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18/03/2019 | FRANCE | N°17BX01759

France | France, Cour administrative d'appel de Bordeaux, 6ème chambre - formation à 3, 18 mars 2019, 17BX01759


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme C...D...a demandé au tribunal administratif de Bordeaux, dans le dernier état de ses écritures, de condamner le département de Lot-et-Garonne à lui verser la somme totale de 26 308 euros, à parfaire, en réparation des préjudices qu'elle estime avoir subis du fait du retard, pris par la collectivité territoriale, à lui délivrer l'agrément d'accueillant familial qu'elle avait sollicité le 16 juin 2015.

Par un jugement n° 1505401 du 4 avril 2017, le tribunal administratif de Bordeaux a rejeté

sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête, complétée par des pièces...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme C...D...a demandé au tribunal administratif de Bordeaux, dans le dernier état de ses écritures, de condamner le département de Lot-et-Garonne à lui verser la somme totale de 26 308 euros, à parfaire, en réparation des préjudices qu'elle estime avoir subis du fait du retard, pris par la collectivité territoriale, à lui délivrer l'agrément d'accueillant familial qu'elle avait sollicité le 16 juin 2015.

Par un jugement n° 1505401 du 4 avril 2017, le tribunal administratif de Bordeaux a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête, complétée par des pièces, et un mémoire complémentaire enregistrés les 2 juin 2017, 25 septembre 2018 et 2 octobre 2018, Mme C...D..., représentée par Me E..., demande à la cour :

1°) de confirmer le jugement attaqué en ce qu'il a jugé que l'illégalité du report du délai d'obtention de l'agrément qu'elle avait sollicité constitue une faute de nature à engager la responsabilité du département de Lot-et-Garonne et de prononcer la réformation de celui-ci en tant qu'il a rejeté le surplus de ses demandes ;

2°) de condamner le département de Lot-et-Garonne à lui verser la somme totale de 26 308,00 euros en réparation de préjudice, assortie des intérêts au taux légal à compter du 26 octobre 2015, date de sa première réclamation préalable ;

3°) de mettre à la charge du département de Lot-et-Garonne la somme de 5 000 euros sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- c'est à bon droit que le tribunal a admis que l'attitude du conseil départemental du Lot-et-Garonne, ayant consisté à reporter illégalement le délai d'obtention de l'agrément tacite, le 16 octobre 2015, était constitutive d'une faute génératrice de responsabilité ;

- en revanche, et contrairement à ce qu'a jugé le tribunal, ce refus fautif lui a causé un préjudice très important sur la période d'octobre 2015, date de naissance de l'agrément tacite, à février 2016, date de confirmation officielle de l'obtention de cet agrément, dès lors que, s'étant établie sur le site à compter de juillet 2015, elle ne pouvait durant cette période conclure le moindre contrat de travail, ce qui l'a privé de tout revenu, alors même qu'elle a deux enfants à charge, que son statut d'agent de collectivité en disponibilité ne lui ouvrait droit ni au chômage, ni au RSA et que plusieurs familles voulaient faire appel à ses services ;

- si le conseil départemental objecte qu'elle aurait dû exercer ses fonctions dès le 16 octobre 2015 sans attendre l'arrêté du 4 février 2016, un tel argument est empreint de la plus parfaite mauvaise foi dès lors qu'elle ne pouvait légalement conclure des contrats d'accueil à cette date, seuls les détenteurs d'un agrément pouvant établir ce type de documents, conformément à l'article L. 441-1 alinéa 1er du code de l'action sociale et des familles ;

- ce faisant, l'administration a procédé à une retenue abusive d'un document administratif créateur de droit au-delà du délai légal ;

- ainsi, son préjudice financier au cours de cette période de trois mois et trois semaines doit être fixé à la somme totale de 23 308 euros, correspondant à la rémunération d'un accueillant pour trois résidents et la perte des loyers correspondants, lequel est justifié au centime près pendant cette période, étant précisé qu'il est absurde de la priver de la possibilité de produire des attestations ;

