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05/03/2019 | FRANCE | N°17BX00750

France | France, Cour administrative d'appel de Bordeaux, 2ème chambre - formation à 3, 05 mars 2019, 17BX00750


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. D...A...a demandé au tribunal administratif de Poitiers d'annuler la décision implicite du 25 février 2014 par laquelle le Premier ministre a rejeté sa demande tendant au bénéfice de l'allocation de reconnaissance mentionnée à l'article 9 de la loi du 16 juillet 1987.

Par un jugement n° 1401183 du 21 décembre 2016, le tribunal administratif de Poitiers a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête et un mémoire, enregistrés le 23 février 2017 et le 9 mars 20

18, M. A..., représenté par MeB..., demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du 21 décembr...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. D...A...a demandé au tribunal administratif de Poitiers d'annuler la décision implicite du 25 février 2014 par laquelle le Premier ministre a rejeté sa demande tendant au bénéfice de l'allocation de reconnaissance mentionnée à l'article 9 de la loi du 16 juillet 1987.

Par un jugement n° 1401183 du 21 décembre 2016, le tribunal administratif de Poitiers a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête et un mémoire, enregistrés le 23 février 2017 et le 9 mars 2018, M. A..., représenté par MeB..., demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du 21 décembre 2016 ;

2°) d'annuler la décision implicite du 25 février 2014 ;

3°) d'enjoindre au directeur de l'Office national des anciens combattants et victimes de guerre (ONAC) de procéder à la liquidation de l'allocation de reconnaissance mentionnée à l'article 9 de la loi du 16 juillet 1987, augmentée des intérêts au taux légal à compter

du 25 février 2014, avec capitalisation des intérêts, dans un délai d'un mois à compter de la notification de l'arrêt à intervenir sous astreinte de 100 euros par jour de retard ;

4°) de mettre à la charge de l'ONAC une somme de 2 000 euros au titre de

l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

- la distinction à laquelle a procédé le tribunal, entre les anciens harkis et membres des formations supplétives ayant servi en Algérie qui relevaient du statut civil de droit local, auxquels est réservé le bénéfice de l'allocation de reconnaissance, et les anciens harkis, moghaznis et personnels des formations supplétives ayant servi en Algérie qui relevaient du statut civil de droit commun, apparaît contraire à la jurisprudence du Conseil d'État

du 20 mars 2013 n° 345648 ;

- sa demande de versement de l'allocation de reconnaissance a été introduite par lettre recommandée du 20 décembre 2013, soit avant l'entrée en vigueur de la loi du 18 décembre 2013 qui procède à la distinction entre les personnes qui relevaient du statut civil de droit local et celles relevant du droit commun.

Par un mémoire en défense, enregistré le 20 juin 2017, le ministre des armées conclut à son incompétence pour défendre les décisions liées aux allocations et aides en faveur des anciens membres des formations supplétives, des rapatriés et de leur famille.

Par un mémoire en défense, enregistré le 9 février 2018, l'Office national des anciens combattants et victimes de guerre (ONAC), représenté par la SCP Matuchansky Poupot Valdelièvre, conclut au rejet de la requête et à ce qu'une somme de 2 000 euros soit mise à la charge de M. A... au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

- le moyen tiré de la méconnaissance de la décision du Conseil d'État du 20 mars 2013 est inopérant dès lors que cette décision a été rendue sous l'empire des dispositions de

l'article 9 de la loi du 16 juillet 1987 dans leur version antérieure à la loi du 18 décembre 2013 réservant l'allocation de reconnaissance aux anciens harkis relevant du statut civil de droit local ;

- sa demande ayant été réceptionnée postérieurement à l'entrée en vigueur de la loi du 18 décembre 2013, M.A..., ancien supplétif de statut civil de droit commun, n'était pas éligible à l'allocation de reconnaissance ;

- il n'est en outre plus recevable à contester la décision implicite de rejet qui serait née de l'absence de réponse de l'administration à sa demande du 23 avril 2013 ; il ne peut non plus se prévaloir des dispositions de l'article 9 de la loi du 23 février 2005 qui dérogent à

l'article 6 de la loi du 11 juin 1994 et sont applicables aux seules demandes formées dans le délai d'un an à compter de la publication du décret d'application intervenue le 18 mai 2005 ;

- M. A...ne démontre pas qu'il remplirait les conditions pour se voir octroyer les aides spécifiques au logement visées aux articles 6 à 9 de la loi du 11 juin 1994.

