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12/06/2019 | FRANCE | N°18BX04407

France | France, Cour administrative d'appel de Bordeaux, 1ère chambre bis - (formation à 3), 12 juin 2019, 18BX04407


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. C...A...a demandé au tribunal administratif de Limoges d'annuler l'arrêté du 6 juin 2018 par lequel le préfet de la Haute-Vienne a refusé de lui délivrer un titre de séjour, l'a obligé à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de renvoi.

Par un jugement n° 1801061 du 15 novembre 2018, le tribunal administratif de Limoges a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête et des pièces complémentaires, enregistrées les 14

décembre 2018 et 29 mars 2019, M.A..., représenté par MeD..., demande à la cour :

1°) d'annuler c...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. C...A...a demandé au tribunal administratif de Limoges d'annuler l'arrêté du 6 juin 2018 par lequel le préfet de la Haute-Vienne a refusé de lui délivrer un titre de séjour, l'a obligé à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de renvoi.

Par un jugement n° 1801061 du 15 novembre 2018, le tribunal administratif de Limoges a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête et des pièces complémentaires, enregistrées les 14 décembre 2018 et 29 mars 2019, M.A..., représenté par MeD..., demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du 15 novembre 2018 du tribunal administratif de Limoges ;

2°) d'annuler l'arrêté du préfet de la Haute-Vienne du 6 juin 2018 ;

3°) d'enjoindre au préfet de la Haute-Vienne de lui délivrer un titre de séjour mention " vie privée et familiale " ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat le versement au profit de son conseil de la somme de 1 200 euros sur le fondement des dispositions combinées de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.

Il soutient que :

En ce qui concerne la décision portant refus de titre de séjour :

- la décision est insuffisamment motivée ;

- elle méconnaît les dispositions du 2° de l'article L. 313-10 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et du 11 de l'article L. 313-11 du même code ;

- elle méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et les dispositions du 11° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- elle est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation ;

En ce qui concerne la décision portant obligation de quitter le territoire français :

- il entend reprendre les mêmes moyens d'illégalité externe et interne invoqués à l'encontre du refus de titre de séjour ;

- elle méconnaît l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

En ce qui concerne la décision fixant le pays de renvoi :

- elle est insuffisamment motivée ;

- elle méconnaît l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

Par un mémoire en défense, enregistré le 9 avril 2019, le préfet de la Haute-Vienne conclut au rejet de la requête. Il soutient que les moyens soulevés par M. A...ne sont pas fondés.

Par ordonnance du 27 février 2019, la clôture d'instruction a été fixée au 23 avril 2019 à 12 heures.

M. A...a obtenu le bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par décision du bureau d'aide juridictionnelle près le tribunal de grande instance de Bordeaux du 14 mars 2019.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

- le décret n° 91-1266 du 19 décembre 1991 ;

- le code de justice administrative.

Par décision du 1er septembre 2018, le président de la cour a désigné Mme Déborah de Paz pour exercer temporairement les fonctions de rapporteur public en application des articles R. 222-24 et R. 222-32 du code de justice administrative.

Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

A été entendu au cours de l'audience publique le rapport de MmeB....

Considérant ce qui suit :

1. M. C...A..., ressortissant guinéen né le 3 avril 1988, déclare être entré irrégulièrement en France en mars 2014. Sa demande d'asile a été rejetée par l'Office français de protection des réfugiés et des apatrides (OFPRA) puis par la Cour nationale du droit d'asile (CNDA). Le 22 mars 2016, il a bénéficié d'un titre de séjour en qualité d'étranger malade renouvelé deux fois. Le 4 décembre 2017, il a sollicité un changement de statut en faveur d'un titre de séjour mention " travailleur temporaire " sur le fondement des dispositions du 2° de l'article L. 313-10 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Par un arrêté du 6 juin 2018, portant également retrait de la décision implicite de rejet du 17 avril 2018, le préfet de la Haute-Vienne a refusé de lui délivrer un titre de séjour, l'a obligé à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de renvoi. M. A...relève appel du jugement du 15 novembre 2018 par lequel le tribunal administratif de Limoges a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cet arrêté.

