La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

25/06/2019 | FRANCE | N°17BX02960

France | France, Cour administrative d'appel de Bordeaux, 5ème chambre - formation à 3, 25 juin 2019, 17BX02960


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Par deux demandes enregistrées sous les n° 1601917 et 1601918 le 2 mai 2016, la société Cypria Finance a demandé au tribunal administratif de Bordeaux d'annuler l'arrêté du 1er décembre 2015 par lequel le maire de la commune de Pessac a refusé de lui délivrer le permis de construire qu'elle avait sollicité en vue de la réalisation d'un ensemble de 19 logements et la décision implicite par laquelle le préfet de la Gironde a refusé de déférer l'arrêté attaqué ainsi que la décision implicite par l

aquelle le maire a rejeté son recours gracieux.

Par un jugement n° 1601917-1601918...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Par deux demandes enregistrées sous les n° 1601917 et 1601918 le 2 mai 2016, la société Cypria Finance a demandé au tribunal administratif de Bordeaux d'annuler l'arrêté du 1er décembre 2015 par lequel le maire de la commune de Pessac a refusé de lui délivrer le permis de construire qu'elle avait sollicité en vue de la réalisation d'un ensemble de 19 logements et la décision implicite par laquelle le préfet de la Gironde a refusé de déférer l'arrêté attaqué ainsi que la décision implicite par laquelle le maire a rejeté son recours gracieux.

Par un jugement n° 1601917-1601918 du 7 juillet 2017, le tribunal administratif de Bordeaux a annulé l'arrêté du 1er décembre 2015 précité ainsi que la décision implicite rejetant le recours gracieux de la société Cypria Finance et a rejeté le surplus des conclusions des demandes.

Procédure devant la cour :

Par une requête et un mémoire, enregistrés le 30 août 2017 et le 30 octobre 2018, la commune de Pessac, représentée par son maire en exercice et par MeB..., demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Bordeaux du 7 juillet 2017 ;

2°) de rejeter la requête de la société Cypria Finance ;

3°) de mettre à la charge de la société Cypria Finance la somme de 1 500 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- elle sollicite une substitution de motifs : initialement pour refuser le permis de construire en litige le maire s'est fondé sur le fait que la hauteur de façade du projet méconnaissait les exigences de l'article 10 de la zone Upc du règlement du PLU ; elle souhaite y substituer le motif suivant : le projet ne respecte pas le gabarit enveloppe prévu au point A2 de l'article 10 du règlement de la zone Upc du PLU schéma 10/3 ; en effet le plan de coupe DD fait apparaître le gabarit enveloppe tracé or il apparait que la lucarne dépasse très largement ce gabarit tracé ;

- le projet ne respecte pas l'article 11 du PLU dès lors que prévoyant des bâtiments collectifs de deux étages, il ne s'insère pas dans son environnement constitué de maisons individuelles d'un étage ; son style architectural n'est pas davantage cohérent avec les habitations environnantes ; son importance et son implantation à seulement 1 mètre de la voie publique le rend particulièrement visible.

Par un mémoire en défense, enregistré le 3 août 2018, la société Cypria Finance, représentée par MeC..., conclut au rejet de la requête, à la confirmation du jugement attaqué, aux fins que la cour enjoigne à la commune de Pessac de lui délivrer un permis de construire dans un délai de deux mois à compter de l'arrêt à intervenir, sous astreinte de 500 euros par jour de retard, et à la condamnation de la commune de Pessac à lui verser la somme de 3 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- la requête de la commune est irrecevable à défaut de comporter les moyens d'appel ;

- la commune a eu un comportement déloyal à son endroit en refusant à nouveau à la suite du jugement du tribunal de lui délivrer le permis de construire sollicité ;

- le projet ne méconnait pas le point A2 de l'article 10 du règlement de la zone Upc du PLU : en effet, le mur auquel la commune fait référence étant un mur pignon, les dispositions relatives au gabarit enveloppe précitées ne lui sont pas applicables ; en conséquence, la demande de substitution de motif présentée par la commune de Pessac ne pourra qu'être rejetée ;

- le projet s'insère dans son environnement et ne méconnait donc pas l'article 11 du plan local d'urbanisme.