Par une ordonnance du 29 mars 2018, la clôture d'instruction a été fixée, en dernier lieu, au 29 mai 2018.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la Constitution ;

- la loi n° 87-549 du 16 juillet 1987 ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

- la loi n° 94-488 du 11 juin 1994 ;

- la loi n° 99-1173 du 30 décembre 1999 ;

- la loi n° 2002-1576 du 30 décembre 2002 ;

- la loi n° 2005-158 du 23 février 2005 ;

- la décision du Conseil constitutionnel n° 2010-93 QPC du 4 février 2011 ;

- la décision du Conseil constitutionnel n° 2015-504/505 QPC du 4 décembre 2015 ;

- la décision du Conseil constitutionnel n° 2015-522 QPC du 19 février 2016 ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme C... ;

- les conclusions de M. Normand, rapporteur public ;

- et les observations de MeB..., représentant M.A....

Considérant ce qui suit :

1. M. D...A..., ancien membre des formations supplétives de l'armée française en Algérie relevant du statut civil de droit commun, a sollicité par lettre recommandée dont il a été accusé réception le 20 décembre 2013, le bénéfice de l'allocation de reconnaissance mentionnée à l'article 9 de la loi du 16 juillet 1987, ainsi que l'attribution des aides spécifiques au logement prévues par les articles 7 et 8 de la loi du 11 juin 1994 relative aux rapatriés anciens membres des formations supplétives et assimilés ou victimes de la captivité en Algérie. Il relève appel du jugement du 21 décembre 2016 par lequel le tribunal administratif de Poitiers a rejeté sa demande tendant à l'annulation de la décision implicite née du silence gardé par le Premier ministre sur cette demande.

2. Par une décision n° 2010-93 QPC du 4 février 2011, le Conseil constitutionnel avait déclaré contraires à la Constitution les dispositions qui, dans le premier alinéa de l'article 9 de la loi du 16 juillet 1987 relative au règlement de l'indemnisation des rapatriés, le dernier alinéa de l'article 2 de la loi du 11 juin 1994, le paragraphe I bis de l'article 47 de la loi n° 99-1173

du 30 décembre 1999, les sixième et septième alinéas de l'article 6 et l'article 9 de la loi

du 23 février 2005, mentionnaient l'acquisition ou la possession de la nationalité française, dont celles qui, par les renvois qu'elles opéraient, réservaient aux seuls ressortissants de statut civil de droit local le bénéfice de l'allocation de reconnaissance. Toutefois, une telle condition tenant à la nature du statut civil dont devait bénéficier le demandeur de l'allocation de reconnaissance instituée par l'article 9 de la loi du 16 juillet 1987 a été réintroduite par les dispositions du I de l'article 52 de la loi du 18 décembre 2013 relative à la programmation militaire pour les années 2014 à 2019 et portant diverses dispositions concernant la défense et la sécurité nationale.

3. Aux termes de ce I de l'article 52 de la loi du 18 décembre 2013, l'allocation de reconnaissance prévue par l'article 9 de la loi du 16 juillet 1987 est ainsi réservée aux anciens harkis, moghaznis et personnels des diverses formations supplétives " de statut civil de droit local ". Aux termes du II du même article, " Les dispositions du I sont applicables aux demandes d'allocation de reconnaissance présentées avant leur entrée en vigueur qui n'ont pas donné lieu à une décision de justice passée en force de chose jugée. ".

4. Par une décision n° 2015-504/505 QPC du 4 décembre 2015, le Conseil constitutionnel a déclaré conforme à la Constitution le I de l'article 52 de la loi du 18 décembre 2013 en ce qu'il insérait les mots " de statut civil de droit local " au premier alinéa de l'article 9 de la loi du 16 juillet 1987. Il a notamment jugé qu'en instituant une condition relative au statut civil des personnes, le législateur avait édicté une condition d'une nature différente de la condition de nationalité qui avait été déclarée contraire à la Constitution par la décision précitée

du 4 février 2011 et écartant le grief tiré de la méconnaissance du principe d'égalité a rappelé que " les anciens harkis et membres des formations supplétives ayant servi en Algérie qui relevaient du statut civil de droit local ne sont pas dans la même situation que les anciens harkis, moghaznis et personnels des formations supplétives ayant servi en Algérie qui relevaient du statut civil de droit commun ; qu'il ressort des travaux préparatoires de la loi du 18 décembre 2013 que le législateur a entendu indemniser non les charges entraînées par le départ d'Algérie mais le préjudice de ceux des anciens harkis, moghaznis et personnels des formations supplétives ayant servi en Algérie qui ont connu des difficultés particulières d'insertion après leur arrivée sur le territoire national ; qu'en réservant le bénéfice de l'attribution de l'allocation de reconnaissance aux anciens harkis, moghaznis et personnels des formations supplétives de statut civil de droit local ayant servi en Algérie, le législateur a retenu un critère qui est en rapport direct avec l'objet de la loi ".