Sur les conclusions en annulation :

En ce qui concerne l'arrêté pris dans son ensemble :

2. L'arrêté attaqué comporte l'énoncé des motifs de droit et de fait qui en constituent le fondement. Il vise notamment la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, ainsi que les dispositions pertinentes du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, en particulier les articles L. 313-10 et L. 511-1-I-3°. De plus, il précise les conditions d'entrée de M. A...en France. Il indique ensuite que l'intéressé a été admis au séjour le 22 mars 2016 par le préfet de la Haute-Vienne sur le fondement des dispositions du 11° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, qu'il a bénéficié de trois cartes de séjour temporaire successives, dont la dernière est arrivée à échéance le 22 février 2017 et que sa dernière demande de renouvellement sur le même fondement a fait l'objet d'un avis défavorable de l'Office français de l'immigration et l'intégration le 14 janvier 2018. Il mentionne également que le 4 décembre 2017, M. A...a sollicité auprès de la préfecture de la Haute-Vienne un changement de statut en faveur d'un titre de séjour mention " travailleur temporaire " sur le fondement des dispositions du 2° de l'article L. 313-10 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Il précise que si l'intéressé a transmis à l'appui de sa demande, une demande d'autorisation de travail de la société " ACTO INTERIM " pour des missions d'intérim en tant que peintre en bâtiment, il ne fournit aucun contrat de travail à durée déterminée ni de promesse d'embauche. Dès lors, il indique que cette situation l'exclut des conditions prévues à l'article L. 5221-2 du code du travail. La décision mentionne également que M. A...n'invoque aucune considération humanitaire ou motif exceptionnel qui pourrait permettre son admission exceptionnelle au séjour. Elle précise ensuite que l'intéressé est célibataire et sans enfant, qu'il ne fait pas état d'attache familiale en France et n'indique pas être dépourvu de tout lien familial dans son pays d'origine où il a vécu jusqu'à l'âge de 26 ans, et qu'il n'est donc pas porté une atteinte disproportionnée au respect de sa vie privée et familiale. Elle indique, en rappelant les dispositions du 3° de l'article L. 511-1 I du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, que l'intéressé ne peut prétendre à la délivrance d'un titre de séjour, qu'il n'entre dans aucune catégorie d'étrangers qui ne peuvent faire l'objet d'une mesure d'éloignement en vertu de l'article L. 511-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, et qu'il ne fait état d'aucun élément justifiant qu'il lui soit accordé un délai supérieur à trente jours pour quitter le territoire français. L'arrêté précise que M. A...ne démontre pas être exposé à des peines ou traitements contraires à l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales en cas de retour dans son pays d'origine. Par suite, le moyen tiré de ce que l'arrêté attaqué est insuffisamment motivé doit être écarté.

En ce qui concerne le refus de titre de séjour :

3. En premier lieu, aux termes de l'article L. 313-10 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, dans sa version en vigueur à la date de l'arrêté attaqué : " Une carte de séjour temporaire, d'une durée maximale d'un an, autorisant l'exercice d'une activité professionnelle est délivrée à l'étranger : 2° Pour l'exercice d'une activité salariée sous contrat de travail à durée déterminée ou dans les cas prévus aux articles L. 1262-1 et L. 1262-2 du même code, dans les conditions prévues à l'article L. 5221-2 dudit code. Cette carte est délivrée pour une durée identique à celle du contrat de travail ou du détachement, dans la limite d'un an. Elle est renouvelée pour une durée identique à celle du contrat de travail ou du détachement. Elle porte la mention " travailleur temporaire " ". Aux termes de l'article L. 5221-2 du code du travail : " Pour entrer en France en vue d'y exercer une profession salariée, l'étranger présente : 1° Les documents et visas exigés par les conventions internationales et les règlements en vigueur ; 2° Un contrat de travail visé par l'autorité administrative ou une autorisation de travail. ".

4. Il ressort des pièces du dossier qu'à l'appui de sa demande de titre de séjour, M. A... ne s'est prévalu que d'un courrier en date du 9 février 2018 de la société " ACTO INTERIM, agence de travail par intérim, appuyant sa démarche de changement de statut et louant ses qualités professionnelles. En l'absence de production de contrat de travail visé par la direction régionale des entreprises, de la concurrence, de la consommation, du travail et de l'emploi ou d'une autorisation de travail. l'intéressé ne remplissait pas, à la date de l'arrêté attaqué, les conditions pour se voir délivrer un titre de séjour en qualité de salarié. Dans ces conditions, nonobstant les efforts d'intégration de l'intéressé, le moyen tiré de la méconnaissance des dispositions du 2° de l'article L. 313-10 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ne peut qu'être écarté.

