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25/06/2019 | FRANCE | N°17BX02156

France | France, Cour administrative d'appel de Bordeaux, 2ème chambre - formation à 3, 25 juin 2019, 17BX02156


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société des Assurances du Crédit Mutuel, a demandé au tribunal administratif de Pau de condamner le centre hospitalier de Bigorre à lui verser, en sa qualité d'assureur du conducteur du véhicule impliqué dans l'accident dont a été victime l'enfant C...G..., une somme provisionnelle de 25 000 euros en réparation des préjudices que lui ont causés les manquements de cet établissement dans la prise en charge de l'enfant.

Par un jugement n° 1501831 du 11 mai 2017, le tribunal administratif de P

au a condamné le centre hospitalier de Bigorre à verser à la société Assurances du ...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société des Assurances du Crédit Mutuel, a demandé au tribunal administratif de Pau de condamner le centre hospitalier de Bigorre à lui verser, en sa qualité d'assureur du conducteur du véhicule impliqué dans l'accident dont a été victime l'enfant C...G..., une somme provisionnelle de 25 000 euros en réparation des préjudices que lui ont causés les manquements de cet établissement dans la prise en charge de l'enfant.

Par un jugement n° 1501831 du 11 mai 2017, le tribunal administratif de Pau a condamné le centre hospitalier de Bigorre à verser à la société Assurances du Crédit Mutuel une somme de 15 100 euros et à verser à la caisse primaire d'assurance maladie des Hautes-Pyrénées et du Gers une somme de 11 667,34 euros.

Procédure devant la cour :

Par une requête et un mémoire, enregistrés le 10 juillet 2017 et le 4 avril 2018, la société des Assurances du Crédit Mutuel (ACM), représentée par MeD..., demande à la cour :

1°) de réformer ce jugement du tribunal administratif de Pau du 11 mai 2017 en tant qu'il n'a pas condamné le centre hospitalier de Bigorre à lui verser une somme provisionnelle de 25 000 euros ;

2°) de mettre à la charge du centre hospitalier de Bigorre une somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- le centre hospitalier a commis des fautes dans sa prise en charge du jeune C...G...consécutive à l'accident dont il a été victime ;

- les sommes qu'elle a versées aux parents de cet enfant à titre provisionnel correspondent au montant d'ores et déjà certain de son préjudice ;

- la CPAM n'a pas sollicité la condamnation du centre hospitalier à son profit et elle a remboursé à la caisse les sommes que celles-ci avaient avancées.

Par des mémoires enregistrés le 13 octobre 2017 et les 17 janvier et 16 février 2018, la caisse primaire d'assurance maladie des Hautes-Pyrénées et du Gers, représentée par MeA..., conclut à la réformation du jugement attaqué en tant qu'il n'a pas limité à la somme de 10 100,46 euros le montant de ses débours et à ce que soient réservés ses droits futurs ainsi que sa demande au titre de l'indemnité forfaitaire de gestion.

Elle soutient que les ACM lui ont versé une somme de 24 321,18 euros dont seulement 14 220,72 euros étaient à sa charge et qu'elle justifie de l'imputabilité du surplus.

Par un mémoire en défense, enregistré le 26 janvier 2018, le centre hospitalier de Bigorre, représenté par MeE..., conclut à l'annulation du jugement attaqué et au rejet des demandes présentées par la société ACM et la CPAM des Hautes-Pyrénées et du Gers, subsidiairement à ce qu'une contre expertise soit ordonnée, à titre infiniment subsidiaire à la limitation du montant de la condamnation prononcée à son encontre à la somme de 1 000 euros, en tout état de cause, à ce qu'une somme de 1 000 euros soit mise à la charge de la société ACM outre les frais d'expertise.

Il soutient qu'il n'a commis aucune faute dans la prise en charge du jeune C...G..., que le rapport d'expertise souffre d'imprécisions, d'approximations et de contradictions, que les indemnités versées par les ACM ne revêtent un caractère indemnitaire et non forfaitaire qu'à concurrence de 10 000 euros et que l'enfant n'a pas subi une perte de chance supérieure à 10%.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code de la santé publique ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M.F...,

- les conclusions de M. Normand, rapporteur public,

- et les observations de MeD..., représentant la société ACM.