- l'appréciation excessivement sévère du tribunal, pour ne pas dire tronquée, des éléments de preuve produits au débat en première instance apparaît d'autant plus injustifiée que son ancienne collègue, MmeA..., a pour sa part bénéficié, quelques mois plus tard, d'un jugement favorable du tribunal administratif de Bordeaux du 24 octobre 2017, qui n'a d'ailleurs pas été frappé d'appel, alors que les éléments produits dans le cadre de cette autre instance étaient moins étoffés ;

- à cela s'ajoute le préjudice moral, qu'elle évalue à 3 000 euros, dans la mesure où elle a vécu ce retrait abusif comme une véritable discrimination par une personne dépositaire de l'autorité publique, faits prévus et réprimés par l'article L. 432-7 du code pénal, laquelle apparaît effectivement caractérisée.

Par un mémoire en défense enregistré le 3 septembre 2018, le département de Lot-et-Garonne, représenté par le cabinet Noyer-Cazcarra, conclut au rejet de la requête, à l'annulation de l'article 2 du jugement attaqué et à ce qu'une somme de 1 000 euros soit mise à la charge de Mme D...sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il fait valoir que :

- contrairement à ce qu'ont relevé les premiers juges, les actes du 4 août 2015 et du 12 octobre 2015, qui se bornent respectivement à l'informer l'intéressée, d'une part, que l'instruction de sa demande d'agrément en qualité d'accueillant familial était suspendue jusqu'à réception d'un document essentiel propre à compléter son dossier et que, d'autre part, son dossier de demande était réputé complet depuis le 9 octobre 2015, ne peuvent être regardés comme constituant des actes faisant grief dont l'illégalité fautive pourrait être utilement invoqué par l'intéressée ;

- en revanche, c'est à juste titre que le tribunal a rejeté la demande de Mme D... tendant à la réparation de son préjudice financier, dès lors qu'outre le fait que les pièces qui avaient été produites par l'intéressée et communiquées en première instance au département ne démontrent pas son prétendu manque à gagner sur la période du 16 octobre 2015 au 4 février 2016, le seul fait qu'elle se soit trouvée titulaire, depuis le 16 octobre 2015, d'un agrément régulièrement obtenu tacitement suffit à démontrer que le département n'a adopté aucun acte ou comportement entaché d'illégalité, sachant qu'il lui appartenait à compter de cette dernière date, si elle s'y croyait fondée, d'exploiter son agrément autant que de besoin ;

- en outre, faute de démontrer qu'elle était assurée de conclure des contrats d'accueil de personnes âgées à son domicile au cours de la période en cause, ni même qu'elle aurait eu une chance réellement sérieuse d'en conclure compte tenu, en particulier, des graves difficultés de mise en place du dispositif des Villas Edéniales, l'intéressée ne peut qu'être regardée comme se prévalant d'un préjudice matériel purement éventuel ;

- quant au chef de préjudice tiré d'un prétendu préjudice moral subi par la requérante, celui-ci est exclu dans son principe, dès lors que le département n'a nullement procédé, le 12 octobre 2015, date à laquelle aucun agrément tacite n'avait pu naître, à un retrait abusif de décisions créatrices de droits mais a, au contraire, pris le soin de confirmer, par arrêté, l'existence d'un agrément réputé acquis depuis le 16 octobre 2015.

Par ordonnance du 3 septembre 2018, la clôture de l'instruction a été fixée en dernier lieu au 9 octobre 2018.

Par une lettre du 8 février 2019, les parties ont été informées, en application de l'article R. 611-7 du code de justice administrative, de ce que la cour était susceptible de relever d'office le moyen tiré de l'irrecevabilité de la contestation, formulée par le Département en sa qualité d'intimé, du motif, retenu par les premiers juges, tiré de ce que les lettres du 4 août 2015 et du 12 octobre 2015 constituent des actes faisant grief dont l'illégalité fautive pourrait être utilement invoquée, dès lors que, par l'article 1 du dispositif du jugement attaqué, le tribunal administratif de Bordeaux a rejeté les conclusions indemnitaires de Mme D....

