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12/04/2019 | FRANCE | N°17BX01843

France | France, Cour administrative d'appel de Bordeaux, 4ème chambre - formation à 3, 12 avril 2019, 17BX01843


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme C... D...a demandé au tribunal administratif de la Guadeloupe d'annuler le titre exécutoire émis par le département de la Guadeloupe le 11 juin 2013, de la décharger de l'obligation de payer les sommes mentionnées dans l'avis de poursuite du 10 novembre 2015 et dans l'opposition à tiers détenteur du 20 mai 2015, d'enjoindre au département de la Guadeloupe de lui restituer les sommes prélevées sur ses allocations de retour à l'emploi, d'un montant global de 724,97 euros, de condamner ce même départ

ement à lui verser une somme en réparation de son préjudice moral et de mett...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme C... D...a demandé au tribunal administratif de la Guadeloupe d'annuler le titre exécutoire émis par le département de la Guadeloupe le 11 juin 2013, de la décharger de l'obligation de payer les sommes mentionnées dans l'avis de poursuite du 10 novembre 2015 et dans l'opposition à tiers détenteur du 20 mai 2015, d'enjoindre au département de la Guadeloupe de lui restituer les sommes prélevées sur ses allocations de retour à l'emploi, d'un montant global de 724,97 euros, de condamner ce même département à lui verser une somme en réparation de son préjudice moral et de mettre à la charge de ce dernier les frais de procès.

Par un jugement n° 1600012 du 9 mars 2017, le tribunal administratif de la Guadeloupe a annulé le titre exécutoire émis par le département de la Guadeloupe pour un montant de 7 409,01 euros, a déchargé Mme D...de l'obligation de payer la somme 7 409,01 euros, a accordé à cette dernière la restitution de la somme de 724,97 euros et a rejeté le surplus des demandes présentées par MmeD....

Procédure devant la cour :

Par une requête enregistrée le 12 juin 2017, le département de la Guadeloupe, représenté par MeA..., demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du 9 mars 2017 ;

2°) de rejeter les demandes de première instance présentées par MmeD... ;

3°) de mettre à la charge de Mme D...la somme de 3 000 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

- la juridiction administrative n'est pas compétente, dès lors que le contrat de prêt qui a été consenti avec Mme D...est un contrat de droit privé ;

- c'est à tort que le tribunal administratif a considéré, pour prononcer l'annulation du titre de recettes émis, que le département n'établit pas aux vue des pièces produites, avoir fait valoir sa créance antérieurement au 19 juin 2013, date de l'acquisition de la prescription de droit commun.

Par ordonnance du 18 janvier 2019, la clôture d'instruction a été fixée au 14 février 2019.

Un mémoire présenté par Mme C...D...a été enregistré le 15 février 2019.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code civil ;

- le code général des collectivités territoriales ;

- la loi n° 2008-561 du 17 juin 2008 ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M.B...,

- et les conclusions de Mme Ladoire, rapporteur public.

Considérant ce qui suit :

1. Le département de la Guadeloupe a consenti un contrat de prêt à Mme C... D...destiné à financer des études supérieures en Martinique, au titre de l'année universitaire 1995/1996. Ce prêt a été reconduit pour les années universitaires 1996/1997 et 1997/1998. Par un titre de recettes émis et rendu exécutoire le 11 juin 2013, le département de la Guadeloupe a réclamé à Mme D...le paiement de la somme totale de 7 409,01 euros en remboursement de ce prêt. Par jugement du 9 mars 2017, le tribunal administratif de la Guadeloupe a annulé le titre exécutoire émis par le département de la Guadeloupe à l'encontre de Mme D...pour un montant de 7 409,01 euros, l'a déchargé de l'obligation de payer cette somme et lui a accordé à la restitution de la somme de 724,97 euros. Par sa requête, le département de la Guadeloupe relève appel de ce jugement.

Sur l'exception d'incompétence soulevée par le département de la Guadeloupe :

2. Le " contrat de prêt d'études " conclu par l'intéressée avec le président du conseil général de la Guadeloupe stipulait, notamment, dans son article 1er que le prêt était consenti " aux clauses et conditions déterminées par le règlement départemental d'aide aux étudiants " et que l'emprunteur s'engageait " à se conformer aux prescriptions réglementaires pouvant résulter de décisions du président du conseil général postérieurement à la signature du présent acte ". L'existence d'une telle clause confère au contrat dont il s'agit le caractère d'un contrat administratif. Par conséquent, contrairement à ce que soutient le département, le recours dirigé contre le titre exécutoire litigieux, relatif au paiement d'une créance de nature administrative, relève de la juridiction administrative.

