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12/06/2019 | FRANCE | N°18BX02053

France | France, Cour administrative d'appel de Bordeaux, 1ère chambre bis - (formation à 3), 12 juin 2019, 18BX02053


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme B...C...a demandé au tribunal administratif de Toulouse d'annuler l'arrêté du 10 avril 2017 par lequel le préfet du Tarn a refusé de lui délivrer un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de renvoi.

Par un jugement n° 1703043 du 6 mars 2018, le tribunal administratif de Toulouse a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête enregistrée le 23 mai 2018, Mme B...C..., représent

ée par MeA..., demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Toulo...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme B...C...a demandé au tribunal administratif de Toulouse d'annuler l'arrêté du 10 avril 2017 par lequel le préfet du Tarn a refusé de lui délivrer un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de renvoi.

Par un jugement n° 1703043 du 6 mars 2018, le tribunal administratif de Toulouse a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête enregistrée le 23 mai 2018, Mme B...C..., représentée par MeA..., demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Toulouse du 6 mars 2018 ;

2°) d'annuler l'arrêté du 10 avril 2017 ;

3°) d'enjoindre au préfet du Tarn de lui délivrer un titre de séjour " vie privée et familiale ", ou, à défaut, de réexaminer sa demande et de lui remettre, dans l'attente, une autorisation provisoire de séjour, dès la notification de l'arrêt à intervenir ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 2 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

S'agissant de la décision portant refus de titre de séjour :

- le préfet s'est estimé lié par l'avis de la direction régionale des entreprises, de la concurrence, de la consommation, du travail et de l'emploi (DIRECCTE) ; cet avis et les justificatifs des demandes de régularisation transmises à son employeur ne lui ont pas été communiqués ;

- en adoptant le refus de séjour sans répondre à l'autorisation de travail formulée par son employeur, le préfet a commis une erreur de droit et entaché sa décision d'un défaut d'examen sérieux de sa situation personnelle ;

- la décision est entachée d'erreur de droit et d'erreur manifeste d'appréciation au regard des articles L. 313-10 et L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- elle méconnaît l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

S'agissant de la décision portant obligation de quitter le territoire français :

- elle est privée de base légale en raison de l'illégalité du refus de séjour ;

- elle méconnaît l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.

Par un mémoire en défense, enregistré le 24 juillet 2018, le préfet du Tarn conclut au rejet de la requête.

Il soutient que les moyens soulevés par la requérante ne sont pas fondés.

Par une décision du bureau d'aide juridictionnelle n° 2018/007161 du 26 avril 2018, la demande de Mme C...tendant au bénéfice de l'aide juridictionnelle a été rejetée. Le président de la cour administrative d'appel de Bordeaux a, par une ordonnance du 29 mai 2018, rejeté le recours formé contre cette décision.

Par une décision n° 2018/014955 du 18 octobre 2018, le bureau d'aide juridictionnelle a rejeté la demande de Mme C...en constatant qu'il a déjà été statué sur cette demande par décision n° 2018/007161 du 26 avril 2018 pour cette procédure.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- le code du travail ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Par décision du 1er septembre 2018, le président de la cour a désigné Mme Déborah de Paz pour exercer temporairement les fonctions de rapporteur public en application des articles R. 222-24 et R. 222-32 du code de justice administrative.

Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Le rapport de M. Romain Roussel, premier conseiller, a été entendu au cours de l'audience publique du 21 mai 2019.

Considérant ce qui suit :

1. MmeC..., ressortissante laotienne, née le 6 octobre 1980, est entrée en France le 3 juin 2014 sous couvert de son passeport revêtu d'un visa de trente jours. Le 3 novembre 2016, elle a présenté une demande d'admission au séjour au titre du travail. Par arrêté du 10 avril 2017, le préfet du Tarn a refusé de lui délivrer un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de renvoi. Mme C...relève appel du jugement du 6 mars 2018 par lequel le tribunal administratif de Toulouse a rejeté sa demande dirigée contre cet arrêté.

