La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

15/02/2019 | FRANCE | N°17BX00397

France | France, Cour administrative d'appel de Bordeaux, 4ème chambre - formation à 3, 15 février 2019, 17BX00397


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. B...a demandé au tribunal administratif de Bordeaux d'annuler l'ordre de perquisition de son domicile pris par le préfet de la Gironde le 23 novembre 2015 et de mettre à la charge de l'État une somme de 1 500 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Par un jugement n° 1601175 du 18 octobre 2016, le tribunal administratif de Bordeaux a rejeté la demande de M.B....

Procédure devant la cour :

Par une requête enregistrée le 2 février 2017

, M.B..., représenté par MeC..., demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du 18 octo...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. B...a demandé au tribunal administratif de Bordeaux d'annuler l'ordre de perquisition de son domicile pris par le préfet de la Gironde le 23 novembre 2015 et de mettre à la charge de l'État une somme de 1 500 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Par un jugement n° 1601175 du 18 octobre 2016, le tribunal administratif de Bordeaux a rejeté la demande de M.B....

Procédure devant la cour :

Par une requête enregistrée le 2 février 2017, M.B..., représenté par MeC..., demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du 18 octobre 2016 ;

2°) d'annuler l'ordre de perquisition du préfet de la Gironde du 23 novembre 2015 ;

3°) de mettre à la charge de l'État la somme de 1 500 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

- l'acte contesté est insuffisamment motivé ;

- l'acte contesté est entaché d'erreur de droit, dès lors qu'il se fonde sur un élément d'ordre religieux et porte ainsi atteinte à la liberté de conscience.

Par un mémoire en défense enregistré le 23 janvier 2018, le ministre de l'intérieur conclut au rejet de la requête.

Il soutient que :

- l'acte contesté est suffisamment motivé ;

- l'acte contesté n'est entaché ni d'erreur de droit ni d'erreur d'appréciation.

Par ordonnance du 23 janvier 2018, la clôture d'instruction a été fixée au 23 février 2018 à 12h00.

M. B...a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 30 décembre 2016.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la loi n° 55-385 du 3 avril 1955 relative à l'état d'urgence ;

- la loi n° 79-587 du 11 juillet 1979 relative à la motivation des actes administratifs et à l'amélioration des relations entre l'administration et le public ;

- la loi n° 2015-1501 du 20 novembre 2015 ;

- le décret n° 2015-1475 du 14 novembre 2015 portant application de la loi n° 55-385 du 3 avril 1955 ;

- le décret n° 2015-1476 du 14 novembre 2015 portant application de la loi n° 55-385 du 3 avril 1955 ;

- le décret n° 2015-1478 du 14 novembre 2015 modifiant le décret n° 2015-1476 du 14 novembre 2015 portant application de la loi n° 55-385 du 3 avril 1955 ;

- la décision du Conseil constitutionnel n° 2016-536 QPC du 19 février 2016 ;

- le code de justice administrative ;

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M.A...,

- et les conclusions de Mme Ladoire, rapporteur public.

Considérant ce qui suit :

1. Par une décision du 23 novembre 2015, le préfet de la Gironde a ordonné sur le fondement de la loi du 3 avril 1955 la perquisition du lieu d'habitation occupé par M. B...situé 10 lieu-dit Lambert à Listrac-Medoc. Par sa requête, M. B...relève appel du jugement du 18 octobre 2016 par lequel le tribunal administratif de Bordeaux a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cette décision.

2. Aux termes de l'article de l'article 1er de la loi n° 79-587 du 11 juillet 1979, applicable à la décision contestée : " Les personnes physiques ou morales ont le droit d'être informées sans délai des motifs des décisions administratives individuelles défavorables qui les concernent. / A cet effet, doivent être motivées les décisions qui : - restreignent l'exercice des libertés publiques ou, de manière générale, constituent une mesure de police ". La motivation exigée par ces dispositions doit être écrite et comporter l'énoncé des considérations de droit ainsi que des motifs de fait faisant apparaître les raisons sérieuses qui ont conduit l'autorité administrative à penser que le lieu visé par la perquisition est fréquenté par une personne dont le comportement constitue une menace pour la sécurité et l'ordre public. Dès lors que la perquisition est effectuée dans un cadre de police administrative, il n'est pas nécessaire que la motivation de la décision qui l'ordonne fasse état d'indices d'infraction pénale.

