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12/06/2019 | FRANCE | N°19BX00093

France | France, Cour administrative d'appel de Bordeaux, 1ère chambre bis - (formation à 3), 12 juin 2019, 19BX00093


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. B...C...A...a demandé au tribunal administratif de Toulouse d'annuler l'arrêté du 15 novembre 2017 par lequel le préfet de la Haute-Garonne lui a refusé le renouvellement de son titre de séjour, l'a obligé à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de renvoi.

Par un jugement n°1801108 du 2 octobre 2018, le tribunal administratif de Toulouse a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête et deux mémoires en répl

ique enregistrés respectivement le 9 janvier 2019, le 21 mars 2019 et le 11 avril 2019, M.A..., r...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. B...C...A...a demandé au tribunal administratif de Toulouse d'annuler l'arrêté du 15 novembre 2017 par lequel le préfet de la Haute-Garonne lui a refusé le renouvellement de son titre de séjour, l'a obligé à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de renvoi.

Par un jugement n°1801108 du 2 octobre 2018, le tribunal administratif de Toulouse a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête et deux mémoires en réplique enregistrés respectivement le 9 janvier 2019, le 21 mars 2019 et le 11 avril 2019, M.A..., représenté par Me Tercero, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Toulouse du 2 octobre 2018 ;

2°) d'annuler l'arrêté du 15 novembre 2017 du préfet de la Haute-Garonne ;

3°) à titre principal, d'enjoindre au préfet de la Haute-Garonne, de lui délivrer un titre de séjour temporaire mention " vie privée et familiale " dans un délai de deux mois à compter de la notification de la décision à intervenir sous astreinte de 100 euros par jour de retard et de lui remettre dès la notification de l'arrêt à intervenir une autorisation provisoire de séjour l'autorisant à travailler sous astreinte de 100 euros par jour de retard ;

4°) à titre subsidiaire, d'enjoindre au préfet de la Haute-Garonne d'annuler l'obligation de quitter le territoire français et de procéder au réexamen de sa situation dès la notification de la décision à intervenir, et de rendre une décision dans un délai de deux mois sous astreinte de 100 euros par jour de retard, et de lui remettre dans l'attente et dès notification de la décision à intervenir une autorisation provisoire de séjour l'autorisant à travailler ;

5°) de mettre à la charge de l'Etat le versement au profit de son conseil d'une somme de 2 000 euros sur le fondement des dispositions combinées des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991, sous réserve que Me Tercero renonce à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'Etat au titre de l'aide juridictionnelle.

Il soutient que :

S'agissant de l'arrêté pris dans son ensemble :

- il est insuffisamment motivée dans la mesure où le préfet s'est contenté de reprendre à son compte l'avis du collège de médecins de l'Office français de l'immigration et de l'intégration dans l'inviter à produire des éléments pour compléter son dossier ;

- cette insuffisance de motivation révèle un défaut d'examen sérieux de sa situation personnelle ;

S'agissant de la décision portant refus de séjour :

- elle est entachée de vices de procédure en méconnaissance des dispositions des articles R. 313-22 et R. 313-23 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ; la qualité de l'un des signataires de l'avis n'est pas indiqué ce qui ne permet pas de savoir si le collège était régulièrement composé de trois médecins en exercice ; cet avis n'a pas été transmis sous couvert du directeur général de l'Office français de l'immigration et de l'intégration le privant ainsi d'une garantie ; de nombreuses cases de l'avis n'ont pas été remplies de sorte qu'il n'est pas possible de savoir s'il a été convoqué ou si des examens complémentaires ont été demandés ; les médecins ayant rendu l'avis n'ont pas délibéré de façon collégiale ;

- elle méconnait les dispositions du 11° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ; son état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut peut entrainer des conséquences d'une exceptionnelle gravité ; il est atteint d'une hypertension artérielle nécessitant un suivi cardiologique régulier ; le traitement qu'il suit est indisponible dans son pays d'origine ;

S'agissant de la décision portant obligation de quitter le territoire français :

- elle est privée de base légale en raison de l'illégalité du refus de séjour ;

- elle est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation de ses conséquences sur sa situation personnelle au regard des dispositions du 10° de l'article L. 511-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- elle méconnaît l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.

