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21/06/2019 | FRANCE | N°17BX02904

France | France, Cour administrative d'appel de Bordeaux, 4ème chambre - formation à 3, 21 juin 2019, 17BX02904


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. et Mme A...D...ont demandé au tribunal administratif de Toulouse de prononcer la décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu auxquelles ils ont été assujettis au titre de l'année 2008, ainsi que des pénalités y afférentes.

Par un jugement n° 1404381 du 2 mai 2017, le tribunal administratif de Toulouse a fait droit à la demande de M. et MmeD....

Procédure devant la cour :

Par une requête et un mémoire complémentaire enregistré le 25 août 2017 et le 2 mai

2018, le ministre de l'action et des comptes publics demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugemen...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. et Mme A...D...ont demandé au tribunal administratif de Toulouse de prononcer la décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu auxquelles ils ont été assujettis au titre de l'année 2008, ainsi que des pénalités y afférentes.

Par un jugement n° 1404381 du 2 mai 2017, le tribunal administratif de Toulouse a fait droit à la demande de M. et MmeD....

Procédure devant la cour :

Par une requête et un mémoire complémentaire enregistré le 25 août 2017 et le 2 mai 2018, le ministre de l'action et des comptes publics demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du 2 mai 2017 du tribunal administratif de Toulouse ;

2°) de rétablir M. et Mme D...au rôle à raison des impositions et pénalités dont le tribunal administratif a accordé la décharge.

Il soutient que :

- c'est à tort que le tribunal administratif a prononcé la décharge de l'imposition dont s'agit, dès lors qu'il est établi que la décision portant homologation du rôle d'impôt sur le revenu en cause a été prise par une autorité compétente, celle-ci ayant été dûment habilitée par le représentant de l'État dans le département concerné ;

- l'administration a établi que l'opération de défiscalisation élaborée par la SEP KJD Capital 11 n'était pas éligible au dispositif prévu aux articles 199 undecies 1 et B et 217 undecies du code général des impôts.

Par un mémoire en défense, enregistré le 3 janvier 2018, M. et Mme A...D..., représentés par MeC..., concluent au rejet de la requête et à ce qu'une somme de 4 000 euros soit mise à la charge de l'Etat au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Ils soutiennent que

- les moyens de la requête ne sont pas fondés, les pièces versées au dossier par l'administration ne suffisant pas à établir que le rôle a été signé par une autorité compétente ; qu'en particulier, il n'est pas établi que MmeE..., quand bien même elle aurait eu le grade d'administrateur des finances publiques adjoint, n'avait pas la qualité de comptable ;

- ils bénéficient du dispositif prévu par l'article 199 undecies du code général des impôts ;

- ils peuvent se prévaloir d'une réponse ministérielle à Mme I...G....

Par ordonnance du 27 mars 2019 la clôture d'instruction a été fixée au 6 mai 2019 à 12h00.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M.B...,

- et les conclusions de Mme Ladoire, rapporteur public.

Considérant ce qui suit :

1. M. et Mme D...sont associés de la société en participation (SEP) KJD Capital 11, dont la gestion est assurée par la société en nom collectif (SNC) KJD Capital et dont l'objet est la réalisation d'investissements productifs dans les départements d'outre-mer. En 2011, cette société a fait l'objet d'une vérification de comptabilité à l'issue de laquelle l'administration a remis en cause la réalité des opérations ayant permis à ses associés de bénéficier de la réduction d'impôt prévue par les dispositions de l'article 199 undecies B du code général des impôts. A la suite d'un contrôle sur pièces de la déclaration de revenus de M. et MmeD..., l'administration a mis à leur charge des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu au titre de l'année 2008, assorties de pénalités. Le ministre de l'action et des comptes publics relève appel du jugement du 2 mai 2017 par lequel le tribunal administratif de Toulouse, a déchargé M. et Mme D...des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu auxquelles il a été assujetti au titre de l'année 2008, pour un montant de 8 387 euros, en droits et pénalités.

2. Aux termes de l'article 1658 du code général des impôts, dans sa rédaction applicable en l'espèce : " Les impôts directs et les taxes y assimilées sont recouvrés en vertu de rôles rendus exécutoires par arrêté du préfet ou d'avis de mise en recouvrement. / Pour l'application de la procédure de recouvrement par voie de rôle prévue au premier alinéa, le représentant de l'Etat dans le département peut déléguer ses pouvoirs aux agents de catégorie A désignés par le responsable départemental des finances publiques et détenant au moins un grade fixé par décret en Conseil d'Etat. La publicité de ces délégations est assurée par la publication des arrêtés de délégation au recueil des actes administratifs de la préfecture ". Aux termes de l'article 1659 du même code : " La date de mise en recouvrement des rôles est fixée par l'autorité compétente pour les homologuer en application de l'article 1658 en accord avec le directeur départemental des finances publiques. Cette date est indiquée sur le rôle ainsi que sur les avis d'imposition délivrés aux contribuables. (...) ". Selon l'article 376-0 bis de l'annexe II du code général des impôts : " Le grade mentionné au second alinéa de l'article 1658 du code général des impôts est celui d'administrateur des finances publiques adjoint ".

