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12/04/2019 | FRANCE | N°17BX01315

France | France, Cour administrative d'appel de Bordeaux, 4ème chambre - formation à 3, 12 avril 2019, 17BX01315


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Par une première requête, sous le n° 1501349, M. D...C...a demandé au tribunal administratif de Bordeaux d'annuler la décision du 19 janvier 2015 par laquelle le préfet de la région Aquitaine l'a mis en demeure, dans un délai de deux mois, de remettre en état ou d'arracher les vignes implantées sur des parcelles lui appartenant situées sur le territoire de la commune de Belvès-de-Castillon.

Par une seconde requête, sous le n° 1600388, M. D...C...a demandé au tribunal administratif de Bordeaux

d'annuler la décision du 26 novembre 2015 par laquelle le préfet de la région Aquit...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Par une première requête, sous le n° 1501349, M. D...C...a demandé au tribunal administratif de Bordeaux d'annuler la décision du 19 janvier 2015 par laquelle le préfet de la région Aquitaine l'a mis en demeure, dans un délai de deux mois, de remettre en état ou d'arracher les vignes implantées sur des parcelles lui appartenant situées sur le territoire de la commune de Belvès-de-Castillon.

Par une seconde requête, sous le n° 1600388, M. D...C...a demandé au tribunal administratif de Bordeaux d'annuler la décision du 26 novembre 2015 par laquelle le préfet de la région Aquitaine a retiré la précédente décision du 19 janvier 2015 et a mis M. C...en demeure, dans un délai de deux mois, de remettre en état ou d'arracher les vignes implantées sur des parcelles lui appartenant situées sur le territoire de la commune de Belvès-de-Castillon.

Par un jugement n° 1501349 et 1600388 du 1er mars 2017, le tribunal administratif de Bordeaux, après avoir joint les deux requêtes présentées par M.C..., a rejeté celle enregistrée sous le n° 1600388 comme étant tardive et en a déduit qu'il n'y avait pas lieu de statuer sur celle enregistrée sous le n° 1501349.

Procédure devant la cour :

Par une requête enregistrée le 25 avril 2017, M. C..., représenté par MeB..., demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du 1er mars 2017 ;

2°) d'annuler la décision prescrivant un délai de deux mois pour arracher et remettre volontairement en état les parcelles de vignes.

3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 2 000 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

- la demande présentée au tribunal administratif sous le n° 1600388 ne pouvait être considérée comme tardive, dès lors que la demande de première instance a été remise à La Poste pour expédition le 20 janvier 2016, soit à une date qui, avec un délai normal d'acheminement, devait permettre sa réception par le tribunal avant l'expiration du délai de recours, le 28 janvier 2016 ; le tribunal ne pouvait donc accueillir la fin de non-recevoir, alors même que la demande de première instance ne lui est parvenue que le 29 janvier 2016 ;

- la décision de mise en demeure contestée est insuffisamment motivée ;

- la décision contestée a été prise à l'issue d'une procédure irrégulière ;

- la décision contestée est entachée d'erreur manifeste d'appréciation ;

- un délai plus long doit lui être accordé pour procéder à l'arrachage des vignes ;

- aucun non-lieu à statuer ne pouvait être prononcé sur la demande enregistrée au tribunal administratif sous le n° 1501349, dès lors que la demande enregistrée sous le n° 1600388 n'était pas irrecevable.

Par un mémoire en défense enregistré le 12 février 2019, le ministre de l'agriculture et de l'alimentation conclut au rejet de la requête.

Il soutient qu'aucun des moyens de la requête n'est fondé.

Par ordonnance du 14 février 2019 la clôture d'instruction a été fixée au 11 mars 2019 à 12h00.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code rural et de la pêche maritime ;

- la loi n° 79-587 du 11 juillet 1979 ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M.A...,

- et les conclusions de Mme Ladoire, rapporteur public.