3. Il ressort de la décision contestée que celle-ci vise le 1° de l'article 11 de la loi n° 55-385 du 3 avril 1955, la loi n° 2015-1501 du 20 novembre 2015, le décret n° 2015-1475 du 14 novembre 2015 et le décret n° 2015-1476 du 14 novembre 2015. Cette décision mentionne également le lieu et le moment de la perquisition, le contexte de grave menace terroriste à la suite des attentats perpétrés le 13 novembre 2015 à Paris, ainsi que l'existence de raisons sérieuses de penser que le domicile de M. B...pouvait être fréquenté par des personnes d'obédience salafiste en raison de provocations dont ce dernier a été l'auteur sur la voie publique. La décision préfectorale du 23 novembre 2015 comporte ainsi les éléments de droit et de fait, en particulier les soupçons d'un comportement pouvant constituer une menace pour la sécurité et l'ordre public, sur lesquelles elle se fonde. Dès lors, le moyen tiré de l'insuffisance de motivation doit être écarté.

4. L'article 11 de la loi du 3 avril 1955 permet aux autorités administratives compétentes d'ordonner des perquisitions dans les lieux qu'il mentionne lorsqu'il existe des raisons sérieuses de penser que ces lieux sont fréquentés par au moins une personne dont le comportement constitue une menace pour la sécurité et l'ordre public. Il appartient au juge administratif d'exercer un entier contrôle sur le respect de cette condition, afin de s'assurer, ainsi que l'a jugé le Conseil constitutionnel dans sa décision n° 2016-536 QPC du 19 février 2016, que la mesure ordonnée était adaptée, nécessaire et proportionnée à sa finalité, dans les circonstances particulières qui ont conduit à la déclaration de l'état d'urgence. Ce contrôle est exercé au regard de la situation de fait prévalant à la date à laquelle la mesure a été prise, compte tenu des informations dont disposait alors l'autorité administrative sans que des faits intervenus postérieurement, notamment les résultats de la perquisition, n'aient d'incidence à cet égard.

5. Il ressort des pièces du dossier, notamment de la " note blanche " des services de renseignement datée du 23 novembre 2015 produite pour la première fois en appel par le ministre de l'intérieur, versée au débat contradictoire, que depuis au moins deux ans, M. B...est devenu plus assidu dans sa pratique religieuse et davantage " renfermé ", que son épouse n'est plus visible à l'extérieur du domicile, qu'il a fait l'objet d'une hospitalisation sans son consentement le 12 septembre 2009 en raison d'une " illumination religieuse " et qu'il a été à nouveau sujet à une telle illumination en septembre 2015 devant une école élémentaire où il a crié " Allahou Akbar " en écartant les bras et en demandant à être tué, selon des témoignages de parents d'élèves. Ces informations, dont disposait l'autorité préfectorale au moment où elle a ordonné la perquisition litigieuse, établissaient l'existence de raisons sérieuses de penser que le lieu de la perquisition était fréquenté par au moins une personne dont le comportement constituait une menace pour la sécurité et l'ordre publics. Par conséquent, c'est sans erreur de droit ni erreur d'appréciation que le préfet de la Gironde a pris la décision contestée.

6. Il résulte de tout ce qui précède que M. B...n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Bordeaux a rejeté sa demande d'annulation.

7. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de l'État, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, la somme que M. B...demande au titre des frais exposés non compris dans les dépens.

DECIDE :

Article 1er : La requête de M. B...est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. D...B...et au ministre de l'intérieur. Copie en sera adressée au préfet de la Gironde.

Délibéré après l'audience du 25 janvier 2019, à laquelle siégeaient :

M. Philippe Pouzoulet, président,

M. David Katz, premier conseiller,

M. Romain Roussel, premier conseiller.

Lu en audience publique le 15 février 2019.

Le rapporteur,

David A...

Le président,

Philippe Pouzoulet Le greffier,

Florence Deligey

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.

2

N° 17BX00397


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Bordeaux
Formation : 4ème chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 17BX00397
Date de la décision : 15/02/2019
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

49-06-01 Police. Aggravation exceptionnelle des pouvoirs de police. État d'urgence.


Composition du Tribunal
Président : M. POUZOULET
Rapporteur ?: M. David KATZ
Rapporteur public ?: Mme LADOIRE
Avocat(s) : GRENIER

Origine de la décision
Date de l'import : 19/02/2019
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.bordeaux;arret;2019-02-15;17bx00397 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award