Sur les conclusions en annulation :

En ce qui concerne la décision portant refus de titre de séjour :

2. En premier lieu, aux termes de l'article L. 313-10 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Une carte de séjour temporaire, d'une durée maximale d'un an, autorisant l'exercice d'une activité professionnelle est délivrée à l'étranger : / 1° Pour l'exercice d'une activité salariée sous contrat de travail à durée indéterminée, dans les conditions prévues à l'article L. 5221-2 du code du travail. Elle porte la mention " salarié " (...)". Aux termes de l'article l. 5221-2 du code du travail : " Pour entrer en France en vue d'y exercer une profession salariée, l'étranger présente : / 1° Les documents et visas exigés par les conventions internationales et les règlements en vigueur ; / 2° Un contrat de travail visé par l'autorité administrative ou une autorisation de travail ". Aux termes de l'article R. 5221-3 du même code : " L'autorisation de travail peut être constituée par l'un des documents suivants : (...) 8° La carte de séjour temporaire portant la mention " salarié ", délivrée en application du 1° de l'article L. 313-10 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ou le visa de long séjour valant titre de séjour mentionné au 7° de l'article R. 311-3 du même code, accompagné du contrat de travail visé (...) ". Aux termes de l'article R. 5221-11 du même code : " La demande d'autorisation de travail relevant des 4°, 8°, 9°, 13° et 14° de l'article R. 5221-3 est faite par l'employeur. / Elle peut également être présentée par une personne habilitée à cet effet par un mandat écrit de l'employeur ". Selon l'article R. 5221-15 de ce code : " Lorsque l'étranger est déjà présent sur le territoire national, la demande d'autorisation de travail mentionnée à l'article R. 5221-11 est adressée au préfet de son département de résidence. ". Enfin, aux termes de l'article R. 5221-17 dudit code : " La décision relative à la demande d'autorisation de travail mentionnée à l'article R. 5221-11 est prise par le préfet. Elle est notifiée à l'employeur ou au mandataire qui a présenté la demande, ainsi qu'à l'étranger. ".

3. Si MmeC..., qui se trouvait en situation irrégulière sur le territoire français à la date du dépôt de sa " demande de régularisation ", n'a pas explicitement sollicité la délivrance d'un titre sur le fondement des dispositions citées au point précédent de l'article L. 313-10 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, elle s'est toutefois prévalue d'une demande d'autorisation de travail pour un poste d'aide cuisinière, et il est constant que le préfet du Tarn a examiné d'office sa situation au regard de ces dispositions. Ce faisant, le préfet a implicitement mais nécessairement statué sur la demande d'autorisation de travail. S'il a saisi pour avis la direction régionale des entreprises, de la concurrence, de la consommation, du travail et de l'emploi (DIRECCTE), laquelle a rendu un avis défavorable, il ressort de l'arrêté en litige que, pour refuser de délivrer à Mme C...un titre de séjour sur le fondement de l'article L. 313-10 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, le préfet du Tarn s'est fondé sur la circonstance que l'intéressée ne justifiait ni d'un visa de long séjour ni d'un contrat de travail visé. Dans ces conditions, il ne ressort d'aucune pièce du dossier que le préfet, qui a également analysé la possibilité de mettre en oeuvre son pouvoir de régularisation en faveur de l'intéressée, se serait estimé lié par l'avis de la DIRECCTE. Dès lors, les éventuelles irrégularités susceptibles d'entacher cet avis sont, en tout état de cause, sans incidence sur la légalité de l'arrêté en litige. Par suite, c'est sans erreur de droit, ni erreur d'appréciation, que le préfet du Tarn a estimé que Mme C...ne remplissait pas les conditions pour se voir délivrer un titre de séjour en qualité de salariée.

4. En deuxième lieu, aucune disposition législative ou réglementaire, ni aucun principe, n'imposait à l'autorité préfectorale de communiquer à Mme C...cet avis et les justificatifs des demandes de régularisation transmises à son employeur.

5. En troisième lieu, aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. / 2. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui ". Pour l'application des stipulations précitées, l'étranger qui invoque la protection due à son droit au respect de sa vie privée et familiale en France doit apporter toute justification permettant d'apprécier la réalité et la stabilité de ses liens personnels et familiaux effectifs en France au regard de ceux qu'il a conservés dans son pays d'origine.