Par trois mémoires en défense enregistrés respectivement le 20 mars 2019, 28 mars 2019 et le 14 avril 2019, le préfet de la Haute-Garonne conclut au rejet de la requête.

Il soutient que les moyens soulevés par M. A...ne sont pas fondés.

Par une ordonnance du 15 avril 2019, la clôture de l'instruction a été fixée, en dernier lieu, au 24 avril 2019 à 12h00.

M. A...a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 13 décembre 2018.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

- l'arrêté du 27 décembre 2016 relatif aux conditions d'établissement et de transmission des certificats médicaux, rapports médicaux et avis mentionnés aux articles R. 313-22, R. 313-23 et R. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- l'arrêté du 5 janvier 2017, fixant les orientations générales pour l'exercice par les médecins de l'Office français de l'immigration et de l'intégration, de leurs missions prévues à l'article L. 313-11 (11°) du code de l'entrée et du séjour des étrangers, et du droit d'asile ;

- le code de justice administrative.

Par décision du 1er septembre 2018, le président de la cour a désigné Mme Déborah de Paz pour exercer temporairement les fonctions de rapporteur public en application des articles R. 222-24 et R. 222-32 du code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Romain Roussel, premier conseiller,

- et les conclusions de Mme Déborah de Paz rapporteur public.

Considérant ce qui suit :

1. M. B...C...A..., ressortissant ghanéen, est entré en France le 6 octobre 2004 sous couvert d'un visa de court séjour. Le 24 mai 2012, il a sollicité son admission au séjour sur le fondement des dispositions du 11° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et a bénéficié d'un titre de séjour en qualité d'étranger malade régulièrement renouvelé jusqu'au 12 mars 2017. Le 22 février 2017, l'intéressé a demandé le renouvellement de son titre de séjour. Par un arrêté du 15 novembre 2017, le préfet de la Haute-Garonne a refusé de faire droit à sa demande, l'a obligé à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de renvoi. M. A...relève appel du jugement du 2 octobre 2018 par lequel le tribunal administratif de Toulouse a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cet arrêté.

Sur la légalité de l'arrêté du 15 novembre 2017 :

2. Aux termes de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, la carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " est délivrée de plein droit : (...) 11° A l'étranger résidant habituellement en France, si son état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait avoir pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité et si, eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé dans le pays dont il est originaire, il ne pourrait pas y bénéficier effectivement d'un traitement approprié. La condition prévue à l'article L. 313-2 n'est pas exigée. La décision de délivrer la carte de séjour est prise par l'autorité administrative après avis d'un collège de médecins du service médical de l'Office français de l'immigration et de l'intégration, dans des conditions définies par décret en Conseil d'Etat. (...)".

3. Sous réserve des cas où la loi attribue la charge de la preuve à l'une des parties, il appartient au juge administratif, au vu des pièces du dossier, d'apprécier si l'état de santé d'un étranger nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait entraîner pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité, sous réserve de l'absence d'un traitement approprié dans le pays de renvoi, sauf circonstance humanitaire exceptionnelle. La partie qui justifie d'un avis du médecin de l'agence régionale de santé qui lui est favorable doit être regardée comme apportant des éléments de fait susceptibles de faire présumer l'existence ou l'absence d'un état de santé de nature à justifier la délivrance ou le refus d'un titre de séjour. Dans ce cas, il appartient à l'autre partie, dans le respect des règles relatives au secret médical, de produire tous éléments permettant d'apprécier l'état de santé de l'étranger et, le cas échéant, l'existence ou l'absence d'un traitement approprié dans le pays de renvoi. La conviction du juge, à qui il revient d'apprécier si l'état de santé d'un étranger justifie la délivrance d'un titre de séjour dans les conditions ci-dessus rappelées, se détermine au vu de ces échanges contradictoires.

