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21/02/2019 | FRANCE | N°17BX00445

France | France, Cour administrative d'appel de Bordeaux, 3ème chambre - formation à 3, 21 février 2019, 17BX00445


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. A...B...a demandé au tribunal administratif de Bordeaux : 1) d'annuler l'arrêté du 17 juillet 2015 par lequel la ministre de l'éducation, de l'enseignement supérieur et de la recherche a prononcé son licenciement pour insuffisance professionnelle ; 2) d'enjoindre au ministre de le réintégrer en tant que stagiaire et de prononcer le prolongement de son stage dans le délai d'un mois à compter du jugement ; 3) de mettre à la charge de l'Etat le versement de la somme de 1 500 euros au titre de l'article L

. 761-1 du code de justice administrative.

Par un jugement n° 1504366 du...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. A...B...a demandé au tribunal administratif de Bordeaux : 1) d'annuler l'arrêté du 17 juillet 2015 par lequel la ministre de l'éducation, de l'enseignement supérieur et de la recherche a prononcé son licenciement pour insuffisance professionnelle ; 2) d'enjoindre au ministre de le réintégrer en tant que stagiaire et de prononcer le prolongement de son stage dans le délai d'un mois à compter du jugement ; 3) de mettre à la charge de l'Etat le versement de la somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Par un jugement n° 1504366 du 6 décembre 2016, le tribunal administratif de Bordeaux a rejeté cette demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête enregistrée le 7 février 2017 et un mémoire enregistré le 8 juin 2018, M.B..., représentée par MeC..., demande à la cour :

1°) d'ordonner la production par le ministre du rapport d'audit réalisé sur l'établissement dans lequel il a effectué son stage ;

2°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Bordeaux du 6 décembre 2016 ;

3°) d'annuler l'arrêté contesté du 17 juillet 2015 ;

4°) d'enjoindre au ministre de le réintégrer en tant que stagiaire et de prononcer le prolongement de son stage ;

5°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 2 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

En ce qui concerne la légalité externe :

- il n'a pas bénéficié du temps et des éléments nécessaires à sa défense : il n'a disposé que de deux semaines entre la consultation de son dossier et l'entretien avec le jury ; son dossier ne comportait pas tous les éléments cités dans l'arrêté contesté, notamment l'ensemble des rapports et courriers de la principale du collège ;

- le jury ne s'est prononcé qu'au seul vu du rapport subjectif et partial de la principale qui s'est montrée constamment hostile à son égard ;

- le jury n'a pas été destinataire des courriers qu'il a adressés au recteur ;

- l'audition devant le jury s'est limité à un entretien d'un quart d'heure au cours duquel n'ont pas été abordés les faits qui lui étaient reprochés ;

- la composition du jury est illégale ;

- il a été convoqué à l'entretien avec le jury sans qu'il lui soit indiqué qu'il pouvait être assisté par un conseil de son choix et consulter son dossier ;

En ce qui concerne la légalité interne :

- il a été affecté dans un collège situé à plus de 300 km de son domicile et de sa formation ; ce collège, de plus, est un établissement sensible connaissant de graves difficultés ; il n'a pas bénéficié d'une aide, notamment de son tuteur ; il a été ainsi affecté sur un poste inapproprié qui ne lui a pas permis de démontrer ses capacités à assurer ses fonctions ;

- contrairement à ce que relève l'arrêté contesté, il n'a pas bénéficié de l'aide nécessaire dans sa formation, il a entretenu de bons rapports avec ses collègues et sollicité de l'aide ;

- l'arrêté contesté est entaché d'erreur d'appréciation, l'administration n'ayant pas tenu compte de la réalité des conditions dans lesquelles le stage s'est déroulé ;

- le licenciement contesté s'analyse en réalité comme une sanction déguisée.

Par un mémoire enregistré le 4 mai 2018, le ministre de l'éducation nationale conclut au rejet de la requête. Il soutient que les moyens invoqués par le requérant ne sont pas fondés.

Vu les autres pièces des dossiers.

Vu :

- la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 portant droits et obligations des fonctionnaires ;

- le décret nº 72-581 du 4 juillet 1972 modifié relatif au statut particulier des professeurs certifiés ;

- le décret n° 94-874 du 7 octobre 1994 fixant les dispositions communes applicables aux stagiaires de l'Etat et de ses établissements publics ;

- l'arrêté du 22 août 2014 fixant les modalités de stage, d'évaluation et de titularisation de certains personnels enseignants et d'éducation de l'enseignement du second degré stagiaires ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Aymard de Malafosse,

- les conclusions de Mme Déborah de Paz, rapporteur public,

- et les observations de MeC..., représentant M.B....