3. Pour prononcer la décharge des cotisations d'impôt litigieuses, le tribunal administratif de Toulouse a relevé que l'administration n'apportait pas la preuve que la décision portant homologation du rôle d'impôt sur le revenu concerné et fixant les dates de mise en recouvrement desdites impositions, avait été prise par une autorité compétente au regard des dispositions des articles 1658 et 1659 du code général des impôts.

4. En appel, le ministre produit pour la première fois la décision d'homologation du rôle incorporant les impositions litigieuses, signée le 18 décembre 2013 par MmeE..., administratrice des finances publiques adjointe à la direction régionale des finances publiques de Midi-Pyrénées et de la Haute-Garonne, ainsi qu'un arrêté préfectoral du 21 décembre 2011, publié au recueil des actes administratifs de la préfecture de la Haute-Garonne sous le n° 155 RS 2011 et portant délégation de pouvoirs pour l'homologation des rôles d'impôts directs, par lequel la secrétaire générale de la préfecture de la Haute-Garonne, Mme H...F..., par délégation du Préfet, a donné délégation de pouvoirs pour rendre exécutoires les rôles d'impôts directs, aux collaborateurs du directeur régional des finances publiques de Midi-Pyrénées et de la Haute-Garonne ayant au moins le grade d'administrateur des finances publiques adjoint. Si M. et Mme D...contestent le grade de la personne signataire, ainsi que le fait que cette personne était encore en poste à la date de la signature, ils n'apportent aucun élément permettant de considérer que les mentions portées sur les documents administratifs versés au débat par le ministre étaient fausses. M. et Mme D...n'apportent pas davantage d'élément permettant de supposer que Mme E...avait, au moment où elle a signé l'homologation du rôle dont s'agit, la qualité de comptable. Dans ces conditions, le ministre doit être regardé comme apportant la preuve qu'à la date du 18 décembre 2013, Mme E...était dûment habilitée à signer l'homologation du rôle dont s'agit. Il suit de là que c'est à tort que le tribunal administratif a fait droit au moyen invoqué par M. et Mme D...tiré de l'irrégularité de l'homologation du rôle.

5. Il appartient à la cour, saisie de l'ensemble du litige par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner les autres moyens soulevés par M. et Mme D...devant le tribunal administratif de Toulouse.

Sur le terrain de la loi fiscale :

6. Aux termes de l'article 199 undecies B du code général des impôts dans sa rédaction applicable au litige : " I. Les contribuables domiciliés en France au sens de l'article 4 B peuvent bénéficier d'une réduction d'impôt sur le revenu à raison des investissements productifs neufs qu'ils réalisent dans les départements d'outre-mer, (...), dans le cadre d'une entreprise exerçant une activité agricole ou une activité industrielle, commerciale ou artisanale relevant de l'article 34. (...) Les dispositions du premier alinéa s'appliquent aux investissements réalisés par une société soumise au régime d'imposition prévu à l'article 8 ou un groupement mentionné aux articles 239 quater ou 239 quater C, dont les parts sont détenues directement, ou par l'intermédiaire d'une entreprise unipersonnelle à responsabilité limitée, par des contribuables domiciliés en France au sens de l'article 4 B. En ce cas, la réduction d'impôt est pratiquée par les associés ou membres dans une proportion correspondant à leurs droits dans la société ou le groupement. La réduction d'impôt prévue au premier alinéa est pratiquée au titre de l'année au cours de laquelle l'investissement est réalisé. (...) La réduction d'impôt prévue au présent I s'applique aux investissements productifs mis à la disposition d'une entreprise dans le cadre d'un contrat de location si les conditions mentionnées aux quinzième à dix-huitième alinéas du I de l'article 217 undecies sont remplies et si 60 % de la réduction d'impôt sont rétrocédés à l'entreprise locataire sous forme de diminution du loyer et du prix de cession du bien à l'exploitant. Ce taux est ramené à 50 % pour les investissements dont le montant par programme et par exercice est inférieur à 300 000 euros par exploitant. (...) ". Aux termes de l'article 95 K de l'annexe II au code général des impôts : " Les investissements productifs neufs réalisés dans les départements d'outre-mer (...) qui ouvrent droit à la réduction d'impôt prévue au I de l'article 199 undecies B du code général des impôts sont les acquisitions ou créations d'immobilisations corporelles, neuves et amortissables, affectées aux activités relevant des secteurs éligibles en vertu des dispositions du I de cet article ". Aux termes de l'article 95 Q de la même annexe : " La réduction d'impôt prévue au I de l'article 199 undecies B du code général des impôts est pratiquée au titre de l'année au cours de laquelle l'immobilisation est créée par l'entreprise ou lui est livrée ou est mise à sa disposition dans le cadre d'un contrat de crédit-bail. Lorsque l'immobilisation fait l'objet d'un contrat de crédit-bail, la réduction d'impôt est pratiquée par le contribuable crédit preneur ou par les associés ou membres de l'entreprise qui est crédit preneur ".

