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14/05/2019 | FRANCE | N°17BX00246

France | France, Cour administrative d'appel de Bordeaux, 2ème chambre - formation à 3, 14 mai 2019, 17BX00246


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. B... C...a demandé au tribunal administratif de Toulouse, d'une part, d'annuler la décision du 14 janvier 2015 par laquelle le ministre de la défense lui a notifié un trop-perçu de solde d'un montant de 27 025,67 euros ainsi que le titre de perception émis initialement à son encontre le 4 février 2014, d'autre part, de condamner l'État à lui verser une indemnité d'un montant global de 23 000 euros.

Par un jugement n° 1405270 du 17 novembre 2016, le tribunal administratif de Toulouse a annulé

le titre de perception émis le 4 février 2014 en tant qu'il excède la somme de 27...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. B... C...a demandé au tribunal administratif de Toulouse, d'une part, d'annuler la décision du 14 janvier 2015 par laquelle le ministre de la défense lui a notifié un trop-perçu de solde d'un montant de 27 025,67 euros ainsi que le titre de perception émis initialement à son encontre le 4 février 2014, d'autre part, de condamner l'État à lui verser une indemnité d'un montant global de 23 000 euros.

Par un jugement n° 1405270 du 17 novembre 2016, le tribunal administratif de Toulouse a annulé le titre de perception émis le 4 février 2014 en tant qu'il excède la somme de 27 025,67 euros et a rejeté le surplus de la demande de M.C....

Procédure devant la cour :

Par une requête et un mémoire, enregistrés les 24 janvier 2017 et 31 janvier 2018, M. B... C..., représenté par Me D..., demande à la cour, dans le dernier état de ses écritures :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Toulouse du 17 novembre 2016 ;

2°) d'annuler l'ensemble des décisions prises à son encontre mettant à sa charge un trop-perçu de solde d'un montant de 27 025,67 euros ;

3°) de condamner l'État à lui verser une indemnité d'un montant global de 33 000 euros, majorée des intérêts au taux légal et capitalisés ;

4°) de mettre à la charge de l'État le paiement de la somme de 2 500 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, à verser à son conseil.

Il soutient que :

- la décision du 5 décembre 2013 lui notifiant un trop-perçu de 30 900,07 euros comporte une signature illisible et ne mentionne pas les voies et délais de recours de sorte qu'elle est irrégulière ;

- la décision du 5 décembre 2013 est insuffisamment motivée ;

- cette décision s'analyse en un retrait illégal d'une décision créatrice de droits constituée par son bulletin de solde du mois d'août 2012 dès lors que ce retrait est intervenu plus de quatre mois suivant son édiction ;

- l'illégalité de cette décision prive de base légale le titre de perception litigieux ;

- la créance n'est ni liquide ni certaine ;

- le complément de solde en raison de sa montée en grade au 1er avril 2012 qui manquait dans le décompte initial a été pris en compte par la décision du ministre du 14 janvier 2015 ;

- la gestion erronée de sa paie lui a causé des troubles dans ses conditions d'existence et celle de sa famille qui doivent être indemnisés à hauteur de 10 000 euros, un préjudice évalué à 3 000 euros consécutif à un redressement fiscal ainsi qu'un préjudice moral, eu égard notamment à la perte de chance de devenir propriétaire, évalué à 15 000 euros.

Par un mémoire en défense, enregistré le 26 décembre 2017, le ministre des armées conclut au rejet de la requête.

Il soutient que :

- la requête est irrecevable dès lors qu'elle n'est pas motivée en méconnaissance des prescriptions de l'article R. 411-1 du code de justice administrative ;

- les moyens soulevés par M. C...ne sont pas fondés.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code de la défense ;

- la loi n° 2000-321 du 12 avril 2000 ;

- le décret du 10 janvier 1912 portant règlement sur la solde et les revues ;

- le décret n°97-215 du 10 mars 1997 du 10 mars 1997 ;

- le décret n°2012-1246 du 7 novembre 2012 ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M.A...,

- et les conclusions de M. Normand, rapporteur public.

