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11/06/2019 | FRANCE | N°16BX00708

France | France, Cour administrative d'appel de Bordeaux, 5ème chambre - formation à 3, 11 juin 2019, 16BX00708


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La Sarl Verdié Autocars a demandé le 12 mars 2014 au tribunal administratif de Pau d'annuler le contrat portant délégation de service public relatif à l'exploitation du réseau de transport urbain conclu entre la communauté d'agglomération du Grand Auch et la société Kéolis, à défaut, de résilier ledit contrat, et de condamner la communauté d'agglomération du Grand Auch à lui verser la somme de 15 000 euros en réparation du préjudice lié à son éviction irrégulière ainsi que la somme de 440 00

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Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La Sarl Verdié Autocars a demandé le 12 mars 2014 au tribunal administratif de Pau d'annuler le contrat portant délégation de service public relatif à l'exploitation du réseau de transport urbain conclu entre la communauté d'agglomération du Grand Auch et la société Kéolis, à défaut, de résilier ledit contrat, et de condamner la communauté d'agglomération du Grand Auch à lui verser la somme de 15 000 euros en réparation du préjudice lié à son éviction irrégulière ainsi que la somme de 440 000 euros en réparation du préjudice causé par la perte de chance sérieuse d'emporter la délégation de service public.

Par un jugement n° 1400527 du 17 décembre 2015, le tribunal administratif de Pau a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête et un mémoire, enregistrés le 18 février 2016 et le 19 décembre 2017, la Sarl Verdié Autocars, représentée par MeB..., demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Pau du 17 décembre 2015 ;

2°) d'annuler le contrat portant délégation de service public relatif à l'exploitation du réseau de transport urbain conclu entre la communauté d'agglomération du Grand Auch et la société Kéolis, ou à défaut, de résilier ledit contrat ;

3°) de condamner la communauté d'agglomération du Grand Auch à lui verser la somme de 15 000 euros en réparation de son préjudice lié à son éviction irrégulière et la somme de 440 000 euros en réparation du préjudice causé par la perte de chance sérieuse d'emporter la délégation de service public ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 5 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

Sur la régularité du jugement :

- le tribunal a omis de répondre au moyen non inopérant tiré de ce que la communauté d'agglomération du Grand Auch n'était pas régulièrement habilitée à défendre ;

- le tribunal a omis de répondre au moyen tiré de l'absence d'analyse des options ou variantes obligatoires dans le rapport d'analyse des offres qui n'était pas non plus inopérant ;

Sur le bien-fondé du jugement :

En ce qui concerne l'irrégularité de la procédure de passation suivie :

- le dossier de consultation des entreprises soumis aux candidats ne comprenait pas l'ensemble des informations essentielles, de sorte que le principe d'égalité de traitement des candidats a été méconnu ; les rapports du délégataire sortant fournis ne donnaient ni comptes de résultats détaillés, ni statistiques détaillées sur la fréquentation des lignes et sur l'état du parc ; le délégataire sortant disposait de plus d'informations, en cette seule qualité ; les comptes de résultat détaillés doivent être produits pour justifier du bien-fondé du moyen ;

- le cahier des charges a été modifié en cours de procédure, au seul bénéfice du délégataire sortant, la société Kéolis ; ces modifications ont consisté, alors que la négociation était engagée, en une obligation de reprendre les salariés conducteurs de l'entreprise Rivière, sous traitante de Kéolis sous le régime de la convention collective applicable aux transports urbains et en une limitation de l'admission de la sous-traitance à hauteur de 20 % ; ces modifications substantielles du cahier des charges, non justifiées par des motifs d'intérêt général, sont intervenues sans que la communauté d'agglomération respecte le délai de 15 jours entre les modifications apportées et la date limite de remise des offres, délai pourtant mentionné dans le règlement de consultation ; elles ne visaient qu'à neutraliser l'avantage concurrentiel dont elle pouvait se prévaloir sur les autres concurrents ;

