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28/05/2019 | FRANCE | N°17BX01353

France | France, Cour administrative d'appel de Bordeaux, 2ème chambre - formation à 3, 28 mai 2019, 17BX01353


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme K...A..., épouseI..., M. J...I..., Mme D...I..., en son nom propre et au nom de sa fille mineure L...I..., et M. B... C..., ont demandé au tribunal administratif de Limoges de condamner le centre hospitalier universitaire de Limoges à verser une somme de 24 000 euros à Mme K...A..., une somme de 24 000 euros à M. J...I..., deux sommes de 30 000 et 9 000 euros à Mme D...I..., une somme de 14 000 euros à M. B...C..., ainsi qu'une somme de 4 274,04 euros à Mme K...A...et à M. J...I...en réparation des pr

éjudices qu'ils ont subis à raison des fautes commises par cet établisse...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme K...A..., épouseI..., M. J...I..., Mme D...I..., en son nom propre et au nom de sa fille mineure L...I..., et M. B... C..., ont demandé au tribunal administratif de Limoges de condamner le centre hospitalier universitaire de Limoges à verser une somme de 24 000 euros à Mme K...A..., une somme de 24 000 euros à M. J...I..., deux sommes de 30 000 et 9 000 euros à Mme D...I..., une somme de 14 000 euros à M. B...C..., ainsi qu'une somme de 4 274,04 euros à Mme K...A...et à M. J...I...en réparation des préjudices qu'ils ont subis à raison des fautes commises par cet établissement dans la prise en charge d'AnthonyI....

Par un jugement n° 1401995 du 16 mars 2017, le tribunal administratif de Limoges a rejeté ces demandes.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 28 avril 2017 et un mémoire enregistré le 29 juin 2018, Mme K...A...épouseI..., M. J...I..., Mme D...I..., en son nom propre et au nom de sa fille mineure L...I..., et M. B...C..., représentés par MeG..., demandent à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Limoges du 16 mars 2017 ;

2°) de condamner le centre hospitalier universitaire de Limoges (CHU), subsidiairement l'Office national d'indemnisation des accidents médicaux, des affections iatrogènes et des infections nosocomiales (ONIAM), à verser une somme de 24 000 euros à Mme K...A..., une somme de 24 000 euros à M. J...I..., deux sommes de 30 000 et 9 000 euros à Mme D...I..., une somme de 14 000 euros à M. B...C...ainsi qu'une somme globale de 4 474,04 euros, outre les entiers dépens, à Mme K...A...et à M. J...I..., en réparation des préjudices qu'ils ont subis à raison des fautes commises par cet établissement dans la prise en charge d'Anthony I...;

3°) de mettre à la charge du CHU une somme de 2 000 euros au titre des frais exposés pour l'instance.

Ils soutiennent que :

- les conditions de réalisation de la greffe rénale dont a bénéficié Anthony I...sont fautives et ont entraîné une prolongation du traitement par immuno-suppresseur, qu'en outre, il n'a pas fait l'objet d'une surveillance accrue ;

- Anthony I...et son représentant légal n'ont pas reçu d'information éclairée sur les risques de décès ;

- le décès d'Anthony I...consécutivement à cette transplantation rénale présentait une probabilité faible ;

- ils justifient de la réalité et de l'imputabilité de leurs préjudices.

Par un mémoire, enregistré le 22 mai 2018, le CHU, représenté par Me F...conclut au rejet de la requête.

Il soutient qu'il n'a commis aucune faute présentant un lien direct et certain avec le décès d'AnthonyI..., qu'il n'a pas manqué à son obligation d'information et que les préjudices dont se prévalent les appelants sont infondés ou présentent un caractère excessif.

Par un mémoire, enregistré le 25 mai 2018, l'ONIAM, représenté par MeE..., conclut au rejet de la requête.

Il soutient que les conditions d'une prise en charge au titre de la solidarité nationale ne sont pas réunies.

Vu :

- le code de la santé publique ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M.H...,

- et les conclusions de M. Normand, rapporteur public.

Considérant ce qui suit :

