Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. H...D...a demandé au tribunal administratif de Bordeaux de condamner l'Office national d'indemnisation des accidents médicaux, des affections iatrogènes et des infections nosocomiales à lui verser une indemnité d'un montant de 155 985,07 euros en réparation des préjudices résultant de l'aléa thérapeutique qu'il a subi à la suite de l'intervention chirurgicale réalisée le 14 octobre 2011 au centre hospitalier universitaire (CHU) de Bordeaux et de condamner le CHU de Bordeaux à lui verser une indemnité d'un montant de 10 000 euros en réparation du préjudice moral résultant du manquement à l'obligation d'information sur les risques spécifiques que comportait l'intervention chirurgicale du 14 octobre 2011.
Par un jugement n° 1504066 du 2 mai 2017, le tribunal administratif de Bordeaux a condamné le CHU de Bordeaux à verser à M. D...une indemnité d'un montant
de 5 000 euros, majorée des intérêts au taux légal à compter du 23 mai 2015.
Procédure devant la cour :
Par une requête, enregistrée le 30 juin 2017, M. H...D..., représenté par
MeI..., demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Bordeaux du 2 mai 2017 en tant qu'il a rejeté ses conclusions indemnitaires dirigées contre l'Office national des accidents médicaux, des affections iatrogènes et des infections nosocomiales (ONIAM) ;
2°) de condamner l'ONIAM à lui verser une indemnité d'un montant
de 155 985,07 euros, majorée des intérêts au taux légal à compter du 22 mai 2015 ;
3°) de mettre à la charge de l'ONIAM le paiement de la somme de 2 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il soutient que l'intervention chirurgicale réalisée le 14 octobre 2011 a eu pour lui des conséquences anormales au regard de son état de santé comme de l'évolution prévisible de celui-ci alors que cette intervention ne présentait pas un caractère d'urgence et qu'il n'était pas particulièrement exposé aux complications survenues de section du nerf spinal et de plaies de la jugulaire, de sorte que le risque de survenue de ces complications relevait d'une probabilité faible.
Par un mémoire en défense, enregistré le 28 juillet 2017, l'ONIAM, représenté
par MeC..., conclut au rejet de la requête, subsidiairement à ce que l'indemnité au paiement de laquelle il serait condamné soit limitée à la somme globale de 48 456,25 euros, sous déduction des indemnités versées par tout organisme social ou tiers débiteur.
Il soutient que les conditions de la réparation au titre de la solidarité nationale ne sont pas remplies.
Par un mémoire en défense, enregistré le 25 avril 2018, le centre hospitalier universitaire de Bordeaux, représenté par MeF..., conclut à ce qu'il soit mis hors de
cause d'appel.
Il soutient qu'aucune demande en cause d'appel n'est dirigée à son encontre.
Par ordonnance du 26 juillet 2018, la clôture de l'instruction a été fixée au 10 septembre 2018.
Par un mémoire, enregistré le 16 avril 2019, la caisse primaire d'assurance maladie de la Gironde conclut à ce qu'il soit pris acte qu'elle n'a pas de créance à faire valoir.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code de la santé publique ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M.B...,
- les conclusions de M. Normand, rapporteur public,
- et les observations de MeA..., représentant M.D..., de MeG..., représentant l'ONIAM et de MeE..., représentant le CHU de Bordeaux.
Considérant ce qui suit :
1. M.D..., alors âgé de 20 ans, a subi, le 4 août 1997, au centre hospitalier universitaire (CHU) de Bordeaux une thyroïdectomie totale avec curage jugulo-carotidien et spinal bilatéral pour traiter un carcinome papillaire de la thyroïde. Le 21 août 1998, un curage médiastinal antéro-supérieur par sternotomie médiane partielle a été réalisé au sein du même établissement. Le patient a également bénéficié de quatre cures d'iode 131. En juillet 2011, des examens de contrôle ont montré une nouvelle atteinte ganglionnaire au niveau jugulo-carotidien haut gauche présentant un caractère métastasique. Une reprise chirurgicale, effectuée au CHU le 14 octobre 2011, n'a pas permis de retirer les ganglions atteints mais a été marquée par une section du nerf spinal et deux plaies de la jugulaire, à l'origine d'une paralysie du nerf spinal avec troubles de la mobilité de l'épaule gauche, des douleurs neuropathiques, un affaissement de la paupière et une modification de la voix. M D...a ensuite été pris en charge par l'Institut Bergonié, établissement de santé privé, où il a subi, le 26 septembre 2012, une nouvelle intervention chirurgicale qui a permis l'ablation des ganglions infectés.
2. Saisi par M. D..., le juge des référés du tribunal administratif de Bordeaux a ordonné, le 3 octobre 2013, une expertise. Le professeur d'oto-rhino-laryngologie et de chirurgie cervico-faciale désigné en qualité d'expert a rendu, le 8 avril 2014, son rapport en conclusion duquel il retient que les complications survenues au décours de l'intervention du 14 octobre 2011 constituent un aléa thérapeutique. Par jugement du 2 mai 2017, le tribunal administratif de Bordeaux a, après avoir rejeté la demande indemnitaire de M. D...dirigée contre l'Office national des accidents médicaux, des affections iatrogènes et des infections nosocomiales (ONIAM), condamné le CHU de Bordeaux à lui verser une indemnité d'un montant
de 5 000 euros en réparation de son préjudice moral résultant d'un défaut
d'information. M. D...relève appel de ce jugement en tant qu'il n'a pas fait droit à sa demande indemnitaire présentée à l'encontre de l'ONIAM.
