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12/06/2019 | FRANCE | N°18BX02051

France | France, Cour administrative d'appel de Bordeaux, 1ère chambre bis - (formation à 3), 12 juin 2019, 18BX02051


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Par deux requêtes distinctes M. A...C...a demandé au tribunal administratif de Toulouse d'annuler les décisions du 22 mars 2017 par lesquelles le préfet du Tarn a, d'une part, refusé d'enregistrer sa demande de titre de séjour en qualité d'étranger malade et, d'autre part, implicitement refusé de lui délivrer un titre de séjour en cette qualité ainsi que l'arrêté du 2 mars 2017 par lequel le préfet du Tarn a refusé de lui délivrer un titre de séjour ou au titre du travail, lui a fait obligation de

quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays ...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Par deux requêtes distinctes M. A...C...a demandé au tribunal administratif de Toulouse d'annuler les décisions du 22 mars 2017 par lesquelles le préfet du Tarn a, d'une part, refusé d'enregistrer sa demande de titre de séjour en qualité d'étranger malade et, d'autre part, implicitement refusé de lui délivrer un titre de séjour en cette qualité ainsi que l'arrêté du 2 mars 2017 par lequel le préfet du Tarn a refusé de lui délivrer un titre de séjour ou au titre du travail, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de renvoi.

Par un jugement n° 1701803, 1702333 du 6 mars 2018, le tribunal administratif de Toulouse a, d'une part, prononcé un non-lieu à statuer sur sa demande tendant à l'annulation des décisions du 22 mars 2017 et, d'autre part, rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 2 mars 2017.

Procédure devant la cour :

Par une requête enregistrée le 23 mai 2018, M. A...C..., représenté par MeB..., demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Toulouse du 6 mars 2018 ;

2°) d'annuler l'arrêté du 2 mars 2017 du préfet du Tarn ;

3°) d'annuler la décision de refus de séjour implicite du 22 mars 2017 ;

4°) d'annuler la décision de refus de séjour implicite du 3 octobre 2017 ;

5°) d'enjoindre au préfet du Tarn de lui délivrer un titre de séjour " vie privée et familiale ", ou, à défaut, de réexaminer sa demande et de lui remettre, dans l'attente une autorisation provisoire de séjour, dès la notification de l'arrêt à intervenir ;

6°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 2 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

S'agissant de la décision de refus implicite de titre de séjour du 22 mars 2017 :

- le tribunal a commis une erreur de droit en considérant que du fait de la naissance le 3 octobre 2017 d'une nouvelle décision implicite de rejet, ses conclusions dirigées contre la décision implicite du 22 mars 2017 de refus de délivrance d'un titre de séjour en qualité d'étranger malade étaient devenues sans objet ;

- l'agent de préfecture a refusé, le 22 mars 2017, d'enregistrer sa demande de titre de séjour en qualité d'étranger malade, en portant une appréciation sur son état de santé, ce qui révèle une décision implicite de refus de délivrance du titre de séjour correspondant ; cette décision n'a été que suspendue par l'ordonnance du 9 mai 2017 du juge des référés du tribunal administratif de Toulouse et n'a pas disparu de l'ordonnancement juridique en l'absence de décision explicite de refus de séjour adoptée postérieurement ;

- cette décision est insuffisamment motivée et n'a pas fait l'objet d'un examen personnalisé ;

- elle méconnaît les dispositions du 11° de l'article L. 313-11 et celles des articles R. 313-22 et R. 312-23 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, dès lors que le refus n'a pas été précédé de la saisine du service médical de l'Office français de l'immigration et de l'intégration (OFII).

S'agissant de la décision de refus implicite de titre de séjour du 3 octobre 2017 :

- par cette décision, les services de la préfecture ont rejeté sa demande de délivrance de titre de séjour en se fondant sur l'avis médical émis le 7 novembre 2017 par le collège de médecins de l'OFII ; or, cet avis ne mentionne pas l'identité du médecin ayant établi le rapport médical et le seul moyen de vérifier que ce dernier ne siégeait pas au sein du collège de médecins ayant rendu l'avis est la production du rapport médical ; en l'absence de communication de ces deux éléments, cet avis est irrégulier ;

S'agissant de l'arrêté du 2 mars 2017 :

En ce qui concerne la décision portant refus de séjour :

- le préfet s'est estimé lié par l'avis de la direction régionale des entreprises, de la concurrence, de la consommation, du travail et de l'emploi (DIRECCTE), commettant ainsi une erreur de droit ;

