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01/04/2019 | FRANCE | N°17BX02022

France | France, Cour administrative d'appel de Bordeaux, 6ème chambre - formation à 3, 01 avril 2019, 17BX02022


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme B...A...a demandé au tribunal administratif de Bordeaux, d'une part, d'annuler l'arrêté du 15 juillet 2015 par lequel le ministre de l'économie, de l'industrie et du numérique l'a affectée à la direction régionale des entreprises, de la concurrence, de la consommation, du travail et de l'emploi (DIRECCTE) d'Aquitaine au 1er septembre 2015 et, d'autre part, d'enjoindre à l'administration de la réaffecter au service national des enquêtes (SNE) et de retirer de son dossier administratif toutes les pièc

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Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme B...A...a demandé au tribunal administratif de Bordeaux, d'une part, d'annuler l'arrêté du 15 juillet 2015 par lequel le ministre de l'économie, de l'industrie et du numérique l'a affectée à la direction régionale des entreprises, de la concurrence, de la consommation, du travail et de l'emploi (DIRECCTE) d'Aquitaine au 1er septembre 2015 et, d'autre part, d'enjoindre à l'administration de la réaffecter au service national des enquêtes (SNE) et de retirer de son dossier administratif toutes les pièces relatives à la décision annulée ou ne pouvant légalement y figurer.

Par un jugement n° 1503820 du 18 avril 2017, le tribunal administratif de Bordeaux a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête enregistrée le 29 juin 2017, MmeA..., représentée par la SCP Lyon-Caen et Thiriez, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du 18 avril 2017 du tribunal administratif de Bordeaux ;

2°) d'annuler l'arrêté du 15 juillet 2015 susmentionné ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 3 500 euros sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- le jugement a été pris au terme d'une procédure irrégulière dès lors que ses mentions ne permettent pas de vérifier si elle a été régulièrement avertie du jour et de l'heure de l'audience ;

- il est insuffisamment motivé en ce qu'il n'a pas répondu à son argumentation tirée de ce qu'une mesure concernant l'affectation et la mutation d'un fonctionnaire ne pouvait intervenir en prenant en considération du fait qu'elle ait exercé un recours auprès de ses supérieurs hiérarchiques visant à dénoncer les dysfonctionnements au sein de son service et le harcèlement moral dont elle faisait l'objet du fait de cette démarche ;

- sur le fond, c'est à tort que le tribunal a jugé que la mesure prise à son encontre ne constituait pas une sanction déguisée entrainant une dégradation de sa situation statutaire et de ses perspectives de carrière, alors que, d'une part, la diminution de ses attributions était non seulement qualitative mais aussi quantitative, en ce qu'elle n'est désormais plus en charge d'actions d'animation et de formation, n'intervient plus au niveau national et que ses conditions matérielles de travail se sont très fortement dégradées et que, d'autre part, elle n'était pas à l'origine des dissensions et des tensions entre ses supérieurs hiérarchiques affectant le fonctionnement du service dans lequel elle officiait et qui ont justifiées la mesure prise à son encontre ;

- c'est enfin à tort qu'il a écarté comme inopérant le moyen tiré de ce que l'emploi dans lequel elle a été mutée n'aurait fait l'objet d'aucune publicité de vacance d'emploi préalablement à son affectation, dès lors qu'il résulte de l'article 12 de la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 que " toute nomination qui n'intervient pas exclusivement en vue de pourvoir un emploi vacant est nulle " et qu'aucune disposition statutaire à valeur légale ou règlementaire ne prévoit, par ailleurs, la possibilité, dans le cadre d'une mutation d'office, d'affecter un agent en surnombre.

Par un mémoire en défense enregistré le 12 mars 2018, le ministre de l'économie et des finances conclut au rejet de la requête.

Il fait valoir qu'en l'absence de moyens nouveaux soulevés par la requérante par rapport à ses premières écritures, il entend se référer à ses observations en défense produites le 1er août 2016 devant le tribunal administratif de Bordeaux.