1. AnthonyI..., né le 22 février 1988, a bénéficié, le 19 avril 2010, d'une greffe rénale au sein du centre hospitalier universitaire de Limoges (CHU). À la suite de plusieurs épisodes infectieux ayant justifié son admission dans le service de réanimation polyvalente de cet établissement, le greffon rénal a été retiré le 27 mai 2010. Anthony I...a subi une nouvelle intervention chirurgicale, le 31 mai 2010, pour l'évacuation d'un hématome situé dans la loge de transplantectomie. À la suite de cette intervention, il a été placé en sommeil anesthésique et sous respiration artificielle en raison d'une atélectasie pulmonaire gauche. Il est malheureusement décédé, après arrêt des soins, le 9 juin 2010. L'expert judiciaire nommé par le juge des référés du tribunal administratif de Limoges et son sapiteur ont rendu leur rapport le 5 juin 2013. Mme K...A..., épouseI..., M. J...I..., Mme D...I..., en son nom propre et au nom de sa fille mineure L...I..., et M. B... C...demandent à la cour d'annuler le jugement du 16 mars 2017 par lequel le tribunal administratif de Limoges a rejeté leurs demandes tendant à la condamnation du CHU à les indemniser des préjudices qu'ils ont subis à raison des fautes commises par cet établissement dans la prise en charge d'Anthony I...ainsi que leurs demandes aux mêmes fins dirigées, à titre subsidiaire, contre l'Office national d'indemnisation des accidents médicaux, des affections iatrogènes et des infections nosocomiales (ONIAM).

Sur la responsabilité du CHU :

2. D'une part, aux termes de l'article L. 1142-1 du code de la santé publique : " I. Hors le cas où leur responsabilité est encourue en raison d'un défaut d'un produit de santé, les professionnels de santé mentionnés à la quatrième partie du présent code, ainsi que tout établissement, service ou organisme dans lesquels sont réalisés des actes individuels de prévention, de diagnostic ou de soins ne sont responsables des conséquences dommageables d'actes de prévention, de diagnostic ou de soins qu'en cas de faute. (...) ".

3. D'autre part, en application des dispositions de l'article L. 1111-2 du code de la santé publique, il appartient aux praticiens des établissements publics de santé d'informer directement le patient des investigations pratiquées et de leurs résultats, en particulier lorsqu'elles mettent en évidence des risques pour sa santé. Lorsque l'acte médical envisagé, même accompli conformément aux règles de l'art, comporte des risques connus de décès ou d'invalidité, le patient doit en être informé dans des conditions qui permettent de recueillir son consentement éclairé et il appartient au professionnel ou à l'établissement de santé d'apporter la preuve que l'information a été délivrée. Si cette information n'est pas requise en cas d'urgence, d'impossibilité ou de refus du patient d'être informé, la seule circonstance que les risques ne se réalisent qu'exceptionnellement ne dispense pas les médecins de leur obligation. Lorsque le défaut d'information est constitué, il appartient au juge de rechercher si le patient a subi une perte de chance de se soustraire aux dommages qui se sont réalisés, au regard des risques inhérents à l'acte médical litigieux, des risques encourus par l'intéressé en cas de renonciation à cet acte et des alternatives thérapeutiques moins risquées. La réparation du préjudice résultant de la perte de chance de se soustraire au risque dont le patient n'a pas été informé et qui s'est réalisé, correspond à une fraction du dommage corporel déterminée en fonction de l'ampleur de la chance perdue. C'est seulement dans le cas où l'intervention était impérieusement requise, en sorte que le patient ne disposait d'aucune possibilité raisonnable de refus, que l'existence d'une perte de chance peut être niée.

4. En premier lieu, il résulte de l'instruction, en particulier du rapport d'expertise judiciaire, que la greffe dont a bénéficié Anthony I...a été retardée d'une douzaine d'heures en raison de la survenance d'une urgence vitale mobilisant les chirurgiens en charge de cette transplantation, que le greffon concerné a été prélevé 30 minutes après l'arrêt cardio-respiratoire du donneur, que l'altération du greffon qui en a résulté a pu contribuer à la " genèse de la nécrose tubulaire diagnostiquée " et que celle-ci, en retardant la reprise de la fonction rénale, a nécessité la poursuite de dialyses pluri-hebdomadaires alors qu'un traitement par immunosuppresseurs était toujours prescrit à AnthonyI.... Toutefois et contrairement à ce que soutiennent les appelants, ces circonstances ne caractérisent pas, en elles-mêmes, des fautes du CHU. En tout état de cause, ces même circonstances ne présentent pas non plus de lien direct et certain avec le décès d'AnthonyI..., causé par " une hémorragie intra-cérébrale massive " dont " l'explication la plus probable est que les épisodes infectieux subis ont induit la formation d'anévrysmes artériels intra-cérébraux qui ont évolué pour leur propre compte, malgré la guérison du syndrome infectieux ", dès lors qu'il n'est pas établi que ces infections ont été elles-mêmes causées par ces dialyses mais que l'expert a, au contraire, relevé qu'" une seule hémoculture a été positive à la bactérie staphylococcus epidermidis, sans qu'il y ait de signification clinique évidente " ni qu'on puisse " affirmer que le germe isolé est à l'origine de la fièvre " et qu'" aucune porte d'entrée n'a été mise en évidence " puis en a déduit que ces infections étaient " la conséquence directe et exclusive de son immunodépression induite par les nécessités de la greffe rénale ".

