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02/07/2019 | FRANCE | N°18BX04319

France | France, Cour administrative d'appel de Bordeaux, 1ère chambre bis - (formation à 3), 02 juillet 2019, 18BX04319


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme B...A...a demandé au tribunal administratif de Limoges d'annuler, d'une part, l'arrêté du 9 juillet 2018 par lequel le préfet de la Haute-Vienne a ordonné son transfert aux autorités croates pour l'examen de sa demande d'asile et, d'autre part, l'arrêté du même jour prononçant son assignation à résidence pour une durée de quarante-cinq jours dans le département de la Haute-Vienne.

Par un jugement nos 1801071 et 1801072 du 16 juillet 2018, le magistrat désigné par le président du trib

unal administratif de Limoges a rejeté ses demandes.

Procédure devant la cour :

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Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme B...A...a demandé au tribunal administratif de Limoges d'annuler, d'une part, l'arrêté du 9 juillet 2018 par lequel le préfet de la Haute-Vienne a ordonné son transfert aux autorités croates pour l'examen de sa demande d'asile et, d'autre part, l'arrêté du même jour prononçant son assignation à résidence pour une durée de quarante-cinq jours dans le département de la Haute-Vienne.

Par un jugement nos 1801071 et 1801072 du 16 juillet 2018, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Limoges a rejeté ses demandes.

Procédure devant la cour :

Par une requête et des pièces complémentaires, enregistrées les 13 décembre 2018 et 17 janvier 2019, MmeA..., représentée par MeC..., demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du 16 juillet 2018 du magistrat désigné du tribunal administratif de Limoges ;

2°) d'annuler les arrêtés du 9 juillet 2018 par lesquels le préfet de la Haute-Vienne a décidé son transfert aux autorités croates et l'a assignée à résidence ;

3°) d'enjoindre au préfet de la Haute-Vienne de la placer en procédure d'asile dite " normale " ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat le versement d'une somme de 1 500 euros à son conseil sur le fondement des articles 37 de la loi du 10 juillet 1991 et L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- l'arrêté portant transfert aux autorités croates est entaché d'un défaut d'examen particulier de sa situation personnelle et familiale ;

- il méconnaît son droit au respect de sa vie privée et familiale protégé par l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et est entaché d'erreur manifeste d'appréciation ;

- il méconnaît l'article 3 de la convention internationale des droits de l'enfant ;

- l'arrêté portant assignation à résidence est illégal par voie de conséquence de l'illégalité de l'arrêté de transfert.

Par un mémoire et des pièces complémentaires, enregistrés respectivement les 29 et 21 mars 2019, le préfet de la Haute-Vienne conclut au rejet de la requête. Il soutient que les moyens invoqués par Mme A...ne sont pas fondés.

Par une lettre du 20 mars 2019, la cour a invité le préfet de la Haute-Vienne à compléter l'instruction en versant toutes pièces et informations afférentes à l'exécution de l'arrêté de transfert ou de la prolongation du délai d'exécution de ce transfert après la lecture du jugement du tribunal administratif.

En réponse à cette demande, le préfet de la Haute-Vienne a produit des pièces enregistrées au greffe de la cour le 21 mars 2019.

Mme A...a été admise au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 15 novembre 2018.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- la convention internationale des droits de l'enfant ;

- le règlement (CE) n° 1560/2003 de la Commission du 2 septembre 2003 portant modalités d'application du règlement (CE) n° 343/2003 du Conseil établissant les critères et mécanismes de détermination de l'Etat membre responsable de l'examen d'une demande d'asile présentée dans l'un des Etats membres par un ressortissant d'un pays tiers ;

- le règlement d'exécution (UE) n° 118/2014 de la Commission du 30 janvier 2014 modifiant le règlement (CE) n° 1560/2003 portant modalités d'application du règlement (CE) n° 343/2003 du Conseil établissant les critères et mécanismes de détermination de l'État membre responsable de l'examen d'une demande d'asile présentée dans l'un des États membres par un ressortissant d'un pays tiers ;

- le règlement (UE) n° 604/2013 du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013 ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique ;

- le code de justice administrative.

Par décision du 1er septembre 2018, le président de la cour a désigné M. Guillaume de La Taille Lolainville pour exercer temporairement les fonctions de rapporteur public en application des articles R. 222-24 et R. 222-32 du code de justice administrative.

Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Le rapport de Mme Marianne Pouget a été entendu au cours de l'audience publique.

Considérant ce qui suit :

1. Mme B...A..., ressortissante albanaise née le 19 novembre 1992, est entrée dans l'espace Schengen via la Croatie le 21 mars 2018 et en France le 28 mars 2018 selon ses déclarations. Le 10 avril 2018, elle a sollicité le bénéfice de l'asile à la préfecture de la Haute-Vienne. Le 12 avril 2018, le préfet a adressé aux autorités croates une demande de prise en charge de l'intéressée sur le fondement de l'article 14.1 du règlement (UE) n°604/2013 du 26 juin 2013, que ces dernières ont acceptées le 8 juin 2018. Par deux arrêtés du 9 juillet 2018, le préfet de la Haute-Vienne, d'une part, a prononcé le transfert de Mme A...aux autorités croates en vue de l'examen de sa demande d'asile et, d'autre part, l'a assignée à résidence. Mme A...relève appel du jugement du 16 juillet 2018 par lequel le magistrat désigné du tribunal administratif de Limoges a rejeté sa demande tendant à l'annulation de ces arrêtés.