5. En deuxième lieu, à supposer que M. A...invoque la méconnaissance des dispositions du 11° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, il n'assortit ce moyen d'aucune précision permettant d'en apprécier le bien-fondé.

6. En troisième lieu, aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1- Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. / 2. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui. ".

7. M. A...se prévaut de la durée de sa présence en France et des liens privés qu'il a tissés sur le territoire national. Toutefois, il ressort des pièces du dossier que M. A...est célibataire et sans enfant et qu'il n'établit pas avoir développé des liens d'une intensité particulière en France. Il n'allègue pas être dépourvu de toute attache familiale dans son pays d'origine où il a vécu jusqu'à l'âge de vingt-six ans. Dans ces conditions, le préfet de la Haute-Vienne n'a pas, en prenant la décision en litige, porté une atteinte excessive à son droit au respect de sa vie privée et familiale et n'a, ainsi, pas méconnu les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales. Il n'a pas davantage méconnu les dispositions du 7° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ni entaché sa décision d'erreur manifeste d'appréciation.

En ce qui concerne la décision portant obligation de quitter le territoire français :

8. Si M. A...entend " reprendre intégralement les vices concernant la légalité externe et interne précédemment exposés dans le cadre du refus de séjour ", ces moyens ne pourront, en tout état de cause, qu'être écartés pour les motifs énoncés précédemment.

9. Le moyen tiré de ce que la mesure d'éloignement méconnaît les stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales est inopérant à l'encontre d'une décision qui, par elle-même, n'implique pas le retour de l'intéressé dans son pays d'origine.

En ce qui concerne la décision fixant le pays de renvoi :

10. Aux termes de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " Nul ne peut être soumis à la torture ni à des peines ou traitements inhumains ou dégradants ". Ces stipulations font obstacle à ce que puisse être légalement désigné comme pays de renvoi d'un étranger faisant l'objet d'une mesure d'éloignement un Etat pour lequel il existe des motifs sérieux et avérés de croire que l'intéressé s'y trouverait exposé à un risque réel pour sa personne soit du fait des autorités de cet Etat, soit même du fait de personnes ou groupes de personnes ne relevant pas des autorités publiques, dès lors que, dans ce dernier cas, les autorités de l'Etat de renvoi ne sont pas en mesure de parer à un tel risque par une protection appropriée.

11. En indiquant que M. A...ne démontre pas être exposé en cas de retour dans son pays d'origine à des peines ou traitements contraires à la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, le préfet de la Haute-Vienne a suffisamment motivé sa décision fixant le pays de renvoi.

12. Si l'appelant soutient qu'il encourt des risques de traitements inhumains et dégradants en cas de retour dans son pays d'origine, il n'apporte aucun élément probant de nature à en établir la réalité. Ainsi, il n'est pas fondé à soutenir que la décision fixant le pays de renvoi méconnaît les stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.

13. Il résulte de tout ce qui précède que M. A...n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Limoges a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du préfet de la Haute-Vienne du 6 juin 2018. Par voie de conséquence, ses conclusions à fin d'injonction et celles tendant à l'application des dispositions des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991 ne peuvent qu'être rejetées.

DECIDE :

Article 1er : La requête de M. A...est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. C...A...et au ministre de l'Intérieur. Copie en sera adressée au préfet de la Haute-Vienne.

Délibéré après l'audience du 21 mai 2019 à laquelle siégeaient :

Mme Marianne Pouget, président-rapporteur,

M. Paul-André Braud, premier-conseiller,

M. Romain Roussel, premier-conseiller.

Lu en audience publique, le 12 juin 2019.

Le premier-conseiller,

Paul-André BraudLe président-rapporteur,

Marianne B...

Le greffier,

Florence Faure

La République mande et ordonne au ministre de l'Intérieur en ce qui le concerne et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun, contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.

2

N° 18BX04407


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Bordeaux
Formation : 1ère chambre bis - (formation à 3)
Numéro d'arrêt : 18BX04407
Date de la décision : 12/06/2019
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

335-01 Étrangers. Séjour des étrangers.


Composition du Tribunal
Président : Mme POUGET M.
Rapporteur ?: Mme Marianne POUGET M.
Rapporteur public ?: Mme DE PAZ
Avocat(s) : DUPONTEIL

Origine de la décision
Date de l'import : 25/06/2019
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.bordeaux;arret;2019-06-12;18bx04407 ?
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