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21/03/2019 | FRANCE | N°17BX02122

France | France, Cour administrative d'appel de Bordeaux, 3ème chambre - formation à 3, 21 mars 2019, 17BX02122


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. C...A...a demandé au tribunal administratif de Pau de condamner la société A'lienor à lui verser la somme 138 864 euros en réparation de ses préjudices, cette somme étant assortie des intérêts légaux, avec capitalisation.

Par un jugement n° 1500991 du 9 mai 2017, le tribunal administratif de Pau a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête enregistrée le 6 juillet 2017 et un mémoire enregistré le 26 février 2018, M. A..., représenté par MeE..., demand

e à la cour:

1°) d'annuler ce jugement du 9 mai 2017 ;

2°) de faire droit à ses demandes indemnita...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. C...A...a demandé au tribunal administratif de Pau de condamner la société A'lienor à lui verser la somme 138 864 euros en réparation de ses préjudices, cette somme étant assortie des intérêts légaux, avec capitalisation.

Par un jugement n° 1500991 du 9 mai 2017, le tribunal administratif de Pau a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête enregistrée le 6 juillet 2017 et un mémoire enregistré le 26 février 2018, M. A..., représenté par MeE..., demande à la cour:

1°) d'annuler ce jugement du 9 mai 2017 ;

2°) de faire droit à ses demandes indemnitaires ;

3°) de mettre à la charge de la société A'liénor la somme de 12 072,38 euros TTC au titre des dépens ainsi que la somme de 3 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

- sa propriété a subi une perte de valeur très importante ; celle-ci tient à une gêne visuelle importante, une modification de l'accès à sa propriété, des bruits qui, même s'ils n'excèdent pas les valeurs admises par la réglementation, excèdent les inconvénients normaux des riverains des routes ; elle tient aussi à la présence même de l'ouvrage ;

- sa propriété est une maison de caractère susceptible d'attirer des investisseurs et non une simple maison d'agriculteurs ; l'expert Letourneau a ainsi évalué la perte de valeur vénale à 25 % ;

- il va devoir engager des travaux d'isolation phonique ;

- il subit également un préjudice moral et des troubles dans ses conditions d'existence ;

- il justifie donc subir un préjudice anormal et spécial.

Par des mémoires enregistrés les 8 novembre 2017 et 27 mars 2018, la société A'liénor, représentée par MeF..., conclut au rejet de la requête et demande qu'une somme de 3 000 euros soit mise à la charge de M. A... au titre des frais d'instance.

Elle fait valoir que :

- ni le préjudice visuel, ni la modification des conditions d'accès à la propriété, ni l'atteinte à la tranquillité ne sont excessifs et ne caractérisent des troubles anormaux ;

- l'expert Bordenave conclut à l'absence de dépréciation de la propriété ; si dépréciation il y a, elle tient aux caractéristiques du bien, qui est une maison à usage agricole, comprenant notamment un important élevage de volailles ;

- le préjudice moral n'est pas constitué.

Par une ordonnance en date du 28 décembre 2017, la clôture de l'instruction a été fixée au 28 mars 2018 à 12 heures.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le décret n° 95-22 du 9 janvier 1995 ;

- l'arrêté du 5 mai 1995 relatif au bruit des infrastructures routières ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Laurent Pouget,

- les conclusions de Mme Déborah de Paz, rapporteur public,

- les observations de MeB..., représentant M.A...,

- et les observations de MeD..., représentant la société A'liénor.

Considérant ce qui suit :

1. M. A...est propriétaire depuis 1987 d'une maison à usage de résidence principale sur le territoire de la commune de Saint Gein (Landes). Cette maison s'est trouvée, à compter de 2009, à proximité - 140 mètres environ - de l'emprise de l'autoroute A65 reliant Bordeaux à Pau. Se plaignant notamment des gênes sonores et visuelles que lui causent la présence de cette voie, et invoquant une perte de valeur vénale de son bien, M. A...en a demandé en vain l'indemnisation à la société concessionnaire A'liénor. Ayant saisi le tribunal administratif de Pau d'un recours en condamnation de cette société, il relève désormais appel du jugement du 9 mai 2017 par lequel cette juridiction a rejeté sa demande.

2. La responsabilité du concessionnaire d'un ouvrage public peut être engagée, même sans faute, à l'égard des demandeurs tiers par rapport à cet ouvrage du fait de l'existence ou du fonctionnement de celui-ci. Les personnes mises en cause doivent alors, pour dégager leur responsabilité, établir la preuve que le dommage est imputable à la faute de la victime ou à un cas de force majeure, sans que puisse être utilement invoqué le fait d'un tiers. La victime doit toutefois apporter la preuve de la réalité des préjudices qu'elle allègue avoir subis, et de l'existence d'un lien de causalité entre cet ouvrage et lesdits préjudices, qui doivent en outre présenter un caractère anormal et spécial. Toutefois, les préjudices qui n'excèdent pas les sujétions susceptibles d'être normalement imposées, dans l'intérêt général, aux riverains des ouvrages publics ne sont pas susceptibles d'ouvrir droit à indemnité.

