Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
Mme F...D..., épouseG..., a demandé au tribunal administratif de Toulouse de condamner le centre hospitalier d'Albi à lui verser la somme de 17 460,25 euros en réparation des préjudices subis en raison de la faute commise lors de son examen d'imagerie par résonance magnétique (IRM).
Par un jugement n° 1403081 du 2 février 2017, le tribunal administratif de Toulouse a condamné le centre hospitalier d'Albi à lui verser la somme de 6 350 euros, à verser à la caisse primaire d'assurance maladie (CPAM) de la Haute-Garonne la somme de 10 402,20 euros au titre de ses débours et la somme de 1 055 euros au titre de l'indemnité forfaitaire de gestion.
Procédure devant la cour :
I. Par une requête, enregistrée sous le n° 17BX00982 le 28 mars 2017,
MmeG..., représentée par MeE..., demande à la cour :
1°) de porter à la somme globale de 17 460,25 euros l'indemnité que le centre hospitalier d'Albi a été condamné à lui verser en réparation de ses préjudices ;
2°) de réformer en ce sens ce jugement du tribunal administratif de Toulouse
du 2 février 2017 ;
3°) de mettre à la charge du centre hospitalier d'Albi la somme de 3 000 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ainsi que les entiers dépens.
Elle soutient que :
- la responsabilité pour faute du centre hospitalier d'Albi est engagée ;
- outre son déficit fonctionnel permanent, indemnisé par les premiers juges à 5 500 euros, son déficit fonctionnel temporaire doit être évalué à la somme de 960,25 euros, ses souffrances endurées à la somme de 6 000 euros et son préjudice moral à la somme de 5 000 euros.
Par un mémoire en défense, enregistré le 24 juillet 2017, le centre hospitalier d'Albi, représenté par MeC..., demande à la cour de rejeter la requête et, par la voie de l'appel incident, d'annuler le jugement du tribunal administratif de Toulouse et de rejeter les demandes présentées par Mme G...et la CPAM de la Haute-Garonne, subsidiairement de limiter à 1 800 euros l'indemnité due à Mme G...en réparation des souffrances endurées.
Il soutient que :
- il n'a pas commis de manquement aux règles de l'art ;
- le lien de causalité direct et certain entre l'IRM pratiquée et le dommage subi par
Mme G...n'est pas établi ;
- à titre subsidiaire, seules les souffrances endurées par Mme G...entre la réalisation de l'IRM et son admission aux urgences de la clinique l'Union peuvent être indemnisées.
Par des mémoires, enregistrés le 24 mai et le 23 août 2017, la CPAM de
la Haute-Garonne, représentée par la SELARL Thévenot et associés, demande à la cour :
1°) de réformer le jugement du tribunal administratif de Toulouse en tant qu'il n'a pas fait droit à l'ensemble de ses demandes au titre des frais d'hospitalisation ;
2°) de condamner le centre hospitalier d'Albi à lui verser la somme de 4 114,69 euros au titre des frais d'hospitalisation en sus des sommes déjà allouées par le tribunal ;
3°) de mettre à la charge du centre hospitalier d'Albi la somme de 1 000 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- la responsabilité pour faute du centre hospitalier d'Albi est engagée ;
- l'ensemble de ses débours s'élève à la somme de 14 516,89 euros dont 4 114,69 euros au titre des frais d'hospitalisation.
Par ordonnance du 18 octobre 2018, la clôture d'instruction a été fixée
au 21 novembre 2018.
II. Par une requête, enregistrée sous le n° 17BX01019 le 31 mars 2017 et un mémoire enregistré le 28 décembre 2017, la caisse primaire d'assurance maladie (CPAM) de la Haute-Garonne, représentée par la SELARL Thévenot et associés, demande à la cour :
1°) de réformer le jugement du tribunal administratif de Toulouse en tant qu'il n'a pas fait droit à l'ensemble de ses demandes au titre des frais d'hospitalisation ;
2°) de condamner le centre hospitalier d'Albi à lui verser la somme de 4 114,69 euros au titre des frais d'hospitalisation en sus des sommes déjà allouées par le tribunal ;
3°) de mettre à la charge du centre hospitalier d'Albi la somme de 1 000 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- la responsabilité pour faute du centre hospitalier d'Albi est engagée ;
- l'ensemble de ses débours s'élève à la somme de 14 516,89 euros dont 4 114,69 euros au titre des frais d'hospitalisation.
