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12/04/2019 | FRANCE | N°18BX01976

France | France, Cour administrative d'appel de Bordeaux, 4ème chambre - formation à 3, 12 avril 2019, 18BX01976


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme C...F...A...a demandé au tribunal administratif de Bordeaux d'annuler la décision du 28 juin 2016 par laquelle le maire de Bordeaux a refusé de lui accorder le bénéfice du tarif préférentiel de stationnement réservé à certains professionnels.

Par un jugement n° 1604123 du 21 mars 2018, le tribunal administratif de Bordeaux a annulé cette décision et enjoint au maire de réexaminer la demande de Mme F...A....

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 16 mai 2

018, et un mémoire complémentaire, enregistré le 19 mars 2019, la commune de Bordeaux, représenté...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme C...F...A...a demandé au tribunal administratif de Bordeaux d'annuler la décision du 28 juin 2016 par laquelle le maire de Bordeaux a refusé de lui accorder le bénéfice du tarif préférentiel de stationnement réservé à certains professionnels.

Par un jugement n° 1604123 du 21 mars 2018, le tribunal administratif de Bordeaux a annulé cette décision et enjoint au maire de réexaminer la demande de Mme F...A....

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 16 mai 2018, et un mémoire complémentaire, enregistré le 19 mars 2019, la commune de Bordeaux, représentée par la SCP Sartorio-Lonqueue-E... et associés, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Bordeaux du 21 mars 2018 ;

2°) de rejeter la demande présentée par Mme F...A...devant le tribunal administratif de Bordeaux ;

3°) de mettre à la charge de Mme F...A...une somme de 3 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- en s'estimant saisis d'un moyen tiré de l'illégalité par voie d'exception des arrêtés du 18 mai 2015, les premiers juges ont statué sur un moyen qui n'était pas soulevé ;

- la décision annulée n'est pas une mesure d'application de l'arrêté municipal du 18 mai 2015 qui a pour seul objet de définir les zones de stationnement payant ;

- les arrêtés du 18 mai 2015 ne font état ni d'une situation tenant à la nécessité de disposer d'un véhicule, ni d'une obligation de répondre à des situations d'urgence ;

- la légalité de la délibération du 23 juin 2014, qui fonde la décision en litige, n'a pas été contestée ;

- il existe entre les professions bénéficiant d'un tarif de stationnement préférentiel et la profession d'avocat une différence de nature justifiant une différence de traitement ;

- la décision en litige est suffisamment motivée.

Par un mémoire, enregistré le 23 novembre 2018, et des pièces complémentaires, enregistrées le 20 mars 2019, Mme F...A..., représentée par MeD..., conclut au rejet de la requête et à ce que soit mise à la charge de la commune de Bordeaux une somme de 2 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle fait valoir que :

- les moyens soulevés par la requérante ne sont pas fondés ;

- seule Bordeaux métropole était compétente pour règlementer le stationnement.

Par une intervention, enregistrée le 19 mars 2019, l'Ordre des avocats de Bordeaux, représenté par MeB..., demande que la cour rejette la requête de la commune de Bordeaux, par les mêmes moyens que ceux exposés par Mme F...A....

En application de l'article R. 632-1 du code de justice administrative, cette intervention n'a pas été communiquée compte tenu de sa date d'enregistrement.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code général des collectivités territoriales ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Romain Roussel, premier conseiller,

- les conclusions de Mme Sabrina Ladoire, rapporteur public,

- et les observations de Me E...représentant la commune de Bordeaux, de Me D... représentant Mme A...et de Me B...représentant l'Ordre des avocats de Bordeaux.

Considérant ce qui suit :

1. Le 19 mai 2016, Mme F...A..., exerçant la profession d'avocat, a demandé à la commune de Bordeaux de bénéficier du tarif de stationnement préférentiel prévu pour certains professionnels. La commune de Bordeaux fait appel du jugement du 21 mars 2018 par lequel le tribunal administratif de Bordeaux a annulé la décision du 28 juin 2016 rejetant cette demande et lui a enjoint de réexaminer celle-ci.