Par ordonnance du 24 octobre 2018, la clôture de l'instruction a été fixée au 7 novembre 2018.

Par une lettre en date du 13 mars 2019, Mme A...a transmis à la Cour des correspondances adressées à son conseil en juillet et août 2017 lui signifiant qu'elle n'avait ni demandé ni autorisé la poursuite du litige en instance d'appel.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 modifiée ;

- la loi n° 84-16 du 11 janvier 1984 modifiée ;

- le décret n° 2007-119 du 30 janvier 2007 modifié ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Axel Basset,

- et les conclusions de Mme Béatrice Molina-Andréo, rapporteur public.

Considérant ce qui suit :

1. MmeA..., fonctionnaire titulaire du grade d'inspectrice de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes a, par un arrêté du 21 juin 2010, été affectée, à compter du 1er septembre 2010, en qualité de cyber-enquêtrice à l'antenne de Bordeaux du service national des enquêtes (SNE), placé sous l'autorité directe de la direction générale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes (DGCCRF). A la suite de la rédaction d'un rapport et d'une note respectivement datés des 21 février 2013 et 8 juin 2015, portant sur la manière de servir de l'intéressée, le ministre de l'économie, de l'industrie et du numérique a, par un arrêté du 15 juillet 2015, prononcé son changement d'affectation à la direction régionale des entreprises, de la concurrence, de la consommation, du travail et de l'emploi (DIRECCTE) d'Aquitaine à compter du 1er septembre 2015, suivant l'avis favorable rendu par la commission administrative paritaire compétente le 9 juillet 2015. Mme A...relève appel du jugement du 18 avril 2017 par lequel le tribunal administratif de Bordeaux a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cet arrêté et à ce qu'il soit enjoint à l'administration de la réaffecter au service national des enquêtes et de retirer de son dossier administratif toutes les pièces relatives à la décision annulée ou ne pouvant légalement y figurer.

Sur la régularité du jugement attaqué :

2. En premier lieu, aux termes des dispositions de l'article R. 711-2 du code de justice administrative " Toute partie est avertie, par une notification faite par lettre recommandée avec demande d'avis de réception ou par la voie administrative mentionnée à l'article R. 611-4, du jour où l'affaire sera appelée à l'audience. (...) ". Lorsqu'un jugement d'un tribunal administratif mentionne que les parties ont été convoquées à l'audience, si l'une des parties soutient que tel n'a pas été le cas en ce qui la concerne et s'il ne ressort pas des pièces du dossier qu'elle a été convoquée dans les conditions prévues par les dispositions précitées du code de justice administrative, ou qu'elle a été présente ou représentée à l'audience, le jugement doit être regardé comme rendu à la suite d'une procédure irrégulière.

3. Il ressort des mentions qui figurent dans le jugement attaqué du tribunal administratif de Bordeaux du 18 avril 2017, lesquelles font foi jusqu'à preuve contraire, que les parties ont été " régulièrement averties du jour de l'audience ". En se bornant à soutenir en instance d'appel que " les mentions du jugement ne permettent pas de vérifier si elle a été régulièrement avertie du jour et de l'heure de l'audience ", Mme A...n'apporte aucun commencement de preuve de nature à établir que tel n'aurait pas été le cas. En outre, il ressort desdites mentions que l'intéressée était présente à l'audience du 27 mars 2017, au cours de laquelle elle a pu présenter ses observations. Par suite, le jugement attaqué n'est pas intervenu au terme d'une procédure irrégulière.