- l'ouverture des plis n'a pas été réalisée par une commission spécialement constituée au sens des dispositions de l'article L. 1411-5 du code général des collectivités territoriales ; il appartient à la défenderesse d'apporter les procès-verbaux d'ouverture des plis démontrant que le moyen n'est pas fondé ; les modalités relatives à l'ordre et au temps de passage des candidats durant la négociation l'ont lésée ;

En ce qui concerne l'irrégularité de l'analyse des offres :

- la valeur technique des offres initiales et finales n'a pas été analysée par la commission de délégation de service public de la communauté d'agglomération ;

- le rapport d'analyse des offres ne comprend pas l'appréciation des différentes offres (A, B et C) sur les options ainsi que sur les variantes ; il n'y a pas d'analyse de lignes urbaines, de promotion du service de transport public, et d'engagement environnemental ; la commission n'avait pas à examiner l'offre de la société CAP Pays Cathare, non admise à formuler une offre finale ;

- le rapport ne procède pas à une analyse financière suffisante des offres et apparait erroné quant à l'analyse technique des offres finales ;

En ce qui concerne l'irrespect des critères d'attribution portés au règlement de consultation :

- l'offre de la société Kéolis a bénéficié d'éléments additionnels d'appréciation qui, en raison de leur caractère déterminant, constituent de nouveaux critères " occultes " ; ainsi Keolis a artificiellement augmenté la fréquence des lignes en supprimant des arrêts avec une incidence défavorable sur la prise en charge des voyageurs ; le rapport final ne mentionne pas le coût réel du contrat sur toute la durée projetée en prenant en compte l'augmentation par Keolis de son engagement de recettes ;

- cette société a été retenue en raison d'une proposition de navette cadencée à 15 mn alors qu'en réalité des contraintes de voirie et de trafic empêchent cette organisation.

Par des mémoires en défense et des pièces, enregistrés le 28 juin 2017, le 22 janvier 2018 (non communiqué) et le 27 novembre 2018, la communauté d'agglomération du Grand Auch, représentée par MeC..., conclut au rejet de la requête et à la mise à la charge de la société Verdié Autocars d'une somme de 3 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- les premiers juges n'ont pas omis de statuer sur le moyen inopérant et infondé tiré de l'irrecevabilité de la communauté d'agglomération du Grand Auch à se défendre à défaut de délibération de l'assemblée délibérante autorisant son président à défendre spécifiquement dans cette instance ;

- les premiers juges n'ont pas omis de statuer sur le moyen inopérant et infondé tiré de l'absence d'analyse des options ou variantes obligatoires dans le rapport d'analyse des offres ;

- le marché public conclu à l'origine entre le syndicat intercommunal à vocation unique et la société Kéolis est arrivé à son terme le 31 décembre 2013 ;

- la procédure suivie afin de sélectionner le futur délégataire n'a pas été irrégulièrement menée ; en effet, le dossier comprenait les informations utiles notamment sur la fréquentation des lignes et le flux des passages ; une visite sur place de la société Verdié lui a même donné l'occasion de prendre connaissance du parc automobile et de disposer de renseignements complémentaires, éventuellement nécessaires à la présentation de son offre ; les éléments du parc étaient mentionnés dans le dossier de consultation des entreprises ainsi que dans le rapport d'activité annuel de 2012 ;

- aucune modification substantielle du cahier des charges n'est intervenue : la convention collective transport urbain est logiquement applicable ; le 30 mai 2013, un candidat a posé une question sur le seuil de sous-traitance admis et la communauté n'a fait qu'y répondre puis a transmis sa réponse à tous les candidats, afin de respecter l'égalité de traitement ; avant le dépôt des offres initiales, il a été indiqué aux candidats que le recours à la sous-traitance était possible, et que son volume serait arrêté lors des négociations ; en tout état de cause, cette modification de portée limitée, justifiée par l'intérêt du service et non discriminatoire n'était pas illégale ;