5. Par une décision n° 2015-522 QPC du 19 février 2016, le Conseil constitutionnel a en revanche déclaré contraires à la Constitution les dispositions du II de l'article 52 de la loi

du 18 décembre 2013, cette déclaration prenant effet à compter de la publication de sa décision et étant susceptible d'être invoquée dans toutes les instances introduites à cette date et non jugées définitivement. L'inconstitutionnalité de cette disposition a ainsi pour effet d'ouvrir droit au bénéfice de l'allocation de reconnaissance aux seules personnes qui ont formé une demande d'indemnité entre la publication de la décision n° 2010-93 QPC du Conseil constitutionnel et le 19 décembre 2013 et qui, à la suite du refus opposé par l'administration à cette demande, ont engagé une procédure contentieuse non définitivement close à la date de la

décision n° 2015-522 QPC du 19 février 2016.

6. En l'espèce, il ressort des pièces du dossier que M. A...a sollicité le versement de l'allocation de reconnaissance le 20 décembre 2013, soit postérieurement à l'entrée en vigueur de la loi du 18 décembre 2013. Dans ces conditions et dès lors qu'il est constant qu'il relevait du statut civil de droit commun, il ne pouvait, compte tenu, d'une part, de la réintroduction de la condition relative au statut civil des anciens harkis, moghaznis et personnels des formations supplétives ayant servi en Algérie, par le I de l'article 52 de cette loi déclaré conforme à la Constitution et, d'autre part, de la date d'introduction de sa demande, légalement prétendre au bénéfice de cette allocation. Par suite, c'est à bon droit que les premiers juges ont rejeté sa demande.

7. Il résulte de ce qui précède que M. A...n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Poitiers a rejeté sa demande tendant à l'annulation de la décision implicite par laquelle le Premier ministre a rejeté sa demande tendant au bénéfice de l'allocation de reconnaissance mentionnée à l'article 9 de la loi du 16 juillet 1987. Par voie de conséquence, ses conclusions aux fins d'injonction et d'astreinte devront également être rejetées.

8. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de l'Office national des anciens combattants et victimes de guerre, qui n'est pas la partie perdante à l'instance, la somme que M. A...demande au titre des frais exposés par lui et non compris dans les dépens. Il n'y a pas lieu dans les circonstances de l'espèce de mettre à la charge de l'appelant la somme demandée au même titre par l'Office intimé.

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de M. A...est rejetée.

Article 2 : Les conclusions présentées par l'ONAC au titre des dispositions de

l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à M. D...A..., à l'Office national des anciens combattants et victimes de guerre (ONAC) et au ministre des armées.

Délibéré après l'audience du 22 janvier 2019, à laquelle siégeaient :

M. Éric Rey-Bèthbéder, président,

M. Didier Salvi, président-assesseur,

Mme Aurélie Chauvin, premier conseiller.

Lu en audience publique le 5 mars 2019.

Le rapporteur,

Aurélie C...

Le président,

Éric Rey-BèthbéderLe greffier,

Vanessa Beuzelin

La République mande et ordonne au Premier ministre en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.

2

N° 17BX00750


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Bordeaux
Formation : 2ème chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 17BX00750
Date de la décision : 05/03/2019
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

Outre-mer - Aides aux rapatriés d'outre-mer - Qualité de rapatrié.

Outre-mer - Aides aux rapatriés d'outre-mer - Diverses formes d`aide.


Composition du Tribunal
Président : M. REY-BETHBEDER
Rapporteur ?: Mme Aurélie CHAUVIN
Rapporteur public ?: M. NORMAND
Avocat(s) : AVELIA AVOCATS

Origine de la décision
Date de l'import : 08/03/2019
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.bordeaux;arret;2019-03-05;17bx00750 ?
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