4. En l'occurrence, il ressort de l'avis du collège de médecins de l'Office français de l'immigration et de l'intégration du 13 juin 2017, que l'état de santé de M. A...nécessite une prise en charge dont le défaut peut entrainer des conséquences d'une exceptionnelle gravité mais qu'il peut néanmoins bénéficier effectivement d'un traitement approprié au Ghana, pays vers lequel il peut voyager sans risque. Il ressort des pièces du dossier que M. A...souffre d'une hypertension artérielle sévère sur une hyperplasie bilatérale des surrénales, responsable d'une hypertrophie ventriculaire gauche. Alors que le requérant justifie, par les pièces qu'il produit, que l'un des trois antihypertenseurs qui lui sont prescrits en France n'est pas commercialisé au Ghana, qu'un autre n'y est disponible que sous une autre posologie et qu'il n'est pas établi qu'y seraient commercialisées des molécules équivalentes substituables, le préfet n'apporte aucun élément de nature à établir que seraient disponibles au Ghana d'autres antihypertenseurs. Et à supposer que la posologie de l'Amlor puisse être adaptée en fonction du produit tel qu'il est mis sur le marché au Ghana, il reste que la Modamine n'y est pas disponible. Par suite, en refusant de délivrer à M. A...un titre de séjour, le préfet de la Haute-Garonne a méconnu les dispositions du 11° de l'article L. 313-11 du code précité doit être écarté.

5. L'annulation du refus de titre de séjour emporte, par voie de conséquence, l'annulation des décisions prises sur son fondement. Dès lors, l'obligation de quitter le territoire français dans le délai de trente jours et la décision fixant le pays de destination doivent également être annulées.

6. Il résulte de ce qui précède, et sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens invoqués, que M. A...est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Toulouse a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du préfet de la Haute-Garonne du 15 novembre 2017.

Sur les conclusions aux fins d'injonction et d'astreinte :

7. Eu égard au motif d'annulation retenu, il y a lieu d'enjoindre au préfet de la Haute-Garonne de délivrer à M. A...un titre de séjour portant la mention " vie privée et familiale " dans le délai de deux mois à compter de la notification du présent arrêt. En revanche, il n'y a pas lieu d'assortir cette injonction d'une astreinte.

Sur les conclusions tendant à l'application des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991 :

8. M. A...a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale. Par suite, son avocat peut se prévaloir des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991. Il y a lieu de mettre à la charge de l'État une somme de 1 200 euros à verser à Me Tercero, avocat de M.A..., en application de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991, sous réserve que Me Tercero renonce à la part contributive de l'État.

DECIDE :

Article 1er : Le jugement n°1801108 du 2 octobre 2018 du tribunal administratif de Toulouse et l'arrêté du préfet de la Haute-Garonne du 15 novembre 2017 sont annulés.

Article 2 : Il est enjoint au préfet de la Haute-Garonne de délivrer à M. A...un titre de séjour dans le délai de deux mois à compter de la notification du présent arrêt.

Article 3 : L'État versera à Me Tercero, avocat de M.A..., une somme de 1 200 euros en application de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991, sous réserve que Me Tercero renonce à la part contributive de l'État.

Article 4 : Le surplus des conclusions est rejeté.

Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à M. B...C...A..., au ministre de l'intérieur, au préfet de la Haute-Garonne et à Me Tercero.

Délibéré après l'audience du 21 mai 2019 à laquelle siégeaient :

Mme Marianne Pouget, président,

M. Paul-André Braud, premier-conseiller,

M. Romain Roussel, premier-conseiller.

Lu en audience publique, le 12 juin 2019.

Le rapporteur,

Romain RousselLe président

Marianne Pouget

Le greffier,

Florence Faure

La République mande et ordonne au ministre de l'Intérieur en ce qui le concerne et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun, contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.

2

19BX00093


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Bordeaux
Formation : 1ère chambre bis - (formation à 3)
Numéro d'arrêt : 19BX00093
Date de la décision : 12/06/2019
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

335-03 Étrangers. Obligation de quitter le territoire français (OQTF) et reconduite à la frontière.


Composition du Tribunal
Président : Mme POUGET M.
Rapporteur ?: M. Romain ROUSSEL
Rapporteur public ?: Mme DE PAZ
Avocat(s) : ATY AVOCATS ASSOCIES AMARI DE BEAUFORT-TERCERO-YEPONDE

Origine de la décision
Date de l'import : 25/06/2019
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.bordeaux;arret;2019-06-12;19bx00093 ?
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