- l'avis de la DIRECCTE est entaché d'erreur manifeste d'appréciation ;

- en adoptant le refus de séjour sans prendre de décision sur l'autorisation de travail formulée par son employeur, le préfet a commis une erreur de droit et entaché sa décision d'un défaut d'examen sérieux de sa situation personnelle ;

- la décision est entachée d'erreur manifeste d'appréciation au regard des articles L. 313-10 et L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

En ce qui concerne la décision portant obligation de quitter le territoire français :

- elle méconnaît les dispositions du 10° de l'article L. 511-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et l'article 9 de l'arrêté du 27 décembre 2016 ;

En ce qui concerne la décision fixant le pays de renvoi :

- elle est entachée d'une insuffisance de motivation en droit.

Par un mémoire en défense, enregistré le 24 juillet 2018, le préfet du Tarn conclut au rejet de la requête.

Il soutient que les moyens soulevés par le requérant ne sont pas fondés.

Les parties ont été informées, en application des dispositions de l'article R. 611-7 du code de justice administrative, de ce que l'arrêt était susceptible d'être fondé sur trois moyens relevés d'office, tirés de ce qu'aucune décision refusant la délivrance d'un titre de séjour n'est née le 22 mars 2017, de ce que le tribunal a prononcé à tort un non lieu à statuer sur la demande tendant à l'annulation de la décision implicite de refus d'enregistrement de la demande de titre de séjour du requérant, et enfin de ce que le requérant n'est pas recevable à demander pour la première fois en appel l'annulation de la décision implicite de rejet de sa demande de titre de séjour qui serait née le 3 octobre 2017.

Par une décision du bureau d'aide juridictionnelle n° 2018/007162 du 26 avril 2018, la demande de M. C...tendant au bénéfice de l'aide juridictionnelle a été rejetée. Le président de la cour administrative d'appel de Bordeaux a, par une ordonnance du 30 mai 2018, rejeté le recours formé contre cette décision.

Par une décision n° 2018/014956 du 18 octobre 2018, le bureau d'aide juridictionnelle a rejeté la demande de M. C...en constatant qu'il a déjà été statué sur cette demande par décision n° 2018/007162 du 26 avril 2018 pour cette procédure.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- le code du travail ;

- le code des relations entre le public et l'administration ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- le code du travail ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique ;

- l'arrêté du 27 décembre 2016 relatif aux conditions d'établissement et de transmission des certificats médicaux, rapports médicaux et avis mentionnés aux articles R. 313-22, R. 313-23 et R. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Par décision du 1er septembre 2018, le président de la cour a désigné Mme Déborah de Paz pour exercer temporairement les fonctions de rapporteur public en application des articles R. 222-24 et R. 222-32 du code de justice administrative.

Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Le rapport de M. Romain Roussel, premier conseiller, a été entendu au cours de l'audience publique du 21 mai 2019.

Considérant ce qui suit :

1. M. A...C..., ressortissant laotien, né le 5 juillet 1980, est entré en France en 2014 sous couvert de son passeport revêtu d'un visa de trente jours. Le 3 novembre 2016, il a présenté une demande d'admission au séjour au titre du travail. Par arrêté du 2 mars 2017, le préfet du Tarn a refusé de lui délivrer un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de renvoi. L'intéressé s'est présenté à la préfecture le 22 mars suivant pour y solliciter un dossier de demande de titre de séjour en qualité d'étranger malade mais s'est vu opposer un refus de la part de l'agent présent au guichet. Par une première requête, M. C...a demandé au tribunal administratif de Toulouse d'annuler les décisions du 22 mars 2017 portant, d'une part, refus d'enregistrement de sa demande présentée au titre de son état de santé et, d'autre part, refus implicite d'admission au séjour à ce titre et par une seconde requête, il a demandé l'annulation de l'arrêté susmentionné du 2 mars 2017. L'intéressé relève appel du jugement du 6 mars 2018 par lequel le tribunal administratif de Toulouse a, d'une part, prononcé un non-lieu à statuer sur sa demande tendant à l'annulation des décisions du 22 mars 2017 portant refus d'enregistrement de sa demande présentée au titre de son état de santé et refus implicite d'admission au séjour à ce titre, et, d'autre part, rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 2 mars 2017.