Par une ordonnance du 28 août 2018, la clôture d'instruction a été fixée, au 10 décembre 2018 à 12h00.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code de l'environnement ;

- le code de l'urbanisme ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Caroline Gaillard,

- les conclusions de M. Guillaume de La Taille Lolainville, rapporteur public,

- et les observations de MeD..., représentant la commune de Pessac, et de Me A..., représentant la société Cypria Finance.

Considérant ce qui suit :

1. A la suite de deux refus de permis de construire, opposés les 9 avril 2013 et 16 septembre 2014, la société Cypria finance a déposé, le 9 juin 2015, une nouvelle demande de permis de construire pour la réalisation d'un ensemble de 19 logements sur le territoire de la commune de Pessac. Elle a demandé au tribunal administratif de Bordeaux l'annulation de l'arrêté du 1er décembre 2015 par lequel le maire de Pessac a refusé de lui délivrer le permis sollicité ainsi que l'annulation de la décision implicite par laquelle le maire de Pessac a rejeté son recours gracieux et de la décision implicite par laquelle le préfet de la Gironde a refusé de déférer l'acte attaqué.

2. Par un jugement du 7 juillet 2017, le tribunal a annulé l'arrêté du 1er décembre 2015 précité ainsi que le rejet du recours gracieux présenté par la société Cypria Finance et a rejeté les conclusions de la société dirigées contre le refus du préfet de déférer l'acte contesté. La commune de Pessac relève appel de ce jugement et demande le rejet des conclusions de la société Cypria Finance dirigées contre le refus de permis de construire qui lui a été opposé. Elle doit être regardée comme faisant appel du jugement uniquement en tant qu'il fait droit à certaines des conclusions de la société Cypria Finance. Cette dernière sollicite la confirmation du jugement attaqué et à ce qu'il soit enjoint à la commune de Pessac de lui délivrer le permis de construire sollicité.

Sur la fin de non-recevoir opposée par la société Cypria Finances :

3. Contrairement à ce que soutient la société Cypria Finances, la requête d'appel présentée par la commune de Pessac dès lors qu'elle comporte notamment une demande de substitution de motif, contient des moyens d'appel. Par suite elle est suffisamment motivée au sens de l'article R. 411-1 du code de justice administrative.

Sur le bien-fondé du jugement attaqué :

4. En premier lieu, pour contester l'arrêté du 1er décembre 2015 par lequel le maire de la commune de Pessac lui a refusé le permis de construire sollicité, la société Cyprien Finance soutenait que contrairement au premier motif retenu par l'arrêté, la hauteur des façades ne méconnaissait pas l'article 10 du plan local d'urbanisme.

5. A cet égard les premiers juges ont indiqué que le projet, en intégrant les lucarnes dans le calcul de la hauteur de façades, lesquelles se situent au-dessus de la ligne d'égout des toits, le maire de Pessac a commis une erreur de droit au regard des dispositions de l'article 10 du plan local d'urbanisme dès lors que pour les toitures à deux pentes comme celles du projet en litige, la hauteur H à prendre en compte pour calculer les distances L1 et L2 est la hauteur HF des façades les plus proches des limites concernées et que cette hauteur de façade doit être mesurée dans ce cas à la corniche ou à la ligne d'égout du toit en pente. Le tribunal a également censuré un second motif de l'arrêté relatif au traitement des eaux pluviales en considérant que le maire ne pouvait se borner à considérer que " les éléments d'informations fournis ne permettent pas de vérifier le traitement des eaux pluviales " pour fonder l'arrêté attaqué.

