Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
Mme D...A...a demandé au tribunal administratif de la Guadeloupe de condamner la commune de Morne-à-l'Eau à lui verser la somme totale de 13 117,42 euros en réparation des préjudices qu'elle a subis à raison de l'accident dont elle a été victime sur la voie publique le 28 août 2012, ainsi que la somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Par un jugement n° 1500248 du 21 juillet 2016, le tribunal administratif de la Guadeloupe a rejeté la demande de MmeA....
Procédure devant la cour :
Par une requête enregistrée le 6 septembre 2016, MmeA..., représentée par Me C..., demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement du 21 juillet 2016 ;
2°) de condamner la commune de Morne-à-l'Eau à lui verser la somme totale de 13 117,42 euros en réparation des préjudices qu'elle a subis à raison de l'accident survenu le 28 août 2012 ;
3°) de mettre à la charge de cette même commune la somme de 5 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- contrairement à ce qu'a jugé le tribunal administratif, des travaux de réfection de la chaussée ont causé l'accident dont elle a été victime ; aucune signalisation n'indiquait la présence de travaux publics ou d'obstacle ; elle avait la qualité de tiers par rapport à ces travaux ; la responsabilité sans faute de la commune de Morne-à-l'Eau s'en trouve engagée en sa qualité de maître d'ouvrage ; la responsabilité du maire de la commune, en tant que titulaire des pouvoirs de police, s'en trouve pareillement engagée, ;
- ses préjudices s'élèvent aux sommes de 327,42 euros au titre de l'assistance d'une tierce personne avant consolidation, 1 390 euros au titre du déficit fonctionnel temporaire, 6 000 euros au titre des souffrances endurées, 1 500 euros au titre du préjudice esthétique temporaire, 1 500 euros au titre du préjudice esthétique permanent et 2 400 euros au titre du déficit fonctionnel permanent.
Par un mémoire en défense enregistré le 21 février 2017, la commune de Morne-à-l'Eau, représentée par MeB..., conclut au rejet de la requête et à ce qu'une somme de 2 000 euros soit mise à la charge de Mme A...au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- la requérante n'a pas formé, auprès du maître d'ouvrage, de réclamation indemnitaire préalablement à la saisine du tribunal administratif ; en effet, les seules lettres datées des 16 et 17 octobre 2012, adressées à la commune, ne comportent aucune demande indemnitaire ;
- la requérante n'était pas tiers aux travaux publics en cause, mais avait la qualité d'usager de la voie publique ; elle ne saurait donc se prévaloir d'un régime de responsabilité sans faute ;
- le lien de causalité entre les travaux publics en cause et le dommage pour lequel il est demandé réparation n'est pas établi ;
- les indemnités sollicitées sont excessives.
Par ordonnance du 8 décembre 2017, la clôture d'instruction a été fixée au 31 janvier 2018 à 12h00.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu l'ordonnance du 30 janvier 2015, par laquelle le président du tribunal administratif a taxé les frais de l'expertise réalisée par le Docteur Rouvillain.
Vu :
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. David Katz,
- et les conclusions de Mme Déborah de Paz, rapporteur public.
Considérant ce qui suit :
1. Mme A...a demandé au tribunal administratif de la Guadeloupe la condamnation de la commune de Morne-à-l'Eau à réparer les préjudices corporels résultant d'un accident survenu le 28 août 2012, alors qu'elle était âgée de 39 ans, et qu'elle a imputé à des travaux publics réalisés sur la voie publique dénommée route de Gensolin. Par jugement du 21 juillet 2016, le tribunal a rejeté cette demande. Par sa requête, Mme A...relève appel de ce jugement et demande à la cour de condamner la commune à lui verser la somme totale de 13 117,42 euros en réparation de ses préjudices et la somme de 5 000 au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Sur la fin de non-recevoir opposée à la demande de première instance :
2. Aux termes de l'article R. 421-1 du code de justice administrative, dans sa rédaction alors applicable : " Sauf en matière de travaux publics, la juridiction ne peut être saisie que par voie de recours formé contre une décision, et ce, dans les deux mois à partir de la notification ou de la publication de la décision attaquée ". Dès lors que la demande de première instance de Mme A...tendait à rechercher la responsabilité de la commune de Morne-à-l'Eau à raison de travaux publics, elle n'avait pas à adresser une réclamation indemnitaire au maître d'ouvrage préalablement à la saisine du juge. La fin de non-recevoir opposée par la commune, tirée d'un défaut de liaison du contentieux en raison de ce que les seules lettres qui lui ont été adressées par Mme A...évoquant l'accident litigieux ne comportaient aucune demande indemnitaire, ne peut donc être accueillie.