Considérant ce qui suit :

1. M. C..., militaire engagé depuis le 1er septembre 1993, a été placé à compter du 29 janvier 2012 en congé de reconversion à l'issue duquel il a été radié des contrôles et admis à faire valoir ses droits à la retraite le 23 juin 2012. Il a cependant perçu, à nouveau et à tort au mois d'août 2012, sa solde et des accessoires de solde pour la période allant du 1er octobre 2011 au 22 juin 2012 inclus. Il a également perçu à tort diverses indemnités pour la période allant

du 1er octobre 2011 au 28 janvier 2012. Par une décision du 5 décembre 2013, le commandant du centre expert des ressources humaines et de la solde a notifié à M. C... qu'il était redevable d'un trop-perçu de rémunération d'un montant de 30 900,07 euros. Puis, un titre de perception a été émis le 4 février 2014 à l'encontre de l'intéressé en vue de recouvrer ladite somme. Après la saisine de la commission de recours des militaires par M. C..., le ministre de la défense a, par une décision du 14 janvier 2015, réduit à la somme

de 27 025,67 euros le trop-perçu de rémunération qui lui était réclamé. Le tribunal administratif de Toulouse a, par son jugement du 17 novembre 2016, annulé le titre de perception

émis le 4 février 2014 en tant qu'il excède la somme de 27 025,67 euros et a rejeté le surplus de la demande de M. C...tendant à l'annulation de l'ensemble des décisions prises à son encontre et à la condamnation de l'État à lui verser une indemnité d'un montant global

de 23 000 euros. L'intéressé relève appel de ce jugement en tant qu'il ne lui a pas donné entière satisfaction et porte à 33 000 euros le montant de l'indemnité qu'il estime lui être due.

Sur le bien-fondé du jugement :

En ce qui concerne le reversement des sommes indument perçues :

2. En premier lieu, en vertu de l'article L. 4125-1 du code de la défense, le recours préalable exercé par M. C...devant la commission des recours des militaires présente un caractère obligatoire. Dès lors, la décision du ministre de la défense du 14 janvier 2015 intervenue sur ce recours s'est entièrement substituée à la décision initiale du 5 décembre 2013. Par suite et d'une part, les conclusions d'excès de pouvoir présentées par l'appelant doivent être regardées comme dirigées contre la seule décision du 14 janvier 2015. D'autre part, M. C... ne peut utilement se prévaloir de l'illégalité de la décision du 5 décembre 2013.

3. En deuxième lieu, à supposer que l'appelant ait entendu reprendre en appel le moyen tiré du défaut de motivation de la décision du 14 janvier 2015, il n'apporte à son appui aucun élément de fait ou de droit nouveau. Dans ces conditions, il y a lieu, par adoption des motifs pertinents retenus par les premiers juges, d'écarter ce moyen.

4. Une décision administrative explicite accordant un avantage financier crée des droits au profit de son bénéficiaire alors même que l'administration avait l'obligation de refuser cet avantage. En revanche, n'ont pas cet effet les mesures qui se bornent à procéder à la liquidation de la créance née d'une décision prise antérieurement. Pour l'application de ces règles à la détermination de la rémunération des agents publics, le maintien du versement d'un avantage financier ne peut être assimilé à une décision implicite accordant un avantage financier et constitue, comme en l'espèce, une simple erreur de liquidation non créatrice de droits, contrairement à ce que soutient l'appelant. L'administration n'a donc pas commis d'erreur de droit en demandant à M. C..., le 5 décembre 2013, le remboursement des éléments de rémunération indûment perçus au mois d'août 2012 alors qu'il était placé en position de retraite.

5. En quatrième lieu, si M. C... reprend en appel le moyen tiré de ce que la créance ne serait ni liquide ni certaine, il se borne à rappeler que la créance qui avait été initialement déterminée ne prenait pas en compte le complément de solde qui lui était dû en raison de sa montée en grade au 1er avril 2012 tout en précisant dans ses propres écritures que la décision du ministre du 14 janvier 2015 ayant ramené cette créance à la

somme de 27 025,67 euros avait pris en compte ce complément. Il n'apporte à l'appui de ce moyen aucun élément de fait ou de droit nouveau susceptible de contester cette dernière somme. Dans ces conditions, il y a lieu, par adoption des motifs pertinents retenus par les premiers juges aux points 7 à 13 de leur jugement, d'écarter ce moyen.