6. Sur ces motifs, la commune ne critique pas en appel le raisonnement par lequel le tribunal a censuré l'acte contesté.

7. En deuxième lieu, aux termes de l'article 11 des règles du plan local d'urbanisme communes à toutes les zones : " La situation des constructions, leur architecture, leurs dimensions et leur aspect extérieur doivent être adaptés au caractère et à l'intérêt des lieux avoisinants, aux sites, aux paysages naturels ou urbains ainsi qu'à la conservation des perspectives monumentales ". Aux termes de l'article 11 du règlement de la zone UP : " A. Constructions nouvelles : Les constructions nouvelles doivent s'intégrer à la séquence de voie dans laquelle elles s'insèrent en tenant compte des caractéristiques des constructions avoisinantes sur les deux rives de la voie et notamment : - de la composition des façades limitrophes, - des rythmes horizontaux (corniches, bandeaux soulignant les niveaux etc.), - de la volumétrie des toitures (...) ". Selon le lexique du règlement du plan local d'urbanisme, une séquence est un " Ensemble composé de plusieurs constructions, situées en façade d'un ou plusieurs îlots contigus ou en vis-à-vis sur une même voie, présentant une unité architecturale et/ou urbaine ".

8. Pour refuser le permis de construire sollicité, le maire s'est fondé sur un troisième motif tiré de ce que le projet, qui porte sur 3 bâtiments de logements collectifs, en R+1 et R+2, " de style architectural inspiré du début du XXe siècle ", ne s'intégrait pas au " tissu pavillonnaire constitué de maisons individuelles de plain-pied ou en R+1 d'architecture traditionnelle typique de la seconde moitié du XXe siècle ". A cet égard et ainsi que l'ont relevé les premiers juges, il ressort toutefois des pièces du dossier que, s'il est constant que le quartier dans lequel s'implante le projet est essentiellement constitué de maisons individuelles d'un étage, le règlement de la zone n'interdit pas l'habitat collectif. Il ressort également de la notice explicative jointe au dossier de demande de permis de construire que les immeubles composant le projet sont prévus sous forme de trois grosses maisons de type arcachonnais très répandu à Pessac, entourées de jardins, de seulement deux étages et dont les toits seront recouverts de tuiles de Marseille et les façades enduites de ton pierre. Il suit de là que le projet ne peut être regardé comme méconnaissant les dispositions de l'article 11 du règlement du plan local d'urbanisme.

9. Toutefois, l'administration peut, en première instance comme en appel, faire valoir devant le juge de l'excès de pouvoir que la décision dont l'annulation est demandée est légalement justifiée par un motif, de droit ou de fait, autre que celui initialement indiqué, mais également fondé sur la situation existant à la date de cette décision. Il appartient alors au juge, après avoir mis à même l'auteur du recours de présenter ses observations sur la substitution ainsi sollicitée, de rechercher si un tel motif est de nature à fonder légalement la décision, puis d'apprécier s'il résulte de l'instruction que l'administration aurait pris la même décision si elle s'était fondée initialement sur ce motif. Dans l'affirmative il peut procéder à la substitution demandée, sous réserve toutefois qu'elle ne prive pas le requérant d'une garantie procédurale liée au motif substitué.

10. Dans sa requête d'appel, la commune de Pessac soutient que, si les motifs indiqués sur la décision n'emportaient pas sa conviction, il y aurait lieu pour la cour de procéder à une substitution de motif, par application de l'article 10 A.2 de la zone UPc du règlement du plan local d'urbanisme imposant dans le secteur une pente de toiture de 45°, alors que les plans annexés à la demande de permis et notamment le plan de coupe DD décrivent des pentes de toiture qui ne respectent pas cette pente.

11. Selon l'article 10 A.2 de la zone UPc du règlement de PLU " Les constructions non attenantes aux limites séparatives, implantées suivant les dispositions Schem. 6et7/3 ; Schem. 6et7/5 ; Schem. 6et7/6 et Schem. 6et7/9 des articles 6 et 7, doivent obligatoirement s'inscrire dans le gabarit enveloppe Schem. 10/3 ". Le schéma explicatif inséré sous l'article en cause mentionne que l'angle de 45° " ne s'applique pas pour les façades pignons ". Selon le lexique du plan local d'urbanisme : " les façades appelées pignons sont celles qui épousent la forme le plus souvent triangulaire d'un comble ".