5. En deuxième lieu, le moyen tiré de ce que Anthony I...aurait dû faire l'objet d'une surveillance accrue est dépourvu des précisons permettant d'en apprécier la portée.

6. En troisième lieu, il résulte de l'instruction que, le 29 octobre 2009, Anthony I...et ses grands-parents ont été informé des bénéfices et des risques, notamment infectieux, de la transplantation rénale.

7. Il résulte de tout ce qui précède que les appelants ne sont pas fondés à soutenir que le CHU aurait commis des fautes médicales, dans l'organisation du service ou au regard de son obligation d'information ni, en tout état de cause, que les fautes qui lui sont reprochées présenteraient un lien de causalité direct et certain avec le décès d'AnthonyI.... Par suite, les appelants ne sont pas fondés à soutenir que c'est à tort que les premiers juges ont rejeté leurs conclusions tendant à ce que le CHU soit condamné à les indemniser de leurs préjudices.

Sur l'indemnisation au titre de la solidarité nationale :

8. Aux termes de l'article L. 1142-1 du code de la santé publique : " (...) II. Lorsque la responsabilité d'un professionnel, d'un établissement, service ou organisme mentionné au I ou d'un producteur de produits n'est pas engagée, un accident médical, une affection iatrogène ou une infection nosocomiale ouvre droit à la réparation des préjudices du patient, et, en cas de décès, de ses ayants droit au titre de la solidarité nationale, lorsqu'ils sont directement imputables à des actes de prévention, de diagnostic ou de soins et qu'ils ont eu pour le patient des conséquences anormales au regard de son état de santé comme de l'évolution prévisible de celui-ci et présentent un caractère de gravité, fixé par décret, apprécié au regard de la perte de capacités fonctionnelles et des conséquences sur la vie privée et professionnelle mesurées en tenant notamment compte du taux d'atteinte permanente à l'intégrité physique ou psychique, de la durée de l'arrêt temporaire des activités professionnelles ou de celle du déficit fonctionnel temporaire. / Ouvre droit à réparation des préjudices au titre de la solidarité nationale un taux d'atteinte permanente à l'intégrité physique ou psychique supérieur à un pourcentage d'un barème spécifique fixé par décret ; ce pourcentage, au plus égal à 25 %, est déterminé par ledit décret. ". La condition d'anormalité du dommage prévue par ces dispositions doit toujours être regardée comme remplie lorsque l'acte médical a entraîné des conséquences notablement plus graves que celles auxquelles le patient était exposé de manière suffisamment probable en l'absence de traitement. Lorsque les conséquences de l'acte médical ne sont pas notablement plus graves que celles auxquelles le patient était exposé par sa pathologie en l'absence de traitement, elles ne peuvent être regardées comme anormales sauf si, dans les conditions où l'acte a été accompli, la survenance du dommage présentait une probabilité faible. Ainsi, elles ne peuvent être regardées comme anormales au regard de l'état du patient lorsque la gravité de cet état a conduit à pratiquer un acte comportant des risques élevés dont la réalisation est à l'origine du dommage.

9. À l'appui du moyen tiré de ce que le décès d'Anthony I...consécutivement à la greffe de rein dont il a bénéficié présentait un risque de survenance faible et que, dès lors, les conditions de prise en charge de leurs préjudices par l'ONIAM au titre de la solidarité nationale seraient réunies, les appelants ne se prévalent devant la cour d'aucun élément de fait ou de droit nouveau par rapport à l'argumentation développée en première instance et ne critiquent pas utilement, dans les circonstances de l'espèce, la réponse apportée par le tribunal administratif. Par suite, il y a lieu d'écarter ce moyen par adoption des motifs pertinemment retenus par les premiers juges.

10. Il résulte de ce qui précède que les appelants ne sont pas fondés à soutenir que c'est à tort que les premiers juges ont rejeté les conclusions des appelants tendant à la condamnation de l'ONIAM à les indemniser de leurs préjudices. Il suit de là que leur requête doit être rejetée, y compris leurs conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

DÉCIDE :

Article 1er : La requête est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à Mme K...A..., épouseI..., à M. J... I..., à Mme D...I..., à M. B...C..., au centre hospitalier universitaire de Limoges, à l'Office national des accidents médicaux, des affections iatrogènes et des infections nosocomiales, et à la caisse primaire d'assurance maladie de Périgueux.

Délibéré après l'audience du 30 avril 2019 à laquelle siégeaient :

M. Éric Rey-Bèthbéder, président,

M. Didier Salvi, président-assesseur,

M. Manuel Bourgeois, premier conseiller.

Lu en audience publique, le 28 mai 2019.

Le rapporteur,

Manuel H...Le président,

Éric Rey-BèthbéderLe greffier,

Vanessa Beuzelin

La République mande et ordonne au ministre des solidarités et de la santé, et à tous huissiers de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.

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N°17BX01353


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