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code général des collectivités territoriales ;

- le code de l'action sociale et des familles ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Axel Basset,

- les conclusions de Mme Béatrice Molina-Andréo, rapporteur public ;

- et les observations de MeB..., représentant le département de Lot-et-Garonne.

Considérant ce qui suit :

1. Par une lettre en date du 15 juin 2015, Mme D...a formé auprès du département de Lot-et-Garonne une demande d'agrément mixte pour l'accueil, à titre permanent et à temps complet, de trois personnes âgées ou trois adultes handicapées sur le site des Villas Edéniales de Laroque-Timbaut. Ayant été rendue destinataire, d'abord, d'une lettre du 4 août 2015 par laquelle le président du conseil départemental de Lot-et-Garonne lui a indiqué que l'instruction de sa demande d'agrément était " suspendue ", puis d'une lettre du 12 octobre 2015 par laquelle la directrice adjointe chargée des personnes âgées et des personnes handicapées l'a informée de ce que son dossier étant réputé complet au 9 octobre 2015, un délai de quatre mois courait à compter de cette date pour répondre à sa demande d'agrément, Mme D...a saisi le tribunal administratif de Bordeaux aux fins d'obtenir notamment l'annulation de ces deux actes. Toutefois, le président du conseil départemental de Lot-et-Garonne ayant, par un arrêté du 4 février 2016, " confirmé " l'agrément sollicité, l'intéressée a demandé, dans le dernier état de ses écritures, la seule condamnation de la collectivité territoriale à lui verser la somme totale de 26 308 euros en réparation des préjudices qu'elle estime avoir subis du fait du retard, pris par l'administration, à lui délivrer l'agrément sollicité. Mme D...relève appel du jugement du 4 avril 2017 par lequel ce tribunal a rejeté sa demande. Le département de Lot-et-Garonne demande, dans le cadre d'un appel incident, l'annulation de l'article 2 du jugement attaqué allouant à Mme D... la somme de 1 000 euros sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative

Sur la recevabilité de l'appel incident du département de Lot-et-Garonne :

2. Dès lors que l'intérêt à faire appel d'un jugement s'apprécie au regard de son dispositif et non de ses motifs, la partie qui a obtenu satisfaction en première instance n'est pas recevable à faire appel de ce jugement en critiquant les seuls motifs retenus par les premiers juges.

3. En se bornant à se prévaloir, comme il l'a d'ailleurs déjà fait devant les premiers juges, de ce que les lettres du 4 août 2015 et du 12 octobre 2015 ne peuvent être regardées comme constituant des actes faisant grief dont l'illégalité fautive pourrait être utilement invoquée, le département de Lot-et-Garonne ne conteste pas utilement l'article 2 du dispositif du jugement attaqué par lequel le tribunal a mis à sa charge la somme de 1 000 euros à verser à MmeD.... Au demeurant, le département intimé ne serait pas recevable - compte tenu de ce qui vient d'être dit au point 2 - à se prévaloir d'un tel moyen à l'encontre de l'article 1 dudit jugement par lequel le tribunal administratif de Bordeaux a rejeté les conclusions indemnitaires de MmeD....

Sur l'appel principal :

4. D'une part, aux termes de l'article L. 3211-1 du code général des collectivités territoriales : " Le conseil départemental règle par ses délibérations les affaires du département dans les domaines de compétences que la loi lui attribue. / Il est compétent pour mettre en oeuvre toute aide ou action relative à la prévention ou à la prise en charge des situations de fragilité, au développement social, à l'accueil des jeunes enfants et à l'autonomie des personnes. Il est également compétent pour faciliter l'accès aux droits et aux services des publics dont il a la charge. / Il a compétence pour promouvoir les solidarités et la cohésion territoriale sur le territoire départemental, dans le respect de l'intégrité, de l'autonomie et des attributions des régions et des communes. ". Aux termes de l'article L. 3221-9 de ce code : " Le président du conseil départemental exerce en matière d'action sociale les compétences qui lui sont dévolues par le code de l'action sociale et des familles. (...) ".