Sur les conclusions à fin d'annulation :

2. En premier lieu, il ressort des termes mêmes de la motivation de l'arrêté en litige que le préfet de la Haute-Vienne a procédé à un examen particulier et attentif de la situation personnelle et familiale de MmeA..., et notamment qu'il a examiné la possibilité de mettre en oeuvre la clause discrétionnaire de l'article 17 règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013 avant d'ordonner son transfert aux autorités croates. Si Mme A...soutient que le préfet n'a tenu compte ni de l'état de santé de son compagnon, qui serait atteint de tuberculose, ni de celui de sa fille, Ailah, qui a été opérée d'un cancer en Allemagne en 2016, il ne ressort d'aucune pièce du dossier, notamment pas de la fiche d'entretien individuel du 9 juillet 2018, qu'elle aurait porté de telles informations à la connaissance de l'autorité préfectorale. Dans ces conditions, le moyen tiré de ce que ledit arrêté serait entaché d'un défaut d'examen particulier de sa situation personnelle et familiale doit être écarté.

3. En deuxième lieu, aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance ".

4. Il ressort des pièces du dossier que Mme A...est entrée récemment en France, accompagnée de son époux, de même nationalité, qui fait également l'objet d'un arrêté de transfert en Croatie, et de leurs trois enfants mineurs. Mme A...soutient que le préfet de la Haute-Vienne a porté une atteinte disproportionnée à son droit au respect de sa vie privée et familiale dès lors que l'un de ses enfants nécessite d'être suivi et surveillé médicalement, que son conjoint doit bénéficier d'un dépistage en raison d'une suspicion de tuberculose et qu'elle-même doit bénéficier d'un suivi médical. Toutefois, la requérante n'apporte aucun élément au soutien des allégations selon lesquelles son conjoint et elle-même seraient atteints de pathologies nécessitant un suivi médical. Il n'est établi par aucune pièce médicale que leur état de santé ne leur permettrait pas de voyager en direction de la Croatie ni que leurs pathologies, à les supposer même avérées, ne pourraient pas être prises en charge de manière appropriée dans cet Etat. Par ailleurs, les pièces qu'elle produit en appel ne suffisent pas à démontrer que sa fille Ailah serait dans l'incapacité de voyager sans risque à destination de la Croatie ni qu'elle ne pourrait bénéficier d'un traitement approprié à son état de santé dans ce pays. Pour l'ensemble de ces motifs, le moyen tiré de la méconnaissance des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales doit être écarté. Pour les mêmes motifs, le moyen tiré de l'erreur manifeste d'appréciation ne peut qu'être écarté.

5. En troisième lieu, aux termes du paragraphe 1 de l'article 3 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant du 26 janvier 1990 : " Dans toutes les décisions qui concernent les enfants, qu'elles soient le fait des institutions publiques ou privées de protection sociale, des tribunaux, des autorités administratives ou des organes législatifs, l'intérêt supérieur de l'enfant doit être une considération primordiale. ". Il résulte de ces stipulations, qui peuvent être utilement invoquées à l'appui d'un recours pour excès de pouvoir, que, dans l'exercice de son pouvoir d'appréciation, l'autorité administrative doit accorder une attention primordiale à l'intérêt supérieur des enfants dans toutes les décisions les concernant.

6. Si Mme A...soutient que l'état de santé de sa fille Ailah nécessite des soins en France, le compte-rendu de consultation du 30 août 2018 et le certificat médical et 21 septembre 2018 versés au dossier ne suffisent pas à démontrer, ainsi qu'il a été dit précédemment, que sa fille serait dans l'incapacité de voyager sans risque à destination de la Croatie ni qu'elle ne pourrait bénéficier d'un traitement approprié à son état de santé dans ce pays. Par suite, le moyen tiré de la méconnaissance de l'article 3 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant doit être écarté.

7. En dernier lieu, il résulte de ce qui précède que la mesure d'assignation à résidence n'est pas dépourvue de base légale en raison de l'illégalité de la mesure de transfert qui la fonde.

8. Il résulte de tout ce qui précède que Mme A...n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Limoges a rejeté ses demandes. Par voie de conséquence, ses conclusions à fin d'injonction et celles présentées au titre des articles L .761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991 doivent également être rejetées.

DECIDE :

Article 1er : La requête de Mme A...est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à Mme B...A...et au ministre de l'intérieur.

Copie en sera adressée au préfet de la Haute-Vienne.

Délibéré après l'audience du 12 juin 2019 à laquelle siégeaient :

Mme Marianne Pouget, président- assesseur,

M. Paul-André Braud, premier-conseiller,

Mme Florence Rey-Gabriac, premier-conseiller

Lu en audience publique, le 2 juillet 2019

Le premier-conseiller,

Paul-André BraudLe président-rapporteur,

Marianne Pouget

Le greffier,

Florence Faure

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun, contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.

5

N° 18BX04319


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Bordeaux
Formation : 1ère chambre bis - (formation à 3)
Numéro d'arrêt : 18BX04319
Date de la décision : 02/07/2019
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

335-03 Étrangers. Obligation de quitter le territoire français (OQTF) et reconduite à la frontière.


Composition du Tribunal
Président : Mme POUGET M.
Rapporteur ?: Mme Marianne POUGET M.
Rapporteur public ?: M. de la TAILLE LOLAINVILLE
Avocat(s) : KARAKUS

Origine de la décision
Date de l'import : 06/07/2019
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.bordeaux;arret;2019-07-02;18bx04319 ?
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