12. Il ressort des pièces du dossier, ainsi que le fait valoir la commune de Pessac dans ses écritures, que le plan de coupe DD du bâtiment A décrit des pentes de toiture qui ne respectent pas la limite de gabarit posée par l'article 10 A.2 de la zone UPc du règlement du plan local d'urbanisme. Il ressort en outre des pièces du dossier et notamment des plans de façades du bâtiment concerné que la toiture du bâtiment est à quatre pentes d'égale hauteur et que ce bâtiment, dont aucune façade n'épouse la forme d'un comble, ne comporte aucune façade en pignon. L'exception à la règle posée par l'article 10 A.2 de la zone UPc du règlement du PLU invoquée par la société Cypria Finance n'est donc pas applicable en l'espèce.

13. Dans ces conditions, alors que la société Cypria Finance qui a eu communication de la requête et a pu faire valoir ses observations, n'a été privée d'aucune garantie et alors que le maire aurait pris la même décision s'il s'était fondé initialement sur ce motif, il y a lieu de faire droit à la demande de substitution de motifs invoquée par la commune de Pessac.

14. Enfin, alors que la conception même du projet et le parti d'architecture sont remis en cause dès lors que les fenêtres de toit dépassent le gabarit autorisé, la société Cypria Finance n'est pas fondée à soutenir que l'irrégularité constatée ne justifiait pas un refus mais seulement des prescriptions spéciales.

15. Il résulte de tout ce qui précède que la commune de Pessac est fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Bordeaux a annulé l'arrêté du 1er décembre 2015 attaqué portant refus de permis de construire ainsi que la décision portant rejet du recours gracieux de la société .

Sur les conclusions à fin d'injonction à la délivrance d'un permis de construire :

16. Il résulte de ce qui précède que les conclusions présentées par la société Cypria Finance à fin d'injonction ne peuvent qu'être rejetées.

Sur les conclusions tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

17. Ces dispositions font obstacle à ce que soit mise à la charge de la commune de Pessac, qui n'est pas dans la présente instance la partie perdante, la somme que la société Cypria Finance demande au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de la société Cypria Finance une somme au titre des frais exposés par la société Cypria Finance et non compris dans les dépens.

DECIDE :

Article 1er : Les articles 1et 2 du jugement du tribunal administratif de Bordeaux sont annulés.

Article 2 : Les conclusions de la société Cypria Finances à fin d'annulation de l'arrêté du 1er décembre 2015 portant refus de permis de construire et de la décision portant rejet de son recours gracieux sont rejetées.

Article 3 : Les conclusions des parties présentées au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à la commune de Pessac, à la société Cypria Finance et au préfet de la Gironde.

Délibéré après l'audience du 28 mai 2019 à laquelle siégeaient :

Mme Elisabeth Jayat, président,

Mme Florence Madelaigue, premier conseiller,

Mme Caroline Gaillard, premier conseiller,

Lu en audience publique, le 25 juin 2019.

Le rapporteur,

Caroline Gaillard

Le président,

Elisabeth JayatLe greffier,

Florence Deligey

La République mande et ordonne au préfet de la Gironde, en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun, contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.

6

N° 17BX02960


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Bordeaux
Formation : 5ème chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 17BX02960
Date de la décision : 25/06/2019
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

68-03 Urbanisme et aménagement du territoire. Permis de construire.


Composition du Tribunal
Président : Mme JAYAT
Rapporteur ?: Mme Caroline GAILLARD
Rapporteur public ?: M. de la TAILLE LOLAINVILLE
Avocat(s) : ADAMAS - AFFAIRES PUBLIQUES

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2019
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.bordeaux;arret;2019-06-25;17bx02960 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award