Sur la responsabilité :
3. Il appartient à l'usager, victime d'un dommage survenu sur une voie publique, d'établir l'existence de l'obstacle et d'un lien de causalité direct et certain entre celui-ci et le préjudice. La collectivité en charge de l'ouvrage public doit alors, pour que sa responsabilité ne soit pas retenue, établir que l'ouvrage public faisait l'objet d'un entretien normal ou que le dommage est imputable à la faute de la victime ou à un cas de force majeure.
4. Pour rejeter la demande indemnitaire de MmeA..., le tribunal administratif a considéré que cette dernière n'établissait ni la matérialité de sa chute dans les conditions qu'elle décrivait, ni le lien de causalité entre le dommage subi et les travaux publics effectués sur la route de Gensolin. Il résulte toutefois de l'instruction, notamment du rapport de gendarmerie daté du 22 octobre 2013 relatant les faits qui se sont déroulés le 28 août 2012, ainsi que d'une attestation du service départemental d'incendie et de secours de la Guadeloupe datée du 3 juillet 2013 relative à une intervention du 28 août 2012, produits l'un et l'autre pour la première fois en appel, que Mme A...a été retrouvée le 28 août 2012 semi-couchée dans un trou d'une profondeur d'environ 1 mètre, situé le long d'une chaussée sans accotement, à un endroit ou l'espace entre la voie réservée aux véhicules et le bord du fossé permettait à peine le passage d'un piéton. Il est attesté par les mêmes documents que Mme A...présentait des blessures lors de sa prise en charge par les services de secours, aux environs de 11h45. Il résulte aussi du rapport de gendarmerie précité que le trou dans lequel Mme A...a chuté ne faisait l'objet d'aucune signalisation ni d'aucune mesure de protection contre les chutes. La commune de Morne-à-l'Eau, qui ne conteste pas l'absence de signalisation des travaux de réfection dont faisait l'objet la chaussée, ni celle du trou en cause, n'établit pas que celui-ci n'excédait pas, par sa nature et son importance, les obstacles que les usagers de la voie publique doivent normalement s'attendre à rencontrer. Par conséquent, c'est à tort que le tribunal administratif a considéré que la responsabilité de la commune de Morne-à-l'Eau ne pouvait être engagée à raison d'un défaut d'entretien normal de la voie publique.
5. Il résulte cependant de l'instruction que Mme A...ne pouvait pas ignorer que la voie sur laquelle elle était engagée faisait l'objet de travaux de réfection, de même qu'elle ne pouvait pas ignorer que cette voie était dépourvue de trottoir. En s'abstenant d'apporter à sa marche toutes les précautions requises compte tenu de la configuration des lieux, et quand bien-même elle aurait dû se déporter sur le bas-côté en raison du passage de deux camions sur la chaussée, ainsi qu'elle le soutient, Mme A...a commis une imprudence constitutive d'une faute de nature à exonérer la commune de Morne-à-l'Eau de sa responsabilité à hauteur de 50 %. Il suit de là que MmeA..., en sa qualité d'usager de la voie publique, est fondée à demander la condamnation de la commune, pour défaut d'entretien normal de cet ouvrage, à réparer la moitié des préjudices résultant de l'accident dont elle a été victime le 28 août 2012.