Sur l'intervention :

2. L'Ordre des avocats de Bordeaux a intérêt au maintien du jugement attaqué. Ainsi son intervention est recevable.

Sur la régularité du jugement attaqué :

3. En premier lieu, il ressort des écritures de première instance que Mme A...a entendu, à l'appui de sa demande tendant à l'annulation de la décision du 28 juin 2016 lui refusant le bénéfice du tarif de stationnement préférentiel pour les professionnels, invoquer par voie d'exception l'illégalité des critères d'attribution de ce tarif, fixés par arrêté du maire du 18 mai 2015. Dans ces conditions, les premiers juges ne sauraient être regardés comme ayant soulevé d'office ce moyen.

4. En second lieu, si le jugement attaqué considère que la demanderesse de première instance a entendu se prévaloir de l'illégalité par voie d'exception des arrêtés du maire du 18 mai 2015, alors que seul l'un de ces deux arrêtés fixe les critères d'attribution du tarif préférentiel de stationnement, cette circonstance est sans incidence sur la régularité du jugement.

Au fond :

5. Aux termes de l'article L. 2333-87 du code général des collectivités territoriales, dans sa version applicable au litige : " (...) le conseil municipal ou l'organe délibérant de l'établissement public de coopération intercommunale ou du syndicat mixte compétents pour l'organisation des transports urbains, lorsqu'il y est autorisé par ses statuts, peut établir sur des voies qu'il détermine une redevance de stationnement, compatible avec les dispositions du plan de déplacements urbains s'il existe. Dans le cas où le domaine public concerné relève d'une autre collectivité, l'avis conforme de cette dernière est requis hors agglomération. / La délibération établit les tarifs applicables à chaque zone de stationnement payant. / Le tarif peut être modulé en fonction de la durée du stationnement. Il peut prévoir également une tranche gratuite pour une durée déterminée. L'acte instituant la redevance peut prévoir une tarification spécifique pour certaines catégories d'usagers et notamment les résidents ". Aux termes de l'article L. 2213-2 du même code : " Le maire peut, par arrêté motivé, eu égard aux nécessités de la circulation et de la protection de l'environnement : (...) 2° Réglementer l'arrêt et le stationnement des véhicules ou de certaines catégories d'entre eux, ainsi que la desserte des immeubles riverains (...) ". Aux termes de l'article L. 2213-6 du même code, dans sa version applicable au litige : " Le maire peut, moyennant le paiement de droits fixés par un tarif dûment établi, donner des permis de stationnement ou de dépôt temporaire sur la voie publique et autres lieux publics, sous réserve que cette autorisation n'entraîne aucune gêne pour la circulation et la liberté du commerce ".

6. Le principe d'égalité ne s'oppose pas à ce que l'autorité investie du pouvoir réglementaire règle de façon différente des situations différentes ni à ce qu'elle déroge à l'égalité pour des raisons d'intérêt général pourvu que, dans l'un comme l'autre cas, la différence de traitement qui en résulte soit en rapport direct avec l'objet de la norme qui l'établit et ne soit pas manifestement disproportionnée au regard des motifs susceptibles de la justifier.

