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31/12/2018 | FRANCE | N°16BX03804

France | France, Cour administrative d'appel de Bordeaux, 2ème chambre - formation à 3, 31 décembre 2018, 16BX03804


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme B...I...et M. G...I..., agissant en leur nom personnel et pour le compte de leur fille mineure F...I..., ont demandé au tribunal administratif

de Bordeaux de condamner le centre hospitalier d'Agen à leur verser la somme totale

de 497 709 euros en réparation des préjudices subis par leur fille F...lors de sa naissance.

Par un jugement n°1400934 du 18 octobre 2016, le tribunal administratif de Bordeaux a rejeté leur demande ainsi que celle présentée par la caisse du régime social

des indépendants d'Aquitaine.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée ...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme B...I...et M. G...I..., agissant en leur nom personnel et pour le compte de leur fille mineure F...I..., ont demandé au tribunal administratif

de Bordeaux de condamner le centre hospitalier d'Agen à leur verser la somme totale

de 497 709 euros en réparation des préjudices subis par leur fille F...lors de sa naissance.

Par un jugement n°1400934 du 18 octobre 2016, le tribunal administratif de Bordeaux a rejeté leur demande ainsi que celle présentée par la caisse du régime social des indépendants d'Aquitaine.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 1er décembre 2016, Mme F...I..., qui a repris à sa majorité l'instance initiée par ses parents, représentée par MeE..., demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Bordeaux du 18 octobre 2016 ;

2°) de condamner le centre hospitalier d'Agen à lui verser la somme de 497 709 euros en réparation des préjudices qu'elle a subis lors de sa naissance ;

3°) de mettre à la charge du centre hospitalier d'Agen une somme de 2 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, outre les entiers dépens.

Elle soutient que :

- l'hôpital a commis une première faute en s'abstenant d'informer sa mère des risques de dystocie des épaules encourus et de la possibilité de prévoir une césarienne, une deuxième faute en s'absentant de diagnostiquer une macrosomie foetale, une troisième faute en ne pratiquant pas de césarienne et une quatrième faute en pratiquant des manoeuvres d'expression utérine dangereuses pour l'enfant ;

- elle justifie de la réalité et du montant des ses préjudices.

Par un mémoire, enregistré le 28 décembre 2016, l'Office national d'indemnisation des accidents médicaux, des affections iatrogènes et des infections nosocomiales (ONIAM) conclut à sa mise hors de cause.

Il fait valoir que les conditions d'une indemnisation au titre de la solidarité nationale ne sont pas réunies.

Par un mémoire, enregistré le 7 juillet 2017, le centre hospitalier d'Agen, représenté par MeA..., conclut au rejet de la requête et à ce qu'une somme de 4 000 euros soit mise à la charge de M. et Mme I...sur le fondement des dispositions de l'article L.761-1 du code de justice administrative.

Il soutient qu'il n'a commis aucune faute dans le suivi de la grossesse ou à l'occasion de l'accouchement.

Par une lettre du 5 octobre 2018, MmeI..., devenue majeure, a déclaré reprendre l'instance initiée par ses parents.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code de la santé publique ;

- le code de justice administrative ;

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M.H...,

- les conclusions de M. Normand, rapporteur public,

- et les observations de MeC..., représentant Mme F...I...et MeD..., représentant le centre hospitalier d'Agen.

Considérant ce qui suit :

1. Le 28 janvier 2000, Mme B...I...a été admise à la maternité du centre hospitalier d'Agen pour le suivi de fin de grossesse de son cinquième enfant, F..., laquelle présentait une macrosomie foetale. La décision de déclencher l'accouchement, par voie basse, a été prise le 31 janvier 2000 et une indication d'extraction par forceps sous anesthésie péridurale a été posée à raison d'une dystocie des épaules. À sa naissance, F...souffrait d'une paralysie complète du plexus brachial droit qui s'est malheureusement consolidée. L'expert nommé

par le tribunal administratif de Bordeaux a remis son rapport le 25 septembre 2015.

Mme F...I..., qui a repris à sa majorité l'instance initiée par ses parents, demande à la cour d'annuler le jugement du 18 octobre 2016 par lequel le tribunal administratif de Bordeaux a rejeté ses demandes indemnitaires et de condamner le centre hospitalier d'Agen à lui verser la somme totale de 497 709 euros en réparation de ses préjudices.

Sur la responsabilité du centre hospitalier :

2. En premier lieu et aux termes du I de l'article L. 1142-1 du code de la santé

publique : " Hors le cas où leur responsabilité est encourue en raison d'un défaut d'un produit de santé, les professionnels de santé mentionnés à la quatrième partie du présent code, ainsi que tout établissement, service ou organisme dans lesquels sont réalisés des actes individuels de prévention, de diagnostic ou de soins ne sont responsables des conséquences dommageables d'actes de prévention, de diagnostic ou de soins qu'en cas de faute (...) ".

3. Mme I...soutient que le centre hospitalier d'Agen a commis des fautes de nature à engager sa responsabilité en ne diagnostiquant pas la macrosomie foetale qui la caractérisait, en s'abstenant, par suite, de pratiquer la césarienne que cette macrosomie impliquait et en pratiquant, au contraire des manoeuvres d'expression utérine dangereuses pour sa santé.

