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31/12/2018 | FRANCE | N°16BX04246

France | France, Cour administrative d'appel de Bordeaux, 2ème chambre - formation à 3, 31 décembre 2018, 16BX04246


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. B...A...a demandé au tribunal administratif de la Guadeloupe de condamner le centre hospitalier de la Basse-Terre à lui verser, à titre principal, une somme de 267 704 euros en réparation des préjudices que lui a causés l'infection nosocomiale contractée au cours de l'intervention chirurgicale dont il a bénéficié le 1er août 2007.

Par un jugement n° 1600203 du 27 octobre 2016, le tribunal administratif de la Guadeloupe a condamné le centre hospitalier de la Basse-Terre à verser à M. A...un

e somme de 19 527 euros en réparation de ses préjudices.

Procédure devant la cour ...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. B...A...a demandé au tribunal administratif de la Guadeloupe de condamner le centre hospitalier de la Basse-Terre à lui verser, à titre principal, une somme de 267 704 euros en réparation des préjudices que lui a causés l'infection nosocomiale contractée au cours de l'intervention chirurgicale dont il a bénéficié le 1er août 2007.

Par un jugement n° 1600203 du 27 octobre 2016, le tribunal administratif de la Guadeloupe a condamné le centre hospitalier de la Basse-Terre à verser à M. A...une somme de 19 527 euros en réparation de ses préjudices.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 23 décembre 2016 et un mémoire enregistré le 13 février 2017, le centre hospitalier de la Basse-Terre et la société hospitalière d'assurances mutuelles (SHAM), représentés par MeE..., demandent à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de la Guadeloupe du 27 octobre 2016 ;

2°) de rejeter les conclusions indemnitaires présentées par M. A...devant le tribunal administratif.

Ils soutiennent que :

- aucune faute n'a été retenue à leur encontre et il n'existe pas de lien de causalité entre l'infection nosocomiale dont s'agit et l'arthrodèse subie par M. A...ainsi que ses autres séquelles ;

- subsidiairement, le taux de perte de chance retenu est, en tout état de cause, trop important ;

- très subsidiairement, c'est à tort que le tribunal l'a condamné à indemniser M.A... des préjudices résultant directement de la fracture dont il a été victime.

Par un mémoire, enregistré le 1er février 2017, l'Office national d'indemnisation des accidents médicaux, des affections iatrogènes et des infections nosocomiales (ONIAM), représenté par MeC..., conclut au rejet de la requête, à sa mise hors de cause et à ce qu'une somme de 2 000 euros soit mise à la charge de l'appelant en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que les conditions de son intervention au titre de la solidarité nationale ne sont pas réunies.

Par un mémoire, enregistré le 12 décembre 2017, M.A..., représenté par MeD..., conclut au rejet de la requête, à ce que le jugement attaqué soit réformé en tant qu'il n'a pas condamné le centre hospitalier de la Basse-Terre à lui verser une somme totale de 267 704 euros et à ce qu'une somme de 3 000 euros soit mise à la charge de cet établissement au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, outre les entiers dépens.

Il soutient qu'il a été victime d'une infection nosocomiale de nature à engager la responsabilité du centre hospitalier, que cette infection est à l'origine de l'intégralité des séquelles dont il continue à souffrir et qu'il justifie de la réalité et du montant des ses préjudices.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- le code de la santé publique ;

- le code de la sécurité sociale ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M.F...,

- les conclusions de M. Normand, rapporteur public,

- et les observations de MeG..., représentant la Société Hospitalière des Assurances Mutuelles et l'Office national d'indemnisation des accidents médicaux, des affections iatrogènes et des infections nosocomiales.

