Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
Par un jugement n° 1304474 du 13 octobre 2016, le tribunal administratif de Toulouse a rejeté la demande de M. A...D...tendant, à titre principal, à ce que l'État soit condamné à lui verser les sommes de 28 449,24, 57 804,50, 23 268,96 et 3 000 euros en réparation, respectivement, de son préjudice moral ainsi que des pertes de rémunération qu'il a subies, respectivement, entre les mois de septembre 2008 et de septembre 2013, puis, jusqu'à son admission à la retraite à l'âge de 62 ans et, enfin, depuis cette admission à la retraite.
Procédure devant la cour :
Par une requête et des mémoires, enregistrés le 9 décembre 2016, le 16 janvier 2017, et le 19 juin 2018, M. D..., représenté par MeB..., demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Toulouse n° 1304474
du 13 octobre 2016 ;
2°) de condamner l'État à lui verser la somme de 28 449,24 euros actualisée au jour de l'arrêt et assortie des intérêts légaux à compter du 10 juin 2013 euros en réparation des pertes de rémunérations qu'il a subies entre les mois de septembre 2008 et de septembre 2013 ;
3°) de condamner l'État à lui verser la somme de 57 804,50, euros actualisée au jour de l'arrêt, en réparation des pertes de rémunération qu'il a subies jusqu'à son admission à la retraite à l'âge de 62 ans ;
4°) de condamner l'État à lui verser la somme de 23 268,96 euros en réparation des pertes de rémunérations qu'il a subies depuis son admission à la retraite ;
5°) de condamner l'État à lui verser les sommes de 3 000 et 2 000 euros en réparation de ses préjudices moral et de carrière ;
6°) de mettre à la charge de l'État la somme de 4 000 euros au titre des frais exposés pour l'instance.
Il soutient que :
- les dispositions de l'article 11 du décret n° 94-1020 dans sa version issue du
décret n° 203-538 et la circulaire d'application n° 2003-178 lui étaient applicables ;
- les dispositions de l'article L. 4139-3 du code de la défense ne régissent pas complètement la situation des anciens militaires qui accèdent aux emplois réservés ;
- les dispositions de l de l'article 5 du décret n° 94-1016 du 18 novembre 1994 lui sont également applicables ;
- les arrêtés de classement le concernant méconnaissent le principe d'égalité de traitement ;
- il justifie de la réalité et du montant de ses préjudices.
Par un mémoire en défense, enregistré le 28 décembre 2017, le ministre de l'éducation nationale conclut au rejet de la requête.
Il soutient que les moyens de la requête ne sont pas fondés.
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu :
- le code de la défense ;
- le décret n° 94-1020 du 23 novembre 1994 ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M.C...,
- et les conclusions de M. Normand, rapporteur public.
Considérant ce qui suit :
1. Par arrêté du recteur de l'académie de Toulouse en date du 11 juillet 2007, M. A...D..., alors militaire infirmier et technicien des hôpitaux des armées, a été nommé, à compter du 1er septembre 2007, infirmier de l'éducation nationale de classe normale stagiaire dans le cadre de la procédure des emplois réservés. Par arrêté du 20 octobre 2008, il a été titularisé à compter du 1er septembre 2008 et reclassé au quatrième échelon de son grade. Enfin, par un arrêté du 12 juillet 2012, M. D...a été intégré dans le corps des infirmiers de l'éducation nationale et de l'enseignement supérieur, au grade d'infirmier de classe normale et au 4ème échelon de ce grade en application des dispositions de l'article 22 du décret du 9 mai 2012. M. D...demande à la cour d'annuler le jugement du 13 octobre 2016 par lequel le tribunal administratif de Toulouse a rejeté sa demande tendant à l'indemnisation des préjudices que lui a causé l'illégalité des arrêtés des 20 octobre 2008 et 12 juillet 2012.
Sur les conclusions à fin d'annulation :
2. Aux termes de l'article 11 du décret du 23 novembre 1994 fixant les dispositions statutaires communes applicables aux corps des infirmières et infirmiers des services médicaux des administrations de l'État alors en vigueur : " Les infirmières et infirmiers qui, avant leur nomination dans l'un des corps régis par le présent décret, ont exercé une activité professionnelle de même nature et ne peuvent se prévaloir de dispositions plus favorables, sont classés lors de leur nomination à un échelon déterminé en prenant en compte, sur la base des durées moyennes d'avancement d'échelon, la durée des services d'infirmier accomplis antérieurement, sous réserve de justifier qu'ils possédaient les titres, diplômes ou autorisations exigés pour l'exercice desdites fonctions antérieures. Cette reprise d'ancienneté ne peut être attribuée qu'une fois au cours de la carrière des intéressés. ".