7. Il résulte de l'instruction que M. et Mme D...ont apporté des moyens financiers à la SEP KJD Capital 11 à concurrence de 13,17 % du capital et dont la gérance est assurée par la SNC KJD Capital, son mandataire apparent. L'administration a remis en cause la réduction d'impôt dont M. et Mme D...ont bénéficié au motif que le caractère neuf et le prix de revient de l'investissement réalisé par la SEP KJD Capital 11 n'étaient pas établis, l'administration ayant estimé que l'opération a porté, non pas sur la construction d'un bâtiment neuf, mais sur l'agrandissement d'un bâtiment existant, sans que opération de rénovation puisse être éligible au dispositif de défiscalisation concerné. Si M. et Mme D...ne contestent pas que l'opération en cause n'a pas porté sur un bâtiment neuf, mais sur la rénovation d'un immeuble existant, ils n'apportent aucun élément permettant de démontrer que, de par leur ampleur, les travaux de rénovation étaient tels qu'ils devaient être regardés comme équivalant à une véritable reconstruction. C'est donc à bon droit que l'administration a estimé que l'investissement en cause ne pouvait être regardé comme éligible aux dispositions de l'article 199 undecies B du code général des impôts et a, en conséquence, procédé aux rehaussements d'impôt litigieux.

Sur le terrain de la doctrine administrative :

8. M. et Mme D...invoquent une réponse qui aurait été donnée par le ministre des finances et des comptes publics à MmeG..., députée de la Guyane. Toutefois, et en tout état de cause, ils ne peuvent s'en prévaloir sur le fondement de l'article L. 80 A du livre des procédures fiscales, dès lors cette réponse ministérielle a été publiée le 20 septembre 2016, soit postérieurement aux impositions en litige.

9. Il résulte de ce qui précède que le ministre de l'action et des comptes publics est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Toulouse a fait droit à la demande de M. et MmeD....

Sur les conclusions tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

10. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de l'Etat, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, la somme que M. et Mme D...demandent au titre des frais exposés non compris dans les dépens.

DÉCIDE :

Article 1er : Le jugement n° 1404381 du tribunal administratif de Toulouse du 2 mai 2017 est annulé.

Article 2 : M. et Mme D...sont rétablis au rôle de l'impôt sur le revenu au titre de l'année 2008 à raison des droits et majorations qui leur ont été assignés, dans la limite de 8 387 euros.

Article 3 : Les conclusions de M. et Mme D...tendant au bénéfice des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 4 : Le présent arrêt sera notifié au ministre de l'action et des comptes publics et à M. et Mme A...D.... Copie en sera adressée à la direction de contrôle fiscal sud-ouest.

Délibéré après l'audience du 24 mai 2019, à laquelle siégeaient :

M. Philippe Pouzoulet, président,

M. David Katz, premier conseiller,

Mme Sylvande Perdu, premier conseiller,

Lu en audience publique, le 21 juin 2019.

Le rapporteur,

David B...

Le président,

Philippe Pouzoulet

Le greffier,

Vanessa Beuzelin

La République mande et ordonne au ministre de l'action et des comptes publics en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.

5

N° 17BX02904


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Bordeaux
Formation : 4ème chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 17BX02904
Date de la décision : 21/06/2019
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

19-04-01-02-05-03 Contributions et taxes. Impôts sur les revenus et bénéfices. Règles générales. Impôt sur le revenu. Établissement de l'impôt. Réductions et crédits d`impôt.


Composition du Tribunal
Président : M. POUZOULET
Rapporteur ?: M. David KATZ
Rapporteur public ?: Mme LADOIRE
Avocat(s) : SELARL KIHL-DRIE

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2019
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.bordeaux;arret;2019-06-21;17bx02904 ?
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