Sur la prescription de la créance :

3. Aux termes de l'article 2262 du code civil dans sa rédaction antérieure à la loi n° 2008-561 du 17 juin 2008 portant réforme de la prescription : " Toutes les actions, tant réelles que personnelles, sont prescrites par trente ans, sans que celui qui allègue cette prescription soit obligé d'en rapporter un titre ou qu'on puisse lui opposer l'exception déduite de la mauvaise foi. ". Aux termes de l'article 2224 du même code dans sa rédaction postérieure à la loi du 17 juin 2008 : " les actions personnelles ou mobilières se prescrivent par cinq ans à compter du jour où le titulaire d'un droit a connu ou aurait dû connaître les faits lui permettant de l'exercer. ". Et aux termes de l'article 2222 du même code dans sa rédaction postérieure à la loi du 17 juin 2008 : " En cas de réduction de la durée du délai de prescription ou du délai de forclusion, ce nouveau délai court à compter du jour de l'entrée en vigueur de la loi nouvelle, sans que la durée totale puisse excéder la durée prévue par la loi antérieure. ". Il résulte de ces dernières dispositions que, lorsqu'une loi nouvelle modifiant le délai de prescription d'un droit, abrège ce délai, le délai nouveau est immédiatement applicable et commence à courir à compter de l'entrée en vigueur de la loi nouvelle. Par ailleurs, le délai ancien, s'il a commencé à courir avant l'entrée en vigueur de la loi nouvelle, ne demeure applicable que dans l'hypothèse où sa date d'expiration surviendrait antérieurement à la date d'expiration du délai nouveau.

4. En l'absence de toute autre disposition applicable, les causes d'interruption et de suspension de la prescription quinquennale instituée par les dispositions de l'article 2224 du code civil sont régies par les principes dont s'inspirent les dispositions du titre XX du livre III du même code. Il en résulte qu'un titre exécutoire émis par l'administration en vue de recouvrer une somme au titre du remboursement d'un prêt d'études interrompt la prescription à la date de sa notification et que la preuve de celle-ci incombe à l'administration.

5. Les contrats de prêt consentis à Mme D... par le département de la Guadeloupe stipulaient, à l'article V, que " l'emprunteur disposera d'un délai de dix années à compter de la fin ou de l'interruption de ses études, pour se libérer des sommes qui lui auront été versées (...) Le remboursement sera effectué à la convenance de l'emprunteur soit en une seule fois, soit en plusieurs versements (annualités, semestrialités, trimestrialités ou mensualités). Il pourra avoir lieu par anticipation ".

6. Le délai de prescription de la dette de Mme D...envers le département de la Guadeloupe a commencé à courir à la date à laquelle sa dette est devenue exigible, soit dix ans après la fin des études entreprises par cette dernière, en l'occurrence à l'issue de l'année universitaire 2007/2008. Ainsi, le délai de la prescription, alors trentenaire, de l'action du département tendant au remboursement du prêt d'honneur en litige, n'était pas parvenu à son terme lorsque la loi du 17 juin 2008 instaurant un nouveau délai de prescription de cinq ans est entrée en vigueur le 19 juin 2008. Le nouveau délai de prescription a commencé à courir le

19 juin 2008 et devait expirer le 18 juin 2013 à minuit. Si le département de la Guadeloupe soutient, en apportant de nouveaux éléments en appel, qu'un titre de recettes émis le 17 mai 2013 a interrompu le délai de prescription, il n'établit pas que ce titre, adressé en courrier simple conformément aux dispositions du 4° de l'article L. 1617-5 du code général des collectivités territoriales, a été effectivement reçu par Mme D...antérieurement au 18 juin 2013 à minuit, date à laquelle le délai de prescription quinquennale est arrivé à expiration. Par suite, la collectivité n'établissant pas avoir interrompu le cours de la prescription quinquennale de droit commun, celle-ci doit être regardée comme étant acquise à MmeD....

7. Il résulte de ce qui précède que le département de la Guadeloupe n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de la Guadeloupe a fait droit aux demandes à fin d'annulation, de décharge et de restitution présentées par

MmeD....

Sur les conclusions présentées au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et les dépens :

8. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de Mme D...qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, la somme que le département de la Guadeloupe demande au titre des frais exposés par lui et non compris dans les dépens.

DECIDE :

Article 1er : La requête du département de la Guadeloupe est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié au département de la Guadeloupe et à Mme C... D.... Copie en sera adressée au ministre de l'action et des comptes publics et au ministre des Outre-Mer.

Délibéré après l'audience du 15 mars 2019, à laquelle siégeaient :

M. Philippe Pouzoulet, président,

M. David Katz, premier conseiller,

Mme Sylvande Perdu, premier conseiller,

Lu en audience publique, le 12 avril 2019

Le rapporteur,

David B...

Le président,

Philippe Pouzoulet

Le greffier,

Virginie Marty

La République mande et ordonne au ministre de l'action et des comptes publics en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.

2

N° 17BX01843


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Bordeaux
Formation : 4ème chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 17BX01843
Date de la décision : 12/04/2019
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

18-03-02 Comptabilité publique et budget. Créances des collectivités publiques. Recouvrement.


Composition du Tribunal
Président : M. POUZOULET
Rapporteur ?: M. David KATZ
Rapporteur public ?: Mme LADOIRE
Avocat(s) : HAAS

Origine de la décision
Date de l'import : 23/04/2019
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.bordeaux;arret;2019-04-12;17bx01843 ?
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