Considérant ce qui suit :

1. Par décision 19 janvier 2015, le préfet de la région Aquitaine a mis en demeure M. C... de remettre en état ou d'arracher, dans un délai de deux mois, les vignes implantées sur des parcelles lui appartenant situées sur le territoire de la commune de Belvès-de-Castillon. Par une décision du 26 novembre 2015, le préfet de la région Aquitaine a retiré sa décision du 19 janvier 2015 et mis en demeure M. C...de remettre en état ou d'arracher, dans un délai de deux mois, les vignes visées dans la précédente décision, en complétant la liste des parcelles concernées. Par deux demandes distinctes, respectivement enregistrées au greffe du tribunal administratif de Bordeaux sous les numéros 1501349 et 1600388, M. C... a demandé l'annulation de chacune des deux décisions précitées. Par un jugement du 1er mars 2017, le tribunal administratif, après avoir joint les deux demandes de première instance, a rejeté pour tardiveté la demande n° 1600388 et déclaré qu'il n'y avait pas lieu de statuer sur la demande n° 1501349. Par sa requête, M. C...relève appel de ce jugement.

Sur la régularité du jugement attaqué :

2. Aux termes de l'article R. 421-1 du code de justice administrative : " Sauf en matière de travaux publics, la juridiction ne peut être saisie que par voie de recours formé contre une décision, et ce, dans les deux mois à partir de la notification (...) de la décision attaquée. (...) ".

3. Il ressort des pièces du dossier que la décision du préfet de la région Aquitaine du 26 novembre 2015 a été notifiée à M. C...le 27 novembre 2015. Si la demande tendant à l'annulation de cette décision n'a été enregistrée au greffe du tribunal administratif de Bordeaux que le 29 janvier 2016, elle avait été postée par lettre recommandée avec accusé de réception le 20 janvier 2016, en temps utile pour être enregistrée au greffe du tribunal avant l'expiration du délai de recours contentieux de deux mois. Par suite, c'est à tort que le tribunal a rejeté comme irrecevable la demande d'annulation de la décision du 26 novembre 2015 dont il était saisi. Son jugement du 1er mars 2017 doit donc être annulé, en tant qu'il a rejeté pour tardiveté la demande n° 1600388.

4. Le tribunal administratif de Bordeaux a considéré que la demande présentée par M. C... et dirigée contre la décision du préfet de la région Aquitaine du 19 janvier 2015 était devenue sans objet au motif que cette décision avait été retirée par la décision du 26 novembre 2015 et que ce retrait était devenu définitif, faute de recours contentieux recevable dirigée contre elle. Toutefois, ainsi qu'il a été dit au point précédent, le recours dirigé contre la décision du 26 novembre 2015 n'était pas irrecevable, de sorte que le retrait opéré par cette décision ne pouvait être regardé comme ayant acquis un caractère définitif tant que le tribunal n'avait pas statué au fond sur la demande d'annulation de la décision du 26 novembre 2015. Par suite, c'est à tort que les premiers juges ont estimé que la demande n° 1501349 était devenue sans objet et ont constaté qu'il n'y avait pas lieu de statuer sur cette demande. Le jugement du 1er mars 2017 doit donc également être annulé, en tant qu'il a prononcé un non lieu à statuer sur la demande n° 1501349.

5. Il y a lieu pour la cour de statuer sur les demandes enregistrées au greffe du tribunal administratif de Bordeaux sous les numéros 1501349 et 1600388 par la voie de l'évocation.

Sur les conclusions à fin d'annulation de la décision du 26 novembre 2015 :

6. En premier lieu, aux termes de l'article 1er de la loi du 11 juillet 1979 : " Les personnes physiques ou morales ont le droit d'être informées sans délai des motifs des décisions administratives individuelles défavorables qui les concernent. / A cet effet, doivent être motivées les décisions qui : - restreignent l'exercice des libertés publiques ou, de manière générale, constituent une mesure de police (...) ".