6. En cinquième lieu, faute pour l'appelant d'établir l'illégalité de la décision du ministre du 14 janvier 2015, il n'est pas fondé à soutenir que le titre de perception serait privé

de base légale à la hauteur de la somme de 27 025,67 euros.

En ce qui concerne les conclusions tendant à la condamnation de l'État :

7. Toute faute commise par l'administration lors de l'exécution d'opérations se rattachant aux procédures d'établissement et de recouvrement de créances non fiscales est de nature à engager la responsabilité de la collectivité publique à l'égard du débiteur ou de toute autre personne si elle leur a directement causé un préjudice. Un tel préjudice, qui ne saurait résulter du seul paiement de la créance, peut être constitué des conséquences matérielles des décisions prises par l'administration et, le cas échéant, des troubles dans les conditions d'existence dont le débiteur justifie.

8. Il résulte de l'instruction que le versement indu au profit de M. C... d'éléments de rémunération alors qu'il était placé en position de retraite est exclusivement imputable à une erreur fautive commise par l'administration liée aux dysfonctionnements du logiciel calculateur de soldes " Louvois ". Cependant, M. C... n'établit pas que les troubles dans les conditions d'existence qu'il invoque constitueraient un préjudice distinct de celui résultant du seul paiement de la créance, notamment dans la mesure où il ne pouvait ignorer dès l'origine le caractère indu de ce versement intervenu alors qu'il était en position de retraite et qu'il s'en est d'ailleurs ouvert à son service gestionnaire. S'il se réfère au redressement fiscal dont il a fait l'objet au titre de l'impôt sur les revenus de l'année 2012, il résulte de l'instruction que le choix d'une option fiscale lui permettant de ne pas être imposé sur les revenus perçus à tort lui a été initialement proposé par l'administration, qui s'engageait à lui délivrer un certificat administratif en ce sens, de sorte que les premiers juges ont estimé à juste titre que ce redressement n'était pas en lien de causalité direct avec la faute commise. M. C... n'établit pas, en outre, que le versement indu et l'obligation de rembourser les sommes en cause l'auraient, par eux-mêmes, empêché de devenir propriétaire. Le préjudice moral invoqué en lien de causalité direct avec la faute commise n'est pas plus établi. Par suite et sans qu'il soit besoin de statuer sur leur recevabilité, les conclusions indemnitaires présentées par M. C... ne peuvent qu'être rejetées.

9. Il résulte de tout ce qui précède, et sans qu'il soit besoin de statuer sur la fin de non-recevoir opposée par le ministre, que M. C... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Toulouse a seulement annulé le titre de perception émis le 4 février 2014 en tant qu'il excède la somme de 27 025,67 euros.

Sur les conclusions tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

10. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de l'État, qui n'est pas partie perdante à l'instance, la somme que demande M. C... au titre des frais exposés par lui et non compris dans les dépens.

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de M. C...est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. B... C...et au ministre des armées.

Délibéré après l'audience du 2 avril 2019 à laquelle siégeaient :

M. Éric Rey-Bèthbéder, président,

M. Didier Salvi, président-assesseur,

Mme Aurélie Chauvin, premier conseiller.

Lu en audience publique, le 14 mai 2019.

Le rapporteur,

Didier A...

Le président,

Éric Rey-BèthbéderLe greffier,

Vanessa Beuzelin

La République mande et ordonne au ministre des armées en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.

2

N° 17BX00246


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Bordeaux
Formation : 2ème chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 17BX00246
Date de la décision : 14/05/2019
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

08-01-01-06 Armées et défense. Personnels militaires et civils de la défense. Questions communes à l'ensemble des personnels militaires. Soldes et avantages divers.


Composition du Tribunal
Président : M. REY-BETHBEDER
Rapporteur ?: M. Didier SALVI
Rapporteur public ?: M. NORMAND
Avocat(s) : HIRTZLIN-PINÇON

Origine de la décision
Date de l'import : 21/05/2019
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.bordeaux;arret;2019-05-14;17bx00246 ?
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