Considérant ce qui suit :

1. Le 12 avril 2006, alors qu'il circulait à bord d'un véhicule motorisé,

M. B...a heurté le jeune C...G..., alors âgé de trois ans. Celui-ci a immédiatement été pris en charge par le centre hospitalier de Bigorre où ont été diagnostiqués un traumatisme crânien ainsi qu'une fracture de la diaphyse fémorale droite, traitée par " traction au zénith " des membres inférieurs. L'état de cet enfant a d'abord évolué favorablement mais il a ensuite développé un pied équin avec atrophie des muscles de la cuisse et fixation des orteils en légère flexion, qui n'a pu, chirurgicalement, qu'être partiellement amélioré. L'expert nommé par le juge des référés du tribunal administratif de Pau a remis son rapport le 22 octobre 2014. La société Assurances du Crédit Mutuel (ACM), qui assurait le véhicule responsable de l'accident demande à la cour de réformer le jugement rendu par le tribunal administratif de Pau le 11 mai 2017 en tant qu'il n'a pas condamné le centre hospitalier de Bigorre à lui verser une somme de 25 000 euros. La caisse primaire d'assurance maladie (CPAM) des Hautes-Pyrénées et du Gers demande quant à elle à la cour de réformer ce jugement afin que soit ramené à la somme de 10 100,46 euros le montant des débours au paiement desquels le centre hospitalier a été condamné. Enfin, le centre hospitalier de Bigorre demande, par la voie de l'appel incident, l'annulation du jugement et le rejet des demandes présentées devant le tribunal par la société ACM et par la CPAM des Hautes-Pyrénées et du Gers.

Sur la responsabilité du centre hospitalier :

2. Aux termes de l'article L. 1142-1 du code de la santé publique dans sa rédaction issue de la loi du 4 mars 2002 : " I. -Hors le cas où leur responsabilité est encourue en raison d'un défaut d'un produit de santé, les professionnels de santé mentionnés à la quatrième partie du présent code, ainsi que tout établissement, service ou organisme dans lesquels sont réalisés des actes individuels de prévention, de diagnostic ou de soins ne sont responsables des conséquences dommageables d'actes de prévention, de diagnostic ou de soins qu'en cas de faute. ".

3. D'une part, il résulte de l'instruction, notamment du rapport d'expertise judiciaire, que les médecins consultés ont émis plusieurs hypothèses permettant d'expliquer l'apparition du pied équin dont souffre le jeune C...G.... Ont ainsi été évoqués, en novembre 2006, une fracture de la cheville passée inaperçue, une lésion du nerf sciatique poplité externe et une algodystrophie liée à un retard du développement psychomoteur puis, en janvier 2008 un syndrome des loges et une monoplégie d'origine centrale. Les examens pratiqués n'ont toutefois permis de confirmer aucun de ces diagnostics et il ressort du compte-rendu de consultation établi le 30 avril 2008 par un chirurgien orthopédique exerçant au sein du centre hospitalier universitaire de Toulouse, le professeur Cahuzac, que ce pied équin demeure " A...explication réelle ". L'expert judicaire a néanmoins estimé que " l'hypothèse du syndrome des loges parait la plus vraisemblable car durant toute son hospitalisation, C...a été agité, agacé et douloureux, son état nécessitant des antalgiques, son pied étant oedématié et froid alors qu'habituellement, après une traction au zénith bien installée, l'enfant est très rapidement calmé et non douloureux avec un pied certes oedématié mais chaud ". Il en déduit que la survenue du syndrome des loges est due à un pansement probablement trop serré.

4. Toutefois, l'expert n'a pu expliquer pourquoi un pied équin n'est apparu que sur la jambe droite alors qu'une " traction au zénith " a été exercée sur ses deux membres inférieurs, a reconnu que l'apparition d'un syndrome des loges à la suite d'une traction au zénith était exceptionnelle et que la réfection fréquente de la traction " n'est pas obligatoirement responsable du syndrome des loges ". En outre, le centre hospitalier soutient, A...être contredit, qu'il n'existe aucune publication en français reliant le traitement d'une fracture infantile de l'humérus par traction au zénith et l'apparition du syndrome des loges, que la publication citée par l'expert date de l'année 1983 et insiste sur le caractère particulièrement exceptionnel d'une telle complication, enfin, que l'hypothèse d'une fibrose progressive liée au traumatisme initial n'a pas été examinée alors que les premiers troubles ne sont apparus que sept mois après la fin de l'hospitalisation. Il s'ensuit que le diagnostic de syndrome des loges retenu par l'expert, fondé sur des conjectures mais qui n'est pas corroboré par des éléments factuels, présente un caractère seulement hypothétique.