5. D'autre part, aux termes de l'article L. 441-1 du code de l'action sociale et des familles, dans sa rédaction applicable à la date des actes litigieux : " Pour accueillir habituellement à son domicile, à titre onéreux, des personnes âgées ou handicapées adultes n'appartenant pas à sa famille jusqu'au quatrième degré inclus et, s'agissant des personnes handicapées adultes, ne relevant pas des dispositions de l'article L. 344-1, une personne ou un couple doit, au préalable, faire l'objet d'un agrément, renouvelable, par le président du conseil général de son département de résidence qui en instruit la demande. / La personne ou le couple agréé est dénommé accueillant familial. / La décision d'agrément fixe, dans la limite de trois, le nombre de personnes pouvant être accueillies. / L'agrément ne peut être accordé que si les conditions d'accueil garantissent la continuité de celui-ci, la protection de la santé, la sécurité et le bien-être physique et moral des personnes accueillies, si les accueillants se sont engagés à suivre une formation initiale et continue organisée par le président du conseil général et si un suivi social et médico-social de celles-ci peut être assuré. Tout refus d'agrément est motivé. (...) / L'agrément vaut, sauf mention contraire, habilitation à recevoir des bénéficiaires de l'aide sociale au titre des articles L. 113-1 et L. 241-1. ". Aux termes de l'article L. 441-4 de ce code : " Un décret en Conseil d'Etat fixe les modalités et le délai d'instruction de la demande d'agrément, la procédure de retrait, la composition de la commission consultative de retrait, la durée pour laquelle ledit agrément est accordé et renouvelé ainsi que le délai pour représenter une nouvelle demande après décision de refus ou retrait. ". L'article R. 441-2 de ce même code dispose : " La demande d'agrément, établie sur un formulaire dont le contenu est fixé par le président du conseil général, doit préciser en particulier : 1° Le nombre maximum de personnes âgées ou handicapées que le demandeur souhaite accueillir, ainsi que, le cas échéant, la répartition entre ces deux catégories de personnes ; / 2° Si l'accueil projeté est à temps partiel ou à temps complet. ". Aux termes de l'article R. 441-3 dudit code, alors en vigueur : " La demande est adressée au président du conseil départemental du département de résidence du demandeur par lettre recommandée avec demande d'avis de réception. / Cette autorité dispose d'un délai de dix jours pour en accuser réception ou, si la demande est incomplète, pour indiquer, dans les conditions prévues par le décret du 6 juin 2001, les pièces manquantes dont la production est indispensable à l'instruction de la demande et fixer un délai pour la production de ces pièces. ". Aux termes de l'article R. 441-4 dudit code : " La décision du président du conseil départemental est notifiée dans un délai de quatre mois à compter de la date d'accusé de réception du dossier complet. A défaut de notification d'une décision dans ce délai, l'agrément est réputé acquis. Tout refus d'agrément doit être motivé. ". Enfin, en vertu de l'article L. 444-3 de ce code : " Il est conclu, pour chaque personne accueillie, entre l'accueillant familial et son employeur un contrat de travail écrit. / Tout contrat de travail fait l'objet d'une période d'essai de trois mois, éventuellement renouvelable après accord écrit du salarié. (...) ".

