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24/06/2019 | FRANCE | N°17BX01828,17BX03047

France | France, Cour administrative d'appel de Bordeaux, 6ème chambre - formation à 3, 24 juin 2019, 17BX01828,17BX03047


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La Société Espace Loisir a demandé au tribunal administratif de Poitiers, d'une part, d'annuler la décision du 1er décembre 2014 par laquelle le président du conseil départemental de la Charente-Maritime a refusé de lui verser la somme de 40 000 euros correspondant au solde de l'aide qui lui avait été attribuée au titre du " Fonds d'urgence tempête Xynthia " et, d'autre part, d'enjoindre au président du conseil départemental de la Charente-Maritime de lui verser ce solde.

Par un jugement n° 15

01095 du 12 avril 2017, le tribunal administratif de Poitiers a annulé la décision ...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La Société Espace Loisir a demandé au tribunal administratif de Poitiers, d'une part, d'annuler la décision du 1er décembre 2014 par laquelle le président du conseil départemental de la Charente-Maritime a refusé de lui verser la somme de 40 000 euros correspondant au solde de l'aide qui lui avait été attribuée au titre du " Fonds d'urgence tempête Xynthia " et, d'autre part, d'enjoindre au président du conseil départemental de la Charente-Maritime de lui verser ce solde.

Par un jugement n° 1501095 du 12 avril 2017, le tribunal administratif de Poitiers a annulé la décision du 1er décembre 2014 susmentionnée et enjoint au département de la Charente-Maritime de verser à la société Espace Loisir la somme de 40 000 euros, dans le délai de deux mois à compter de la notification de ce jugement.

Procédures devant la cour :

I. Par une requête enregistrée les 9 juin 2017 sous le n° 17BX01728, le département de la Charente-Maritime, représenté par MeB..., demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement n° 1501095 du 12 avril 2017 du tribunal administratif de Poitiers ;

2°) de rejeter la demande présentée par la société Espace Loisir devant le tribunal administratif de Poitiers ;

3°) de mettre à la charge de la Société Espace Loisir la somme de 3 000 euros sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

- à titre liminaire, le Fonds d'intervention d'urgence créé le 5 mars 2010 avait pour objet de permettre le redémarrage de l'activité des entreprises qui ont été le plus touchées et qui n'ont plus les capacités financières pour assurer leur survie, l'aide étant obligatoirement conditionnée à la reprise ou à la poursuite d'activité de l'entreprise ;

- dès lors que la délibération du 5 mars 2010 dont la décision litigieuse a fait application mentionnait que le Fonds d'intervention d'urgence avait pour objet de redémarrer l'activité sinistrée par la tempête à l'exclusion de toute autre activité, c'est à tort que le tribunal a considéré que le département avait entendu subordonner le versement de l'aide d'urgence uniquement à la preuve de la reprise d'une activité, étant précisé que si M. A...avait un projet de location de véhicule, celui-ci ne correspondait pas à une activité réelle ;

- alors que la société Espace Loisir ne remplissait pas toutes les conditions requises afin de dynamiser le secteur du tourisme dans le département de la Charente-Maritime, son dossier de demande d'attribution de la subvention a néanmoins été retenu sous réserve que ladite activité soit créée en Charente-Maritime et qu'il soit démontré un redémarrage effectif de celle-ci ;

- or les charges inscrites dans les bilans afférents aux années 2012 et 2013 produits par la société Espace Loisir démontrent que la subvention de 40 000,00 euros a été utilisée à régler des honoraires d'avocat à hauteur de 10 500,00 euros, des déplacements à hauteur de 3 685,00 euros et les appointements de M. A...à hauteur de 18 000,00 euros, ce qui ne peut correspondre à un redémarrage effectif d'une activité mais plus vraisemblablement à la gestion du sinistre de l'ancienne activité de camping, de sorte que la société ne remplissait pas les conditions requises pour obtenir le versement de la seconde part de la subvention ;

- enfin, la société Espace Loisir a changé son siège social en décembre 2016 pour le transférer hors du département de la Charente-Maritime, qui ne saurait attribuer des subventions pour financer des activités dans d'autres départements.