4. Toutefois, il résulte de l'instruction et notamment du rapport remis par l'expert judiciaire ainsi que de la littérature médicale produite à l'instance, que " le suivi de la grossesse, le suivi du déroulement du travail, la conduite obstétricale suivie pendant l'accouchement, ont été conformes aux règles de l'art de l'obstétrique ainsi qu'aux données acquises de la science au moment des faits ", qu'en dépit d'une macrosomie préalablement diagnostiquée, il n'existait pas d'éléments permettant de " poser l'indication de césarienne d'emblée ", que la survenance d'une dystocie des épaules constitue une complication obstétricale grave et imprévisible, qu'il n'existe pas de lien prouvé entre la macrosomie du foetus, le diabète de la mère et la survenance d'une telle dystocie et que la paralysie obstétricale du plexus brachial qui peut en résulter, mais peut également survenir sans dystocie, est plus probablement causée par les forces développées par la parturiente pendant le travail plutôt que par une traction excessive exercée par les cliniciens. En outre, compte tenu de ses délais de mise en oeuvre, la réalisation d'un accouchement par césarienne n'était plus envisageable lorsque s'est produite la dystocie en cause, laquelle constitue une urgence vitale corroborée, en l'espèce, par l'apparition de signes de détresse foetale, et justifiait au contraire le recours, en extrême urgence, aux forceps et à des manoeuvres d'expression utérine afin de terminer rapidement l'accouchement. Enfin, il ne résulte pas de l'instruction que la paralysie dont est demeurée atteinte Mme I...trouve sa cause dans la réalisation de ces manoeuvres.

5. Dans ces conditions, Mme I...n'est pas fondée à soutenir que le centre hospitalier a commis une ou plusieurs fautes médicales lors de l'accouchement de sa mère.

6. En second lieu, jusqu'au 5 septembre 2001, date fixée par l'article 101 de la loi

du 4 mars 2002 pour l'application des dispositions de l'article L. 1111-2 du code de la santé publique, lorsque l'acte médical envisagé, même accompli conformément aux règles de l'art, comporte des risques connus de décès ou d'invalidité, le patient doit en être informé dans des conditions qui permettent de recueillir son consentement éclairé. Si cette information n'est pas requise en cas d'urgence, d'impossibilité, de refus du patient d'être informé, la seule circonstance que les risques ne se réalisent qu'exceptionnellement ne dispense pas les praticiens de leur obligation.

7. La circonstance que l'accouchement par voie basse constitue un événement naturel et non un acte médical ne dispense pas les médecins de l'obligation de porter, le cas échéant, à la connaissance de la femme enceinte les risques qu'il est susceptible de présenter eu égard notamment à son état de santé, à celui du foetus ou à ses antécédents médicaux, et les moyens de les prévenir. En particulier, en présence d'une pathologie de la mère ou de l'enfant à naître ou d'antécédents médicaux entraînant un risque connu en cas d'accouchement par voie basse, l'intéressée doit être informée de ce risque ainsi que de la possibilité de procéder à une césarienne et des risques inhérents à une telle intervention.

8. Il résulte de ce qui a été dit au point 3 du présent arrêt que ni la macrosomie foetale de Mme I...ni l'état de santé de sa mère ne permettaient d'identifier un risque particulier en matière d'accouchement par voie basse. Par suite, l'appelante n'est pas fondée à soutenir que sa mère aurait dû être informée de ce risque ainsi que de la possibilité de procéder à une césarienne.

9. Il résulte de tout ce qui précède que les conclusions de Mme I...tendant à l'annulation du jugement attaqué doivent être rejetées.

Sur les conclusions tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

10. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que la somme que réclame Mme I...soit mise à la charge du centre hospitalier d'Agen qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance. Dans les circonstances de l'espèce, il n'y a pas lieu de mettre à la charge de MmeI..., la somme que demande le centre hospitalier d'Agen au titre des frais exposés pour l'instance.

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de Mme I...est rejetée.

Article 2 : Les conclusions du centre hospitalier d'Agen tendant à l'application de

l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à Mme F...I..., au centre hospitalier d'Agen, à l'Office national d'indemnisation des accidents médicaux, des affections iatrogènes et des infections nosocomiales, et à la caisse locale déléguée pour la sécurité sociale des travailleurs indépendants.

Délibéré après l'audience du 18 décembre 2018 à laquelle siégeaient :

M. Éric Rey-Bèthbéder, président,

M. Didier Salvi, président-assesseur,

M. Manuel Bourgeois, premier conseiller.

Lu en audience publique, le 31 décembre 2018.

Le rapporteur,

Manuel H...

Le président,

Éric Rey-BèthbéderLe greffier,

Vanessa Beuzelin

La République mande et ordonne au ministre des solidarités et de la santé en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.

2

N° 16BX03804


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Bordeaux
Formation : 2ème chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 16BX03804
Date de la décision : 31/12/2018
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

60-02-01-01-02 Responsabilité de la puissance publique. Responsabilité en raison des différentes activités des services publics. Service public de santé. Établissements publics d'hospitalisation. Responsabilité pour faute médicale : actes médicaux.


Composition du Tribunal
Président : M. REY-BETHBEDER
Rapporteur ?: M. Manuel BOURGEOIS
Rapporteur public ?: M. NORMAND
Avocat(s) : FABRE-SAVARY-FABBRO, SOCIETE D'AVOCATS

Origine de la décision
Date de l'import : 15/01/2019
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.bordeaux;arret;2018-12-31;16bx03804 ?
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