- à l'issue de l'ouverture des plis, la société Verdié a été admise à la négociation, de sorte qu'elle n'a pas été lésée par les irrégularités alléguées ; par ailleurs, la commission de délégation de service public a bien émis un avis motivé, et a retenu la société Verdié pour la phase de négociation ; enfin, les ordres de passage et les temps de négociation avec chaque candidat, à l'occasion des trois séries de négociations mises en place, ont permis de respecter l'égalité de traitement ;

- l'analyse des offres au stade de l'établissement de la liste des candidats admis à négocier repose sur une comparaison entre les offres A, B et C y compris pour le réseau urbain ainsi que sur les éléments d'appréciation concrète de l'engagement environnemental des candidats et de la promotion du service de transport public ;

- l'analyse des offres au stade du choix du délégataire, n'a porté pour les trois candidats admis à la négociation que sur leurs offres variantes C (offre prévue et définie au cahier des charges) ; les offres A (réseau actuel) et B (projet élaboré par Grand Auch Agglomération) ont donc cessé d'avoir un caractère discriminant pour la société requérante ;

- les critères prévus dans le règlement de consultation (qualité de service appréciée à 4 niveaux usagers, autorité organisatrice, engagements des candidats, environnement du candidat et performance économique), ni pondérés ni hiérarchisés, ont été respectés.

Par une ordonnance du 21 novembre 2018, la clôture d'instruction a été fixée, en dernier lieu, au 4 décembre 2018 à 12 heures.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code général des collectivités territoriales ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Caroline Gaillard,

- les conclusions de Mme Cécile Cabanne, rapporteur public,

- et les observations de MeA..., représentant la société Verdié Autocars, et de Me C..., représentant la communauté d'agglomération du Grand Auch.

Une note en délibéré présentée pour la société Verdié Autocars a été enregistrée le 15 mai 2019.

Considérant ce qui suit :

1. Le 1er mars 2013, la communauté d'agglomération du Grand Auch a engagé une procédure en vue de déléguer l'exploitation du service des transports urbains sur l'ensemble du territoire communautaire pour une durée de huit ans à compter du 1er janvier 2014. La commission prévue par les dispositions de l'article L. 1411-15 du code général des collectivités locales, réunie le 21 juin 2013, a admis trois candidats, la société CAP Pays Cathare, la société Kéolis et la société Verdié Autocars, à présenter une offre. A l'issue de la phase de négociation, le président de la communauté d'agglomération du Grand Auch a saisi le conseil communautaire afin qu'il délibère sur le choix du candidat à retenir, au vu du rapport et de l'avis de la commission présentant l'analyse des propositions des candidats admis à présenter une offre et exposant les motifs du choix opéré par l'autorité exécutive en faveur de la société Kéolis. Par délibération du 24 octobre 2013, l'organe délibérant de la communauté d'agglomération a approuvé ce choix ainsi que le projet de convention de délégation de service public et a autorisé le président de l'établissement public à signer le contrat avec la société Kéolis. Le contrat a été signé le 11 décembre 2013.

2. La société Verdié Autocars a demandé au tribunal administratif de Pau d'annuler cette convention de délégation de service public, ou à défaut, de la résilier et, en toute hypothèse, de condamner la communauté d'agglomération du Grand Auch à l'indemniser des préjudices qu'elle estime avoir subis du fait de son éviction irrégulière de la procédure d'attribution de cette délégation de service public. La société Verdié Autocar relève appel du jugement du 17 décembre 2015 par lequel le tribunal a rejeté sa requête et réitère en appel l'ensemble de ces demandes. La communauté d'agglomération du Grand Auch conclut au rejet de la requête et à la confirmation du jugement attaqué.

Sur la régularité du jugement attaqué :

3. Il ressort des pièces du dossier que la société Verdié Autocars a produit le 29 novembre 2015, soit antérieurement à la clôture de l'instruction, un mémoire contenant un moyen nouveau tiré du défaut de qualité pour agir du président de la communauté d'agglomération du Grand Auch. A défaut pour les premiers juges d'avoir répondu à ce moyen, qui n'était pas inopérant, le jugement attaqué est entaché d'irrégularité.

