le cas où le ressortissant étranger pourrait bénéficier effectivement d'un traitement approprié, eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé dans le pays dont il est originaire, le collège indique, au vu des éléments du dossier du demandeur, si l'état de santé de ce dernier lui permet de voyager sans risque vers ce pays. Cet avis mentionne les éléments de procédure. Le collège peut délibérer au moyen d'une conférence téléphonique ou audiovisuelle. L'avis émis à l'issue de la délibération est signé par chacun des trois médecins membres du collège ".

7. Il ne résulte d'aucune de ces dispositions, non plus que d'aucun principe, que l'avis du collège de médecins de l'Office français de l'immigration et de l'intégration devrait porter mention du nom du médecin qui a établi le rapport médical, prévu par l'article R. 313-22, qui est transmis au collège de médecins de l'Office. Si l'article 6 de l'arrêté du 27 décembre 2016 indique que l'avis mentionne " les éléments de procédure ", cette mention renvoie, ainsi qu'il résulte du modèle d'avis figurant à l'annexe C de l'arrêté, rendu obligatoire par cet article 6, à l'indication que l'étranger a été, ou non, convoqué par le médecin ou par le collège, à celle que des examens complémentaires ont été, ou non, demandés et à celle que l'étranger a été conduit, ou non, à justifier de son identité.

8. Par suite, c'est à tort que le tribunal administratif de Toulouse s'est fondé sur la circonstance que l'avis émis par le collège de médecins de l'Office le 23 mai 2017 sur l'état de santé de Mme B...ne mentionnait pas le nom du médecin qui avait établi le rapport médical transmis au collège, pour en déduire que la procédure suivie par l'administration avait été irrégulière et annuler, pour ce motif, l'arrêté du préfet de la Haute-Garonne du 9 novembre 2017.

9. Il appartient à la cour, saisie par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner les autres moyens présentés par Mme B...en première instance et en appel à l'encontre de l'arrêté du 9 novembre 2017.

10. En premier lieu, la décision par laquelle le préfet de la Haute-Garonne a refusé la demande de délivrance d'un titre de séjour présentée par Mme B...énonce l'ensemble des considérations de droit et de fait sur lesquelles elle se fonde, à savoir notamment son état de santé, l'avis du collège de médecins de l'OFII, sa situation familiale en France et dans son pays d'origine ainsi que le défaut de circonstances humanitaires et exceptionnelles. La décision litigieuse indique notamment que la demande d'admission au séjour au bénéfice de l'asile de Mme B...a été rejetée de manière définitive par la Cour nationale du droit d'asile. La motivation de la décision portant obligation de quitter le territoire français, qui se confond avec celle de la décision de refus de délivrance d'un titre de séjour, vise également l'article L. 511-1-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile qui fonde l'obligation de quitter le territoire français et indique que la requérante pourra bénéficier d'un traitement médical approprié dans son pays d'origine. Ladite décision portant obligation de quitter le territoire français a été prise après examen des éléments de sa vie privée et familiale et notamment au regard de la situation de son époux qui fait également l'objet d'un refus de séjour assorti d'une obligation de quitter le territoire français et de la présence de leurs trois enfants. Enfin, en application des dispositions du II de l'article L. 511-1 du même code, lorsque l'autorité administrative prévoit qu'un étranger faisant l'objet d'une mesure d'éloignement dispose du délai de départ volontaire de trente jours, qui est le délai normalement applicable, ou d'un délai supérieur, elle n'a pas à motiver spécifiquement sa décision. Ainsi, le moyen tiré du défaut de motivation des décisions attaquées au regard des articles L. 211-2 et L. 211-5 du code des relations entre le public et l'administration ne peut qu'être écarté.

11. En deuxième lieu, aux termes de l'article L. 121-1 du code des relations entre le public et l'administration : " Exception faite des cas où il est statué sur une demande, les décisions individuelles qui doivent être motivées en application de l'article L. 211-2, ainsi que les décisions qui, bien que non mentionnées à cet article, sont prises en considération de la personne, sont soumises au respect d'une procédure contradictoire préalable. ". Aux termes de l'article L. 122-1 du même code : " Les décisions mentionnées à l'article L. 211-2 n'interviennent qu'après que la personne intéressée a été mise à même de présenter des observations écrites et, le cas échéant, sur sa demande, des observations orales. Cette personne peut se faire assister par un conseil ou représenter par un mandataire de son choix (...) ".