3. M. A...se plaint, tout d'abord, des nuisances sonores résultant de la présence de l'ouvrage routier en cause. Il résulte cependant des mentions du rapport de l'expert judiciaire désigné par le président du tribunal administratif, lequel prend en considération l'hypothèse d'une future augmentation du trafic routier, que " l'ensemble des mesures acoustiques réalisées sur le site montre des niveaux sonores faibles, de jour comme de nuit, en semaine ou en fin de semaine, et sans lien direct avec le trafic routier de l'A65. S'il est évident que la mise en service de l'A65 a relevé quelque peu le niveau ambiant résiduel, les niveaux sonores restent nettement inférieurs à ceux définis dans l'arrêté du 5 mai 1995 relatif au bruit des infrastructures routières ". Le requérant souligne pour sa part que sa propriété était auparavant située dans un environnement rural particulièrement préservé du bruit, ce qui n'est plus le cas désormais, mais ce seul constat ne saurait suffire à démontrer que l'ouvrage public en cause est à l'origine d'une gêne sonore excédant ce que les riverains des voies peuvent être conduits à devoir supporter dans l'intérêt général. Il en va de même de la gêne visuelle invoquée par ailleurs par M.A..., qui évoque le caractère bucolique de l'environnement préexistant sans pour autant établir le caractère excessif de l'atteinte portée par l'ouvrage aux vues depuis sa propriété, dans la mesure notamment où il ressort des photographies au dossier que l'orientation latérale de la construction par rapport au tracé de l'autoroute, l'absence de surplomb, de même que la présence d'un rideau d'arbres assez dense les séparant, sont de nature à en atténuer l'impact visuel. Si le requérant se plaint encore de la modification apportée aux conditions d'accès à sa maison, il se borne à cet égard à faire valoir qu'il se voit désormais contraint, comme ses visiteurs, d'emprunter la voie de service longeant l'autoroute, circonstance qui ne caractérise pas en elle-même une gêne excessive et qui paraît au demeurant inexacte au vu des photographies aériennes produites. Enfin, si la présence de l'ouvrage routier n'est sans doute pas sans effet sur la valeur vénale de la propriété du requérant, il ne résulte toutefois pas de l'instruction, en particulier des rapports de l'expert judiciaire et de son sapiteur, qui relèvent que celle-ci se situe dans un environnement entièrement dédié à l'exploitation agricole et à proximité immédiate d'un élevage de volailles bruyant, que la perte de valeur directement imputable à l'autoroute serait d'une ampleur permettant de caractériser au cas d'espèce l'existence d'un préjudice anormal et spécial. Compte tenu de ce qui vient d'être dit, il n'est pas davantage justifié par le requérant d'un préjudice moral ou de troubles dans les conditions d'existence susceptibles de faire l'objet d'une indemnisation.

4. Il résulte de ce qui précède que M. A...n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Pau a rejeté sa demande tendant à être indemnisé des préjudices inhérents aux nuisances causées par la présence et le fonctionnement de l'autoroute A65.

Sur les frais d'expertise :

5. Les frais d'expertise, liquidés et taxés à la somme de 12 072,38 euros par une ordonnance du président du tribunal administratif de Pau du 18 septembre 2014 sont maintenus à la charge de M.A....

Sur les conclusions tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

6. La société A'liénor n'étant pas la partie perdante dans la présente instance, les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce qu'il soit fait droit aux conclusions de M. A...tendant à ce qu'une somme soit mise à sa charge au titre des frais exposés par lui et non compris dans les dépens. Il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de faire droit aux conclusions présentées par la société A'liénor sur le fondement des mêmes dispositions.

DECIDE :

Article 1er : La requête de M. A...est rejetée.

Article 2 : Les frais d'expertise sont maintenus à la charge définitive de M.A....

Article 3 : Les conclusions présentées par la société A'liénor sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à M. C...A...et à la société A'liénor.

Délibéré après l'audience publique du 21 février 2019 à laquelle siégeaient :

M. Aymard de Malafosse, président,

M. Laurent Pouget, président-assesseur,

Mme Marie-Pierre Beuve Dupuy, premier conseiller,

Lu en audience publique, le 21 mars 2019.

Le rapporteur,

Laurent POUGET Le président

Aymard de MALAFOSSE Le greffier,

Christophe PELLETIER

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.

5

N° 17BX02122


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Bordeaux
Formation : 3ème chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 17BX02122
Date de la décision : 21/03/2019
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

67-02-02-03 Travaux publics. Règles communes à l'ensemble des dommages de travaux publics. Régime de la responsabilité. Qualité de tiers.


Composition du Tribunal
Président : M. DE MALAFOSSE
Rapporteur ?: M. Laurent POUGET L.
Rapporteur public ?: Mme DE PAZ
Avocat(s) : CABINET FERRANT

Origine de la décision
Date de l'import : 02/04/2019
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.bordeaux;arret;2019-03-21;17bx02122 ?
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