Par un mémoire en défense enregistré le 26 octobre 2018, la Société Espace Loisir, représentée par MeC..., conclut au rejet de la requête et à ce qu'une somme de 3 000 euros soit mise à la charge du département de la Charente-Maritime sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle fait valoir que :

- elle était éligible au dispositif du Fonds d'intervention d'urgence, ainsi que l'a d'ailleurs reconnu lui-même le président du département de la Charente-Maritime dans sa décision du 15 mars 2012, ce qui avait conduit au versement du premier règlement d'un montant de 40 000 euros ;

- contrairement à ce que soutient le département, il ressort des termes mêmes de la délibération n° 116 du 5 mars 2010 du conseil général, ainsi que du rapport du président qui y est annexé, que l'octroi de ce dispositif était subordonné à deux conditions cumulatives, à savoir, d'une part, être exploitant d'une entreprise de Charente-Maritime directement sinistrée lors de la tempête Xynthia et, d'autre part, la reprise ou la poursuite d'activité de l'entreprise concernée, aucun de ces actes ne subordonnant le versement de l'aide ni à un " redémarrage de l'activité sinistrée " ni, davantage, à une pérennité de l'activité de l'entreprise ;

- en réalité, l'esprit de la délibération consistait à aider les entreprises sinistrées à reprendre une activité, au lieu de les voir cesser toute activité en raison de la perte totale de leur exploitation, ce que le président du département de la Charente-Maritime a reconnu expressément en indiquant que la notion de " pérennité " n'était effectivement pas écrite dans le règlement d'intervention du département ;

- dès lors, le département ne saurait tenter d'opposer cette condition pour la première fois dans le cadre de la première instance, sans préciser d'ailleurs les critères sur lesquels il s'est fondé pour conclure à l'absence de pérennité de l'activité reprise par la société Espace Loisir ;

- en tout état de cause, à supposer même que la condition relative à la pérennité de l'activité puisse subordonner le versement de la subvention sollicitée, les éléments de la comptabilité qu'elle produit aux débats, relatifs à son activité de location de véhicule de tourisme, démontrent la réalité des perspectives d'évolution de cette activité, son chiffre d'affaires étant passé de 6 020,06 euros pour l'exercice 2012 à 11 335 euros pour l'exercice 2013 puis 18 834,16 euros en 2014 et 38 808,33 euros en 2015, étant précisé par ailleurs qu'elle n'a pas cessé son activité d'exploitation de camping ;

- enfin, si le département fait état de ce qu'elle a transféré son siège social dans le département des Deux-Sèvres, ce qui a effectivement été le cas le 28 décembre 2016, une telle circonstance n'est pas de nature à justifier la décision de refus qui lui a été opposée, dont la légalité devait être appréciée à la date de son édiction.

Par ordonnance du 7 novembre 2018, la clôture d'instruction a été fixée en dernier lieu au 7 décembre 2018.

Un mémoire présenté pour le département de la Charente-Maritime a été enregistré le 29 janvier 2019, postérieurement à la clôture d'instruction.

II. Par une requête et un mémoire complémentaire enregistrés les 8 septembre et 19 décembre 2017 sous le n° 17BX03047, le département de la Charente-Maritime, représenté par MeB..., demande à la cour de suspendre l'exécution du jugement du 12 avril 2017 du tribunal administratif de Poitiers.

Il soutient que :

- alors que le versement du solde de la subvention était conditionné au redémarrage effectif de l'activité de la société concernée, la société Espace Loisir n'a jamais justifié, malgré cette aide immédiate, de la pérennité de son activité, c'est-à-dire d'un redémarrage effectif tandis qu'elle a transféré le siège social de son entreprise dans le département des Deux-Sèvres ;

- c'est ainsi que le conseil départemental sollicite, sur le fondement de l'article R. 811-16 du code de justice administrative, le sursis à exécution du jugement attaqué, la situation financière de cette société laissant craindre une impossibilité de restituer quelque somme que ce soit en cas d'annulation du jugement ;

- à cet égard, la circonstance que la société Espace Loisir ne produise toujours aucun élément comptable certifié depuis l'extrait des comptes annuels arrêté au 31 décembre 2013 est de nature à conforter les doutes sur ses capacités à pouvoir éventuellement lui rembourser la somme de 40 000,00 euros à laquelle elle a été condamnée par le tribunal administratif de Poitiers ;

- enfin, il convient de relever que le domicile de M.A..., gérant de la Société Espace Loisir, est situé au Portugal, ce qui permet là encore de douter de l'activité réelle de cette société.

Par un mémoire en défense enregistré le 24 octobre 2017, la société Espace Loisir, représentée par MeC..., conclut au rejet de la requête et à ce qu'une somme de 3 000 euros soit mise à la charge du département de la Charente-Maritime sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle fait valoir que :

- à titre liminaire, alors qu'il disposait d'un délai de deux mois pour procéder au versement de la somme mentionnée dans le jugement attaqué, le Département de la Charente-Maritime ne s'est nullement acquitté de cette obligation judiciaire, sa requête aux fins de sursis n'ayant été déposée que près de cinq mois après ledit jugement ;

- en outre, d'une part, le département de la Charente-Maritime n'établit pas que l'exécution de ce jugement l'exposerait en fait à une perte définitive et, d'autre part, aucun moyen invoqué dans ses conclusions d'appel, n'est, en l'état de l'instruction, sérieux et de nature à justifier l'annulation ou la réformation de ce jugement ;

- à cet égard, la société Espace Loisir n'a fait l'objet d'aucune procédure collective, ni redressement judiciaire et encore moins une liquidation judiciaire.