Sur la régularité du jugement attaqué :

2. Il est constant que M. C...s'est présenté, le 22 mars 2017, au guichet de la préfecture du Tarn pour y déposer une demande de titre de séjour en qualité d'étranger malade. Il n'est contesté ni que son dossier de demande était complet, ni qu'un agent a refusé de l'enregistrer. Dans ces conditions, est née le 22 mars 2017 une décision implicite de refus d'enregistrement d'une demande complète de titre de séjour, qui constitue une décision susceptible d'être déférée au juge de l'excès de pouvoir. En revanche, ainsi que les parties en ont été informées, aucune décision de refus de délivrance de titre de séjour n'est née ce même jour. C'est donc à tort que le tribunal administratif a estimé que la décision du 3 octobre 2017 s'est substituée à cette décision et a prononcé un non-lieu à statuer. Le jugement attaqué est irrégulier dans cette mesure.

3. Par ordonnance du 9 mai 2017, le juge des référés du tribunal administratif de Toulouse a suspendu l'exécution de la décision de refus d'enregistrement du 22 mars 2017 et a enjoint au préfet du Tarn d'examiner la demande de titre de séjour de M. C...tendant à la délivrance d'un titre de séjour en raison de son état de santé. Il ressort des pièces du dossier que, en exécution de cette ordonnance de référé, cette demande a été enregistrée le 2 juin 2017. Toutefois, cette circonstance ne prive pas d'objet la demande tendant à l'annulation du refus d'enregistrement opposé à M. C...le 22 mars 2017. Par suite, et ainsi qu'en ont été informées les parties, c'est à tort que les premiers juges ont estimé que la demande d'annulation de cette décision dont ils étaient saisis était devenue sans objet et ont constaté qu'il n'y avait pas lieu de statuer sur cette demande. Le jugement du 6 mars 2018 doit, dès lors, être annulé dans cette mesure.

4. Il y a lieu d'évoquer et de statuer immédiatement sur les demandes présentées par M. C...devant le tribunal administratif de Toulouse tendant à l'annulation du refus d'enregistrer sa demande de titre de séjour en raison de son état de santé et du refus implicite de titre de séjour et de statuer par l'effet dévolutif de l'appel sur conclusions dirigées contre l'arrêté du 2 mars 2017.

Sur la légalité du refus d'enregistrement du 22 mars 2017 :

5. Ainsi qu'il a été dit au point 2, dès lors qu'il n'est pas contesté que le dossier de demande de titre de séjour que M. C...souhaitait déposer au guichet de la préfecture était complet, le préfet était tenu de l'enregistrer et de lui remettre un récépissé. Dans ces conditions, et sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens, le refus d'enregistrement qui a été opposé à l'intéressé est entaché d'une erreur de droit et doit être annulé.

Sur le refus implicite de titre de séjour du 22 mars 2017 :

6. Ainsi qu'il a été dit précédemment, aucune décision de refus de délivrance de titre de séjour n'est née le 22 mars 2017. Dès lors, les conclusions tendant à son annulation sont irrecevables.

Sur les conclusions tendant à l'annulation de la décision implicite du 3 octobre 2017 :

7. M. C...soutient qu'en application des articles R. 311-12 et R. 311-12-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, le silence gardé pendant 4 mois sur sa demande enregistrée le 2 juin 2017 a fait naître une décision implicite de refus de délivrance de titre de séjour le 3 octobre 2017. Toutefois, ainsi que les parties en ont été informées, il n'est pas recevable à demander, pour la première fois en appel, l'annulation de la décision implicite de rejet du 3 octobre 2017.

Sur les conclusions tendant à l'annulation de l'arrêté du 2 mars 2017 :