6. Il résulte de l'instruction que consécutivement à l'envoi, par lettre recommandée avec accusé de réception, du dossier de demande d'agrément d'accueillant familial établi par MmeD..., réceptionné par ses services le 16 juin 2015, le département de Lot-et-Garonne n'a pas sollicité auprès de l'intéressée - ainsi qu'il lui était pourtant loisible de le faire - la production de pièces complémentaires éventuellement nécessaires à l'instruction de son dossier dans le délai de dix jours prévu par les dispositions de l'article R. 441-3 du code de l'action sociale et des familles, expirant en l'espèce le 26 juin 2015. Le dossier de l'intéressée devant, dès lors, être regardé comme complet à la date du 16 juin 2015, du silence gardé par l'administration sur sa demande pendant un délai de quatre mois était susceptible de naître, le 16 octobre 2015, une décision tacite d'acceptation. S'étant avisé de ce que les conditions d'occupation de la villa prise à bail par MmeD..., à compter du 1er juillet 2015, sur le site des Villas Edéniales de Laroque-Timbaut, aux fins d'y exercer ses fonctions, poserait une difficulté juridique au motif tiré de ce que la convention précaire qui régissait cette occupation pour y accueillir des résidents " en gré à gré " ne semblait pas - selon lui - correspondre aux exigences réglementaires en matière de logement des accueillants familiaux, le département de Lot-et-Garonne a entrepris, par la lettre susmentionnée du 4 août 2015, de " suspendre " l'instruction du dossier de demande d'agrément de MmeD..., dans l'attente de la production d'une copie du bail commercial régissant le bâtiment, sollicité quelques jours plus tard auprès du président de l'association des Villas Edéniales de Laroque-Timbaut. Puis, après plusieurs relances de Mme D... et de membres de l'association gestionnaire des villas, le président du conseil départemental a, par une lettre du 12 octobre 2015, indiqué à Mme D...que son dossier était réputé complet au 9 octobre 2015 et que l'autorité territoriale disposait d'un délai de quatre mois à partir de cette date pour répondre à sa demande d'agrément, tout en l'avisant de ce qu'elle serait contactée, dans les semaines à venir, par les assistantes sociales de secteur aux fins de visiter son domicile et évaluer sa situation, puis par le psychologue du service, chargé de diligenter un entretien devant donner lieu à un rapport qui serait soumis pour avis à une commission technique d'agrément d'accueillants familiaux, communiqué ensuite à l'exécutif territorial. Estimant s'être vu opposer une décision de refus d'agrément, Mme D... a, par lettre du 26 octobre 2015 réceptionnée le 28 octobre suivant, contesté les deux lettres des 4 août et 12 octobre 2015 et réitéré sa demande d'agrément. Au terme de la procédure, le président du conseil départemental de Lot-et-Garonne a, par un arrêté en date du 4 février 2016, " confirmé " l'agrément sollicité " en raison d'une décision implicite d'acceptation intervenue le 16 octobre 2015 ", valable pour la période du 16 octobre 2015 au 15 octobre 2020.

7. En premier lieu, si, ainsi que l'ont relevé les premiers juges, ni la lettre du 4 août 2015 " suspendant " la procédure d'instruction, ni la lettre du 12 octobre 2015 susmentionnées n'ont pu avoir légalement pour effet de reporter la date d'obtention d'un agrément tacite, le 16 octobre 2015, il résulte de ce qui a été dit au point 6 que, le 12 octobre 2015, le département de Lot-et-Garonne a informé l'intéressée de ce que le délai de quatre mois ne courrait qu'à compter de cette date et que diverses formalités préalables restaient à accomplir en vue de l'éventuelle délivrance de son agrément. Or, ce faisant, la collectivité territoriale a illégalement retardé la procédure d'instruction du dossier de demande d'agrément de Mme D...et induit en erreur la requérante quant à l'étendue réelle de ses droits à compter du 16 octobre 2015, jusqu'à la notification de l'arrêté du 4 février 2016, ce qui constitue une faute de nature à engager sa responsabilité. Il résulte de l'instruction, et notamment de plusieurs attestations concordantes et circonstanciées émanant tant de membres de la famille des trois résidents appelés à être pris en charge par Mme D...que de responsables de l'association des Villas Edéniales de Laroque-Timbaut, dont le département intimé ne remet pas utilement en cause la valeur probante en se bornant à faire valoir que celles-ci n'ont été produites que tardivement en première instance, que, dès le mois de juillet 2015, l'intéressée avait été contactée par pas moins de cinq familles désireuses de faire appel à ses services en qualité d'accueillante familiale, avec qui elle est restée en contact tout au long de la procédure d'instruction de son dossier de demande d'agrément. Dès lors, Mme D... justifie qu'elle aurait eu une chance sérieuse de prendre en charge des résidents à son domicile à compter du 16 octobre 2015, date d'obtention de l'agrément tacite, jusqu'au 4 février 2016, en concluant avec chaque personne accueillie le contrat d'accueil prévu par les dispositions précitées de l'article L. 444-3 du code de l'action sociale et des familles. Il résulte de l'instruction, et notamment des bulletins de salaire et tableaux récapitulatifs élaborés par l'appelante, que son manque à gagner lié à l'absence de prise en charge des trois résidents concernés sur la période litigieuse peut être chiffré à la somme, non contestée par le département, de 23 308 euros. Il y a lieu, dès lors, de condamner la collectivité territoriale à verser cette somme à MmeD....