4. En second lieu, aux termes de l'article L. 9 du code de justice administrative : " Les jugements sont motivés. ".

5. Mme A...soutient que ce même jugement est insuffisamment motivé en ce qu'il n'a pas répondu à son argumentation tirée de ce qu'une mesure concernant l'affectation et la mutation d'un fonctionnaire ne pouvait intervenir en considération du fait qu'elle ait exercé un recours auprès de ses supérieurs hiérarchiques visant à dénoncer les dysfonctionnements au sein de son service et le harcèlement moral dont elle était victime en conséquence. Il ressort toutefois de l'examen de ses écritures de première instance, telles que complétées par les diverses annexes auxquelles elle faisait expressément référence, que Mme A...n'a pas invoqué ce moyen. Dès lors, les premiers juges, qui n'étaient d'ailleurs pas tenus de répondre à l'ensemble des arguments développés au soutien de ses moyens dirigés contre l'arrêté litigieux du 15 juillet 2015, n'ont pas méconnu les dispositions précitées de l'article L. 9 du code de justice administrative et, partant, n'ont pas davantage entaché le jugement d'irrégularité sur ce point.

Sur le bien-fondé du jugement attaqué :

6. En premier lieu, il ressort des pièces du dossier que le service national des enquêtes (SNE) au sein duquel Mme A...a été affectée à compter du 1er septembre 2010, en qualité de cyber-enquêtrice, se composait alors de sept antennes, dont une située à Bordeaux, placées sous l'autorité hiérarchique de la direction générale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes (DGCCRF) à Paris, chargée notamment de leur pilotage et de leur encadrement. Pour écarter le moyen, soulevé par la requérante, et tiré de ce que l'arrêté litigieux du 15 juillet 2015 prononçant le changement d'affectation de Mme A...à la direction régionale des entreprises, de la concurrence, de la consommation, du travail et de l'emploi (DIRECCTE) d'Aquitaine à compter du 1er septembre 2015 constituerait une sanction disciplinaire déguisée, les premiers juges, après avoir rappelé à bon droit que revêt un tel caractère la mutation d'office d'un fonctionnaire lorsque, tout à la fois, la nature des faits qui ont justifié la mesure et l'intention poursuivie par l'administration révèlent une volonté de sanctionner cet agent et qu'il en résulte une dégradation de sa situation professionnelle, ont indiqué ensuite que la mutation de Mme A...était motivée, d'une part, par les vives tensions existant avec la hiérarchie du service national d'enquête (SNE) située à Paris et d'autres agents de ce service qui perturbaient l'accomplissement des missions qui lui étaient confiées ainsi que le fonctionnement du service, et, d'autre part, par la volonté de l'affecter dans une structure avec un encadrement de proximité. Les premiers juges ont également relevé que l'intéressée, chargée au sein du centre de surveillance du commerce électronique du SNE des fonctions de cyber-enquêteur, qui consistaient principalement à contrôler des sites de commerce électronique, à recevoir des juges d'instruction des commissions rogatoires et à assurer un rôle d'animateur et de formateur pour les contrôles internet, s'est vu confier, dans le cadre de sa nouvelle affectation au pôle C de la DIRECCTE Aquitaine, la charge d'exercer des fonctions de programmation des opérations de contrôle, d'appui aux enquêteurs et de veille, sous l'autorité d'un inspecteur principal, lesquelles ont vocation à être confiées à un agent de son grade et qui, si elles ne comportaient plus d'investigations spécialisées à l'échelle du territoire national, ne se traduisaient pas pour autant par une perte de responsabilités ni, contrairement à ce que soutenait la requérante, par un déclassement professionnel. Les premiers juges ont enfin mentionné que Mme A...n'avait pas subi de baisse de rémunération, le bénéfice de la nouvelle bonification indiciaire (NBI) de 30 points qui lui avait été attribué depuis le 1er mai 2014 à hauteur de 138,90 euros par mois lui ayant été maintenu à titre exceptionnel et que la circonstance alléguée que la mutation contestée pourrait la priver de la prise en charge de ses frais de déplacement en cas de changement, dans les cinq prochaines années, de résidence administrative ne saurait lui conférer un caractère disciplinaire. En se bornant à se prévaloir en instance d'appel de ce que la diminution de ses attributions était non seulement qualitative mais aussi quantitative, en ce qu'elle n'était désormais plus en charge d'actions d'animation et de formation et qu'elle n'intervenait plus au niveau national, que ses conditions matérielles de travail s'étaient très fortement dégradées et qu'elle n'était pas à l'origine des dissensions et des tensions entre ses supérieurs hiérarchiques affectant le fonctionnement du service national des enquêtes (SNE), Mme A...n'apporte aucune critique utile aux motifs pertinents ainsi retenus par le tribunal, et qu'il y a dès lors lieu d'adopter.