8. En premier lieu, aux termes de l'article L. 313-10 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Une carte de séjour temporaire, d'une durée maximale d'un an, autorisant l'exercice d'une activité professionnelle est délivrée à l'étranger : / 1° Pour l'exercice d'une activité salariée sous contrat de travail à durée indéterminée, dans les conditions prévues à l'article L. 5221-2 du code du travail. Elle porte la mention " salarié " (...) / 2° Pour l'exercice d'une activité salariée sous contrat de travail à durée déterminée ou dans les cas prévus aux articles L. 1262-1 et L. 1262-2 du même code, dans les conditions prévues à l'article L. 5221-2 dudit code. Cette carte est délivrée pour une durée identique à celle du contrat de travail ou du détachement, dans la limite d'un an. Elle est renouvelée pour une durée identique à celle du contrat de travail ou du détachement. Elle porte la mention " travailleur temporaire " (...) ". Aux termes de l'article l. 5221-2 du code du travail : " Pour entrer en France en vue d'y exercer une profession salariée, l'étranger présente : / 1° Les documents et visas exigés par les conventions internationales et les règlements en vigueur ; / 2° Un contrat de travail visé par l'autorité administrative ou une autorisation de travail ". Aux termes de l'article R. 5221-3 du même code : " L'autorisation de travail peut être constituée par l'un des documents suivants : (...) 8° La carte de séjour temporaire portant la mention " salarié ", délivrée en application du 1° de l'article L. 313-10 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ou le visa de long séjour valant titre de séjour mentionné au 7° de l'article R. 311-3 du même code, accompagné du contrat de travail visé (...) ". Aux termes de l'article R. 5221-11 du même code : " La demande d'autorisation de travail relevant des 4°, 8°, 9°, 13° et 14° de l'article R. 5221-3 est faite par l'employeur. / Elle peut également être présentée par une personne habilitée à cet effet par un mandat écrit de l'employeur ". Selon l'article R. 5221-15 de ce code : " Lorsque l'étranger est déjà présent sur le territoire national, la demande d'autorisation de travail mentionnée à l'article R. 5221-11 est adressée au préfet de son département de résidence. ". Enfin, aux termes de l'article R. 5221-17 dudit code : " La décision relative à la demande d'autorisation de travail mentionnée à l'article R. 5221-11 est prise par le préfet. Elle est notifiée à l'employeur ou au mandataire qui a présenté la demande, ainsi qu'à l'étranger. ".

9. Si M.C..., qui se trouvait en situation irrégulière sur le territoire français à la date du dépôt de sa " demande de régularisation ", n'a pas explicitement sollicité la délivrance d'un titre sur le fondement des dispositions citées au point précédent de l'article L. 313-10 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, il s'est toutefois prévalu d'une demande d'autorisation de travail pour un poste d'ouvrier agricole pour 3 mois présentée par une société pour laquelle il avait déjà travaillé, et il est constant que le préfet du Tarn a examiné d'office sa situation au regard de ces dispositions. Ce faisant, le préfet a implicitement mais nécessairement statué sur la demande d'autorisation de travail. S'il a saisi pour avis la direction régionale des entreprises, de la concurrence, de la consommation, du travail et de l'emploi (DIRECCTE), laquelle a rendu un avis défavorable, il ressort de l'arrêté en litige que, pour refuser de délivrer à M. C...un titre de séjour sur le fondement de l'article L. 313-10 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, le préfet du Tarn s'est fondé sur la circonstance que l'intéressé ne justifiait ni d'un visa de long séjour ni d'un contrat de travail visé. Dans ces conditions, il ne ressort d'aucune pièce du dossier que le préfet, qui a également analysé la possibilité de mettre en oeuvre son pouvoir de régularisation en faveur de l'intéressé, se serait estimé lié par l'avis de la DIRECCTE. Dès lors, les éventuelles irrégularités susceptibles d'entacher cet avis sont, en tout état de cause, sans incidence sur la légalité de l'arrêté en litige. Par suite, c'est sans erreur de droit, ni erreur d'appréciation, que le préfet du Tarn a estimé que M. C...ne remplissait pas les conditions pour se voir délivrer un titre de séjour en qualité de salarié.

10. En deuxième lieu, aux termes de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " La carte de séjour temporaire mentionnée à l'article L. 313-11 ou la carte de séjour temporaire mentionnée aux 1° et 2° de l'article L. 313-10 peut être délivrée, sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, à l'étranger ne vivant pas en état de polygamie dont l'admission au séjour répond à des considérations humanitaires ou se justifie au regard des motifs exceptionnels qu'il fait valoir, sans que soit opposable la condition prévue à l'article L. 313-2. (...) ".

11. En présence d'une demande de régularisation présentée sur le fondement de ces dispositions, par un étranger qui ne serait pas en situation de polygamie et dont la présence en France ne présenterait pas une menace pour l'ordre public, il appartient à l'autorité administrative de vérifier, dans un premier temps, si l'admission exceptionnelle au séjour par la délivrance d'une carte portant la mention " vie privée et familiale " répond à des considérations humanitaires ou se justifie au regard de motifs exceptionnels, et à défaut, dans un second temps, s'il est fait état de motifs exceptionnels de nature à permettre la délivrance, dans ce cadre, d'une carte de séjour temporaire portant la mention " salarié " ou "travailleur temporaire". Ces dispositions laissent à l'administration un large pouvoir pour apprécier si l'admission au séjour d'un étranger répond à des considérations humanitaires ou si elle se justifie au regard des motifs exceptionnels que celui-ci fait valoir.