Par ordonnance du 24 octobre 2018, la clôture d'instruction a été fixée en dernier lieu au 7 novembre 2018.

Vu les autres pièces des dossiers.

Vu :

- le code de l'environnement ;

- le code général des collectivités territoriales ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Axel Basset,

- les conclusions de Mme Béatrice Molina-Andréo, rapporteur public ;

- et les observations de MeC..., représentant la société Espace Loisir et de Me B..., représentant le département de la Charente-Maritime.

Considérant ce qui suit :

1. Par un arrêté du 4 août 2005, M. A...s'est vu délivrer par le maire de la commune d'Aytré (Charente-Maritime) une autorisation d'étendre un terrain aménagé de camping et de caravanage de 44 emplacements pour tentes et caravanes, d'une superficie de 17 425 m², situé 66 route de la plage, sur le territoire communal. A la suite du passage de la tempête Xynthia, dans la nuit du 27 au 28 février 2010, qui a provoqué une surélévation du niveau de la mer et l'inondation des trois campings de la commune d'Aytré bordant le front de mer, le préfet de la Charente-Maritime a prononcé, par arrêté du 1er juillet 2010, la fermeture définitive au public du camping de La Plage La Lizotière, exploité par la société Espace Loisir, également propriétaire des lieux. Parallèlement, le département de la Charente-Maritime a mis en place un fonds d'intervention d'urgence en faveur des entreprises sinistrées, géré par un comité commun, lequel a décidé, le 13 juillet 2011, d'allouer à la société Espace Loisir une aide d'un montant de 80 000 euros, destinée à être versée en deux fois. Par une décision du 15 mars 2012, la Société Espace Loisir a été informée de ce qu'un premier règlement de 40 000 euros serait effectué immédiatement à son profit. Le 28 mai 2015, cette société a demandé au tribunal administratif de Poitiers d'annuler la décision du 1er décembre 2014 par laquelle le président du conseil départemental de la Charente-Maritime a confirmé son refus, opposé à plusieurs reprises au cours des années 2013 et 2014, de lui verser le solde de cette aide. Par une requête n° 17BX01828, le département de la Charente-Maritime relève appel du jugement du 12 avril 2017 par lequel ce tribunal a annulé cette décision du 1er décembre 2014 et enjoint à la collectivité territoriale de verser à la société Espace Loisir la somme de 40 000 euros et demande, sous le n°17BX03047, d'en ordonner le sursis à exécution.

2. Les requêtes n°s 17BX01828, 17BX03047 du département de la Charente-Maritime portent sur la contestation d'un même jugement et ont fait l'objet d'une instruction commune. Dès lors, il y a lieu de les joindre pour y statuer par un seul arrêt.

Sur le bien-fondé du jugement attaqué :

3. Aux termes de l'article L. 3231-1 du code général des collectivités territoriales, dans sa rédaction applicable à la date de la décision litigieuse : " L'Etat a la responsabilité de la conduite de la politique économique et sociale ainsi que de la défense de l'emploi. / Néanmoins, sous réserve du respect de la liberté du commerce et de l'industrie, du principe d'égalité des citoyens devant la loi ainsi que des règles de l'aménagement du territoire définies par la loi approuvant le plan, le département peut intervenir en matière économique et sociale dans les conditions prévues aux articles L. 3231-2, L. 3231-3, L. 3231-6 et L. 3232-4. ". Aux termes de l'article L. 3231-2 de ce code, alors en vigueur : " Lorsque l'intervention du département a pour objet de favoriser le développement économique, il peut accorder des aides dans les conditions prévues par le titre Ier du livre V de la première partie. ". Aux termes de l'article L. 3211-1 de ce même code : " Le conseil général règle par ses délibérations les affaires du département. / Il statue sur tous les objets sur lesquels il est appelé à délibérer par les lois et règlements et sur tous les objets d'intérêt départemental dont il est saisi. ".