4. Par suite, il y a lieu d'évoquer et de statuer immédiatement sur la demande de la société Verdié Autocars devant le tribunal administratif de Pau.

Sur la procédure de passation de la convention :

En ce qui concerne la communication des informations essentielles du marché :

5. Aux termes de l'article L. 1411-1 du code général des collectivités territoriales : " Une délégation de service public est un contrat par lequel une personne morale de droit public confie la gestion d'un service public dont elle a la responsabilité à un délégataire public ou privé, dont la rémunération est substantiellement liée aux résultats de l'exploitation du service. Le délégataire peut être chargé de construire des ouvrages ou d'acquérir des biens nécessaires au service. / Les délégations de service public des personnes morales de droit public relevant du présent code sont soumises par l'autorité délégante à une procédure de publicité permettant la présentation de plusieurs offres concurrentes (...) / La collectivité adresse à chacun des candidats un document définissant les caractéristiques quantitatives et qualitatives des prestations ainsi que, s'il y a lieu, les conditions de tarification du service rendu à l'usager. / Les offres ainsi présentées sont librement négociées par l'autorité responsable de la personne publique délégante qui, au terme de ces négociations, choisit le délégataire ".

6. Les délégations de service public sont soumises aux principes de liberté d'accès, d'égalité de traitement des candidats et de transparence des procédures, qui sont des principes généraux du droit de la commande publique et pour assurer le respect de ces principes, la personne publique doit apporter aux candidats à l'attribution d'une délégation de service public, avant le dépôt de leurs offres, une information sur les critères de sélection des offres.

7. En l'espèce, il résulte de l'instruction que la communauté d'agglomération du Grand Auch a communiqué à l'ensemble des candidats un dossier de consultation comportant des informations complètes relatives, notamment, au plan du réseau, à la fréquentation des lignes de 2009 à 2012, à la masse salariale des personnels devant être repris par le nouveau délégataire, à la structure démographique du territoire avec le volume des flux de passagers selon les zones desservies, au recensement des points d'arrêts, aux recettes liées à la tarification du service, ainsi qu'à l'état du parc de véhicules. A cet égard, le rapport d'activité annuel de 2012, compris dans le dossier de consultation, détaille pour chaque véhicule, sa marque, son âge, son millésime, sa date d'entrée dans le réseau, le nombre de pannes sur le réseau en 2012 en distinguant les immobilisations des véhicules pendant plus de dix heures et en mentionnant les pièces détachées concernées par l'avarie. Dans ces conditions, contrairement à ce que soutient la requérante, et même si les candidats n'ont pas disposé d'informations sur la ventilation des coûts, chaque candidat disposait des informations essentielles pour apprécier l'état du parc.

8. Par ailleurs, il est constant que le dossier de consultation comportait en annexe les rapports d'activité de la société Kéolis des années 2010, 2011 et 2012 relatifs à l'exploitation du marché public de transport urbain de la communauté de communes indiquant précisément, le flux des passages et la fréquentation des lignes selon les zones desservies, le montant des recettes liées à la tarification, l'évolution de cette tarification et le détail des différents tarifs pratiqués. Enfin, si les informations relatives aux montées en charge et décharge affectant les différents points d'arrêt des lignes faisaient défaut, elles n'apparaissent pas, en l'espèce, comme un élément essentiel pour l'établissement d'une offre concurrentielle alors en outre, que la communauté d'agglomération a organisé une visite des installations, le 22 mai 2013, au cours de laquelle l'ensemble des candidats ont pu faire part de leurs interrogations notamment sur l'état du parc. Dans ces conditions, alors que la requérante disposait comme tous les candidats des données suffisantes pour leur permettre de déposer une offre concurrentielle, notamment sur ces postes de dépenses, alors surtout que son offre a été jugée financièrement avantageuse par rapport au sortant, elle n'est pas fondée à soutenir que le principe d'égalité de traitement entre les candidats aurait été méconnu, faute d'avoir eu communication de documents comptables plus détaillés de la société sortante.