Par un mémoire en défense, enregistré le 19 octobre 2017, le centre hospitalier d'Albi, représenté par MeC..., demande à la cour de rejeter la requête et, par la voie de l'appel incident, d'annuler le jugement du tribunal administratif de Toulouse et de rejeter la demande présentée par la CPAM de la Haute-Garonne.
Il soutient que :
- il n'a pas commis de manquement aux règles de l'art ;
- le lien de causalité direct et certain entre l'IRM pratiquée et le dommage subi par Mme G...n'est pas établi ;
- un contrôle de la valve de dérivation de Mme G...était en tout état de cause nécessité par la réalisation de l'IRM.
Par ordonnance du 18 octobre 2018, la clôture d'instruction a été fixée au 21 novembre 2018.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code de la santé publique ;
- le code de la sécurité sociale ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M.B... ;
- les conclusions de M. Normand, rapporteur public ;
- et les observations de MeC..., représentant le centre hospitalier d'Albi.
Considérant ce qui suit :
1. Mme G..., qui souffrait d'une hypertension de la boîte intracrânienne avec hydrocéphalie, diagnostiquée en 2002, et qui portait depuis cette date une valve de dérivation ventriculo-péritonéale, a été admise au centre hospitalier d'Albi (Tarn) pour y subir un examen d'imagerie par résonance magnétique (IRM) du genou droit le 10 février 2011 à 17 heures.
Le lendemain, elle a été hospitalisée en urgence en raison d'une hydrocéphalie aiguë. L'intéressée a saisi le juge des référés du tribunal administratif de Toulouse qui, par une ordonnance du 30 octobre 2012, a prescrit une expertise, confiée à M.A..., lequel a rendu son rapport définitif le 28 mai 2013. Puis, par jugement du 2 février 2017, le tribunal administratif de Toulouse a condamné le centre hospitalier d'Albi à verser une indemnité d'un montant
de 6 350 euros à Mme G... en réparation des préjudices résultant de la faute commise lors de l'IRM et ayant consisté à ne pas avoir fait procéder au contrôle du réglage de la valve qu'elle portait, ainsi qu'une somme de 10 402,20 euros à la caisse primaire d'assurance maladie (CPAM) de la Haute-Garonne au titre des débours de cette dernière.
2. Par une requête enregistrée sous le n° 17BX0982, Mme G...demande la réformation de ce jugement afin que soit portée à la somme globale de 17 460,25 euros l'indemnité que le centre hospitalier d'Albi a été condamné à lui verser en réparation de ses préjudices. Par une requête enregistrée sous le n° 17BX01019, la CPAM de
la Haute-Garonne demande également la réformation du jugement afin d'obtenir une somme complémentaire de 4 114,69 euros au titre des frais d'hospitalisation qu'elle a dû supporter au profit de son assurée. Dans les deux requêtes, qui ont fait l'objet d'une instruction commune et qui présentent à juger les mêmes questions de sorte qu'il y a lieu de les joindre pour qu'il y soit statué par un seul arrêt, le centre hospitalier d'Albi demande, par la voie de l'appel incident, l'annulation du jugement et le rejet des demandes présentées devant le tribunal par
Mme G...et la CPAM de la Haute-Garonne.