6. Il ressort des pièces du dossier que Mme C...est entrée en France en 2014 avec son époux, mais que celui-ci a fait l'objet d'une obligation de quitter le territoire français dont la légalité a été confirmée par le tribunal administratif de Toulouse le 6 mars 2018 et que la cour administrative d'appel de Bordeaux, par un arrêt de ce jour, a rejeté le recours formé contre ce jugement. Mme C...ne démontre pas avoir tissé des liens personnels forts en France, ni y disposer d'attaches familiales, alors qu'elle n'établit pas en être dépourvue au Laos, où elle a vécu jusque l'âge de 34 ans. Si elle fait valoir qu'elle a occupé un emploi de juin à juillet 2016 et qu'un employeur est prêt à l'embaucher avec son époux, ces éléments ne suffisent pas à démontrer une particulière intégration sur le territoire français. Ainsi, compte tenu de l'ensemble des circonstances de l'espèce, le refus de titre de séjour n'a pas porté au droit au respect de la vie privée et familiale de l'intéressée une atteinte disproportionnée aux buts en vue desquels elle a été prise et ne peut donc être regardée comme méconnaissant les stipulations précitées de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.

7. En quatrième lieu, aux termes de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " La carte de séjour temporaire mentionnée à l'article L. 313-11 ou la carte de séjour temporaire mentionnée aux 1° et 2° de l'article L. 313-10 peut être délivrée, sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, à l'étranger ne vivant pas en état de polygamie dont l'admission au séjour répond à des considérations humanitaires ou se justifie au regard des motifs exceptionnels qu'il fait valoir, sans que soit opposable la condition prévue à l'article L. 313-2. (...) ".

8. En présence d'une demande de régularisation présentée sur le fondement de ces dispositions, par un étranger qui ne serait pas en situation de polygamie et dont la présence en France ne présenterait pas une menace pour l'ordre public, il appartient à l'autorité administrative de vérifier, dans un premier temps, si l'admission exceptionnelle au séjour par la délivrance d'une carte portant la mention " vie privée et familiale " répond à des considérations humanitaires ou se justifie au regard de motifs exceptionnels, et à défaut, dans un second temps, s'il est fait état de motifs exceptionnels de nature à permettre la délivrance, dans ce cadre, d'une carte de séjour temporaire portant la mention " salarié " ou "travailleur temporaire". Ces dispositions laissent à l'administration un large pouvoir pour apprécier si l'admission au séjour d'un étranger répond à des considérations humanitaires ou si elle se justifie au regard des motifs exceptionnels que celui-ci fait valoir.

9. Ni la situation de MmeC..., telle que décrite au point 6, ni la circonstance qu'une exploitation agricole est prête à l'embaucher avec son époux, ne permettent d'estimer que son admission au séjour répondrait à des considérations humanitaires ni à des motifs exceptionnels au sens des dispositions précitées. Dans ces conditions, le moyen tiré de la méconnaissance de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ne peut qu'être écarté.

En ce qui concerne la décision portant obligation de quitter le territoire français :

10. Il résulte de ce qui précède que l'appelante n'est pas fondée à exciper de l'illégalité du refus de titre de séjour pour soutenir que la mesure d'éloignement est elle-même illégale.

11. Pour les motifs exposés au point 6, Mme C...n'est pas fondée à soutenir que la mesure d'éloignement méconnaît l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.

12. Il résulte de ce qui précède que Mme C...n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Toulouse a rejeté sa demande. Par voie de conséquence, ses conclusions à fin d'injonction ainsi que celles tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative doivent également être rejetées.

DECIDE :

Article 1er : La requête de Mme C...est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à Mme B...C...et au ministre de l'intérieur. Copie en sera transmise au préfet du Tarn.

Délibéré après l'audience du 21 mai 2019 à laquelle siégeaient :

Mme Marianne Pouget, président,

M. Paul-André Braud, premier conseiller,

M. Romain Roussel, premier conseiller.

Lu en audience publique, le 12 juin 2019.

Le rapporteur,

Romain RousselLe président,

Marianne Pouget

Le greffier,

Florence Faure

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur, et à tous huissiers de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.

2

18BX02053


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Bordeaux
Formation : 1ère chambre bis - (formation à 3)
Numéro d'arrêt : 18BX02053
Date de la décision : 12/06/2019
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

335-01-03 Étrangers. Séjour des étrangers. Refus de séjour.


Composition du Tribunal
Président : Mme POUGET M.
Rapporteur ?: M. Romain ROUSSEL
Rapporteur public ?: Mme DE PAZ
Avocat(s) : ATY AVOCATS ASSOCIES AMARI DE BEAUFORT-TERCERO-YEPONDE

Origine de la décision
Date de l'import : 25/06/2019
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.bordeaux;arret;2019-06-12;18bx02053 ?
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