5. D'autre part, si la société appelante se prévaut à l'encontre du centre hospitalier, d'une faute médicale à raison de la mauvaise mise en place des bandages, d'un défaut de diagnostic dès lors qu'un syndrome des loges n'a pas été évoqué et d'un défaut d'organisation du service " qui ne paraissait pas rompu à ce type de pathologie ", il résulte de ce qui a été dit aux points précédents, d'une part, que les premiers troubles ne sont survenus que 7 mois après la fin de l'hospitalisation, que l'existence d'un syndrome des loges n'a été évoqué, pour la première fois parmi d'autres diagnostics possibles, qu'un an plus tard et qu'en tout état de cause, ce diagnostic demeure purement hypothétique. D'autre part, il résulte également de l'instruction que la réfection de la traction au zénith à huit et non treize reprises, à la supposer fautive et à supposer l'existence d'un syndrome des loges établi, ne présente pas de lien de causalité direct et certain avec la survenue de ce syndrome des loges dès lors que celui-ci serait dû, le cas échéant, à un bandage trop serré. Enfin, l'existence d'un défaut d'organisation du service n'est fondé que sur l'appréciation du père de l'enfant qui " estime que le service de pédiatrie n'était pas adapté à ce type de pathologie et que le personnel apparaissait un peu dépassé par les évènements " alors pourtant que, selon l'expert, la fracture dont était atteint le jeune C...a été immédiatement diagnostiquée et traitée " selon les recommandations ", par traction au zénith.

6. Il résulte de ce qui précède que le centre hospitalier de Bigorre est fondé à soutenir que c'est à tort que les premiers juges ont considéré qu'il avait commis des fautes en lien de causalité direct et certain avec la pathologie dont souffre le jeune C...G.... Par suite, il est fondé à demander l'annulation du jugement attaqué du 11 mai 2017 et le rejet des demandes présentées devant le tribunal administratif de Pau par la société ACM et par la CPAM des Hautes-Pyrénées et du Gers.

Sur les dépens :

7. Il y a lieu de mettre les frais de l'expertise taxés et liquidés par une ordonnance du président du tribunal administratif de Pau du 31 décembre 2014 à la somme de 1 800 euros, à la charge définitive de la société ACM.

Sur les conclusions tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

8. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge du centre hospitalier de Bigorre, qui n'est pas partie perdante à l'instance, la somme que réclame la société ACM au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens. En revanche, il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce de mettre à la charge de la société ACM la somme de 1 000 euros que demande le centre hospitalier de Bigorre au même titre.

DÉCIDE :

Article 1er : Le jugement du tribunal administratif de Pau du 11 mai 2017 est annulé.

Article 2 : Les demandes présentées devant le tribunal administratif de Pau par la société ACM et par la CPAM des Hautes-Pyrénées et du Gers ainsi que leurs conclusions présentées devant la cour sont rejetées.

Article 3 : Les frais d'expertise, tels que taxés et liquidés à la somme de 1 800 euros, sont mis à la charge définitive de la société ACM.

Article 4 : la société ACM versera au centre hospitalier de Bigorre une somme de 1 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à la société Assurances du Crédit Mutuel, au centre hospitalier de Bigorre et à la caisse primaire d'assurance maladie des Hautes-Pyrénées et du Gers, et à la caisse primaire d'assurance maladie du Tarn et de l'Aveyron.

Délibéré après l'audience du 14 mai 2019 à laquelle siégeaient :

M. Didier Salvi, président,

M. Manuel Bourgeois, premier conseiller,

Mme Aurélie Chauvin, premier conseiller.

Lu en audience publique, le 25 juin 2019.

Le rapporteur,

Manuel F...

Le président,

Didier SalviLe greffier,

Vanessa Beuzelin

La République mande et ordonne au ministre des solidarités et de la santé en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.

2

N° 17BX02156


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Bordeaux
Formation : 2ème chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 17BX02156
Date de la décision : 25/06/2019
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

60-02-01-01-02 Responsabilité de la puissance publique. Responsabilité en raison des différentes activités des services publics. Service public de santé. Établissements publics d'hospitalisation. Responsabilité pour faute médicale : actes médicaux.


Composition du Tribunal
Président : M. SALVI
Rapporteur ?: M. Manuel BOURGEOIS
Rapporteur public ?: Mme LADOIRE
Avocat(s) : SANS

Origine de la décision
Date de l'import : 06/07/2019
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.bordeaux;arret;2019-06-25;17bx02156 ?
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