7. Il ressort des pièces du dossier que, par délibération du 23 juin 2014, le conseil municipal de Bordeaux a institué le principe d'un tarif de stationnement préférentiel pour " les professionnels de santé, les artisans et commerçants, dont le local est implanté sur le territoire de la ville de Bordeaux et dont l'activité nécessite l'usage d'un véhicule ", " afin de faciliter leurs déplacements et leurs stationnements dans le cadre de leurs activités professionnelles ". Cette même délibération prévoit d'accorder un tarif préférentiel de 30 euros, d'une part, à ces professionnels exerçant une activité sédentaire dans la zone " résidents " d'implantation de leur local et, d'autre part, à ces professionnels exerçant une activité itinérante dans l'ensemble des zones " résidents " concernées. Pour mettre en oeuvre cette délibération, le maire de Bordeaux a, par deux arrêtés du 18 mai 2015, d'une part, délimité les zones dans lesquelles une tarification spéciale du stationnement pour les résidents est applicable et, d'autre part, institué un tarif professionnel dans ces zones. Ce second arrêté a également défini les bénéficiaires de ce tarif professionnel, à savoir, d'une part, les " professionnels de santé titulaires d'une carte professionnelle (médecins, infirmiers, kinésithérapeutes etc. ...), dont le local professionnel est implanté dans ces zones et dont l'activité nécessite l'usage d'un véhicule " et, d'autre part, les " artisans et commerçants dont le local professionnel est implanté dans ces mêmes zones et dont l'activité nécessite l'usage d'un véhicule ". Cet arrêté reprend également la distinction entre activité sédentaire et activité itinérante, prévue par la délibération du 23 juin 2014. Enfin, si son préambule entend réserver le tarif préférentiel à ceux de ces professionnels qui ont " un besoin impératif d'utiliser leur véhicule pour l'exercice quotidien de leurs activités ", son article 4 accorde un tel tarif à tous ceux de ces professionnels " dont l'activité nécessite l'usage d'un véhicule ".

8. Mme F...A...a sollicité le bénéfice du tarif préférentiel accordé aux professionnels dans la zone où est implanté son cabinet. Or, au sens de l'article 4 de l'arrêté du 18 mai 2015, il n'existe aucune différence de situation entre un professionnel de santé sédentaire recevant ses patients à son cabinet, à l'exclusion de toute consultation à domicile, et un avocat recevant ses clients à son cabinet, de nature à justifier l'application d'un tarif de stationnement différent dans la zone d'implantation de leur local professionnel. Il ne ressort pas des pièces du dossier, et il n'est d'ailleurs pas même allégué, qu'un motif d'intérêt général justifierait cette différence de traitement.

9. Il résulte de ce qui précède que la commune de Bordeaux n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Bordeaux a annulé la décision du maire de Bordeaux du 28 juin 2016.

Sur les conclusions tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

10. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce qu'il soit mis à la charge de MmeA..., qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, la somme que demande la commune de Bordeaux au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens. En outre, dans les circonstances de l'espèce, il n'y a pas lieu de mettre à la charge de la commune de Bordeaux la somme demandée par Mme A...en application de ces mêmes dispositions.

DECIDE :

Article 1er : L'intervention de l'ordre des avocats de Bordeaux est admise.

Article 2 : La requête de la commune de Bordeaux est rejetée.

Article 3 : Les conclusions de Mme A...tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à la commune de Bordeaux et à Mme C...F...A.... Copie en sera transmise à l'Ordre des avocats de Bordeaux.

Délibéré après l'audience du 29 mars 2019 à laquelle siégeaient :

M. Philippe Pouzoulet, président,

Mme Sylvande Perdu, premier conseiller,

M. Romain Roussel, premier conseiller.

Lu en audience publique, le 12 avril 2019.

Le rapporteur,

Romain Roussel

Le président,

Philippe Pouzoulet Le greffier,

Cindy Virin

La République mande et ordonne au préfet de la Gironde en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.

5

N° 18BX01976


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Bordeaux
Formation : 4ème chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 18BX01976
Date de la décision : 12/04/2019
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

135-02-03-02 Collectivités territoriales. Commune. Attributions. Police.


Composition du Tribunal
Président : M. POUZOULET
Rapporteur ?: M. Romain ROUSSEL
Rapporteur public ?: Mme LADOIRE
Avocat(s) : SCP SARTORIO-LONQUEUE-SAGALOVITSCH et ASSOCIES

Origine de la décision
Date de l'import : 23/04/2019
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.bordeaux;arret;2019-04-12;18bx01976 ?
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