8. En second lieu, pour rejeter les conclusions de Mme D...tendant au versement d'une somme de 3 000 euros au titre de son préjudice moral, le tribunal a relevé que si l'intéressée " invoque également un préjudice moral en ce que par la décision du 12 octobre 2015 le président du conseil départemental aurait procédé, de manière abusive et discriminatoire, au retrait d'une décision créatrice de droit lui accordant tacitement un agrément [toutefois], à la date du 12 octobre 2015, aucun agrément tacite n'avait pu naître et n'a donc pu être retiré. ". Mme D...ne se prévaut devant la cour d'aucun élément de fait ou de droit nouveau par rapport à l'argumentation développée devant le tribunal. Par suite, il y a lieu de rejeter ces conclusions par adoption de ce motif pertinemment retenu par les premiers juges.

9. Il résulte de tout ce qui précède que Mme D...est seulement fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Bordeaux a rejeté sa demande tendant à la réparation de son préjudice financier et à demander la condamnation du département de Lot-et-Garonne à lui verser la somme de 23 308 euros à ce titre. Dès lors, il y a lieu de réformer ce jugement dans cette mesure.

Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

10. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de Mme D...qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante, la somme que le département de Lot-et-Garonne demande au titre des frais exposés par lui et non compris dans les dépens. Il y a lieu, en revanche, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de la collectivité territoriale intimée une somme de 1 500 euros à verser à Mme D...sur le fondement de ces mêmes dispositions.

DECIDE :

Article 1er : Le département de Lot-et-Garonne est condamné à verser à Mme D...la somme de 23 308 euros en réparation de son préjudice financier.

Article 2 : Le jugement n° 1505401 du 4 avril 2017 du tribunal administratif de Bordeaux est réformé en ce qu'il a de contraire au présent arrêt.

Article 3 : Le département de Lot-et-Garonne versera la somme de 1 500 euros à Mme D... sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 4 : Le surplus des conclusions des parties est rejeté.

Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à Mme C...D...et au département de Lot-et-Garonne. Copie en sera transmise au préfet de Lot-et-Garonne.

Délibéré après l'audience du 13 février 2019 à laquelle siégeaient :

M. Pierre Larroumec, président,

M. Pierre Bentolila, président assesseur,

M. Axel Basset, premier conseiller.

Lu en audience publique, le 18 mars 2019.

Le rapporteur,

Axel BassetLe président,

Pierre Larroumec

Le greffier,

Cindy Virin

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur, et à tous huissiers de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.

Pour expédition certifiée conforme.

Le greffier,

Cindy Virin

2

N° 17BX01759


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Bordeaux
Formation : 6ème chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 17BX01759
Date de la décision : 18/03/2019
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

60-01-04 Responsabilité de la puissance publique. Faits susceptibles ou non d'ouvrir une action en responsabilité. Responsabilité et illégalité.


Composition du Tribunal
Président : M. LARROUMEC
Rapporteur ?: M. Axel BASSET
Rapporteur public ?: Mme MOLINA-ANDREO
Avocat(s) : BAKLEH-DUPOUY MYRIAM

Origine de la décision
Date de l'import : 02/04/2019
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.bordeaux;arret;2019-03-18;17bx01759 ?
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