Considérant ce qui suit :

1. M. A...a été victime, le 1er août 2007, d'une fracture articulaire du pilon tibial droit et a bénéficié, le même jour, d'une ostéosynthèse par plaque du tibia et péroné et la pose de plusieurs vis au sein du centre hospitalier de la Basse-Terre. Un prélèvement réalisé

le 11 septembre 2007 a mis en évidence la présence de rares colonies de staphylocoque doré justifiant deux nouvelles interventions aux fins d'ablation du matériel d'ostéosynthèse,

les 27 septembre et 15 octobre 2007. M. A...conserve des séquelles fonctionnelles et des douleurs au niveau de la cheville concernée et a, en particulier, dû subir une arthrodèse

le 2 mai 2011. Le centre hospitalier de la Basse-Terre et son assureur, la société hospitalière d'assurances mutuelles (SHAM), demandent à la cour d'annuler le jugement du 27 octobre 2016 par lequel le tribunal administratif de la Guadeloupe les a condamnés à verser à M. A...une somme de 19 527 euros en réparation des préjudices que lui a causés cette infection nosocomiale. Par la voie de l'appel incident, M. A...demande à la cour de réformer le jugement attaqué en tant qu'il n'a pas condamné le centre hospitalier de la Basse-Terre à lui verser une somme totale de 267 704 euros.

2. Aux termes de l'article R. 621-1 du code de justice administrative : " La juridiction peut, soit d'office, soit sur la demande des parties ou de l'une d'elles, ordonner, avant dire droit, qu'il soit procédé à une expertise sur les points déterminés par sa décision. ". Il appartient au demandeur qui engage une action en responsabilité à l'encontre de l'administration d'apporter tous éléments de nature à établir devant le juge l'existence d'une faute et la réalité du préjudice subi. Il incombe alors, en principe, au juge de statuer au vu des pièces du dossier, le cas échéant après avoir demandé aux parties les éléments complémentaires qu'il juge nécessaires à son appréciation. Il ne lui revient d'ordonner une expertise que lorsqu'il n'est pas en mesure de se prononcer au vu des pièces et éléments qu'il a recueillis et que l'expertise présente ainsi un caractère utile.

3. Il ressort du rapport remis le 14 août 2014 par l'expert nommé par le tribunal administratif de la Guadeloupe, d'une part, que le prélèvement bactériologique réalisé

le 11 septembre 2007 sur les fils de la cicatrice externe a permis d'identifier un " staphylocoque doré sensible à tout mais il est bien stipulé que le nombre de colonies était très faible, qu'il n'y avait pas d'hyperleucocytose et que la CRP était à 6 ", qu'à l'occasion de l'ablation de la plaque externe " des prélèvements per-opératoires ont été réalisés et ont montré le même staphylocoque avec peu de colonies, au point qu' " il aurait été considéré qu'il s'agissait plus d'une allergie à la Bétadine qu'une véritable infection " et que, lors de la seconde intervention du 15 octobre 2007, " le prélèvement direct était négatif par contre les cultures étaient positives au même staphylocoque ". Enfin, lors de l'arthrodèse réalisée le 2 mai 2011, " il a été constaté qu'il n'existait pas d'infection au niveau de cette articulation " tandis que le séquestre osseux

antéro-externe suspecté " n'a pas été retrouvé en per-opératoire ". D'autre part, l'expert, après avoir rappelé que " l'évolution naturelle d'une fracture du pilon tibial avec atteinte articulaire avec un gros pavé antéro-externe [] pouvait conduire sans le sepsis à une ankylose de la cheville et une arthrodèse dans les suites " a indiqué que " le fait qu'il y ait eu une infection fait que la réalisation de l'arthrodèse devenait plus certaine " mais sans préciser en quoi cette infection comportant un très faible nombre de colonies et qui a disparu sous antibiothérapie avait pu favoriser la survenue d'une ankylose, alors qu'il ressort du compte-rendu du 15 octobre 2007 qu'aucune lésion à type d'ostéite et aucune signe articulaire ou synovial particulier n'était présent, ni indiquer si l'ablation du matériel d'ostéosynthèse avait pu contribuer à cette ankylose.