4. D'une part, si l'attribution d'une subvention par une personne publique crée des droits au profit de son bénéficiaire, de tels droits ne sont ainsi créés que dans la mesure où le bénéficiaire de la subvention respecte les conditions mises à son octroi, que ces conditions découlent des normes qui la régissent, qu'elles aient été fixées par la personne publique dans sa décision d'octroi, qu'elles aient fait l'objet d'une convention signée avec le bénéficiaire, ou encore qu'elles découlent implicitement mais nécessairement de l'objet même de la subvention. Ainsi, le caractère créateur de droits de l'attribution d'un avantage financier tel qu'une subvention ne fait pas obstacle, soit à ce que la décision d'attribution soit abrogée si les conditions auxquelles est subordonnée cette attribution ne sont plus remplies, soit à ce que l'autorité chargée de son exécution, constatant que ces conditions ne sont plus remplies, mette fin à cette exécution en ne versant pas le solde de la subvention sans qu'il soit nécessaire, dans ce dernier cas, d'abroger expressément la décision d'attribution de la subvention. D'autre part, les recours relatifs à une subvention, qu'ils aient en particulier pour objet la décision même de l'octroyer, les conditions mises à son octroi par cette décision ou encore les décisions de la personne publique auxquelles elle est susceptible de donner lieu, notamment les décisions par lesquelles la personne publique cesse de la verser ou demande le remboursement des sommes déjà versées, ne peuvent être portés que devant le juge de l'excès de pouvoir, par le bénéficiaire de la subvention ou par des tiers qui disposent d'un intérêt leur donnant qualité à agir (CE, n° 428040, 29 mai 2019, SOCIETE ROYAL CINEMA). Partant, la légalité de ces décisions doit être appréciée à la date de leur édiction.

5. Consécutivement au passage de la tempête Xynthia, qui a ravagé le littoral des départements de la Vendée et de la Charente-Maritime au cours de la nuit du 27-28 février 2010, le conseil général du département de la Charente-Maritime a décidé, au cours d'une session extraordinaire organisée le 5 mars 2010, de définir un certain nombre de mesures d'urgence destinées notamment à restaurer les outils de production dans les secteurs économiques les plus touchés. C'est ainsi que, par une délibération du 5 mars 2010, l'assemblée délibérante de la collectivité territoriale a entrepris d'inscrire une enveloppe de trois millions d'euros pour la mise en oeuvre d'un fonds d'intervention d'urgence destiné à permettre le redémarrage des entreprises sinistrées, notamment dans les secteurs du commerce et du tourisme, " quel que soit leur statut, qui ont été les plus touchées et n'ont plus les capacités financières permettant d'assurer leur survie ". Le rapport du président n° 116 auquel ladite délibération fait expressément référence précise qu'il ne s'agissait pas " de se substituer aux différentes procédures existant déjà mais de les abonder en tant que de besoin si elles s'avèrent manifestement insuffisantes, aux côtés d'autres partenariats tels l'Union européenne, l'Etat ou la Région Poitou-Charentes " et que l'aide aux activités économiques était obligatoirement conditionnée à la reprise ou à la poursuite de l'activité de l'entreprise " en veillant à accompagner les entreprises en ayant le plus besoin ". Ce même rapport indiquait que l'aide interviendrait sous forme de subvention, dont le montant serait proposé par un comité départementalisé d'attribution, au vu du dossier déposé par l'entreprise, dans la limite d'un plafond de 80 000 euros, la base de calcul incluant toutes les pertes liées à la tempête.