Sur les préjudices :
6. Il résulte de l'instruction, notamment du rapport d'expertise, que MmeA..., dont l'état a été considéré par l'expert comme étant consolidé au 30 août 2013, a connu, du fait de l'accident dont elle a été victime, une période de déficit fonctionnel total pendant trois jours, puis des périodes de déficit fonctionnel partiel couvrant un total de 179 jours, du 31 août 2012 au 27 septembre 2012, avec un déficit fonctionnel temporaire partiel " de classe IV ", du 28 septembre 2012 au 17 octobre 2012, un déficit fonctionnel temporaire partiel " de classe III ", du 18 octobre 2012 au 31 décembre 2012, un déficit fonctionnel partiel " de stade 2 " et, du 31 décembre 2012 au 28 février 2013, un déficit fonctionnel partiel " de stade 1 ". En outre, Mme A... demeure atteinte d'un déficit fonctionnel permanent évalué par l'expert au taux de 2 %. Il sera fait une juste appréciation des préjudices de toutes natures subis à raison de ces déficits fonctionnels en les évaluant à la somme de 3 790 euros qu'elle sollicite à ce titre.
7. Il résulte également de l'instruction que Mme A...a supporté des souffrances évaluées par l'expert à 2 sur une échelle de 7 et un préjudice esthétique temporaire et permanent que l'expert a globalement évalué à 1 sur une échelle de 7. Il sera fait une juste appréciation des préjudices ainsi subis en les évaluant respectivement à la somme de 2 000 euros et de 1 000 euros.
8. Enfin, le principe de la réparation intégrale du préjudice impose que les frais liés à l'assistance à domicile de la victime par une tierce personne, alors même qu'elle serait assurée par un membre de sa famille, soient évalués à une somme qui ne saurait être inférieure au montant du salaire minimum augmenté des charges sociales, appliqué à une durée journalière, dans le respect des règles du droit du travail. Il résulte de l'instruction, notamment du rapport d'expertise, que l'état de santé de MmeA..., en particulier entre le 31 août 2012 et le 17 octobre 2012, période durant laquelle elle souffrait d'un déficit fonctionnel temporaire partiel " de classe IV ", a nécessité l'assistance de sa mère et de sa soeur. Il y a lieu d'évaluer le coût de cette assistance, dont il n'est pas sérieusement contesté qu'elle a été nécessitée à raison de 3 heures par semaine, à la somme demandée de 327,42 euros.
9. Il résulte de tout ce qui précède que Mme A...est fondée à demander l'annulation du jugement et la condamnation de la commune de Morne-à-l'Eau à lui verser, compte tenu du partage de responsabilité ci-dessus retenu, la somme de 3 558,71 euros.
Sur les dépens :
10. Il y a lieu de mettre les frais de l'expertise, taxés et liquidés par ordonnance du 30 janvier 2015 à la somme de 1 000 euros, à la charge définitive de la commune de Morne-à-l'Eau.
Sur les conclusions tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :
11. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de faire application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de mettre à la charge de la commune de Morne-à-l'Eau la somme de 1 500 euros au titre des frais exposés par Mme A...et non compris dans les dépens. Les dispositions du même article font obstacle à ce que soit mise à la charge de MmeA..., qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, la somme que la commune demande au titre des frais exposés non compris dans les dépens.
DECIDE :
Article 1er : Le jugement du tribunal administratif de la Guadeloupe du 21 juillet 2016 est annulé.
Article 2 : La commune de Morne-à-l'Eau est condamnée à verser à Mme A...la somme de 3 558,71 euros en réparation des préjudices qu'elle a subis et la somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 3 : Les frais d'expertise, d'un montant de 1 000 euros, sont mis à la charge de la commune de Morne-à-l'Eau.
Article 4 : Le surplus des conclusions des parties est rejeté.
Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à Marie-AnnickA..., à la commune de Morne-à-l'Eau et à la caisse générale de sécurité sociale de la Guadeloupe. Copie en sera adressée au préfet de la Guadeloupe et à la ministre des outre-mer.
Délibéré après l'audience du 29 novembre 2018 à laquelle siégeaient :
M. Aymard de Malafosse, président,
M. Laurent Pouget, président-assesseur,
M. David Katz, premier conseiller,
Lu en audience publique, le 20 décembre 2018.
Le rapporteur,
David KATZLe président,
Aymard de MALAFOSSELe greffier,
Christophe PELLETIER
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur, et à tous huissiers de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt. Pour expédition certifiée conforme.
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N° 16BX03113