7. Il ressort des mentions figurant sur la décision du 26 novembre 2015 qu'elle énonce les éléments de faits suivants : " Vous n'avez pas donné suite aux prescriptions d'arrachage ou de remise en état, conformément aux dispositions de l'arrêté préfectoral susvisé, concernant les parcelles référencées au cadastre 8114, 8116, 8165, 8234, 8235, 8236, 8237, 8262, 8320, 8321, 8322, 8323, 8887, 8934, 8936, 8938, 8943, 8944, C8, C232, C233, C242, C243, C244, C257, sises sur la commune de Belvès-de-Castillon. sises sur la commune de Belvès-de-Castillon. / L'état d'abandon de ces parcelles de vignes a été constaté lors de la visite contradictoire du 30 juillet 2014 à laquelle vous étiez représenté, et consigné dans le constat annexé à ce courrier. / Les 10 juillet et 6 octobre derniers, je vous ai adressé des courriers d'intention de mise en demeure pour arracher ou remettre en état ces parcelles. / Vous m'avez fait part de vos observations par courrier du 28 juillet dernier. Les points soulevés dans vos courriers n'apportent pas d'éléments particuliers concernant la procédure en cours. / Par ailleurs, l'état d'abandon de vos parcelles fait courir un risque de propagation de la flavescence dorée pour les vignes avoisinantes. En effet, plusieurs foyers de cette maladie sont présents depuis 2010 à proximité de vos parcelles et les résultats des campagnes de piégeages montrent que la cicadelle de la flavescence dorée (Scaphoideus titanus) est également très présente sur le secteur et capable de véhiculer la maladie dans vos parcelles qui constitueraient alors un réservoir d'infection. Le 30 juillet dernier, un traitement obligatoire contre cet insecte a du être déclenché sur l'ensemble du territoire de la commune en raison d'un dépassement du seuil prévu (soit 3 cicadelles par piège) sur l'ensemble des pièges situés sur la commune ". Le moyen tiré de l'insuffisance de motivation, en fait, de la décision du 26 novembre 2015 doit donc être écarté comme manquant en fait.

8. En deuxième lieu, aux termes de l'article L. 251-9 du code rural et de la pêche maritime : " Sauf cas d'urgence, la destruction de végétaux ne peut être exécutée qu'après constatation contradictoire de l'état des lieux, en présence du maire ou de son délégué, d'un agent relevant des catégories mentionnées à l'article L. 250-2 et du propriétaire ou usager des terrains ou magasins ou de son représentant dûment appelés ; de cette opération, il est dressé procès-verbal signé des parties. / Les propriétaires ou détenteurs dont les végétaux, produits végétaux ou autres objets ont fait l'objet d'une mesure de destruction ordonnée par les agents mentionnés à l'article L. 250-2 peuvent prétendre à une indemnisation selon des modalités déterminées par arrêté conjoint des ministres chargés de l'agriculture et de l'économie (...) ". Aux termes de l'article L. 251-10 du même code : " Si un propriétaire ou détenteur refuse d'effectuer dans les délais prescrits et conformément aux arrêtés pris en la matière les mesures de prévention, de surveillance ou de lutte imposées, un agent mentionné au 1° ou 2° de l'article L. 250-2 prend les mesures nécessaires pour l'exécution de ces arrêtés. Il les notifie aux intéressés par lettre recommandée, avant leur exécution ; il adresse copie de cette notification au préfet du département et au maire de la commune sur le territoire de laquelle les opérations doivent avoir lieu. / Le préfet peut exécuter d'office ces mesures, soit directement, soit par l'intermédiaire d'un groupement agréé de défense contre les organismes nuisibles ou de tout autre organisme désigné à cet effet conformément à l'article L. 201-13 ".

9. M. C...soutient que la procédure contradictoire prescrite par les dispositions précitées de l'article L. 251-9 du code rural et de la pêche maritime avant que la destruction de végétaux ne soit exécutée n'a pas été respectée. Au soutien de ce moyen il fait valoir que la convocation à la réunion de constatation contradictoire prévue le 30 juillet 2014 ne lui a été adressée que 5 jours plus tôt. Toutefois, la décision du 26 novembre 2015 ne constitue pas, par elle-même, l'exécution d'une mesure de destruction de végétaux, mais constitue un arrêté préfectoral de prévention prescrivant des mesures de lutte contre un organisme nuisible qui doivent être exécutées par le propriétaire, dans un délai de deux mois. En tout état de cause, il ne ressort pas des pièces du dossier que le fait que M. C...a été convoqué à la réunion contradictoire précitée seulement 5 jours avant celle-ci ait été, dans les circonstances de l'espèce, susceptible d'exercer une influence sur le sens de la décision contestée, ni que le requérant ait été privé d'une garantie. Le moyen doit donc être écarté.