En ce qui concerne la modification alléguée du cahier des charges :

9. Aux termes du point 2.2 du règlement de la consultation, la communauté d'agglomération du Grand Auch s'est réservée le droit d'apporter des modifications ou compléments au dossier de la consultation au plus tard 15 jours avant la date de remise des offres.

10. Il résulte par ailleurs des dispositions précitées de l'article L. 1411-1 du code qu'au cours de la consultation engagée sur le fondement de ces dispositions, la personne responsable de la passation du contrat de délégation de service public peut apporter des adaptations à l'objet du contrat qu'elle envisage de conclure au terme de la négociation lorsque ces adaptations sont d'une portée limitée, justifiées par l'intérêt du service et qu'elles ne présentent pas, entre les entreprises concurrentes, un caractère discriminatoire.

11. En l'espèce, la communauté d'agglomération a indiqué le 30 mai 2013, soit avant la date de dépôt des offres initiales fixée au 17 juin 2013, que si le recours à la sous-traitance était possible, son volume serait précisé lors des négociations. Ainsi en indiquant au cours de la négociation que le volume de sous-traitance souhaité était limité à 20 %, l'autorité délégante s'est bornée à préciser le cahier des charges sans le modifier. De même, en indiquant qu'elle souhaitait que les salariés conducteurs soient repris sous le régime de la convention collective du transport urbain, la communauté d'agglomération ne saurait être regardée comme ayant procédé à une modification substantielle du cahier des charges. Enfin, alors qu'il ne résulte pas de l'instruction que les candidats n'auraient pas été en mesure d'adapter leur offre en temps utile, le caractère concomitant de ces deux précisions, données à l'ensemble des candidats est par lui-même sans incidence.

En ce qui concerne la procédure d'ouverture des plis par la commission :

12. Aux termes de l'article L. 1411-5 du code général des collectivités territoriales : " (...) Les plis contenant les offres sont ouverts par une commission composée : a) Lorsqu'il s'agit d'une région, (...) d'un département, d'une commune de 3500 habitants et plus et d'un établissement public, par l'autorité habilitée à signer la convention de délégation de service public ou son représentant, président, et par cinq membres de l'assemblée délibérante élus en son sein à la représentation proportionnelles au plus fort reste (...) ".

13. Contrairement à ce que soutient la société Verdié Autocars, il résulte des mentions du procès-verbal de la commission d'ouverture des plis, spécialement réunie à cet effet, que cette commission n'était pas composée irrégulièrement au regard des dispositions de l'article L. 1411-5 du code général des collectivités territoriales. Par suite le moyen susvisé ne peut qu'être écarté.

14. Par ailleurs, la société requérante soutient que lors des négociations, l'ordre de passage et le temps de négociation des candidats n'ont pas été équitables à son détriment. Toutefois, il résulte de l'instruction que la communauté d'agglomération a organisé trois journées de négociations et que, lors de la première journée, les candidats ont été entendus dans l'ordre d'arrivée des plis durant deux heures, que, lors de la deuxième série de négociations, l'ordre de passage a été inversé et qu'une nouvelle inversion des ordres de passage a été retenue lors de la troisième série de négociation, de sorte qu'il ne résulte pas de l'instruction que l'ordre de passage ainsi retenu aurait été de nature à rompre l'égalité entre les candidats. Par ailleurs, si la négociation avec les trois candidats admis à y participer n'a porté que sur les offres C correspondant à une variante de l'offre B " projet élaboré par la communauté " améliorée par " optimisation technique et économique de tout ou partie des composantes de l'offre envisagée ", cette variante a été présentée par l'ensemble des candidats et il était loisible à la communauté d'agglomération, qui négocie librement les offres, de limiter la négociation à cette variante à compter de la seconde série de négociations. Si la société Verdié Autocars soutient que lors de la dernière séance de négociation, le 30 septembre 2013, elle n'aurait disposé que d'une heure pour finaliser une nouvelle offre C dite " optimisée ", la communauté d'agglomération précise qu'il en a été de même pour la société Kéolis et que chacun des candidats participants a bénéficié de moyens techniques identiques. Par suite, il ne résulte pas de l'instruction que la négociation s'est déroulée dans des conditions méconnaissant l'égalité de traitement entre les candidats.