4. Il résulte de tout ce qui précède que la cour, faute de pouvoir apprécier pour quels motifs et dans quelle mesure l'infection nosocomiale subie par M. A...a pu favoriser la survenue d'une ankylose, ne dispose pas des éléments d'information nécessaires pour se prononcer en toute connaissance de cause sur l'indemnisation par le centre hospitalier de la Basse-Terre des préjudices subis par M. A...à raison de l'infection nosocomiale susmentionnée. Dès lors, il y a lieu, avant de statuer sur la requête présentée par celui-ci d'ordonner un supplément d'instruction, aux fins de procéder à un complément d'expertise selon les modalités définies dans le dispositif du présent arrêt, tous droits et moyens des parties étant réservés jusqu'en fin d'instance.

DÉCIDE :

Article 1er : Avant de statuer sur les conclusions de la requête du centre hospitalier de

la Basse-Terre et de la SHAM, il sera procédé à un complément d'expertise par un médecin désigné par le président de la cour.

Article 2 : L'expert aura pour mission :

1°) d'examiner M. A...et de prendre connaissance de son dossier médical ;

2°) de donner tous éléments permettant d'apprécier dans quelle mesure et, le cas échéant pour quels motifs, tenant notamment à l'ablation du matériel d'ostéosynthèse, l'infection nosocomiale dont il a été victime au décours de l'intervention chirurgicale du 1er août 2007 a pu favoriser la survenue d'une ankylose.

Article 3 : L'expert remplira sa mission dans les conditions prévues par les articles R. 621-2 à R. 621-14 du code de justice administrative ; pour l'accomplissement de sa mission, il pourra se faire remettre, en application de l'article R. 621-7-1 du même code, tous documents utiles et notamment, tous ceux relatifs aux examens et soins pratiqués sur l'intéressé. Il annexera à son rapport l'intégralité de ces documents.

Article 4 : Conformément aux dispositions de l'article R. 621-7 du code de justice administrative, l'expert avertira les parties par lettre recommandée, quatre jours au moins à l'avance, des jours et heures auxquels il sera procédé à l'expertise.

Article 5 : Conformément aux dispositions du premier alinéa de l'article R. 621-9 du code de justice administrative, l'expert déposera son rapport au greffe en deux exemplaires, au plus tard le 1er septembre 2019 ; il en notifiera une copie à chacune des parties intéressées ; avec leur accord cette notification pourra s'opérer sous forme électronique.

Article 6 : Tous droits et moyens des parties sont réservés jusqu'en fin d'instance.

Article 7 : Le présent arrêt sera notifié à M. B...A..., au centre hospitalier de

la Basse-Terre à la SHAM, à l'Office national d'indemnisation des accidents médicaux, des affections iatrogènes et des infections nosocomiales, et à la caisse générale de sécurité sociale de La Guadeloupe.

Délibéré après l'audience du 18 décembre 2018 à laquelle siégeaient :

M. Éric Rey-Bèthbéder, président,

M. Didier Salvi, président-assesseur,

M. Manuel Bourgeois, premier conseiller.

Lu en audience publique, le 31 décembre 2018.

Le rapporteur,

Manuel F...

Le président,

Éric Rey-BèthbéderLe greffier,

Vanessa Beuzelin

La République mande et ordonne au ministre des solidarités et de la santé en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.

2

N°16BX04246


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Bordeaux
Formation : 2ème chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 16BX04246
Date de la décision : 31/12/2018
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

60-02-01-01-02 Responsabilité de la puissance publique. Responsabilité en raison des différentes activités des services publics. Service public de santé. Établissements publics d'hospitalisation. Responsabilité pour faute médicale : actes médicaux.


Composition du Tribunal
Président : M. REY-BETHBEDER
Rapporteur ?: M. Manuel BOURGEOIS
Rapporteur public ?: M. NORMAND
Avocat(s) : CABINET D'AVOCATS BJMR

Origine de la décision
Date de l'import : 15/01/2019
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.bordeaux;arret;2018-12-31;16bx04246 ?
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