12. Mme B...soutient que les décisions portant refus de séjour, obligation de quitter le territoire français et fixation délai de départ volontaire, qui constituent des mesures individuelles défavorables, ont été prises au terme d'une procédure irrégulière, dès lors qu'elle n'a pu bénéficier de la procédure contradictoire prévue par les dispositions précitées des articles L. 121-1 et suivants du code des relations entre le public et l'administration. Toutefois, en vertu de leurs termes mêmes, ces dispositions ne peuvent pas être utilement invoquées à l'encontre d'une décision de refus de titre de séjour, qui est prise en réponse à une demande formulée par l'intéressée. Il résulte également de l'ensemble des dispositions du livre V du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, et notamment de son article L. 512-1, que le législateur a entendu déterminer l'ensemble des règles de procédure administrative et contentieuse auxquelles sont soumises les décisions par lesquelles l'autorité administrative oblige un ressortissant étranger à quitter le territoire français, accorde ou non un délai de départ volontaire pour exécuter cette obligation et fixe le pays de renvoi. Dès lors, la requérante ne peut utilement soutenir que les décisions portant éloignement et fixation du délai de départ seraient entachées d'un tel vice de procédure.

13. En troisième lieu, la motivation des décisions attaquées ne révèle pas que le préfet se serait abstenu de se livrer à un examen attentif de la situation particulière de la requérante. S'agissant en particulier de la décision fixant le pays de renvoi, elle ne révèle pas que le préfet se serait cru en situation de compétence liée

14. En quatrième lieu, aux termes de l'avis du collège des médecins de l'OFII du 23 mai 2017, l'état de santé de Mme B...nécessite une prise en charge médicale, dont le défaut pourrait entraîner des conséquences d'une exceptionnelle gravité, mais, eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de soins dans le pays dont elle est originaire, elle pourra y bénéficier effectivement d'un traitement approprié. En se bornant à faire valoir qu'il n'est pas établi que le traitement dont elle a besoin sera disponible en Albanie et qu'étant d'origine Rom, elle ne pourra avoir un accès effectif aux soins, Mme B...n'apporte pas d'élément de nature à contredire l'avis du collège de médecins de l'OFII. Par suite, le moyen tiré d'une erreur de droit sur le fondement des dispositions ne peut donc qu'être écarté. Mme B...ne démontre pas non plus en quoi le refus contesté serait entaché d'une erreur manifeste d'appréciation de son état de santé.

15. En cinquième lieu, aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. / Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui ".

16. Mme B...fait valoir qu'elle réside en France depuis 2014 avec son époux et leurs trois enfants, qu'ils ont tous deux fait des efforts d'intégration importants et sont investis dans le suivi scolaire de leurs enfants, que l'aînée présente un retard de développement et bénéficie d'un suivi spécialisé en orthophonie et en psychomotricité qui ne pourra être assuré en Albanie et qu'enfin, elle et son époux sont des Roms, fortement discriminés dans leur pays d'origine. Toutefois, l'intéressée ne démontre pas être dépourvue de toute attache familiale en Albanie, pays dont elle a la nationalité tout comme son époux, où elle a vécu la majeure partie de sa vie et où résident a minima ses parents, ses cinq soeurs et son frère et où elle n'établit pas être dans l'impossibilité de reconstituer sa cellule familiale, dès lors, notamment, que son époux fait également l'objet d'un refus de séjour assorti d'une mesure d'éloignement fixant l'Albanie comme pays de renvoi, que ses enfants, qui sont encore très jeunes, ne pourraient y poursuivre ou y entamer leur scolarité, ou encore que sa fille Flutra ne pourrait continuer à y bénéficier d'un suivi adapté. Ainsi, compte tenu de l'ensemble des circonstances de l'espèce, et notamment de la durée et des conditions de son séjour en France, les décisions portant refus de séjour et obligation de quitter le territoire n'ont pas porté au droit de l'intéressée au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée aux buts en vue desquels elles ont été prises et n'ont donc pas méconnu les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales. Ces décisions ne sont pas davantage entachées d'erreur manifeste dans l'appréciation de leurs conséquences sur la situation personnelle de MmeB....