Considérant ce qui suit :

1. A la suite de sa réussite au concours externe de recrutement des professeurs de l'enseignement du second degré en mathématiques, M. B...a été nommé professeur certifié stagiaire à compter du 1er septembre 2014 et a été affecté pour l'accomplissement de son stage au collège Joseph Chaumié à Agen. Il a été licencié pour insuffisance professionnelle par un arrêté, en date du 17 juillet 2015, de la ministre de l'éducation nationale, de l'enseignement supérieur et de la recherche. Il fait appel du jugement du tribunal administratif de Bordeaux rejetant sa demande à fin d'annulation de cet arrêté.

Sur la légalité externe :

2. Aux termes de l'article 7 du décret du 7 octobre 1994 fixant les dispositions communes applicables aux stagiaires de l'Etat et de ses établissements publics : " Le fonctionnaire stagiaire peut être licencié pour insuffisance professionnelle lorsqu'il est en stage depuis un temps au moins égal à la moitié de la durée normale du stage. La décision de licenciement est prise après avis de la commission administrative paritaire prévue à l'article 29 du présent décret, sauf dans le cas où l'aptitude professionnelle doit être appréciée par un jury ". S'agissant d'un professeur stagiaire de l'enseignement du second degré, son licenciement pour insuffisance professionnelle ne peut être prononcé qu'après avis du jury académique d'évaluation des professeurs certifiés stagiaires. Aux termes de l'article 6 de l'arrêté du 22 août 2014 : " Le jury entend au cours d'un entretien tous les fonctionnaires stagiaires pour lesquels il envisage de ne pas proposer la titularisation ". L'article 7 du même arrêté dispose que le fonctionnaire stagiaire a accès à sa demande à la grille d'évaluation, aux avis et rapports mentionnées à l'article 5. Cet article 5 précise que : " Le jury se prononce sur le fondement du référentiel de compétences prévu par l'arrêté du 1er juillet 2013 susvisé, après avoir pris connaissance des avis suivants : I. - Pour les stagiaires qui effectuent leur stage dans les établissements publics d'enseignement du second degré :1° L'avis d'un membre des corps d'inspection de la discipline désigné par le recteur, établi sur la base d'une grille d'évaluation et après consultation du rapport du tuteur désigné par le recteur, pour accompagner le fonctionnaire stagiaire pendant sa période de mise en situation professionnelle. L'avis peut également résulter, notamment à la demande du chef d'établissement, d'une inspection ; 2° L'avis du chef de l'établissement dans lequel le fonctionnaire stagiaire a été affecté pour effectuer son stage établi sur la base d'une grille d'évaluation ; 3° L'avis du directeur de l'école supérieure du professorat et de l'éducation responsable de la formation du stagiaire. (...) ".

3. Il ressort des pièces du dossier que M. B...a été invité par un courrier du recteur du 21 mai 2015, dont il a eu connaissance le 26 mai, de l'engagement à son encontre d'une procédure de licenciement pour insuffisance professionnelle. Ce courrier l'a informé, d'une part, de ce qu'il pouvait consulter son dossier individuel le 1er juin 2015, d'autre part, de la possibilité de se faire assister par un ou plusieurs défenseurs. Par un courrier du 1er juin 2015 remis en main propre le même jour, M. B...a été convoqué le 12 juin pour un entretien avec le jury académique d'évaluation.

4. Il ressort de ce qui a été dit au point précédent que M. B...a été mis en mesure de consulter son dossier individuel en temps utile, ce qu'il a effectivement fait, et il n'apparaît pas que ce dossier ait été incomplet. Le délai dont il a disposé pour organiser sa défense avant l'entretien avec le jury académique a été suffisant. Dès lors qu'il a été dûment averti par la lettre du 21 mai 2015 de la possibilité d'être assisté par un défenseur, le fait que la lettre de convocation à l'entretien avec le jury ne contenait pas à nouveau cette information est sans incidence sur la régularité de la procédure. Il ressort encore des pièces du dossier, notamment du compte-rendu de l'entretien devant le jury académique, que M. B...a bénéficié d'un véritable entretien et que le jury disposait de l'ensemble des pièces et avis définis par l'article 5 précité de l'arrêté du 22 août 2014 et pas seulement du rapport de la principale du collège dans lequel il a effectué son stage. Enfin, le requérant ne précise pas en quoi la composition du jury aurait été illégale. Par suite, et en définitive, il ne ressort pas des pièces du dossier que la procédure préalable à l'édiction de l'arrêté contesté ait été viciée.

Sur la légalité interne :

5. M. B...a été nommé en qualité de professeur certifié stagiaire à compter du 1er septembre 2014 pour une durée d'un an dans l'académie de Bordeaux. Le 17 juillet 2015, le recteur de l'académie de Bordeaux l'a informé de son licenciement. Cette décision, qui met fin au stage avant son terme constitue un licenciement en cours de stage.