Sur le principe de la responsabilité du centre hospitalier d'Albi :
3. Aux termes de l'article L. 1142-1 du code de la santé publique : " I. - Hors le cas où leur responsabilité est encourue en raison d'un défaut d'un produit de santé, les professionnels de santé mentionnés à la quatrième partie du présent code, ainsi que tout établissement, service ou organisme dans lesquels sont réalisés des actes individuels de prévention, de diagnostic ou de soins ne sont responsables des conséquences dommageables d'actes de prévention, de diagnostic ou de soins qu'en cas de faute ".
4. Il résulte de l'instruction, et notamment du rapport d'expertise judiciaire, que la réalisation d'une IRM sur un patient porteur d'une valve de dérivation ventriculo-péritonéale n'est pas contre-indiquée dès lors qu'une vérification précoce et systématique de la pression d'ouverture de la valve est réalisée après cet examen. À cet égard, l'expert précise que le consensus médical est de réaliser un contrôle de la valve le plus précocement possible, dans les heures suivant l'examen, afin de vérifier une éventuelle modification de la pression pour la ramener, le cas échéant immédiatement, à sa valeur antérieure et de limiter ainsi le risque de décompensation clinique qui peut être très précoce. Répondant à un dire, l'expert ajoute que la limite maximale de 24 à 48 heures pour le contrôle, telle qu'elle a pu être évoquée, ne peut se concevoir que dans certaines circonstances telles qu'une hydrocéphalie bien contrôlée, stable, chez un patient hospitalisé bénéficiant d'un environnement médical pour la surveillance, ce qui n'était pas le cas en l'espèce. Alors que Mme G...ne disposait d'un rendez-vous programmé en neurologie que le 17 février 2011, il appartenait au radiologue, soit de s'assurer d'un contrôle plus précoce, soit de différer l'examen par IRM. Dans ces conditions,
Mme G...est fondée à soutenir que sa prise en charge dans le service de radiologie du centre hospitalier d'Albi n'a pas été conforme aux règles de l'art. Ce manquement constitue une faute de nature à engager la responsabilité du centre hospitalier d'Albi à raison des préjudices en résultant de manière directe et certaine.
Sur le lien de causalité :
5. Il résulte de l'instruction et en particulier du rapport d'expertise, que l'hydrocéphalie aiguë présentée par Mme G...le lendemain matin de son IRM résulte du fort dérèglement de la pression d'ouverture de sa valve de dérivation consécutivement à cet examen. Elle est ainsi directement et exclusivement imputable à l'absence fautive de contrôle de la pression de cette valve dans les heures suivant ledit examen.
Sur l'évaluation des préjudices :
6. Il résulte de l'instruction et notamment du rapport d'expertise, que Mme G... a été admise en urgence le 11 février 2011 à la clinique de l'Union d'Albi où, après la réalisation d'un scanner cérébral, elle a été prise en charge par le service de neurochirurgie de cet établissement jusqu'au 17 février suivant afin que soit rééquilibré son état clinique par un nouveau réglage de la pression de sa valve de dérivation. La dégradation de son état de santé a conduit à une nouvelle hospitalisation en service de neurologie du 4 au 5 mars 2011, puis
du 13 au 18 mars pour une révision de sa valve de dérivation et enfin du 19 au 23 mars 2011. Son état clinique s'est ensuite stabilisé et l'expert fixe la date de consolidation au 21 juin 2011.
En ce qui concerne les préjudices patrimoniaux :
7. Par les pièces qu'elle produit à l'instance et notamment un décompte de ses débours et une attestation d'imputabilité établie le 13 février 2015 par un médecin conseil, qui ne lui est pas subordonné, contrairement à ce que soutient le centre hospitalier, la caisse primaire d'assurance maladie de la Haute-Garonne justifie qu'elle a exposé au profit de son assurée, en sus du montant de 10 402,20 euros déjà retenu par les premiers juges au titre des indemnités journalières, des frais médicaux et pharmaceutiques, des actes de radiologie et de biologie ainsi que des soins infirmiers, une somme de 4 114,69 euros au titre des frais d'hospitalisation pour la période allant du 11 février au 23 mars 2011 en lien de causalité direct et certain avec la faute commise. Dans ces conditions, il y a lieu de porter l'indemnité que le centre hospitalier d'Albi a été condamné à verser à la caisse primaire d'assurance maladie de la Haute-Garonne à la somme globale de 14 516,89 euros.