17. En cinquième lieu, aux termes de l'article 3 de la convention internationale des droits de l'enfant : "1. Dans toutes les décisions qui concernent les enfants, qu'elles soient le fait d'institutions publiques ou privées de protection sociale, des tribunaux, des autorités administratives ou des organes législatifs, l'intérêt supérieur de l'enfant doit être une considération primordiale. ".

18. Eu égard à ce qui a été indiqué ci-dessus et à la circonstance qu'en tout état de cause, le refus de séjour en litige n'implique pas de séparation des enfants d'avec aucun de leurs parents dans la mesure où il n'est pas fait état d'obstacle à ce que la cellule familiale puisse se reconstituer en Albanie, pays dont les membres ont tous la nationalité, et eu égard au jeune âge des enfants qui pourront y poursuivre ou y débuter leur scolarité, ce refus n'a pas méconnu l'article 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant.

19. En dernier lieu, il résulte de ce qui précède que Mme B...n'est pas fondée à exciper de l'illégalité du refus de séjour à l'encontre de la mesure d'éloignement, ni de l'illégalité du refus de séjour et de la mesure d'éloignement à l'encontre de la mesure fixant le pays de renvoi.

20. Il résulte de tout ce qui précède que le préfet de la Haute-Garonne est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Toulouse a annulé son arrêté du 9 novembre 2017. Par voie de conséquence, les conclusions de Mme B...aux fins d'injonction et d'astreinte et celles tendant au paiement des frais exposés et non compris dans les dépens doivent être rejetées.

Sur la requête aux fins de sursis à exécution :

21. La cour statuant par le présent arrêt sur les conclusions de la requête du préfet de la Haute-Garonne tendant à l'annulation du jugement attaqué, les conclusions de sa requête tendant à ce qu'il soit sursis à l'exécution de ce jugement deviennent sans objet.

DECIDE :

Article 1er : Il n'y a pas lieu de statuer sur la requête n° 18BX04425 du préfet de la Haute-Garonne.

Article 2 : Le jugement n° 1801101 du 30 novembre 2018 du tribunal administratif de Toulouse est annulé.

Article 3 : La demande présentée par Mme B...devant le tribunal administratif de Toulouse et ses conclusions d'appel sont rejetées.

Article 4 : Le présent arrêt sera notifié au ministre de l'intérieur et à Mme C...A...épouseB.... Copie en sera adressée au préfet de la Haute-Garonne.

Délibéré après l'audience du 12 juin 2019 à laquelle siégeaient :

Mme Marianne Pouget, président,

M. Paul-André Braud, premier-conseiller,

Mme Florence Rey-Gabriac, premier conseiller,

Lu en audience publique, le 2 juillet 2019.

Le rapporteur,

Florence Rey-GabriacLe président,

Marianne Pouget

Le greffier,

Florence Faure

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et à tous huissiers de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.

N° 18BX04425 ; 18BX04426


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Bordeaux
Formation : 1ère chambre
Numéro d'arrêt : 18BX04425-18BX04426
Date de la décision : 02/07/2019
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

135-02-01-02-03-04 Collectivités territoriales. Commune. Organisation de la commune. Organes de la commune. Dispositions relatives aux élus municipaux. Indemnités.


Composition du Tribunal
Président : Mme POUGET M.
Rapporteur ?: Mme Florence REY-GABRIAC
Rapporteur public ?: M. de la TAILLE LOLAINVILLE
Avocat(s) : BARBOT - LAFITTE

Origine de la décision
Date de l'import : 13/08/2019
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.bordeaux;arret;2019-07-02;18bx04425.18bx04426 ?
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