Sur l'insuffisance alléguée dans l'analyse des offres :

15. Aux termes de l'article L. 1411-5 du code général des collectivités territoriales : " (...) Au vu de l'avis de la commission, l'autorité habilitée à signer la convention engage librement toute discussion utile avec une ou des entreprises ayant présenté une offre. Elle saisit l'assemblée délibérante du choix de l'entreprise auquel elle a procédé. Elle lui transmet le rapport de la commission présentant notamment la liste des entreprises admises à présenter une offre et l'analyse des propositions de celles-ci, ainsi que les motifs du choix de la candidate et l'économie générale du contrat ".

16. Contrairement à ce que soutient la requérante, il ressort notamment du rapport d'analyse que celle-ci a analysé les offres de l'ensemble des sociétés candidates et a indiqué les motifs d'élimination des candidats non retenus, sur la base des critères fixés à l'article L. 1411-1 du code général des collectivités territoriales. Par ailleurs, quand bien même la société CAP Pays Cathare n'a pas été admise à participer à la phase finale des négociations par la communauté d'agglomération, la commission était tenue ainsi qu'il résulte des dispositions précitées de l'article L. 1411-5 du même code, d'examiner son offre dès lors qu'elle faisait partie des trois candidats proposés par la commission pour poursuivre les négociations.

17. En outre, il résulte du point 1.5 du document de la consultation que les candidats devaient présenter une offre conforme au cahier des charges correspondant à une offre existante dite " offre A ", complétée par une offre objectif dite " offre B " et une offre facultative variante des offres A et B réunie dite offre C qui a seule fait l'objet de la négociation finale avec les candidats. Dès lors, l'examen de l'offre C de la société requérante, qui correspond à une variante de l'offre B mais améliorée par " l'optimisation technique et économique de tout ou partie des composantes de l'offre envisagée " ne saurait traduire une carence d'analyse de la part de la commission. Par suite, la requérante n'est pas fondée à reprocher à la commission de ne pas avoir examiné les offres et variantes A, B et C en totalité.

18. Enfin, il ressort du rapport établi par la commission de délégation de service public que celle-ci a procédé à une analyse technique détaillée de la qualité du service proposé, de l'impact sur l'environnement, de l'engagement dans la mobilisation du personnel en faveur de la qualité et du kilométrage annuel cumulé au nombre de courses et trajets par jour proposés dans chacune des offres par des tableaux comparatifs qu'elle a commentés pour chacune des lignes de bus. La circonstance que la commission n'ait pas mentionné, alors qu'aucun texte ne l'y obligeait, que la proposition de la société Kéolis serait susceptible d'entraîner une dégradation du service proposé compte tenu de la diminution du nombre d'arrêt sur certaines lignes, ne saurait permettre de caractériser une insuffisance d'analyse par la commission.

19. Par suite le moyen tiré du caractère insuffisant de l'analyse des offres doit être écarté.

Sur les inexactitudes alléguée dans l'analyse des offres :

20. Si la société Verdié Autocars soutient que le rapport d'analyse des offres est entaché d'inexactitudes dès lors que l'offre de la société Kéolis comprend un kilométrage commercial limité à 7 912 km pour le transport à la demande et le transport de substitution qui serait selon la requérante, insuffisant, il ne résulte d'aucun élément de l'instruction que ces données chiffrées ont eu une incidence sur l'appréciation des offres. Par ailleurs, alors que le moindre kilométrage de la ligne de bus n°5 pour un nombre de courses journalier identique proposé par la société Kéolis par rapport à l'offre de la société Verdié Autocars s'explique par l'itinéraire proposé avec un trajet plus direct, l'erreur du rapport sur ce point ne résulte pas davantage de l'instruction. Enfin, il ne résulte pas non plus de l'instruction que le rapport comporterait une erreur dans l'analyse de la fréquence et du kilométrage de la ligne de bus n° 3. Dans ces conditions, la requérante n'est pas fondée à soutenir que l'analyse des offres par la commission serait entachée d'inexactitudes.