12. M. C...se prévaut d'une proposition de recrutement dans le cadre d'un emploi à durée déterminée par une exploitation agricole. Toutefois, cette proposition de recrutement ne saurait être regardée, par principe, comme attestant, par là-même, d'un " motif exceptionnel " de nature à lui ouvrir droit à la délivrance d'un titre de séjour sur le fondement des dispositions précitées. Par suite, eu égard notamment à la brève ancienneté de séjour et de travail de l'appelant en France, le préfet du Tarn n'a pas entaché sa décision d'une erreur manifeste d'appréciation au regard de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Par ailleurs, le préfet ne s'est pas fondé sur l'absence de visa de long séjour ou de contrat de travail pour apprécier l'opportunité de la mesure de régularisation sollicitée.

13. En dernier lieu, M. C...reprend en appel les moyens, déjà soulevés en première instance, et tirés de ce que, d'une part, la décision portant obligation de quitter le territoire français méconnaît les dispositions du 10° de l'article L. 511-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et l'article 9 de l'arrêté du 27 décembre 2016 et, d'autre part, de ce que la décision fixant le pays de renvoi est insuffisamment motivée. L'intéressé ne se prévaut devant la cour d'aucun élément de fait ou de droit nouveau par rapport à l'argumentation développée devant le tribunal administratif. Par suite, il y a lieu d'écarter ces moyens par adoption des motifs pertinemment retenus par les premiers juges.

14. Il résulte de ce qui précède que M. C...n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Toulouse a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du préfet du Tarn du 2 mars 2017.

Sur les conclusions à fin d'injonction :

15. Il résulte de l'instruction, ainsi qu'il a été dit au point 3, que, sur injonction du juge des référés, le préfet du Tarn a enregistré la demande de titre de séjour déposée par M. C...en raison de son état de santé et a procédé à son instruction. Dès lors, il n'y a lieu d'enjoindre au préfet ni de procéder au réexamen de la situation de l'intéressé au regard des dispositions du 11° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, ni de lui délivrer un titre de séjour sur ce même fondement.

Sur les conclusions tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

16. Il n'y a pas lieu de mettre à la charge de l'Etat, qui n'est pas la partie perdante pour l'essentiel dans la présente instance, la somme que demande M. C...au titre des frais exposés par lui et non compris dans les dépens.

DECIDE :

Article 1er : Le jugement du tribunal administratif de Toulouse du 6 mars 2018 est annulé en tant qu'il a prononcé un non-lieu à statuer sur les demandes de M. C...tendant à l'annulation de la décision implicite de refus d'enregistrement de la demande de titre de séjour et du refus implicite de titre de séjour du 22 mars 2017.

Article 2 : La décision du préfet du Tarn du 22 mars 2017 refusant d'enregistrer la demande de titre de séjour de M. C...est annulée.

Article 3 : Le surplus de la demande présentée par M. C...devant le tribunal administratif de Toulouse et le surplus des conclusions de sa requête devant la cour sont rejetés.

Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à M. A...C...et au ministre de l'intérieur. Copie en sera adressée au préfet du Tarn.

Délibéré après l'audience du 21 mai 2019 à laquelle siégeaient :

Mme Marianne Pouget, président,

M. Paul-André Braud, premier conseiller,

M. Romain Roussel, premier conseiller.

Lu en audience publique, le 12 juin 2019.

Le rapporteur,

Romain RousselLe président,

Marianne Pouget

Le greffier,

Florence Faure

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur, et à tous huissiers de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.

2

18BX02051


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Bordeaux
Formation : 1ère chambre bis - (formation à 3)
Numéro d'arrêt : 18BX02051
Date de la décision : 12/06/2019
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

335-01-03 Étrangers. Séjour des étrangers. Refus de séjour.


Composition du Tribunal
Président : Mme POUGET M.
Rapporteur ?: M. Romain ROUSSEL
Rapporteur public ?: Mme DE PAZ
Avocat(s) : ATY AVOCATS ASSOCIES AMARI DE BEAUFORT-TERCERO-YEPONDE

Origine de la décision
Date de l'import : 25/06/2019
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.bordeaux;arret;2019-06-12;18bx02051 ?
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