6. En premier lieu, il ressort des pièces du dossier qu'après avoir été bénéficiaire d'une décision du 13 juillet 2011 par laquelle le comité commun ainsi instauré lui a octroyé une aide d'un montant total de 80 000 euros, la société Espace Loisir a été informée, par lettre du président du conseil général du 15 mars 2012, de ce qu'un premier versement immédiat de 40 000 euros serait effectué à son profit et que le versement du solde de 40 000 euros était subordonné à la " justification du redémarrage effectif de son activité validé par la Chambre de commerce et d'industrie de la Rochelle ". Si, par courrier du 8 février 2012, la société Espace Loisir avait indiqué aux services du département de la Charente-Maritime qu'elle n'avait toujours pas été indemnisée par l'Etat à la suite de la fermeture définitive du camping qu'elle exploitait avant le passage de la tempête, qu'elle n'avait pu, en l'absence des fonds nécessaires, mettre en oeuvre son projet de création d'une nouvelle chaîne de restaurants et qu'elle sollicitait par conséquent l'octroi d'un délai supplémentaire pour fournir les preuves d'une reprise d'activité, l'intéressée avait, par courrier du 29 février 2012, informé les services du département de la création d'une nouvelle activité commerciale et touristique de locations de voitures anciennes dans le département de la Charente-Maritime à compter du 20 février 2012, puis fait parvenir aux services concernés, le 17 mai 2013, la preuve que cette activité avait généré un chiffre d'affaires de 6 020,06 euros au titre de l'année 2012. Pour confirmer, par la décision litigieuse du 1er décembre 2014, ses précédents refus de verser à la société Espace Loisir le solde de la subvention, notamment dans une lettre du 9 juillet 2014, le département de la Charente-Maritime s'est fondé sur le motif tiré de ce que les justificatifs versés ne permettaient pas d'apporter " la preuve du redémarrage de l'activité tant au plan de son effectivité que de sa durabilité " et, partant, n'étaient pas de nature à établir le caractère pérenne de sa reprise d'activité. Toutefois, et ainsi que l'ont relevé à juste titre les premiers juges, il résulte des termes mêmes de la délibération du 5 mars 2010 de l'assemblée délibérante dont il a été fait application, éclairée par le rapport du président de la collectivité territoriale n° 116, que le département n'a assorti le versement de cette subvention d'aucune autre condition que la reprise d'une activité dans le département de la Charente-Maritime, sans subordonner ce versement, d'une part, à la reprise de l'activité existante gérée par l'entreprise avant le sinistre - à savoir en l'espèce une activité de camping - ni, d'autre part, au critère de la pérennité et de la durabilité de l'activité engagée. Dès lors, la décision du 1er décembre 2014 est entachée d'erreur de droit.

7. En second lieu, le département de la Charente-Maritime se prévaut en appel de ce que la société Espace Loisir a transféré son siège social dans le département des Deux-Sèvres le 28 décembre 2016. Toutefois, à supposer que, ce faisant, l'appelant ait entendu solliciter une substitution de motifs, une telle circonstance, qui est postérieure à la décision contestée, ne saurait la justifier légalement.

8. Il résulte de tout ce qui précède que le département de la Charente-Maritime n'est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Poitiers a annulé cette décision du 1er décembre 2014 et enjoint à l'exécutif territorial de verser à la société Espace Loisir la somme de 40 000 euros.

Sur les conclusions aux fins de sursis à exécution (requête n° 17BX03047) :

9. La cour statuant par le présent arrêt sur les conclusions aux fins d'annulation du jugement du 12 avril 2017 du tribunal administratif de Poitiers, les conclusions de la requête n° 17BX03047 tendant à ce qu'il soit sursis à l'exécution du même jugement sont devenues sans objet.

Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

10. Ces dispositions font obstacle à ce que soit mise à la charge de la société Espace Loisir, qui n'est pas, dans les présentes instances, la partie perdante, une quelconque somme à verser au département de la Charente-Maritime au titre des frais exposés par lui et non compris dans les dépens. Il n'y a pas lieu, dans les circonstances particulières de l'espèce, de mettre à la charge du département de la Charente-Maritime la somme que la société Espace Loisir demande sur le fondement de ces mêmes dispositions.

DECIDE :

Article 1er : Il n'y a pas lieu de statuer sur les conclusions de la requête n° 17BX03047 tendant à ce qu'il soit sursis à l'exécution du jugement n° 1501095 du 12 avril 2017 du tribunal administratif de Poitiers.

Article 2 : La requête n° 17BX01828 du département de la Charente-Maritime est rejetée.

Article 3 : Les conclusions de la société Espace Loisir tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à la société Espace Loisir et au département de la Charente-Maritime. Copie en sera transmise au préfet de la Charente-Maritime.

Délibéré après l'audience du 27 mai 2019 à laquelle siégeaient :

M. Pierre Larroumec, président,

M. Pierre Bentolila, président assesseur,

M. Axel Basset, premier conseiller.

Lu en audience publique, le 24 juin 2019.

Le rapporteur,

Axel BassetLe président,

Pierre LarroumecLe greffier,

Cindy Virin La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur, et à tous huissiers de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.

Pour expédition certifiée conforme.

Le greffier,

Cindy Virin

2

N°s 17BX01828, 17BX03047


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Bordeaux
Formation : 6ème chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 17BX01828,17BX03047
Date de la décision : 24/06/2019
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

Collectivités territoriales - Département - Attributions - Intervention économique - Aides directes et indirectes.

Commerce - industrie - intervention économique de la puissance publique - Mesures d'incitation - Subventions.


Composition du Tribunal
Président : M. LARROUMEC
Rapporteur ?: M. Axel BASSET
Rapporteur public ?: Mme MOLINA-ANDREO
Avocat(s) : CABINET FLICHE - BLANCHÉ et ASSOCIES

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2019
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.bordeaux;arret;2019-06-24;17bx01828.17bx03047 ?
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