7. En second lieu, qu'aux termes de l'article 61 de la loi du 11 janvier 1984 susvisée : " Les autorités compétentes sont tenues de faire connaître au personnel, dès qu'elles ont lieu, les vacances de tous emplois, sans préjudice des obligations spéciales imposées en matière de publicité par la législation sur les emplois réservés. ". Aux termes de l'article 12 de la loi du 13 juillet 1983 susvisée, dans sa rédaction applicable à la date de l'arrêté litigieux : " Le grade est distinct de l'emploi. / Le grade est le titre qui confère à son titulaire vocation à occuper l'un des emplois qui lui correspondent. / Toute nomination ou toute promotion dans un grade qui n'intervient pas exclusivement en vue de pourvoir à un emploi vacant et de permettre à son bénéficiaire d'exercer les fonctions correspondantes est nulle. (...) ".

8. Il résulte des termes mêmes de l'arrêté litigieux qu'il a pour seul objet de prononcer le changement d'affectation de Mme A...du service national des enquêtes à la DIRECCTE Aquitaine. Dès lors, l'appelante ne saurait utilement se prévaloir ni de ce que le poste sur lequel elle a été finalement affectée dans cette direction n'aurait fait l'objet d'aucune publicité de vacance ni de ce qu'elle ne pouvait être légalement placée en surnombre dans l'attente de son affectation, le placement dans une telle position statutaire n'ayant pu résulter, en l'espèce, que d'une décision distincte qui n'est pas en litige dans la présente instance. Mme A...ne saurait davantage utilement se prévaloir, pour contester ce même arrêté, des dispositions précitées de l'article 12 de la loi du 13 juillet 1983, qui ont pour seul objet de proscrire les nominations pour ordre, qui sont entachées d'une irrégularité d'une gravité telle qu'elles sont regardées comme nulles et de nul effet.

9. Il résulte de tout ce qui précède que Mme A...n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Bordeaux a rejeté sa demande.

Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

10. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de l'Etat qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante, la somme que Mme A...demande au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens.

DECIDE :

Article 1er : La requête de Mme A...est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à Mme B...A...et au ministre de l'économie et des finances.

Délibéré après l'audience du 18 mars 2019, à laquelle siégeaient :

M. Pierre Larroumec, président,

M. Pierre Bentolila, président assesseur,

M. Axel Basset, premier conseiller.

Lu en audience publique, le 1er avril 2019.

Le rapporteur,

Axel BassetLe président,

Pierre Larroumec

Le greffier,

Cindy Virin

La République mande et ordonne au ministre de l'économie et des finances, et à tous huissiers de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.

Pour expédition certifiée conforme.

Le greffier,

Cindy Virin

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N° 17BX02022


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Bordeaux
Formation : 6ème chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 17BX02022
Date de la décision : 01/04/2019
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

Fonctionnaires et agents publics - Positions - Affectation et mutation - Mutation.

Fonctionnaires et agents publics - Discipline - Caractère disciplinaire d'une mesure - Mesure ne présentant pas ce caractère.


Composition du Tribunal
Président : M. LARROUMEC
Rapporteur ?: M. Axel BASSET
Rapporteur public ?: Mme MOLINA-ANDREO
Avocat(s) : CABINET LYON-CAEN THIRIEZ

Origine de la décision
Date de l'import : 04/04/2019
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.bordeaux;arret;2019-04-01;17bx02022 ?
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