Sur le droit à réparation au titre de la solidarité nationale :
3. Aux termes de l'article L. 1142-1 du code de la santé publique : " (...) II. Lorsque la responsabilité d'un professionnel, d'un établissement, service ou organisme mentionné au I ou d'un producteur de produits n'est pas engagée, un accident médical, une affection iatrogène ou une infection nosocomiale ouvre droit à la réparation des préjudices du patient, et, en cas de décès, de ses ayants droit au titre de la solidarité nationale, lorsqu'ils sont directement imputables à des actes de prévention, de diagnostic ou de soins et qu'ils ont eu pour le patient des conséquences anormales au regard de son état de santé comme de l'évolution prévisible de celui-ci et présentent un caractère de gravité, fixé par décret, apprécié au regard de la perte de capacités fonctionnelles et des conséquences sur la vie privée et professionnelle mesurées en tenant notamment compte du taux d'atteinte permanente à l'intégrité physique ou psychique, de la durée de l'arrêt temporaire des activités professionnelles ou de celle du déficit fonctionnel temporaire.(...) ". L'article D. 1142-1 du même code définit le seuil de gravité prévu par ces dispositions législatives.
4. Il résulte de ces dispositions que l'ONIAM doit assurer, au titre de la solidarité nationale, la réparation de dommages résultant directement d'actes de prévention, de diagnostic ou de soins à la condition qu'ils présentent un caractère d'anormalité au regard de l'état de santé du patient comme de l'évolution prévisible de cet état et que leur gravité excède le seuil défini à l'article D. 1142-1 du code de la santé publique.
5. La condition d'anormalité du dommage prévue par ces dispositions doit toujours être regardée comme remplie lorsque l'acte médical a entraîné des conséquences notablement plus graves que celles auxquelles le patient était exposé de manière suffisamment probable en l'absence de traitement. Lorsque les conséquences de l'acte médical ne sont pas notablement plus graves que celles auxquelles le patient était exposé par sa pathologie en l'absence de traitement, elles ne peuvent être regardées comme anormales sauf si, dans les conditions où l'acte a été accompli, la survenance du dommage présentait une probabilité faible. Ainsi, elles ne peuvent être regardées comme anormales au regard de l'état du patient lorsque la gravité de cet état a conduit à pratiquer un acte comportant des risques élevés dont la réalisation est à l'origine du dommage.
6. D'une part, il résulte de l'instruction, et notamment du rapport d'expertise judiciaire, que l'intervention chirurgicale du 14 octobre 2011 a été réalisée en raison du caractère métastasique de la formation ganglionnaire mise à jour à compter du mois de juillet 2011 et authentifiée par un taux très élevé de thyroglobuline et les résultats de la cytologie ganglionnaire. Si cette intervention a échoué, elle était néanmoins inévitable compte tenu de l'existence d'une métastase ganglionnaire du carcinome papillaire de la thyroïde, d'ailleurs confirmée par la reprise chirurgicale du 26 septembre 2012 et les analyses anatomopathologiques
du 28 septembre suivant. Dans ces conditions, les conséquences de l'intervention
du 14 octobre 2011 telles qu'elles sont décrites au point 1 ci-dessus ne peuvent être regardées comme notablement plus graves que celles auxquelles M. D...était exposé par ce ganglion métastasique en l'absence de traitement de ce dernier.
7. D'autre part, il résulte de l'instruction, et notamment du rapport d'expertise, que, du fait de sa pathologie et de ses antécédents chirurgicaux ayant entraîné des remaniements importants à type de fibrose, M. D...était particulièrement exposé aux complications survenues de plaies de la jugulaire et de section du nerf spinal, lequel était englobé de part et d'autre par des formations ganglionnaires ainsi qu'il ressort du compte-rendu de l'intervention. Par suite, et ainsi que l'ont retenu les premiers juges, alors même que l'expert a indiqué ne pas être en mesure d'estimer précisément le taux de risque de survenue de ces complications, le dommage que M. D...a subi ne peut être regardé, en l'espèce, comme résultant de la réalisation d'un risque présentant une probabilité faible. À cet égard, la circonstance que l'intervention de reprise du 26 septembre 2012 n'ait pas causé à l'appelant de nouvelle complication dommageable ne peut suffire à établir le caractère faible de cette probabilité.
8. Il résulte de tout ce qui précède que la condition d'anormalité à laquelle les dispositions précitées du II de l'article L. 1142-1 du code de la santé subordonnent la prise en charge par l'ONIAM au titre de la solidarité nationale, n'est pas remplie. Par suite,
M. D...n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué,
le tribunal administratif de Bordeaux a rejeté sa demande dirigée contre l'ONIAM.
Sur les conclusions tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :
9. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de l'ONIAM, qui n'est pas partie perdante à l'instance, la somme que demande M. D...au titre des frais exposés par lui et non compris dans les dépens.
DÉCIDE :
Article 1er : La requête est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. H...D..., au centre hospitalier universitaire de Bordeaux, à l'Office national des accidents médicaux, des affections iatrogènes et
des infections nosocomiales, et à la caisse primaire d'assurance maladie de la Gironde.
Délibéré après l'audience du 14 mai 2019 à laquelle siégeaient :
M. Éric Rey-Bèthbéder, président,
M. Didier Salvi, président-assesseur,
M. Manuel Bourgeois, premier conseiller.
Lu en audience publique, le 25 juin 2019.
Le rapporteur,
Didier B...
Le président,
Éric Rey-BèthbéderLe greffier,
Vanessa Beuzelin
La République mande et ordonne au ministre des solidarités et de la santé en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.
2
N° 17BX02038