3. Il résulte de ces dispositions que l'ensemble des infirmiers recrutés dans l'un des corps concernés, y compris s'agissant des militaires recrutés par la voie des emplois réservés, bénéficient d'une reprise de la durée des services qu'ils ont accomplis antérieurement en qualité d'infirmier lorsqu'ils ne peuvent se prévaloir de dispositions plus favorables et sauf dispositions contraires spécifiques aux infirmiers.
4. En l'occurrence, les dispositions de l'article L. 4139-3 du code de la défense applicables au militaires titularisés par la voie des emplois réservés prévoyant uniquement une reprise de la moitié de la durée des services effectifs dans la limite de cinq ans pour l'ancienneté dans le corps ou le cadre d'emploi de catégorie B et n'étant pas spécifiques aux infirmiers,
M. D...est fondé à soutenir que les dispositions précitées de l'article 11 du décret du 23 novembre 1994 lui étaient plus favorables et qu'il aurait, dès lors, dû en bénéficier. Par suite, et sans qu'il soit besoin d'examiner sur ce point les autres moyens de la requête, il est également fondé à soutenir que les arrêtés litigieux des 20 octobre 2008 et 12 juillet 2012 sont illégaux en tant qu'ils n'ont pas fait application de ces dispositions et, par voie de conséquence, que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Toulouse a rejeté sa demande.
5. Il appartient ainsi à la cour, saisie par l'effet dévolutif de l'appel de statuer sur
les conclusions indemnitaires présentées par M. D...devant le tribunal administratif de Toulouse.
Sur les conclusions indemnitaires :
6. En premier lieu, si M. D...soutient que l'illégalité des décisions litigieuses lui a causé des troubles dans ses conditions d'existence et un préjudice et de carrière, il ne l'établit pas en se bornant à soutenir qu'en cas de mutation dans un autre rectorat ou de transfert dans un corps de l'État, il aurait conservé les grades et les échelons dans lesquels il a, à tort, été reclassé.
7. En second lieu, il sera fait une juste appréciation du préjudice moral de l'appelant en l'évaluant à la somme de 1 000 euros, compte tenu du nombre et de la durée des démarches que celui-ci a dû accomplir afin de faire reconnaitre ses droits.
8. En troisième lieu, l'appelant justifie, sans être contesté, que, lors de sa nomination dans le corps des infirmières et infirmiers des services médicaux des administrations, il aurait dû être reclassé au quatrième échelon du grade d'infirmier de classe supérieure, puis au troisième échelon du grade d'infirmier de classe supérieure à compter du 1er juin 2012. Par suite, il est fondé à demander à ce que l'État soit condamné à l'indemniser, dans la limite de la somme
de 86 253,74 euros demandée par l'appelant au titre de ses pertes de revenus, du préjudice financier que lui a causé son reclassement dans un grade et des échelons erronés. Il appartient à l'administration de calculer le montant de ce préjudice à la date de notification du présent arrêt en tenant compte de la rémunération qui aurait dû être celle de M. D...et de son évolution prévisible sur la période concernée.
9. En quatrième et dernier lieu, si M. D...entend également se prévaloir d'un préjudice financier futur concernant sa rémunération puis le montant de sa pension de retraite, ce préjudice ne présente qu'un caractère éventuel tant dans son existence que dans son
montant. Par suite, sa demande doit être rejetée en tant qu'elle porte sur ce chef de préjudice. Il appartient seulement à M.D..., s'il s'y estime fondé, de solliciter de l'administration la reconstitution de sa carrière.
Sur les conclusions tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :
10. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce de mettre à la charge de l'État une somme de 1 500 euros au titre des frais exposés pour l'instance par M.D....
DÉCIDE :
Article 1er : Le jugement du tribunal administratif de Toulouse du 13 octobre 2016 est annulé.
Article 2 : L'État est condamné à verser à M. D...une somme de 1 000 euros au titre de son préjudice moral.
Article 3 : L'État est condamné à verser à M. D...la somme correspondant à son préjudice financier dans les conditions précisées au point 8 du présent arrêt.
Article 4 : L'État versera à M. D...une somme de 1 500 euros au titre
de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 5 : Le surplus des conclusions de la requête est rejeté.
Article 6 : Le présent arrêt sera notifié à M. A...D..., au recteur de l'académie de Toulouse et au ministre de l'éducation nationale et de la jeunesse.
Délibéré après l'audience du 18 décembre 2018 à laquelle siégeaient :
M. Éric Rey-Bèthbéder, président,
M. Didier Salvi, président-assesseur,
M. Manuel Bourgeois, premier conseiller.
Lu en audience publique, le 31 décembre 2018.
Le rapporteur,
Manuel C...
Le président,
Éric Rey-BèthbéderLe greffier,
Vanessa Beuzelin
La République mande et ordonne au ministre de l'éducation nationale et de la jeunesse en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.
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N°16BX03933