6. A l'issue de l'entretien qui a eu lieu le 12 juin 2015, le jury académique d'évaluation a estimé, ainsi que l'indique le compte-rendu daté du même jour, qu'au vu des éléments du dossier et de cet entretien, l'insuffisance professionnelle était avérée. Le jury a notamment relevé que non seulement M. B...avait rencontré des difficultés importantes au cours de son stage, mais aussi qu'il n'était pas en mesure d'analyser ses pratiques professionnelles et d'engager un travail de réflexion sur les moyens de les améliorer, se contentant de rejeter sur les autres ses difficultés et manquements. Le tuteur du requérant a relevé, dans une " grille " détaillée produite au dossier, un ensemble d'importantes défaillances notamment dans la préparation des cours, dans le comportement du stagiaire avec les élèves, souvent inadapté, et dans ses rapports avec ses collègues, quasiment inexistants. Ce même tuteur a relevé le refus total de l'intéressé d'écouter et de prendre en compte les conseils qui pouvaient lui être prodigués pour améliorer ses pratiques. L'inspecteur pédagogique régional spécialisé en mathématiques, qui a assisté au cours donné par M. B...le 18 mars 2015, a notamment relevé des erreurs dans les énoncés des problèmes, des explications particulièrement confuses, une absence d'articulation logique du cours, l'incapacité d'échanger avec les élèves, de les faire participer et de se faire obéir d'eux, la quasi-absence de renseignements portés dans le cahier de texte de la classe et a conclu par le caractère très insuffisant de la qualité de son enseignement. La principale du collège dans lequel s'est réalisé le stage a relevé que l'intéressé ne présentait " ni les compétences disciplinaires, ni les savoir-faire et savoir-être nécessaires pour accomplir les missions dévolues à un enseignant " et qu'il n'avait " à aucun moment " suivi les conseils prodigués. De cet ensemble unanime de constatations et d'appréciations, dont la matérialité n'est pas sérieusement contestée, il ressort que M. B...a fait preuve au cours de son stage de graves insuffisances et, surtout, de son incapacité à y remédier en tâchant d'utiliser les conseils pouvant lui être prodigués par son tuteur ou ses collègues. Certaines des insuffisances constatées peuvent s'expliquer par son affectation dans un établissement sensible de la région agenaise et par les trajets qu'il devait effectuer pour s'y rendre. Toutefois, compte tenu du nombre et de l'ampleur des insuffisances relevées au cours du stage et de l'incapacité de l'intéressé à y remédier même partiellement, il ne ressort pas des pièces du dossier que l'administration ait commis une erreur d'appréciation en estimant qu'il y avait lieu de mettre fin au stage de M. B...et de procéder à son licenciement pour insuffisance professionnelle. Enfin, les pièces du dossier ne font aucunement ressortir que l'arrêté contesté, fondé sur les défaillances relevées ci-dessus, aurait eu pour objet de sanctionner le comportement de M. B...et aurait ainsi revêtu le caractère d'une sanction déguisée.

7. Il résulte de ce qui précède, et sans qu'il soit besoin d'ordonner un supplément d'instruction, que M. B...n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Bordeaux a rejeté sa demande.

8. L'Etat n'étant pas la partie perdante, les conclusions présentées par le requérant au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ne peuvent être accueillies.

DECIDE :

Article 1er : La requête de M. B...est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. A...B...et au ministre de l'éducation nationale.

Délibéré après l'audience du 24 janvier 2019 à laquelle siégeaient :

M. Aymard de Malafosse, président,

M. Laurent Pouget, président-assesseur,

Mme Marie-Pierre Beuve Dupuy, premier conseiller,

Lu en audience publique, le 21 février 2019.

Le président-assesseur,

Laurent POUGETLe président-rapporteur,

Aymard de MALAFOSSELe greffier,

Christophe PELLETIER La République mande et ordonne au ministre de l'éducation nationale en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.

4

N° 17BX00445


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Bordeaux
Formation : 3ème chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 17BX00445
Date de la décision : 21/02/2019
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

36-10-01 Fonctionnaires et agents publics. Cessation de fonctions. Mise à la retraite pour ancienneté ; limites d'âge.


Composition du Tribunal
Président : M. DE MALAFOSSE
Rapporteur ?: M. Aymard DE MALAFOSSE
Rapporteur public ?: Mme DE PAZ
Avocat(s) : MERLET-BONNAN

Origine de la décision
Date de l'import : 26/02/2019
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.bordeaux;arret;2019-02-21;17bx00445 ?
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