10. En troisième lieu, le requérant soutient que la décision du 26 novembre 2015 est entachée d'erreur manifeste d'appréciation, dès lors qu'il n'aurait pas refusé d'effectuer les mesures prescrites par ladite décision. Toutefois, M. C...n'apporte, à l'appui de cette allégation, aucun élément permettant d'établir qu'il aurait effectivement procédé à l'arrachage des végétaux concernés sur les parcelles visées par cette décision. D'ailleurs, le requérant sollicite lui-même, devant le juge, un délai " d'arrachage volontaire " plus long que celui prescrit dans la décision contestée en raison de l'étendue des parcelles en cause. Par conséquent, le moyen tiré de l'erreur manifeste d'appréciation doit être écarté.

11. Il résulte de tout ce qui précède que les conclusions tendant à l'annulation de la décision du 26 novembre 2015 doivent être rejetées.

Sur les conclusions à fin d'annulation de la décision du 19 janvier 2015 :

12. Ainsi qu'il a été dit au point 1, la décision du 19 janvier 2015 a été retirée par la décision du 26 novembre 2015. Dès lors que le présent arrêt rejette la demande d'annulation présentée en première instance contre cette dernière décision, il n'y a pas lieu de statuer sur la demande d'annulation dirigée contre la décision du 19 janvier 2015.

Sur les conclusions tendant à ce qu'un délai supérieur à deux mois soit accordé au requérant pour procéder à l'arrachage de ses vignes :

13. En demandant qu'un délai supérieur à deux mois lui soit accordé pour procéder à l'arrachage volontaire des végétaux visés dans la décision contestée, M. C...doit être regardé comme demandant au juge administratif qu'il soit enjoint au préfet de la Région Nouvelle Aquitaine de lui accorder ce délai. Toutefois, en dehors des cas prévus par les articles L. 911-1 et suivants du code de justice administrative, qui ne sont pas ceux de l'espèce, il n'appartient pas au juge administratif d'adresser des injonctions à l'administration. Par conséquent, les conclusions précitées de M. C... doivent être rejetées.

Sur les conclusions tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

14. Il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge l'Etat la somme demandée par M. C...au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

DÉCIDE :

Article 1er : Le jugement du tribunal administratif de Bordeaux du 1er mars 2017 est annulé.

Article 2 : Il n'y a pas lieu de statuer sur la demande d'annulation dirigée contre la décision du 19 janvier 2015.

Article 3 : Le surplus des demandes de premières instances présentées par M. C...et le surplus des conclusions d'appel sont rejetés.

Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à M.D... C... et au ministre de l'agriculture et de l'alimentation. Copie en sera adressée au préfet de la région Nouvelle Aquitaine.

Délibéré après l'audience du 29 mars 2019, à laquelle siégeaient :

M. Philippe Pouzoulet, président,

M. David Katz, premier conseiller,

M. Romain Roussel, premier conseiller,

Lu en audience publique, le 12 avril 2019

Le rapporteur,

David A...

Le président,

Philippe Pouzoulet

Le greffier,

Cindy Virin

La République mande et ordonne au ministre de l'agriculture et de l'alimentation en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.

6

N° 17BX01315


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Bordeaux
Formation : 4ème chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 17BX01315
Date de la décision : 12/04/2019
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

54-05-05-02 Procédure. Incidents. Non-lieu. Existence.


Composition du Tribunal
Président : M. POUZOULET
Rapporteur ?: M. David KATZ
Rapporteur public ?: Mme LADOIRE
Avocat(s) : TAMBO

Origine de la décision
Date de l'import : 23/04/2019
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.bordeaux;arret;2019-04-12;17bx01315 ?
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