En ce qui concerne les préjudices extra-patrimoniaux :
8. Il résulte de l'instruction et notamment du rapport d'expertise que Mme G...a subi, du fait de la faute commise, un déficit fonctionnel temporaire total au cours des périodes allant du 10 au 17 février, du 4 au 5 mars et du 13 au 23 mars 2011 ainsi qu'un déficit fonctionnel temporaire de classe II pour les périodes allant du 18 février au 3 mars,
du 6 au 12 mars et du 24 mars au 1er juin 2011, desquelles il convient de déduire huit jours correspondant aux suites habituelles d'une révision chirurgicale de la valve de dérivation.
Par suite, Mme G...est fondée à obtenir de ce chef une indemnité d'un montant
de 1 000 euros.
9. Les souffrances endurées par Mme G...du fait de la faute commise ont été évaluées par l'expert à 3 sur une échelle allant de 1 à 7. Par suite, il sera fait une juste appréciation de ce préjudice, incluant les souffrances psychologiques et morales de l'intéressée, en lui allouant de ce chef une indemnité d'un montant de 8 500 euros.
10. Il résulte de l'instruction et notamment du rapport d'expertise que Mme G..., âgée de 44 ans à la date de consolidation fixée au 21 juin 2011, conserve un déficit fonctionnel permanent de 5 % en lien direct et certain avec la faute commise qui, par une juste appréciation, peut être indemnisé, ainsi que l'ont retenu les premiers juges, à hauteur de 5 500 euros.
11. Il résulte de tout ce qui précède que le centre hospitalier d'Albi doit être condamné à verser, d'une part, à Mme G...une indemnité d'un montant de 15 000 euros, d'autre part, à la CPAM de la Haute-Garonne une somme globale de 14 516,89 euros au titre de ses débours. Par suite, Mme G...et la caisse primaire d'assurance maladie de la Haute-Garonne sont, dans cette mesure, fondés à obtenir la réformation du jugement attaqué du tribunal administratif de Toulouse.
Sur les conclusions tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :
12. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge du centre hospitalier d'Albi une somme de 1 500 euros à verser à Mme G...ainsi qu'à la CPAM de la Haute-Garonne au titre des frais exposés par chacune d'elles et non compris dans les dépens.
DÉCIDE :
Article 1er : Le centre hospitalier d'Albi est condamné à verser à Mme G...une indemnité d'un montant de 15 000 euros.
Article 2 : Le centre hospitalier d'Albi est condamné à verser à la CPAM de la Haute-Garonne une somme de 14 516,89 euros.
Article 3 : Le jugement du tribunal administratif de Toulouse du 2 février 2017 est réformé en ce qu'il a de contraire au présent arrêt.
Article 4 : Le centre hospitalier d'Albi versera à Mme G...une somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 5 : Le centre hospitalier d'Albi versera à la CPAM de la Haute-Garonne une somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 6 : Le surplus des conclusions des requêtes est rejeté.
Article 7 : Le présent arrêt sera notifié à Mme F...G..., à la caisse primaire d'assurance maladie de la Haute-Garonne, au centre hospitalier d'Albi, et à la mutuelle de la fonction publique de la Haute-Garonne.
Délibéré après l'audience du 22 janvier 2019 à laquelle siégeaient :
M. Éric Rey-Bèthbéder, président,
M. Didier Salvi, président-assesseur,
Mme Aurélie Chauvin, premier conseiller.
Lu en audience publique, le 5 mars 2019.
Le rapporteur,
Didier B...
Le président,
Éric Rey-Bèthbéder
Le greffier,
Vanessa Beuzelin
La République mande et ordonne au ministre des solidarités et de la santé en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.
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N° 17BX00982, 17BX01019