Sur l'appréciation des critères de sélection des offres :

21. Aucune règle ni aucun principe n'impose à l'autorité délégante d'informer les candidats des modalités de mise en oeuvre des critères de sélection des offres. Elle choisit le délégataire, après négociation, au regard d'une appréciation globale des critères, sans être contrainte par des modalités de mise en oeuvre préalablement déterminées.

22. Ainsi qu'il a été dit, il résulte de l'instruction que la commission de délégation de service public a procédé à une analyse détaillée de chaque offre des candidats retenus pour la phase finale des négociations, en fonction des critères posés par le règlement de la consultation à savoir la qualité du service, l'engagement dans la mobilisation du personnel en faveur de la qualité du service, l'impact environnemental et le coût financier de l'offre. Si l'offre de la société Kéolis impliquait une baisse de coût financier induite par la modification du trajet de certaines lignes et la suppression de certains arrêts, et qu'elle a été retenue notamment en raison de cet avantage financier, ces éléments ne sauraient être regardés comme des " critères occultes " supplémentaires mais traduisent uniquement l'appréciation par la délégante du critère financier mentionné dans le règlement de la consultation.

23. Enfin, à supposer même que la cadence d'une navette toute les 15 mn ne soit pas possible à atteindre dès lors que le trajet nécessite au minimum 17 mn, le choix du délégataire qui a proposé cette cadence n'est pas de ce seul fait entaché d'une erreur manifeste d'appréciation.

24. Il résulte de tout ce qui précède que la société Verdié Autocars n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Pau a rejeté sa demande.

Sur les conclusions tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

25. Ces dispositions font obstacle à ce que soit mise à la charge de la communauté d'agglomération du Grand Auch, qui n'est pas dans la présente instance la partie perdante, la somme que la requérante demande au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de la société Verdié Autocars une somme de 1 500 euros au titre des frais exposés par la communauté d'agglomération du Grand Auch, et non compris dans les dépens.

DECIDE :

Article 1er : La requête de la société Verdié Autocars est rejetée.

Article 2 : La société Verdié Autocars versera à la communauté d'agglomération du Grand Auch une somme de 1 500 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à la société Verdié Autocars, à la communauté d'agglomération du Grand Auch et à la société Kéolis.

Délibéré après l'audience du 14 mai 2019 à laquelle siégeaient :

Mme Elisabeth Jayat, président,

M. Frédéric Faïck, premier conseiller,

Mme Caroline Gaillard, premier conseiller.

Lu en audience publique, le 11 juin 2019.

Le rapporteur,

Caroline Gaillard

Le président,

Elisabeth JayatLe greffier,

Florence Deligey

La République mande et ordonne au préfet du Gers, en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun, contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.

10

N° 16BX00708


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Bordeaux
Formation : 5ème chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 16BX00708
Date de la décision : 11/06/2019
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

39-02-02-01 Marchés et contrats administratifs. Formation des contrats et marchés. Mode de passation des contrats. Délégations de service public.


Composition du Tribunal
Président : Mme JAYAT
Rapporteur ?: Mme Caroline GAILLARD
Rapporteur public ?: Mme CABANNE
Avocat(s) : SELARL APAetC - AFFAIRES PUBLIQUES - AVOCATS et CONSEILS

Origine de la décision
Date de l'import : 18/06/2019
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.bordeaux;arret;2019-06-11;16bx00708 ?
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